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Cne Alexandre Bouchet
Observateur du GB 1
Commandant de l'escadrille F 25
Commandant du GB 1

Cne Alexandre Bouchet - Né le 5 février 1876 à Beaumont (Puy-de-Dôme) - Fils de Léger Bouchet et de Louise Roche - Domiciliés à Beaumont (61) - Profession avant guerre cultivateur - Classe 1896 - Recrutement de Riom sous le n° matricule 1779 - Service militaire au 30ème régiment de Dragons à compter du 16 novembre 1897 - Nommé Brigadier, le 18 mars 1898 - Nommé Brigadier fourrier, le 6 juillet 1898 - Nommé Maréchal des Logis, le 28 janvier 1899 - Engagé pour deux ans, le 22 juin 1900 - Nommé Maréchal des Logis fourrier, le 23 septembre 1900 - Nommé Maréchal des Logis chef, le 10 octobre 1901 - Engagement de trois ans à compter du 1er novembre 1902 - Nommé sous-lieutenant au 21ème régiment de chasseurs à cheval, le 1er avril 1905 - Nommé Lieutenant, le 1er avril 1907 - Affecté comme instructeur d'équitation à l'école d'application de cavalerie, le 23 mars 1910 - Affecté au 7ème régiment de Hussards, le 6 septembre 1912 - Affecté au 21ème régiment de Chasseurs, le 10 octobre 1913 - Passé à l'aéronautique militaire, comme observateur de la 4ème armée, le 9 octobre 1914 - Nommé Capitaine à titre définitif, le 1er novembre 1914 - Chevalier de la Légion d'Honneur et citation n° 511 à l'ordre de l'armée, le 8 janvier 1915 - Affecté au 1er groupe de bombardement (GB 1) comme adjoint au commandant de groupe du 16 octobre 1915 au 31 mai 1917 - Citation n° 406 à l'ordre de l'armée, le 25 octobre 1915 - Citation n° 2910 à l'ordre de l'armée, le 13 mai 1916 - Passé au GDE, le 1er juin 1917 - Brevet de pilote militaire n° 9417 obtenu au GDE, le 20 octobre 1917 - Commandant de l'escadrille F 25 du 28 octobre 1917 au 20 février 1918 - Nommé commandant du 1er groupe de bombardement, le 20 février 1918 - Citation n° 1118 à l'ordre de la 2ème armée, le 14 mars 1918 - Nommé Chef d'escadron (Cdt) à titre temporaire, le 28 juin 1918 - Nommé Chef d'escadron à titre définitif, le 23 mars 1919 - Commandant du 2ème régiment de bombardement, le 1er janvier 1920 - Officier de la Légion d'Honneur, le 16 juin 1920 - Commandant du 21ème régiment d'aviation d'Essey-les-Nancy, par changement de dénomination, le 1er août 1920 - Marié avec Jeanne Marie Madeleine Gauthier - Ordre de 4ème classe du soleil Levant (Japon) - Nommé Lieutenant-colonel, le 25 mars 1924 - Commandeur de la Légion d'Honneur, le 28 décembre 1927 - Nommé Colonel - Commandant de la 11ème brigade de bombardement de Metz, le 5 février 1929 - Nommé Général de Brigade aérienne - Nommé Général de division aérienne, le 19 avril 1935 - Décédé à Nancy (54), le 11 mai 1958 - Alexandre Bouchet repose au cimetière du Sud de Nancy - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Ses citations

Chevalier de la Légion d'Honneur et citation n° 511 à l'ordre de l'armée, le 8 janvier 1915 : "Observateur en aéroplane, a montré les plus grandes qualités de calme et d'audace au cours de nombreuses reconnaissances et d'un bombardement de nuit des bivouacs ennemis. A toujours rapporté des renseignements précis et exacts sans se laisser détourner de sa mission, même par les circonstances les plus critiques. En dernier lieu, le 31 décembre, a effectué une reconnaissance par un temps très défavorable, et sous un feu violent d'artillerie. Un obus ayant sectionné un longeron de queue de son avion, a continué à observer le détail des tranchées ennemies, pendant une descente périlleuse où l'appareil, complétement déséquilibré, était canonné jusqu'à l'atterrissage."

Citation n° 406 à l'ordre de l'armée, le 25 octobre 1915 : "Observateur en avion depuis octobre 1914, a accompli un nombre considérable de reconnaissances à grande distance, parfois dans des conditions atmosphériques très défavorables et sans se laisser jamais arrêter par le feu de l'ennemi. A toujours rapporté, grâce à son expérience et sa ténacité, tous les renseignements qu'il était possible de recueillir."

Citation à l'ordre de l'Armée de l'escadrille VB 101 du 4 février 1916 : "Escadrille ayant toujours donné les preuves d'un grand courage et d'un parfait esprit de devoir. Est parvenue en très peu de temps, sous l'impulsion énergique de son Chef, le Capitaine LAURENS, à exécuter des bombardements de nuit collectifs et parfois dans des circonstances difficiles, en particulier dans la nuit du 18 janvier 1916, où 6 appareils ont pris leur vol." Signé Joffre

Citation n° 2910 à l'ordre de l'armée, le 13 mai 1916 : "Officier hardi, exemