Ltt André Landre
André Auguste Eugène Landre voit le jour à Verdun, le 4 janvier 1894. Son père, Ferdinand, est un officier d'artillerie en garnison à Verdun, où il a fait la connaissance de Louise Gérard, fille d'un notaire de la ville. Ensemble, ils auront 4 enfants, 2 garçons et deux filles.
Après son baccalauréat, André est admis à l'école de Saint-Cyr en 1913. A l'époque, les jeunes admis, avant d'intégrer l'école, doivent effectuer un an dans la troupe. Il est appelé au 29ème bataillon de Chasseurs à Pied de Verdun, le 10 octobre 1912. Malheureusement, il tombe gravement malade, certainement victime d'une pleurésie associée à un début de tuberculose. Ne pouvant intégrer l'école à la rentrée, il obtient un long congé de convalescence jusqu'en octobre 1914. La déclaration de guerre :
Le 3 août 1914, la guerre est déclarée. La famille du chef d'escadron Ferdinand Landre habite Nancy. Son père a exigé qu'André, alors âgé de 20 ans, quitte Nancy pour Besançon. Il juge la ville beaucoup trop exposée pour lui, en raison de la proximité de la frontière allemande. C'est à Besançon qu'André attendra sa mobilisation.
Toute sa famille, restée à Nancy, subit les bombardements, pendant la bataille du Grand Couronné qui va durer jusqu'au milieu du mois de septembre. Le 9 septembre, son père, Ferdinand est blessé au bras et évacué sur Dijon où sa famille le rejoint. Après un mois de convalescence, il est renvoyé au front près d'Arras.
En décembre 1914, André est mobilisé. Il est nommé sous-lieutenant et affecté au 29ème bataillon de Chasseurs à Pied de Mamers dans la Sarthe. Aussitôt, il fait une demande pour être affectué à l'aviation au titre d'observateur.
Slt André Landre pose dans son uniforme du 29ème chasseurs à pied de Mamers dans la Sarthe - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Son père est tué à Hermaville :
Le 10 janvier 1915, son père, maintenant lieutenant-colonel au 53ème régiment d'artillerie, est tué par un éclat d'obus à la tête à Hermaville (62) alors qu'il visitait une batterie sous son commandement, sous le feu de l'artillerie allemande. Il était à cheval sans casque et coiffé d'un simple képi ! Il avait 53 ans.
Nancy, le 21 Janvier 1915,
"Ma chère cousine,
Il est bien pénible de répondre à votre lettre de deuil par une lettre de deuil. Mon père le lieutenant-colonel Landre, affecté au 53ème régiment d’artillerie vient d’être tué glorieusement près d’Arras, et c’est moi votre cousin qui vient d’ouvrir la lettre qui vous lui aviez adressé, relatant votre situation après la mort de mon oncle Gustave.
Mon pauvre papa faisait partie, au début de la guerre, du 8éme régiment d’artillerie et se battit devant Nancy, donc pour notre foyer même, et fut blessé d’un éclat d’obus au bras droit, ainsi qu’il a dû vous l’écrire. Reparti au front le 15 octobre, il se trouvait depuis cette date devant Arras; et après deux propositions, venait d’être enfin nommé lieutenant-colonel, quand il est tombé, frappé mortellement le 8 janvier. Il venait d’inspecter ses batteries et allait remonter à cheval sur une route que l’ennemi venait de canonner violemment quand quelques obus attardés éclatèrent près de lui et une balle de shrapnell le frappa à la tête pénétrant profondément dans le cerveau; il tomba comme une masse et malgré les soins immédiatement prodigués, il mourut sans souffrance et sans avoir repris connaissance le dimanche 10, entouré de l’affection et de la sympathie de tous.
Ma pauvre maman fut prévenue assez rapidement, et quitta Nancy immédiatement, espérant le trouver encore en vie ; je la rejoignis à Amiens, et je pus accomplir avec elle, mon frère et mes soeurs un triste pélérinage sur la tombe de celui que nous pleurons, une tombe de soldat, au pied d’un arbre, qui se trouve à Hermaville à 10 km. à l’ouest d’Arras.
C ‘est une fin glorieuse, la seule qui convenait à un homme comme lui, qui est mort en bon soldat et en bon chrétien; Dieu lui a certainement fait miséricorde.
Vous savez, hélas par expérience, combien la mort d’un père aimé est pénible, aussi n’insisterai-je pas sur notre douleur. Notre foyer est détruit et nous ne savons pas encore comment nous vivrons. Nos principales ressources venaient de la solde de mon père, qui ne possédait, vous le savez aucune fortune. Cette source est tarie maintenant, et la pension que maman doit avoir est bien peu de chose, aussi avons-nous bien des questions difficiles à solutionner.
La famille de ma mère qui habitait Verdun en a été chassée par la guerre ; ma grand-mère malade se trouve à Besançon chez la soeur de maman et mon oncle (le frère de maman) est réfugié en Charente-inférieure.
Notre malheureuse Lorraine est absolument ruinée et dévastée et sera inhabitable quand l’ouragan sera passé. Nous ne savons ce que nous pourrons faire et ce qui nous restera.
Personnellement, j’ai été reçu à Saint-Cyr en 1912. Gravement malade, je n’ai pu partir à la mobilisation, et c’est seulement au mois de novembre que j’ai été nommé sous-lieutenant au 29ème bataillon de chasseurs à pied (dont la garnison en temps de paix est à Saint-Mihiel). Je n’ai passé que quelques jours sur la ligne de feu, dans les Hauts de Meuse, et je me trouvais, quand j’ai appris la fatale nouvelle, au dépôt de mon corps à Mamers (Sarthe). J’ai pu obtenir une permission qui m’a permis d’accompagner maman et de revenir avec elle jusqu’ici et il me faut maintenant rentrer au dépôt en attendant que je reparte au feu.
Mon frère, trop jeune pour être mobilisé, fait sa deuxième année de droit à Nancy. Il est probable que, au moins momentanément, je ferai quitter Nancy à ma famille pour aller sans doute dans l’ouest. Rester ici serait trop pénible pour maman et par surcroît dangereux. Pensez que la ville a déjà subi un bombardement et a reçu quantité de bombes d’aéroplanes et de zeppelin, et ce n’est pas fini. En tous cas, vous serez tenus au courant de ce que nous devenons et de ce que nous ferons et je répondrai au désir de mon cher papa en vous aidant au besoin dans la mesure de nos faibles moyens. Je suis heureux que pour le moment vous paraissiez vous tirer d’affaire et je suis bien content que le mandat de papa soit arrivé à bon port. J’ai à ajouter de la part de ma chère maman que 10 messes sont et seront dites pour mon oncle Gustave.
Je termine, ma chère cousine, en vous demandant de bien vouloir prier pour notre père en même temps que pour le vôtre. Je serai bien heureux d’avoir de vos nouvelles et de savoir ce que vous faites. En attendant, au nom de maman et de mes frère et soeurs, je me permets de vous embrasser affectueusement ainsi que ma tante et mon cousin."
André Landre
29ème bataillon de chasseurs. Mamers
11 rue Baron Louis, Nancy Il obtient son affectation à l'aéronautique :
En mai 1915, la demande d'affectation d'André pour l'aéronautique militaire est acceptée. Il est promu comme observateur en aéroplane et part pour un stage de trois semaines à la Réserve Générale de l'Aviation (RGA) du Bourget.
Le Slt André Landre (3ème en partant de la gauche) pose en compagnie des officiers qui participent avec lui au stage visant à former ces militaires à la fonction d'observateur aérien - Ils sont pour la plupart issus de l'artillerie et de la cavalerie - L'avion, à l'arrière plan, est un MF 11 à moteur 80 ch - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Heures de vol effectuées par André Landre au centre RGA du Bourget :
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Le 22 mai 1915 - un vol de 15 mn, en compagnie du Sgt Marius Conard, à bord d'un Caudron G III - Altitude 700 m.
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Le 23 mai 1915 - un vol de 35 mn, en compagnie du Sgt Marius Conard, à bord d'un Caudron G III - Altitude 1700 m.
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Le 24 mai 1915 - trois vols :
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un vol d'une 1h05, en compagnie du Caporal Albert Moris, à bord d'un Voisin L - Altitude 1450 m.
- un vol de 15 mn, en compagnie du Sgt Marius Conard, à bord d'un Caudron G III - Altitude 450 m.
- un vol de 20 mn, en compagnie du Sgt Girard, à bord d'un Voisin L - Altitude 850 m.
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Le 25 mai 1915 - 6 vols :
- un vol de 30 mn, en compagnie du Sgt Marius Conard, à bord d'un Caudron G III - Altitude 1500 m.
- un vol de 7 mn, en compagnie du Sgt Dupuis, à bord d'un Voisin L - Altitude 200 m. (problème technique)
- un vol de 50 mn, en compagnie du Sgt Dupuis, à bord d'un Voisin L - Altitude 2100 m.
- trois vols pour un total de 45 mn, en compagnie du Caporal Albert Moris, à bord d'un Voisin L - Altitude comprise entre 300 à 1100 m.
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Le 26 mai 1915 - 2 vols pour un total de 2h20, en compagnie du Sgt Cochet, à bord d'un MF 11 - Altitude 3100 m.
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Le 27 mai 1915 - un vol de 50 mn, en compagnie du Sgt Girardot, à bord d'un MF 11 - Altitude 2500 m.
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Le 28 mai 1915 - un vol d'une 1h30, en compagnie du Sgt Breton, à bord d'un Voisin L - Altitude 1900 m.
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Le 29 mai 1915 - un vol de 50 mn, en compagnie du Sgt Marius Conard, à bord d'un Caudron G III - Altitude 2000 m.
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Le 30 mai 1915 - deux vols pour un total de 40 mn, en compagnie du Ltt François Carus, chef de la division Caudron, à bord d'un Caudron G III ou G IV - Altitude 1600 m.
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Le 1er juin 1915 - un vol de 3h25mn, en compagnie du Sgt Dimbert, à bord d'un MF 11 - Altitude 900 m.
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Le 3 juin 1915 - un vol de 55 mn, en compagnie du Sgt Aristide Jan, à bord d'un MF 11 - Altitude 2400 m.
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Le 6 juin 1915 - un vol d'une heure, en compagnie du Sgt Aristide Jan, à bord d'un MF 11 - Altitude 1300 m.
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Le 7 juin 1915 - deux vols pour un total de 50 mn, en compagnie du Caporal Albert Moris, à bord d'un Voisin L - Altitude 2400 m.
- Le 9 juin 1915 - deux vols pour un total de 2h25mn :
- en compagnie de l'Adj (illisible), à bord d'un MF 11 - Altitude 2100 m.
- en compagnie de l'Adj Delorme, au bord d'un Caudron G III - Altitude 2000 m.
- Total des heures effectuées par André Landre au Bourget : 19h30
Le Bourget, le 24 mai 1915,
"Ma chère Nanon,
Enfin après l’avoir tant désiré, j’ai fini par être versé dans l’aviation. J’ai secoué sur Mamers la poussière de mes sandales, il y a 4 jours et suis venu au Bourget, à la réserve générale de l’aviation, ou l’on forme un certain nombre d’observateurs. J’ai reçu hier le baptême de l’air, en faisant un petit vol à 800 m, sur biplan. Le départ est très agréable, principalement le moment où on quitte le sol ; mais j’avoue avoir eu un petit battement de coeur en montant sur l’appareil. Hier, j’ai fait un vol à 1800 m et nous sommes descendus rapidement en spirale. Cela cause une impression extraordinaire. Le sol semble être au dessus de vous et on ne sait plus où l’on est. En outre à la descente on éprouve un peu d’oppression et des bourdonnements d’oreilles dus au brusque changement de pression…. Notre travail est assez varié : recherche de batteries plus ou moins dissimulées, photographie, réglage de tirs par télégraphie sans fil etc… Au moins on a l’impression d’être plus en guerre qu’à Mamers.
J’espère être assez solide pour continuer le métier, et je souhaite ne pas me casser la figure inutilement…..
Je vous embrasse tous affectueusement.
André"
Ltt André Auguste Eugène Landre - Né à Verdun (55), le 4 février 1894 - Fils de Ferdinand Landre, officier d'artillerie et de Louise Gérard - Appelé au 29ème bataillon de Chasseurs à Pied de Verdun, le 10 octobre 1912 - Mobilisé comme sous-lieutenant au 29ème bataillon de Chasseurs à Pied de Mamers dans la Sarthe en décembre 1914 - Passé à l'aéronautique comme observateur en mai 1915 - Formation à la fonction d'observateur en aéroplane en 19h30 de vol au centre RGA du Bourget du 20 mai au 12 juin 1915 - Observateur de l'escadrille C 18 - Tué au combat dans les environs de Récicourt (55), le 5 mai 1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Il est affecté à l'escadrille C 18 :
Il est ensuite affecté à l'escadrille C 18 stationnée dans la région de Verdun, le 12 juin 1915. Cette affectation est principalement due au fait qu'il connaisse parfaitement la région.
"Ma chère Nanon,
Après avoir terminé mon stage au Bourget, j’ai obtenu ma demande d’être envoyé dans la région que je désirais à peu près et c’est ainsi que ma nouvelle adresse est
Escadrille C 18 Place de Verdun
J’y suis arrivé avant-hier, et je monte sur biplan Caudron. J’ai déjà fait deux reconnaissances et commence à me familiariser avec toutes les lignes ennemies avoisinantes. Chose curieuse, que je regrette un peu dans ces deux sorties, les allemands ne nous ont pas canonnées quoiqu’ils le fassent presque toujours, mais je crois que celq viendra plus tôt peut-être que je ne le voudrai. Evidemment le danger est assez grand plus peut-être qu’ailleurs, étant donné le rôle un peu spécial d’escadrille de place que nous jouons, qui nous oblige à rester constamment au dessus des lignes pour régler des tirs. Mais enfin, A Dieu vat, il faut être fataliste.
Aujourd’hui, j’ai pu aller chercher la Marie à Belleville, pour m’ouvrir la maison. Je l’ai trouvée la maison dans un état de désordre et de saleté inexprimable. L’électricité allumée depuis le départ des M… soit 10 jours, des asticots pleins les casseroles etc... et toutes les plantes à peu près mortes. Et par-dessus tout du désordre et de la saleté. Que dirait Mémé et à bon droit car Toto 6 avait défendu à la Marie de signaler tout cela…Je vais tâcher de faire mettre un peu d’ordre et de propreté. Je ne sais pas où est maman ? J’attends de leurs nouvelles à tous impatiemment, et vous embrasse de tout coeur .
André"
Heures de vol effectuées par André Landre au sein de l'escadrille C 18 :
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Le 15 juin 1915 - une mission d'une heure, en compagnie du Caporal Didier Masson, sur le bois de Forges (55) - Altitude 2600 m.
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Le 16 juin 1915 - une mission de 1h05, en compagnie du Caporal Didier Masson, sur Douaumont, Hautes Charrières, Eparges ( 55) - Altitude 2600 m.
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Le 17 juin 1915 - une mission de 1h50, en compagnie du MdL Maxime Lenoir (le futur As de l'escadrille N 23), sur Moyenville, la forêt de Spincourt (55) - Il lance 1500 fléchettes Bon sur le bois de Grémilly - Altitude 2900 m.
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Le 18 juin 1915 - une mission de 25mn, en compagnie de l'Adj Lucien Béjou, sur les environs immédiats de Verdun - Altitude 1200 m.
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Le 20 juin 1915 - une mission de 1h25, à bord d'un Caudron G IV piloté par le Cne Joseph de la Laissardière, commandant de la C 18, sur la région des Eparges et des Hautes Charrières (55) - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 3000 m
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Le 21 juin 1915 - une mission de 1h15 sur Vacherauville - Ornes - Etain, en compagnie de l'Asp Georges Gayral - Il a tiré plusieurs coups de carabine - Altitude 2700 m.
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Le 26 juin 1915 - une mission de 1h15 sur Etain - La Meuse, en compagnie du Caporal Didier Masson - Altitude 2400 m.
- Le 27 juin 1915 - une mission de 1h30 sur le Mort-Homme - Heutmont - Ornes - Foumeix, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 2750 m.
- Le 30 juin 1915 - une mission de 1h30 sur la vallée de la Meuse - Laroix - St-Mihiel, en compagnie du Sgt André Varène - Altitude 2500 m.
Verdun, 23 Juin 1915,
"Ma chère maman,
Je viens d’être rejoint par les lettres que tu avais adressées au Bourget. Ce sont là des nouvelles rétrospectives, mais qui ne m’en font pas moins plaisir.
Voila deux jours que je n’ai pu voler à cause du temps couvert et des averses que nous avons eues. Quoique le temps soit encore incertain et nuageux, il est possible que je sorte ce soir, ne serait-ce que pour expérimenter en l’air la mitrailleuse anglaise que l’on va mettre sur mon appareil et que je viens d’étudier un peu.
Hier après-midi, à 3 heures, malgré les orages menaçants, comme je n’avais rien à faire, j’ai décidé d’aller faire un tour à Regnéville. J’ai donc été en auto avec deux camarades jusqu’à Cumières. Pas moyen d’aller plus loin, car sur la côte, on recevait des coups de canon. Nous avons perdu quelque temps pour traverser dans sa largeur le bois de Cumières et aller voir les tranchées allemandes qui sont sur la côte entre Forges et le bois de Forges. Elles ont l’air très bien défendues. Pendant que nous étions là, les allemands s’amusaient à envoyer quelques obus sur la côte de Marre. Ensuite nous nous sommes dirigés pédestrement vers Regnéville à flanc de coteau, mais vers les vignes, nous avons été pris par un orage des plus réussis et nous avons cherché un vague abri à coté d’une pièce de 75 qui se trouvait là… avec d’autres. L’averse passée, nous avons continué à travers champs; comme bien entendu le territoire n’est plus cultivé, il y a des herbes très hautes et bien mouillées dans lesquelles nous avons pris un bain de pied remarquable. Toute cette côte jusqu’au chemin de fer et même au-delà, presque jusqu’à la Meuse est criblée d’obus de tous calibres. Il y a là des tonnes de ferraille. Pour les abris, etc… on a naturellement coupé bien des arbres et bon nombre de gros peupliers qui longeaient la Meuse ont disparu , de même l’orme.
L’orme n’existe plus qu’à l’état de souvenir. Je ne sais pas si on l’a abattu, ou si on l’a démoli à coups de canon. Le village n’est occupé que par peu de monde et deux officiers qui logent dans la maison avec ce qui reste du mobilier. Ce sont deux lieutenants de hussards. Inutile de te dire que la maison est abominablement ravagée. Il ne reste rien que quelques bois de lits, le secrétaire dont les tiroirs se baladent un peu partout, la commode de ta chambre dans le même état et c’est tout. Tout le reste a disparu ou a été brisé (comme l’armoire à glace de la chambre de Mémé). On croirait plus volontiers, à voir tout cela fait inutilement, que ce sont des allemands qui y sont passés plutôt que des français. C’est dégoutant de voir des « corps » se permettre cela.
Le jardin, dont une grande partie est une véritable brousse a été de nouveau canonné avec une grosse pièce 150 ou 210. Il y a des trous tout près des noisetiers et il y a même un gros obus non éclaté. Il est tombé entre l’ancien emplacement des cabinets et le poulailler et est enterré sans doute peu profondément; en tous cas c’est un voisinage dangereux et comme il suffirait peut-être de bêcher là pour qu’il explose, rappelez-vous en à l’occasion. Le mur du jardin est démoli près de la serre et il y a là un boyau qui permet d’examiner tranquillement le bois de Forges. Dans le village ; outre les maisons derrière l’église et celle de la mère Wèbre qui sont démolies, il y a d’endommagées, plus ou moins sérieusement : celles derrière le jardin, une sur la route de Forges, celles des Olivier, des Eloi, des Robinet, de la Constance. Comme habitants, il y en a peut-être une demi-douzaine, dont la Constance que j’ai vue et qui a pas mal maigri. En somme, Regnéville est Kapout, et pourtant en ce moment cela semble calme, délicieux, un peu sauvage et les arbres sont pleins de fruits.
Il y a un obus tombé sur la maison de la Constance (avec d’autres), juste à deux mètres de notre toit. Il a fait un trou énorme et abimé la chambre de Lili où un gros éclat a fait un trou dans le mur. En bas les fenêtres ont été criblées d’éclats et brisées, et le mur est éclaboussé.
Comme gibier, j’ai vu des perdreaux, mais tout cela est archi-braconné (je me suis pris deux fois au lacet dans les champs !! ) Quand à la pêche, il n’y a plus du tout de goujons, tout ayant été détruit à la dynamite….
André.
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Le 1er juillet 1915 - une mission de 1h20 sur Etain et la Meuse, en compagnie du Caporal Didier Masson - Altitude 2200 m.
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Le 2 juillet 1915 - une mission de 1h35 sur le Mort-Homme - Cerny - Etain, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 3000 m.
Retour de mission sur Verdun d'un Caudron G 3 de l'escadrille C 18, le 2 juillet 1915 - Il revient se poser à Toul - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
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Le 3 juillet 1915 - une mission de 2h sur le Mort-Homme - Etain - Les Eparges - La Meuse, en compagnie de l'Asp Georges Gayral - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 3200 m.
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Le 6 juillet 1915 - une mission pour faire des essais de photos pendant 25 mn sur la région de Verdun, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Altitude 1100 m.
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Le 8 juillet 1915 - un vol de barrage de 1h30 sur Etain et Forges, en compagnie de l'Asp Georges Gayral - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 2800 m.
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Le 9 juillet 1915 - une mission de 1h20 pour rechercher un avion allemand sur la région de Fresnes-en-Woevre - Combres-sous-les-Côtes, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Leur avion a été cannoné par la DCA allemande - Altitude 3400 m.
Caudron G 3 n° 717 de l'escadrille C 18 sur le terrain de Toul, le 3 juillet 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Verdun, le 6 Juillet 1915,
"Ma chère Nanon,
J’ai reçu ta bonne lettre… J’ai fait mettre de l’ordre dans la maison de Mémé….qui est maintenant propre et en bon état. Je me suis fait délivrer un billet de logement régulier chez Mémé ce qui a le double avantage d’empêcher qu’on y mette quelqu’un d’autre et de donner droit au propriétaire à une indemnité de 1 fr. par jour.
Je me permets naturellement d’user de toutes choses utiles (objets de toilette, papier à lettres etc …) et je fais régulièrement arroser ce qui reste des plantes Je suis retourné avant-hier à Regnéville….C’est toujours dans le même état. Des tranchées et des boyaux sont creusés devant le village. J’ai vu Mme E.. et me suis rendu compte de ce qu’elle a pu sauver : très peu de choses : armoires, le piano !!, un peu de literie, 2 pendules et une toilette. J’ai rapporté à Verdun une partie des couverts. Les soldats se servent du reste dans leur gourbi. J’ai décroché quelques uns des cadres (gravures de Montmédy…) qui par hasard restaient au salon et je les ai rapportées à Verdun. Mon impression est qu’il y a beaucoup de chances pour que la maison achève d’être détruite d’ici la fin de la guerre étant donné que les allemands ont toute facilité pour bombarder et anéantir le village le jour où cela leur fera plaisir.
Je commence à m’habituer à voir la région de haut. Je connais les lignes depuis le bois de Forges jusqu’à Saint-Mihiel. Malheureusement, je suis tombé sur un capitaine d’escadrille, (Capitaine de Laissardière) qui est très imbu de son autorité, assez autoritaire et qui ne vous laisse aucune initiative. Et quoique je sois spécialement destiné à faire des voyages loin dans les lignes ennemies, il ne me donne pas de mission sous prétexte que je n’ai pas l’expérience voulue. C’est très vexant, car le seul moyen de devenir très apte à faire des photographies des lignes ennemies, c’est…d’en faire. Je monte cependant encore assez souvent mais pour effectuer le plus souvent des missions sans le moindre intérêt : faire le tour des lignes pour empêcher les allemands de venir nous inquiéter et le cas échéant leur livrer combat ; ce qui n’arrive pas souvent. Mais risquer sa vie pour monter la garde n’est pas très intéressant. Je n’ai encore été canonné que 3 ou 4 fois en particulier aux Eparges.
L’éclatement de l’obus s’entend malgré le bruit du moteur. Quand il est assez près cela fait un petit nuage blanc précédé d’une flamme vive. Les Allemands usent contre nous beaucoup de munitions et ces bougres-là sont très adroits. Il arrive fréquemment que des éclats touchent l’appareil. L’autre jour, dans une seule promenade, un de nos appareils a récolté 26 éclats dont quelques uns gros. Heureusement aucun n’a touché un organe essentiel. S’il touchait quelque chose d’important c’est au moins la panne. Si on est assez haut et pas trop loin, on peut rentrer dans les lignes. Si un éclat touche quelque chose d’essentiel c’est la chute, et c’est arrivé à Toul il n’y a pas longtemps. Un appareil à nous a été abattu à 1800 m. Les allemands ont d’ailleurs alerté par billet lancé d’un de leurs avions du lieu de sépulture de nos aviateurs. Cela, ils le font souvent et c’est très bien.
Je ne peux pas dire que le métier soit fatigant; il faut bien se couvrir, car à 300 m. La température même maintenant, atteint 0°. Au contraire, j’ai trop de loisirs, et quand je suis obligé de rester toute la journée à la caserne sans voler, je m’ennuie beaucoup… Je souffre beaucoup de l’absence de bons camarades….
Ne crois pas les racontars débités au sujet d’un prétendu investissement de Verdun. Je n’ai pas le droit de te dire ce qui se passe au point de vue militaire…. Il est curieux de voir une attaque du haut des airs. Naturellement on ne voit pas les hommes (car un homme n’est vu à 1000 m. que s’il est sur fond blanc et encore semble-t-il un point ! et à 3000 m. on ne voit rien. ) Le paysage semble figé, mais on voit très bien éclater de tous cotés les obus.
Je vous embrasse tous affectueusement.
André"
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Le 20 juillet 1915 - deux missions reconnaissance photo pour un total de 3h15 sur la région d'Hargiennes - Romagne - l'étang du Haut Fourneau, en compagnie du Sgt André Varène - Leur avion a été violemment cannoné par la DCA allemande qui a tiré plus de 100 obus - Altitude entre 1600 à 3300 m.
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Le 22 juillet 1915 - une mission de 1h45 pour rechercher un Drachen vers Soivre, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Ils ont jeté 2 obus, 1000 fléchettes sur Romagne - Reconnaissance des voies ferrées - Leur avion a été canonné - Altitude 2800 m.
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Le 29 juillet 1915 - une mission photographique d'1h35 sur la forêt de Spincourt - Mangiennes, en compagnie du Sgt Etienne Combret - Pris 9 clichés - Tirs de DCA contre leur avion - Altitude 3200 m.
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Heures de vol en juillet 1915 : 14h45
Revue des troupes d'aviation sur le terrain de Verdun, le 28 juillet 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Revue des troupes d'aviation sur le terrain de Verdun, le 28 juillet 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Région Nord de Verdun, le 2 août 1915 - Altitude de prise de vue 600 m - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
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Le 2 août 1915 - une mission sur Baroncourt (55) de 25 mn, en compagnie du Sgt Etienne Combret, annulée en vol en raison de l'orage - Altitude 1300 m.
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Le 8 août 1915 - une mission consistant en un vol de barrage et une reconnaissance sur le secteur Beauzée - les Eparges - Etain, en compagnie du Slt Louis de Mirandol - Altitude 2900 m.
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Le 11 août 1915 - deux missions :
- un vol de reconnaissance sur le secteur bois de Forges, bois de Malancourt, en compagnie du Slt Louis de Mirandol - Altitude 2200 m.
- un vol de barrage et reconnaissance entre Etain et la Meuse - Altitude 2100 m.
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Le 14 août 1915 - un essai de photographies arrêté par les nuages et la pluie pendant 40 mn, en compagnie du Sgt André Varène - Altitude 1900 m et un lancement de dépêches sur le terrain d'aviation, avec Slt Louis de Mirandol, d'une hauteur de 400 m.
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Le 16 août 1915 - un vol de barrage sur Souilly - les Eparges - Fresnes pendant 50 mn, en compagnie du Slt Louis de Mirandol - Altitude 2200 m.
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Le 23 août 1915 - Une reconnaissance photo d'une 1h30 sur les Jumelles d'Ornes - Gremilly - Ville-devant-Chaumont - Brabant, en compagnie du caporal Henri Marchand - 8 clichés réalisés - Tirs de DCA contre leur avion - Quelques faibles tirs de DCA - Altitude 2500 m.
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Le 24 août 1915 - une reconnaissance photo d'une heure à bord d'un Caudron G 4, sur les Jumelles d'Ornes - Gremilly - la forêt de Spincourt - Etain, en compagnie du Slt Louis de Mirandol - 11 clichés réalisés - Altitude 4000 m.
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Le 25 août 1915 - un vol de 20 mn pour régler une mitrailleuse en l'air à bord d'un Caudron G 4, en compagnie du Slt Louis de Mirandol - Mission gênée par la brume et écourtée - Altitude 1500 m.
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Le 26 août 1915 - une reconnaissance photo d'une heure sur Romagne sans la possibilité de prendre un seul cliché, à bord d'un Caudron G 4, en compagnie de l'Adj Henri Mallier - Un tir d'essai avec la mitrailleuse Lewis - Altitude 2800 m.
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Le 27 août 1915 - deux missions :
- une reconnaissance photo d'une 1h05, sur Etain - Morgemoulin - la forêt de Spincourt - Ornes, en compagnie du Sgt Etienne Combret - 12 clichés réalisés - Quelques tirs de DCA - Altitude 2600 m.
- une reconnaissance de secteur sur Grémilly - Ville-devant-Chaumont - Brabant et un essai de mitrailleuse pendant 55 mn, en compagnie du Slt Louis de Mirandol, à bord d'un Caudron G 4 - Altitude 2800 m.
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Le 28 août 1915 - une reconnaissance photo d'une 1h15 sur Romagne-sous-la-Côte - Damvilliers - Côte-St-Germain (Mervaux) - Dun-sur-Meuse - Bois des Caures, en compagnie de l'Adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - 24 clichés réalisés - Très faible DCA - Altitude 2700 m.
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Le 31 août 1915 - un essai de signalisation par panneaux, d'une 1h15 sur la caserne Chevert, en compagnie du Sgt André Varène - Bons résultats - altitude 2450 m.
Le Ltt André Landré pose en compagnie d'un des pilotes qui l'accompagnait en mission à bord d'un Caudron G 3 de l'escadrille C 18 - L'armement de bord consiste en un mousqueton de cavalerie Berthier de 8 mm modèle 1892 - On l'aperçoit à gauche sur le bord du cockpit - Photo prise en juillet 1915 - A cette époque, l'escadrille C 18 était stationnée à Toul - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Les même aviateurs juste avant de démarrer le moteur et de partir en mission d'observation - Cette fois, on voit nettement le mousqueton de cavalerie Berthier de 8 mm modèle 1892 - Sur ce modèle, le pilote est derrière et l'observateur devant - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
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Heures de vol en août 1915 : 13h25
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Le 4 septembre 1915 - une mission de signalisation par panneaux sur Louvemont pendant 1h15, en compagnie du Sgt André Varène - Bons résultats - Altitude 2400 m.
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Le 7 septembre 1915 - une reconnaissance photo d'une 1h30 sur Romagne - Damvillers - Sivry - la batterie Sivry, en compagnie de l'Adj Henri Mallier à bord d'un Caudron G 4 - 12 clichés de réalisés - Tirs de DCA contre leur avion - Altitude 2700 m.
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Le 8 septembre 1915 - une reconnaissance photo d'une 1h10 sur Romagne - Damvillers - Brandeville - Sivry, en compagnie du Slt Louis de Mirandol, à bord d'un Caudron G 4 - largués 500 fléchettes sur la gare de Damvillers - 500 fléchettes sur des voitures près de Brandeville - Faibles tirs de DCA - Altitude 3200 m.
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Le 9 septembre 1915 - trois missions :
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une reconnaissance photo d'une 1h25 sur Romagne - Etraye - Dun - Brieultes - Vilomes, en compagnie de l'Adj Henri Mallier à bord d'un Caudron G 4 - 15 clichés réalisés - Leur avion a été cannonné par la DCA - Altitude 2800 m.
- deux missions de signalisation par panneaux sur Ancemont pendant 15mn puis 1h55, en compagnie du Sgt André Varène - Atterrissage à Ancemont - Altitude 700 m puis 2800 m.
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Le 12 septembre 1915 - une reconnaissance d'une 1h20 sur Etain - Conflans, en compagnie du Slt Louis de Mirandol, à bord d'un Caudron G4 - 6 clichés de réalisés - un combat contre un Albatros sur Conflans - Leur avion a été canonné par la DCA - Altitude 3200 m.
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Le 18 septembre 1915 - une reconnaissance photo d'une 1h15 sur Damvillers - Eurey, en compagnie du Slt Louis de Mirandol, à bord d'un Caudron G 4 - Cette mission a été interrompu par de violentes vibrations du moteur - Vu un Drachen - 4 clichés ont été réalisés - Altitude 3200 m.
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Le 19 septembre 1915 - une reconnaissance d'une 1h30 sur Conflans - Jouaville - Mars-la-Tour - Lachaussée - les Eparges, en compagnie de l'Adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - Vus de nombreux trains - Leur avion a été pris à parti par la DCA - Altitude 3500 m.
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Le 21 septembre 1915 - une reconnaissance d'une 1h25 sur Romagne - Etain - Longuyon, en compagnie du Sgt Maurice Bourdon à bord d'un Caudron
G4 - Attaqué par un Aviatik - Vus un autre appareil - 1000 fléchettes larguées sur la gare de Romagne - Leur avion a été beaucoup cannoné par la DCA - Altitude 3500 m.
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Le 26 septembre 1915 - une reconnaissance d'une 1h10 sur Billy - Warphemont - Spincourt, en compagnie de l'Adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - Vu un Drachen - Mauvais temps - Les obus de DCA ont explosé bien près de l'avion qui n'a pas été touché - Altitude 3100 m.
- Heures de vol en septembre 1915 : 14h30
Retour d'une mission à bord d'un Caudron G 4 à moteur Ghôme de l'escadrille C 18 - Ces avions ont été perçu par l'escadrille à partir de février 1915 - Cette photo doit dater de l'été 1915, période à laquelle les équipages de l'unité étaient engagés sur la région de Verdun à partir du terrain de Toul - La mitrailleuse est une Colt - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Un des Caudron G 4 de l'escadrille C 18 stationné à Toul de mars 1915 à février 1916 - L'avion est armée d'une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm dotée d'un chargeur cylindrique - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Caudron G III de l'escadrille C 18 piloté par le Slt Louis de Mirandol - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
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Le 1er octobre 1915 - un barrage autour de Verdun pour s'opposer à un bombardement pendant 35 mn, en compagnie de l'Adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - Altitude 2000 m.
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Le 2 octobre 1915 - une mission de chasse dans les environs de Verdun pendant 1h20, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - Protection d'un tir sur Warphemont - Altitude 2000 m.
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Le 4 octobre 1915 - deux missions :
- un essai de reconnaissance de 55 mn, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4, vers Warphémont arrêté vers Hautes Charrières (Romagne-sous-la-Côte) - Dun-sur-Meuse par la pluie - Altitude 2700 m.
- une mission de chasse et de reconnaissance d'une heure, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4, sur Hautes Charrières - Romagne-sous-la-Côte - Leur avion a été cannoné par la DCA - Altitude 3100 m.
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Le 10 octobre 1915 - une reconnaissance d'une 1h20, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4, sur Saint-Laurent-sur-Othain - Villers-le-Rond - Longuyon - Romagne-sous-la-Côte - 12 clichés réalisés - Jetés des journaux - Altitude 3200 m.
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Le 16 octobre 1915 - une reconnaissance d'une 1h05, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4, sur Damvillers - Brandeville - Dun-sur-Meuse - Leur avion a été canonné par la DCA - Altitude 3200 m.
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Le 22 octobre 1915 - une reconnaissance d'une 1h15, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4, sur Romagne-sous-la-Côte - Merles-sur-Loison - le bois de Warphemont - Leur avion a été connoné par la DCA - Altitude 3500 m.
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Le 23 octobre 1915 - une mission de chasse infructueuse de 40 mn contre les avions allemands ayant bombardés Verdun, en compagnie de l'adj Henri Mallier, à bord d'un Caudron G 4 - Altitude 2000 m.
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Le 26 octobre 1915 - une mission de bombardement de (illisible) par obus de 1h25, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4 - Rentrés par Fresnes-sous-Woëvre - Leur avion a été canonné - Altitude 3100 m.
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Heures de vol en octobre 1915 : 9h45
Verdun, le 2 Novembre 1915,
"Ma chère Ninette,
……En ce moment, le suis presque noyé par la boue et transformé en moisissure ambulante par la pluie qui ne cesse de tomber. Voila plus de 8 jours que le mauvais temps nous condamne au repos et nous arrivons déjà à l’hiver qui va nous obliger à rester au nid….
Ici la population civile, y compris les faubourgs n’est plus que de 4500 personnes; la plupart sont des commerçants qui vous exploitent systématiquement.… René est parti, tu le sais surement, au 5ème régiment d’artillerie à Besançon. Depuis longtemps, je n’habite plus chez Mémé; la ville elle-même nous étant interdite, Je loge au faubourg à proximité de nos appareils où je ne suis pas pompeusement installé.
…Il y a un mois quelques obus sont tombés ici en faisant heureusement plus de peur et de bruit que de mal. Depuis, nous avons eu quelques crottes d’aéroplane, mais également sans résultats importants….
Donne-moi de tes nouvelles détaillées. J’espère que vous allez bien, et t’embrasse affectueusement.
André"
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Le 4 novembre 1915 - une mission de chasse et de reconnaissance pendant 1h25, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4 sur Etain - Les Eparges - Jeandelize - le bois des Caures - Leur avion a été cannoné - Ont vu de nombreux trains - Altitude 3200 m.
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Le 5 novembre 1915 - un essai de reconnaissance de 35 mn, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4, sur Dannevoux arrêté à Cumières en raison des nuages - Altitude 1200m.
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Le 6 novembre 1915 - un essai de reconnaissance d'une heure, en compagnie de l'Asp Georges Gayral, à bord d'un Caudron G 4, sur Brabant-sur-Meuse, les lignes françaises, le Mort-Homme - Altitude 450m.
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Le 8 novembre 1915 - une mission de chasse et de reconnaissance d'une 1h10, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4, sur les Eparges - Jeandelize - Etain - vu un Aviatik - Ils ont été beaucoup canonnés pendant la mission - Altitude 3000 m.
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Le 16 novembre 1915 - un essai de reconnaissance de 50 mn, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un G 4 sur Dun-sur-Meuse, arrêté par une mer de nuages et la température en altitude de -18°C - Altitude 2800 m.
- Heures de vol en novembre 1915 : 5h00
Centre d'aviation de Verdun en novembre 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
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Centre d'aviation de Verdun en novembre 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Projecteur en poste sur le terrain d'aviation de Verdun pendant l'hiver 1915-1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Verdun, le 23 Novembre 1915,
".... Pour nous la vie est bien moins intéressante qu’à la belle saison. On vole aux rares jours où la brume est suffisamment légère, mais alors tout le monde sort et les boches aussi. C’est ainsi qu’hier un de nos camarades observateurs, …un enseigne de vaisseau, a été attaqué par un avion boche et a été tué d’une balle dans la tête, pendant qu’il prenait des photographies. Son pilote, blessé lui-même a pu le ramener jusqu’au sol. Les boches sont plus audacieux depuis quelque temps. Quant au capitaine N.., il a eu de la chance en Champagne. Son appareil a été fortement endommagé par un coup de canon, son observateur blessé, et c’est grâce à son sang froid qu’il a pu le ramener dans les lignes françaises.
Pour moi, j’ai pris froid il y a quelques jours, et j’ai attrapé une petite grippe qui m’a tenu au lit 2 ou 3 jours et qui me retient encore à la chambre….J’ai écrit à maman que j’avais mal à la gorge; inutile de lui en dire davantage. Voilà d’ailleurs un temps infini que je n’ai pas eu de nouvelles d’elle. Je n’y comprends rien. Mon capitaine n’a pas l’air de vouloir m’envoyer en permission, sous prétexte que j’ai vu maman au mois de septembre ; je trouve cela un peu exagéré…..
Verdun, le 24 novembre 1915,
"Mon cher René,
Je suis heureux de t’apprendre qu’à la date d’hier, j’ai été cité à l’ordre de l’armée en les termes trop élogieux suivants "Excellent observateur,a exécuté de nombreuses reconnaissances à longue portée,notamment les 10, 16, 22 octobre 1915 où il est parvenu à rapporter des renseignements précieux; est rentré avec son appareil fortement atteint".
- Le 15 décembre 1915 - une reconnaissance d'une heure, en compagnie du Sgt Etienne Combret, à bord d'un Caudron G 4, sur Etain - Romagne-sous-la-Côte - Vilosnes - le bois des Forges - Altitude 2800 à 3700 m.
- Le 27 décembre 1915 - deux vols :
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un essai de reconnaissance de 20 mn, en compagnie du Sgt André Varène, à bord d'un Caudron G 4 mais interrompu en raison de la pluie et du vent violent - Altitude 1500 m.
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un vol d'une 1h50, en compagnie de l'Asp Georges Gayral, à bord d'un Caudron G4, dans des conditions atmosphériques très difficiles sur le secteur d'Etain - Ornes à l'occasion d'une alerte - Altitude 2800 m.
- Heures de vol en décembre 1915 : 3h10
Verdun, le 29 décembre 1915,
Mon cher René,
J’écris en même temps à Mémé et à Nanon et leur apprends en particulier que je viens d’être nommé lieutenant.
Maintenant voici des choses que je désire qu’elles ignorent ( sauf Nanon, peut- être), mais ce que je désire essentiellement c’est que rien n’en transpire aux oreilles de maman. Il y a trois jours, à propos d’une fausse alerte ; souviens-toi du 1er octobre puisque tu y étais !!; j’ai failli me tuer. Je suis parti par une tempête du diable et nous avons fait une chute sur Verdun. Mon pilote a pu se rattraper un peu avant les toits !! Et puis nous avons eu toutes les peines du monde à continuer. C’est tout juste si nous n‘avons pas été emportés chez les boches. J’étais sur les lignes et nous ne pouvions rentrer. Nous avons mis 1heure ¼ à faire 10 km. , alors que nous faisons du 130 à l’heure !! Et pourtant nous cherchions à toutes les hauteurs les courants favorables et plusieurs fois malgré nos deux moteurs, nous reculions. Enfin nous avons pu rentrer ; c’est l’essentiel.
Mais comme conséquence (ça a été peut être la goutte d’eau qui fait déborder), j’ai eu quelques troubles au coeur. J’ai vu le docteur. qui me donne de la digitale et j’espère que cela ne durera pas. Il est vrai que de ma vie, je n’ai été aussi secoué et en danger que dans cette tempête. A 2500 m. Le vent faisait plus de 120 km/heure et nous recevions de la neige fondue et de la pluie. C’était très réjouissant.
Comme conclusion, j’ai été proposé pour une citation au corps d’armée, mais peut-être est-elle trop rapprochée de la précédente pour que ça colle. En tous cas, mon pilote en mérite une… et plus que moi.
Tout ce que je t’ai dit est bien sur pour toi seul. Je ne veux pas que maman puisse être affolée même rétrospectivement et je ne veux pas, si mes malaises cardiaques ne durent pas, qu’elle s’en fasse du souci. Glisse si tu veux quelques mots de ces histoires à Nanon seule sous le sceau du secret. Mais la citation n’est guère certaine et j’ai peut être tort de vendre la peau de l’ours….. Lili m’écrit que maman est grippée. J’espère que cela ne sera rien. Je t’embrasse affectueusement.
André.
André Landre a été cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants : "Le 27 décembre 1915, un bombardement étant signalé comme imminent, s’est proposé pour partir en reconnaissance malgré une violente tempête et a rapporté les renseignements demandés."
Son pilote André Varène a été également cité : "Le 27 décembre 1915……..grâce à son sang-froid et à son habilité de pilote a triomphé de la rafale qui mettait son appareil en danger et a exécuté la reconnaissance jusqu’au bout."
Caudron G 4 à moteurs Clerget de l'escadrille C 18 se prépare à décoller du terrain de Toul pendant l'été 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Au début de janvier 1916, il est envoyé à l'école du tir aérien de Cazaux pour y effectuer un stage de tir d'une durée d'un mois.
Paris, le 5 Janvier 1916,
"Mon cher René,
Je te le donne en mille !!! Je suis en route pour Arcachon, ou plus exactement pour un sale trou appelé Cazaux et situé tout à coté, pour y effectuer un stage d’un mois à un Ecole de tir aérien !! Je n’ai d’ailleurs encore aucun détail sur ce que nous devons faire… Je ne sais même pas si Cazaux est dans la Gironde ou dans les Landes…A plus tard des détails, je t’embrasse.
André"
André Landre pendant son stage à Cazaux en janvier 1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Séance de tir pendant le stage d'André Landre à l'école du tir aérien de Cazaux en janvier 1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Il rejoint son unité quelques semaines avant le début de l'offensive allemande sur Verdun du 21 février 1916. Son escadrille, en raison de l'avancée allemande, fait successivement mouvement sur le terrain de Vadelaincourt, puis sur celui de Julvécourt.
- Le 6 février 1916 - un barrage pendant 1h50, en compagnie de l'Asp Georges Gayral, à bord d'un Caudron G 4, entre Malancourt et les Jumelles d'Ornes - Vu 6 avions allemands - Ils attaquent l'un d'eux au-dessus du bois des Caures - Enrayage de la mitrailleuse - Altitude 3300 m.
- Le 20 février 1916 - une mission de reconnaissance pendant 1h10, sur les Jumelles d'Ornes, Romagne-sous-les-Côtes - Damvilliers - 16 clichés réalisés - 3 combats aériens livrés contre un LVG et 2 fois contre un Fokker - Leur avion a été canonné par la DCA - Altitude 2000 à 2400 m.
- Le 22 février 1916 - une mission de reconnaissance de 30 mn, en compagnie du Sgt Robert Dangoise, à bord d'un Caudron G 4, sur Etain - le bois des Caures - Combat avec un LVG armée de 2 mitrailleuses - Altitude 2000 m.
- Le 23 février 1916 - une mission de reconnaissance d'une durée de 30 mn, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, sur les environs de Samogneux - Chutes de neige - Altitude 300 à 450 m.
- Le 24 février 1916 - deux vols :
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une reconnaissance de 40 mn, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4 sur Samogneux - Altitude de 800 à 1000 m.
- une autre reconnaissance de 35 mn sur le même secteur, avec le même pilote - Altitude 500 m.
- Le 27 février 1916 - Un essai de reconnaissance arrêté par la neige au bout de 10 mn, en compagnie du Sgt Henri Marchand - Altitude 150 m.
- Le 29 février 1916 - une reconnaissance d'une 1h40, en compagnie de l'Adj Gustave Collet, à bord d'un Caudron G 4, sur Bras-sur-Meuse - Eix-Abaucourt et surveillance du secteur - Leur avion a été canonné par la DCA - Altitude 2200 m.
- Heures de vol en février 1916 : 7h25
Verdun, le 6 Février 1916,
"Ma chère maman,
J’ai repris contact aujourd’hui avec mon ancienne existence, et j’ai recommencé à voler ; il ’y a d’ailleurs par ici beaucoup d’activité au point de vue aviation….
Pendant que j’étais parti, j’ai eu au corps d’armée (étoile d’or) une citation dont on m’avait vaguement parlé à mon départ la voici ; "Le 27 décembre 1915, un bombardement étant signalé comme imminent s’est proposé pour partir en reconnaissance malgré une violente tempête et a rapportés les renseignements demandés."
Verdun, le 14 février 1916,
"Mon cher René,
J’ai reçu ta carte m’annonçant ton arrivée à Fontainebleau ….je pense que ton existence sera maintenant plus intéressante….
Ici, nous avons un temps tout à fait mauvais pour nous et cela est tout à fait regrettable, car si cela continue, nous serons les seuls à ne rien faire. Les permissions sont supprimées dans la région et je me félicite d’avoir pu voir maman en rentrant ici. J’ai attaqué un avion boche le lendemain de mon arrivée, mais ne lui ai point fait de mal, ma mitrailleuse s’étant très vite enrayée. Il y a énormément d’aéroplanes allemands en ce moment…il y a de belles luttes en perspective. Pour le reste, nous sommes dans la boue et la pluie depuis 8 jours et c’est peu emballant….
Le 21 février 1916, les allemands lancent leur grande offensive sur Verdun. Un déluge inninterrompu d'obus tombe sans discontinuer sur les premières lignes. La ville de Verdun est bombardée.
Verdun, sans date,
"Ma chère maman,
Mes nouvelles seront très longues à te parvenir et je t’écris quelques mots pour t’en avertir. Nous avons, comme je m’y attendais, reçu de nouveau des marmites aériennes. Total : 46 maisons abimées, peu de victimes….La petite maison, qu’avait Mémé autrefois rue de la rivière, est démolie entièrement. Aussi chez Mémé, il n’y a plus un carreau, plusieurs fenêtres brisées et le toit abimé. Je n’ai ni le temps ni les moyens d’y remédier du moins sérieusement.
Regnéville doit être anéanti, car il y a eu de très gros combats sans résultat jusqu’ici, mais nous avons tout lieu d’être optimiste. Mme Simon 32 va sans doute partir, d’ailleurs tout fait croire que l’on évacuera.
Je pense que ça tire à sa fin, c’est à la grâce de Dieu, et il ne faut pas s’inquiéter. Je ne peux guère te donner de détails…je n’en ai pas le temps et je n’ai pas vu tous les dégâts. N’en parle pas à Mémé, c’est inutile, d’ailleurs elle se fera certainement une idée fausse de la chose. Bons baisers."
Verdun, le 26 février 1916,
"Ma chère maman, j’essaie de te faire parvenir quelques nouvelles de moi. Donc depuis le commencement de la semaine, une très grosse bataille est engagée devant Verdun. Nous nous y attendions depuis trois semaines, car le mauvais temps seul la retardait et, combien heureusement !!!.
Les allemands ont attaqué sur près de 15 km. de front, avec des forces énormes, beaucoup d’artillerie, des bombes asphyxiantes etc…. Ils ont naturellement pu progresser peu à peu avec des difficultés considérables. Immédiatement des renforts nous sont arrivés et nous arrivent et la bataille continue, très chaude et semble être à notre avantage. Après l’entrée en ligne du corps dont tu te doutes, et qu’on met à toutes les grosses affaires. Nous avons rendu tous ces jours de très gros services, et comme coup d’oeil, c’était d’ailleurs absolument fantastique et impressionnant. Mais l’avance ennemie nous mettait personnellement en danger, puisque nous étions sous l’artillerie et nous sommes arrivée hier et cette nuit à 15 km. de Verdun , à Vadelaincourt, au milieu de mouvements de troupes considérables d’émigrés, car Verdun et tous les villages sont vidés. Inutile de te dire que depuis l’attaque, Verdun a été bombardé presque constamment jour et nuit, avec les grosses saletés que tu connais. Aussi est-ce sérieusement abimé et tous les quartiers ont souffert. …
Nous allons probablement être 2 ou 3 jours à nous organiser à loger les appareils sous des tentes, etc….et à nous installer nous-mêmes, dans un endroit où il n’y a plus une place libre. Mais le confort n’a plus aucune espèce d’importance et nous ne sommes point à plaindre. D’ailleurs, nous changerons peut-être encore de place….Et cette grande activité va être fortement arrêtée d’ici quelques jours, parce que elle est énorme. Heureusement le temps quoique froid est assez beau et la neige ne dégèle pas.
Je ne peux rien te dire davantage de ce qui se passe et me contente de vous dire les choses qui vous intéressent directement et particulièrement, et encore, avec la recommandation expresse de n’en pas souffler mot. Priez un peu pour moi et ne soyez pas trop inquiets. Je vous embrasse affect.
André"
Un équipage de la C 18 pose devant un des Caudron G 4 de leur escadrille - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Verdun, le 26 février 1916,
"Mon cher René,
Je profite d’une occasion pour te donner quelques vagues nouvelles. Demande à maman des détails….Nous sommes engagés dans une formidable bataille et nous avons changé de place ; nous sommes actuellement à 15 Km plus au sud. J’ai travaillé activement et tout le monde d’ailleurs. J’ai eu plusieurs combats dont 3 en une sortie et je crois que nous n’en avons pas fini, car il fait un temps de gel splendide. Dans la grosse poussée faite par l’ennemi, avec des moyens effrayants et où nous avons fatalement du céder, nous avons rendu de très gros services. Les Boches sont arrivés près du bois Tutu, mais en ce moment ils ont l’air de céder devant de grosses contre-attaques où figure en bonne place le corps d’armée que tu devines et que tu connais. Je pense que d’ici 8 jours, cette bataille sera solutionnée dans un sens quelconque que j’espère bon. La ville a encaissé depuis 5 jours un nombre incalculable de grosses saletés que tu connais. Elle est en piteux état d’ailleurs et il n’y a plus de civils.
A la grâce de Dieu. Je te quitte en t’embrassant à la hâte de tout coeur."
Terrain de Julvécourt :
Julvécourt, le 29 Février 1916,
"Ma chère maman,
Nous avons de nouveau changé de place et nous sommes à Julvécourt, petit village de 200 habitants, sur un ruisseau la Cousance qui rend assez coquet l’ensemble, malgré la boue. Ici, au moins, nous avons un lit, tandis qu’auparavant, nous avions juste un peu de paille et nous étions noyés dans la boue dans le village. Le temps est gris et je n’en suis pas fâché, car nous avons un peu besoin de nous réorganiser. J’espère que tu as reçu de mes nouvelles depuis quelques jours ; quant aux événements en cours, nous sommes moins bien renseignés ici puisque plus éloignés. Je crois que cela va bien d’ailleurs. Personnellement, je n’ai pu voler beaucoup depuis deux ou trois jours. Le temps n’est pas d’ailleurs très propice, et nos changements successifs non plus.
Je vous embrasse affectueusement.
André"
- Le 9 mars 1916 - une mission de reconnaisance, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, stoppée au bout de 3 mn de vol en raison de la rupture en vol d'une hélice - Altitude 150 m.
- Le 14 mars 1916 - une reconnaissance pendant 1h30, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un G 4, sur Malancourt - Béthincourt - la côte de l'Oie - 2 combats contre des biplans - Ils sont attaqués par un Fokker - Leur avion a été canonné par la DCA allemande - Altitude 1800 m.
- Le 17 mars 1916 - une reconnaissance d'une heure, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, sur le secteur Nord de Verdun - Ils ont aperçus plusieurs avions allemands - Altitude 2000 m.
- Le 19 mars 1916 - deux vols :
- un essai de reconnaissance de 35 mn, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, sur la région du bois des Forges - Aperçus plusieurs avions allemands - Altitude 1200 m.
- une reconnaissance pendant 1h15, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, de la même région - Aperçus un avion allemand et un Drachen - Leur avion a été canonné par la DCA - Altitude 1200 m.
- Le 30 mars 1916 - un essai de prises de vue aériennes sur le bois d'Avocourt et reconnaissance du secteur Nord pendant 1h05, en compagnie du Sgt Achille Bardot, à bord d'un Caudron G 4 - Aperçus un appareil ennemi - Altitude 2500 m.
- Le 31 mars 1916 - une escorte de MF 11 et reconnaissance du front pendant 1h30, en compagnie du Sgt Achille Bardot, à bord d'un Caudron G 4 - Aperçus plusieurs avions ennemis - Ils ont tiré sur un LVG - Altitude 2000 m.
- Heures de vol en mars 1916 : 7h00
Nieuport 10 monoplace n° 269 de l'escadrille N 31 déployé sur le terrain de Verdun en février-mars 1916 - Cette escadrille a perçu son premier Ni 10, le 26 avril 1915 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Nieuport 11 n° 674 de l'escadrille N 31 déployé sur le terrain de Verdun en février-mars 1916 - Cette escadrille a perçu son premier Ni 11, le 5 janvier 1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Julvécourt, le 1er Mars 1916,
"Ma chère maman,
Je trouve enfin le temps de t’écrire un peu plus longuement et sans être bousculé. Voila deux jours que nous sommes dans notre nouveau cantonnement de Julvécourt et que nous y installons nos appareils. C’est un petit village de 200 habitants., très coquet dans la petite vallée de la Cousance. Seul inconvénient, c’est que nous y sommes avec un régiment de tirailleurs, des ambulances , etc… C’est excessivement pittoresque, mais il n’y a pas de place pour tout le monde, et nous sommes logés très sommairement. J’ai eu la chance depuis deux jours d’avoir un lit, mais comme quantité d’officiers sont plus mal installés que moi, je n’ose me leurrer de l’espoir de le conserver longtemps. D’ailleurs, on est en train de monter des tentes, et toute une installation qui sera beaucoup confortable. Le temps est assez beau et on commence à s’apercevoir que le printemps est proche. Le gros inconvénient est que la boue abonde à cause de la grosse circulation et de la nature du terrain. Mais ce n’est rien à coté de notre précédent cantonnement à Verdun où nous étions littéralement enlisés dans un malheureux village de 100 habitants. Bien entendu, c’est très compliqué de se réinstaller avec nos appareils et tout le matériel qu’ils nécessitent. Aussi vole-t-on moins quoique le temps soit assez propice; cela tombe assez bien d’ailleurs, car nous sommes dans une période de calme relatif qui présage une nouvelle tempête.
J’ai toujours comme ordonnance l’ineffable Lallemant, qui est plus bête que jamais dans les circonstances présentes. (chaque officier avait à sa disposition un jeune soldat « bon à tout faire ») Je suis obligé de le secouer constamment pour en tirer quelque chose.
Nous sommes ici sur des territoires où l’on s’est battu au moment de la Marne. Les vestiges : tranchées, trous d’obus, tombes etc… en sont encore bien nets, mais cela ne ressemble en rien à la région que tu connais bien et où nous allions en vacances qui n’est plus qu’une vaste écumoire et un charnier.
J’espère que cette lettre va bien vite te donner de mes nouvelles. J’en attends impatiemment des tiennes et vous embrasse tous affectueusement.
André"
Julvécourt, le 3 Mars 1916,
"Ma chère maman,
J’ai reçu hier plusieurs cartes de toi… avec nos changements successifs, la poste ne doit plus savoir où nous atteindre. Nous sommes cantonnés toujours aussi à l’étroit…beaucoup d’aviation est arrivé et nous ne savons plus trop exactement quel doit être notre nouveau rôle.
Au point de vue administration, nous avons changé d’armée, donc de chefs à tous les degrés. Seul, notre capitaine nous reste ; mais, je crois que cela ne sera pas pour très longtemps. Ce que je constate c’est que cela entraine un certain flottement.
Profitant hier d’une après-midi de liberté, j’ai ceint ma ceinture, pris ma canne et ma chienne, et j’ai fait à travers champs les 8 kms qui me séparent de Mme R. J’ai vu un vieux domestique qui m’a donné des oeufs ; la maison était parfaitement vide et propre parce qu’elle était en instance de recevoir un général et son état-major.
Nous sommes tout à fait isolés du monde, puisque nous ne pouvons point avoir de journaux.
A bientôt de tes nouvelles, Je vous embrasse tous affectueusement.
André"
Julvécourt, le 15 Mars 1916,
"Ma chère maman,
Pour une fois j’ai l’occasion de te donner un peu longuement de mes nouvelles, et j’en profite….Voilà près de 4 semaines qu’a commencé cette énorme attaque des Allemands. Bien entendu les rares journaux que j’ai vus n’y entendent rien et vous racontent quelques boniments comme d’habitude; pour le moment, nous sommes dans un moment d’accalmie relatif, et je m’attends à voir encore se produire quelques gros efforts qui seront j’espère brisés comme les précédents et qui seront, je pense le point final de cette offensive..
Bien entendu, je n’ai pas pu suivre moi-même les différentes phases de la première bataille, mais j’ai pu en voir des tranchées et comme nous n’étions qu’à 5 ou 600 mètres, c’était assez frappant. C’était un spectacle absolument formidable, car je n’exagère pas en disant que plusieurs centaines de mille d’obus étaient journellement consommées par l’assaillant.
Du sol c’était un grondement ininterrompu. En l’air, le sol était constellé et presque couvert par les éclatements. J’ai même senti, à 300 mètres d’altitude au dessus des éclatements, leur odeur caractéristique et ressenti les remous que certains causaient. On distingue parfaitement les obus asphyxiants qui dégagent une épaisse fumée jaune persistante. En volant, le soir dans ces conditions c’était un spectacle infernal, l’horizon étant complètement embrasé, soit par des départs de coups de canon, soit par des éclatements, soit par des villages qui brûlaient comme des torches.. Tout dans l’écrasement de nos positions était méthodique. Tous les points intéressants pour les passages, etc… recevaient avec régularité des cochonneries de tout calibre..
Au début, nous avons été presque seuls ; puis on est passé de cet excès à l’excès inverse et on a amené une grosse quantité d’appareils de tout genre (de même que les Boches). Cela a amené fortement du flottement et une répartition du travail qui changeait tous les jours, et qui n‘était pas rationnelle, et mécontentait forcément bien des gens. D’autre part nos déménagements successifs ont fortement désorganisé, car nos installations nécessitent quantité de matériels et de soins.. Résultat pratique, nous avons notablement moins volé que si nous n’avions jamais bougé. Maintenant cela va se tasser et mieux aller. Les communiqués t’ont annoncé nos prouesses et nos exploits dans lesquels je ne suis pour rien d’extraordinaire. Nous avons eu aussi des deuils, mais maintenant les Boches qui avaient amené leur fine fleur commencent à être un peu calmés ; quelques nouvelles leçons salutaires leur feraient encore le plus grand bien….J’ai vu un ballon captif à nous s’envoler, sa corde s’étant rompue, mais l’observateur s’est jeté à 2000 mètres en parachute et arrivé intact au sol.
En ce moment, j’ai l’impression d’être comme l’oiseau sur la branche ; il se pourrait que je passe à une autre escadrille…. J’attends de vos nouvelles et vous embrasse affectueusement.
André"
Julvécourt, en Mars 1916,
"Mon cher René,
Nous avons beaucoup travaillé jusqu’à ces jours derniers, mais nous avons eu plusieurs appareils endommagés tant par accident que par le mauvais temps, et nous en sommes à une période de réorganisation. Le mauvais temps s’est d’ailleurs mis de la partie, nous pataugeons dans notre boue et nous entendons le canon gronder, sans pouvoir aller voir ce qui se passe. Je ne veux ni ne peux rien te dire en détails sur ce qui s’est passé.
Tu as du voir dans les journaux les exploits de l’aviateur Navarre qui s’occupe à purger la région des Boches qui y pullulent. Je n’ai eu de combats que dans les premiers jours, parce qu’ensuite nous avions ordre de ne pas attaquer quoiqu’on en voit quelques uns. En deux sorties, j’ai eu 4 combats. Le premier contre un biplan L.V.G. que j’ai obligé à fuir et à descendre (alors que j’étais chez lui), 2 ensuite avec un Fokker, le fameux monoplan monté par des acrobates; Cela été fantastique comme combat; l’appareil est beaucoup plus petit et plus maniable que nous ; il tire devant et à 45° arrière et comme il sait que nous tirons devant, il cherche à passer derrière et en dessous où il a beau jeu. Mais j’avais un pilote qui a manoeuvré merveilleusement et le Fokker n’a pu arriver à ses fins les deux fois et a rompu le combat et cela en plein dans ses lignes.
Je n’ai pas accepté un 3ème combat faute de cartouches et ayant fini ma mission. J’ai eu un 4ème combat avec un biplan L.V.G. ; nous nous sommes attaqués à même hauteur et si près que je voyais le passager nous tirer dessus par derrière. Il avait aussi une mitrailleuse devant. Comme j’avais un pilote relativement bon et un appareil qui marchait mal, le L.V.G. a pu nous manoeuvrer et nous passer devant et derrière, où il nous tirait tout près sans que je puisse répondre.
J’entendais claquer sa mitrailleuse. Le pilote a eu peur et a piqué pour rentrer, mais j’étais vraiment dégouté d’avoir fichu ainsi le camp, ayant encore plus de 100 cartouches. Tu vois que c’est très mouvementé…sans compter les coups de canon qu’on nous dispense. Je t’embrasse affectueusement.
André"
MF 11 à moteur 80 ch n° 903 de l'escadrille MF 72 photographié sur le terrain de Brocourt-en-Argonne par André Landre, le 4 avril 1916 - Ce jour, il a fait un vol de 10 mn au-dessus de Souilly, en compagnie du Ltt Raymond Jourdain - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Maurice Farman MF 11 (moteur 80 ch) de l'escadrille MF 72 déployé sur le terrain de Brocourt-en-Argonne et photographié par André Landre, le 4 avril 1916 - L'avion visible est le MF 11 n° 905 qui porte le nom de baptème "FANTASIO" - L'armement de bord est constitué d'une mitrailleuse Colt doté d'un chargeur à bande - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Vue de deux MF 11 de la MF 72 déployés dans la région de Verdun - Si cette photo a été prise le même jour que les deux précédentes, il s'agit d'avions stationnés à Brocourt-en-Argonne - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
- Le 1er avril 1916 - un barrage pendant 2h05 sur la région du bois d'Avocourt et du Vauquois, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4 - Altitude 3200 m.
- Le 2 avril 1916 - départ pour une mission de protection et une reconnaissance photo, en compagnie de l'Asp Georges Gayral, à bord d'un Caudron G 4 - Panne au bout de 30 mn de vol - Altitude 1600 m.
- Le 4 avril 1916 - un vol de 10 mn à bord d'un MF 11 de la MF 72, en compagnie du Ltt Raymond Jourdain, au-dessus de Souilly - Décollage du terrain de Brocourt - Altitude 150 m.
- Le 16 avril 1916 - un vol de barrage pendant 35 mn, en compagnie de l'Asp Georges Gayral, à bord d'un Caudron G 4, sur la forêt de Hesse - Mission interrompue suite à une panne - Altitude 2400 m.
- Le 24 avril 1916 - une patrouille de chasse pendant 1h55, en compagnie du Slt Robert Lafon, à bord d'un Caudron G 4, sur Avocourt - le Mort Homme - aperçus 3 avions ennemis - Altitude 3700 m.
- Le 25 avril 1916 - une patrouille de chasse pendant 1h55, en compagnie du Sgt Achille Bardot, à bord d'un Caudron G 4, entre les Islettes et Marre - Vus plusieurs appareils allemands - Altitude 3700 m.
- Le 26 avril 1916 - une reconnaissance du front pendant 50 mn, en compagnie du Sgt Marcel Habert, à bord d'un Caudron G 4, sur le bois de Cheppy et la Meuse - L'activité de la DCA adverse a été très faible - Ils ont aperçus des avions ennemis volant au-dessus de leurs lignes - Altitude 1800 m.
- Le 27 avril 1916 - une patrouille de chasse pendant 2h00, en compagnie de l'Adj Robert Sagard, à bord d'un Caudron G 4, sur Avocourt - le bois des Corbeaux - Louvemont - Leur avion a été canonné par la DCA - Le Ltt André Landre a tire 30 cartouches sur un avion allemand - Altitude 3700 m.
- Le 30 avril 1916 - une patrouille de chasse est stoppée en vol, au bout de 25 mn, suite aux ratés d'un moteur - Mission en compagnie de l'Adj Robert Sagard, à bord d'un Caudron G 4, Altitude 1800 m.
- Heures de vol en avril 1916 : 10h35
Julvécourt, le 7 avril 1916
"Ma chère Ninette,
…..J’ai vu en l’air un spectacle magnifique mais poignant aussi, puisque ce qui en faisait les frais, c’étaient les villages que toi comme moi, nous avons connus et habités. Tu dois savoir que notre maison de Regnéville a été complètement détruite, comme le reste du village entier. Les Boches n’y occupent que des ruines. Tous les endroits où nous avons passé d’heureux mois de vacances, et qui étaient des petite coins perdus et indifférents à d’autres qu’à nous, sont bien entendu complètement ravagés et le terrain en est complètement convulsé. J’espère bien que comme dédommagement, il y restera un certain nombre de Boches.
…..Je crois que tous ces événements et l’exil auquel elle est forcée, rendent Mémé assez nerveuse et pas toujours agréable pour ceux qui l’entourent…
Je suis sur le même terrain que l’aviateur Navarre qui est un type tout à fait fantastique et qui a contribué dans une large mesure à purger la région d’une partie des vilains avions boches qui y pullulaient à certains moments. J’espère qu’il continuera ses exploits du moins tant que durera la bataille…
Bons baisers.
André Landre"
Il habite Brocourt-en-Argonne :
Le 15 Avril 1916,
"Ma chère maman,
Je t’écris de mes nouvelles pénates qui, à tout prendre, sont très confortables. J’habite à proximité du village de Brocourt-en-Argonne dans une maison de bois où j’ai une chambre à moi tout seul de 4 m. sur 3 m. Notre maison comprend les bureaux de la direction de l’aviation (commandée par mon capitaine) et 4 chambrettes. Trois occupées par des capitaines et une, par Léda (sa chienne) et moi. Ce n’est pas grandiose, mais d’une simplicité rustique très satisfaisante. Un lit de camp, une table faite de deux tréteaux et deux planches et un banc de même, en plus, quelques clous au mur et une fenêtre avec des carreaux !! Que demander de plus. J’ai achevé de la meubler avec une cantine et la caisse de la chienne, et j’ai ainsi l’impression du grand luxe.
Il est de fait que je suis le mieux logé de tous les camarades de l’aviation d’ici, qui sont sous la tente ou en dortoir et qui étant très nombreux ont bien du mal à se caser. Pour la popote, je mange avec mon capitaine à une escadrille de Farman, la MF 19…
Mais au fond, je suis ici dans une situation complètement stupide. Mon capitaine qui aime bien s’entourer, m’a fait venir sous prétexte de l’aider dans son travail de paperasses, cartes etc… et pour aller tous les jours en avion ou autrement au quartier général à 15 Km. porter le travail et recevoir les ordres. De plus, je dois continuer à voler avec mon escadrille, qui est à peine à 6 km. d’ici. Pratiquement je ne sers réellement à rien. Le travail de paperasses auquel j’ai quelque intérêt à participer, est presque nul. La liaison que j’ai à faire avec l’état-major est très peu intéressante et, pour voler, il faudra que j’aille en auto à mon escadrille, ou qu’on me prenne en avion.
Je vous embrasse affectueusement.
André"
Julvécourt, le 20 avril 1916
"Ma chère maman,
j’ai en mains une photo de Regnéville qui confirme ce que je disais …. Tu me demandes mes impressions. Pas plus que vous, je ne puis prophétiser, mais ce que je crois, c’est que ni l’un ni l’autre des adversaires ne peut, pour une foule de raisons, se contenter de la situation actuelle. Je ne crois pas à une solution décisive ici, et il est probable que dans un temps peut-être assez long, la situation se figera. D’ici là, nous passerons forcément par des périodes de crise et de repos relatif. Il y a au moins une chose certaine c’est que les Allemands ne pourront pas prendre Verdun; Ils en feront peut-être un monceau de ruines, mais ils n’auront pas le grand avantage, purement moral, de les posséder. Il est bien certain que les opérations énormes qu’ils ont menées depuis deux mois, ont usé une bonne partie de leurs réserves d’hommes, et de leurs stocks de munitions. Les événements n’ont pas été en rapport avec leurs espérances, et leur moral est plutôt quelconque et pas très bon.
Une preuve en est, le tuyau suivant que je tiens de 2 sources assez sérieuses ; l’une d’elle est une lettre reçue par mon capitaine, contenant des renseignements provenant de la cour de Russie ; les Allemands auraient fait dernièrement des ouvertures de paix à la France et à la Russie, pour avoir les mains libres contre les Anglais. Les bases auraient été la restitution de la Pologne, de nos territoires envahis - l’Alsace-Lorraine-, contre l’abandon de l’Angleterre et certaines compensations coloniales. Le fond de ce tuyau au moins doit être vrai. C’est une preuve de plus que cette offensive manquée est pour les Allemands une déception très ennuyeuse
Il ne faut pas conclure de là qu’ils soient à bout, et qu’ils ne puissent pas faire trainer la guerre, de longs mois, mais c’est au moins une preuve de lassitude. Evidemment, c’est nous qui supportons le gros choc, tandis que certains de nos alliés se contentent de crier : "bravo et continuez". Mais les Anglais ont du moins le mérite de rendre disponibles pas mal de nos troupes, et je crois que dans deux ou trois mois leur nombre sera sérieusement accru. Ce qui est évidemment très ennuyeux à notre point de vue personnel, c’est que ce sera notre propre région qui sera dévastée et elle se classera dans un bon rang parmi les provinces endommagées par la guerre. Les dégâts causés seront longs à être réparés, et il faudra bien de l’argent et beaucoup de travail pour remettre en l’état ce qui ne l’est plus. Il y aura, pour les Meusiens qui resteront, bien des occasions d’exercer leur activité.
A part cela rien de neuf ; j’ai encore un peu de "gaité" d’entrailles, mais j’espère que cela disparaitra avec le beau temps.
Je vous embrasse tous affectueusement.
André"
Le 30 avril 1916,
"Ma chère maman,
Rien de bien intéressant à te raconter, sinon qu’aujourd’hui 7 avions allemands ont été détruits dans les environs…. Pour nous qui sommes sous les ordres d’un brouillon, nous n’avons qu’un travail idiot et vague.. Comme, je ne suis pas veinard, je n’aurai jamais sans doute la veine de surprendre un vilain avion Boche, mal armé dans ses lignes ou dans les nôtres.
Par ici, toutes les nuits, il y a des avions ad hoc qui bombardent les cantonnements allemands, et j’espère que sur le nombre des bombardements, il y en a d’efficaces.. A ce point de vue les Boches sont inférieurs, quoiqu’ils aient effectué un bombardement dans les environs qui a causé plus de 100 victimes.
A part cela….il ne semble y avoir, ni d’un coté ni de l’autre, de résultats bien appréciables… Malgré tout ça traine en longueur, et pourtant, il y aura forcément encore quelques gros sursauts.
Je vous embrasse de tout coeur.
André"
Le 1er mai 1916
"....Revenons à nos succès aériens. Hier 7 avions allemands ont été descendus dans la région. Moi, j’ai bien tiraillé, il y a deux ou trois jours, sur 2 gros "jaunes" qui se promenaient sur le bois "Tutu", mais ils ne s’en portent que mieux. Le même jour, un camarade de mon escadrille a eu la veine d’en descendre un dans les lignes boches. C’est te dire que les combats sont très nombreux, et donnent souvent de part et d’autre des résultats. C’est souvent une question de veine et de surprise.
La plupart des avions se font descendre par surprise, ou parce qu’ils ont plusieurs appareils sur le dos. Moi, je suis très méfiant, mais je ne suis pas plus que d’autres à l’abri d’une surprise. Je n’ai guère de travail que dans les lignes du moins ces temps derniers, et je me demande si on pensera à moi pour des bombardements de nuit qui sont un sport très à la mode. Voila une bien longue lettre, plus ou moins incohérente et écrite à la diable.
Je te souhaite pleine réussite et t’embrasse bien affectueusement.
André"
- Le 4 mai 1916 - Une patrouille de chasse pendant 1h50, en compagnie de l'Adj Robert Sagard, à bord d'un Caudron G 4, sur l'Argonne - la côte 304 - la Meuse - Altitude 2800 m.
- Le 5 mai 1916 - 2 missions :
- une surveillance pendant 2h00, en compagnie du Sgt André Giraudon, à bord d'un Caudron G 4, de la côte 304 pendant l'attaque - Leur avion a été canonné par la DCA - Ils ont tiré sur un avion - Altitude de la mission entre 300 à 1400 m.
- il a été tué d'une balle à la tête lors de la seconde mission d'observation, dans les environs de Récicourt (55). Il volait très certainement en compagnie du même pilote, le Sgt André Giraudon.
Portrait du Ltt André Landre, observateur de l'escadrille C 18 - Unité d'origine 29ème bataillon de Chasseurs - Tué au combat dans les environs de Récicourt (55), le 5 mai 1916 - Photo André Landre transmis par M. André Ferdinand Landre que je remercie pour son aide.
Texte de sa lettre testament dédiée à sa mère.
"Ma chère maman,
Si cette lettre te parvient, c’est que suivant le glorieux exemple de papa, j’aurai moi aussi donné ma vie pour ma patrie.
Ne t’en désole pas trop. Ce n’est pour nous qu’une séparation toute passagère, et j’espère que nous nous retrouverons heureux un jour, car je crois partir la conscience à peu près propre et Dieu prendra ma mort en considération pour suppléer aux mérites qui me manquent.
J’aurai voulu vivre pour vous, car vous seuls comptez pour moi au monde; Dieu en a voulu autrement, nous n’avons tous qu’à nous résigner humblement.
Ne pleure pas, ma pauvre maman, car au fond, je ne suis pas à plaindre, ne pleurez pas, car nous nous reverrons dans quelques misérables années.
Je souhaite tomber chrétiennement et vaillamment; la seule arrière-pensée que j’aie peut-être dans l’accomplissement de mon devoir, est la peine que vous causera mon absence, mais Dieu n’éprouvant que ceux qui le peuvent, s’il vous éprouve beaucoup, c’est que vous méritez et serez récompensés en proportion.
Ne te désole pas trop, ma chère maman, il fait vivre pour René, Lili et Marie, et il faut qu’ils puissent suivre ton exemple et celui de papa. Vis pour eux et achève d’en faire des honnêtes gens, de bons chrétiens et de bons français.
Adieu donc, mes biens chers, Je vous laisse le peu que je possède. Puisse mon sacrifice, vous valoir maintenant le repos et la paix dans vos coeurs.
Je vous embrasse de toute mon âme
André"
Lettre du Ltt Robert Lafon, pilote de l'escadrille C 18
Escadrille C 18, Le 8 mai 1916,
"Monsieur,
J’ai le regret de vous apprendre la mort de notre camarade le lieutenant Landre, observateur à l’escadrille C 18. Notre regretté camarade a été tué glorieusement le 5 mai au cours d’un combat aérien. Son pilote a réussi à ramener l’appareil fortement endommagé dans nos lignes. Le lieutenant Landre a été enterré au cimetière militaire de Brocourt. Nous avons fait prendre une photo de son corps et nous la tenons à la disposition de la famille si elle la désire.
Landre a toujours été à l’escadrille un excellent camarade et un officier remarquable, donnant à tous l’exemple du plus grand courage et de la plus grande énergie. Sa fin a été celle d’un héros ; sa famille peut être fière de lui.
Au cours d’un combat contre plusieurs avions ennemis, sa mitrailleuse s’étant enrayée, il continua de combattre avec un simple mousqueton. c’est à ce moment qu’il tomba frappé d’une balle à la tête.
Je me tiens à la disposition de la famille pour tous les renseignements qui pourraient l’intéresser. Veuillez présenter à la mère de notre camarade, nos sincères condoléances et l’expression de notre profonde admiration pour le vaillant soldat que nous pleurons tous.
Veuillez agréer, Monsieur, avec mes sincères condoléances, l’expression de mes sentiments distingués.
Robert Lafon
Lettre du Cne Delafond commandant l’escadrille C 18 à Louise Landre,
Le 13 Mai 1916,
"Madame,
Je n’avais pas le droit de vous annoncer le terrible malheur qui vous frappe.
Vous savez tout maintenant. Permettez-moi de vous exprimer mes très respectueuses et très émues condoléances et veuillez croire au grand, très grand chagrin que nous avons éprouvé à la mort de notre jeune et aimé camarade.
Parti en reconnaissance, votre fils eut sur les lignes ennemies un de ces combats aériens sévères dont si souvent il avait triomphé
Deux balles le frappèrent, il expira, sans avoir souffert et fut ramené à terre française par son pilote.
Il repose maintenant dans un petit cimetière où toutes mesures ont été prises pour que vous puissiez plus tard le retrouver.
Vous connaissiez la noble nature de votre fils. Déjà cité à l’ordre du corps d’armée puis à l’ordre de l’armée, J’espère qu’une nouvelle citation fixera un de ses derniers et admirables actes d’héroïsme
Une ambulance vous enverra ses effets et ses objets personnels et une somme de mille francs environ qu’il avait.
Je ne saurai jamais assez vous dire, madame combien nous l’aimions. D’une douceur ignorée au milieu de toutes nos misères, votre fils avait un sentiment du devoir, une élévation de pensée et une pureté du coeur qui faisaient de lui notre exemple. En vous exprimant de nouveau, Madame, ma douloureuse sympathie, je vous prie d’agréer, l’hommage de mon respect.
Delafond"
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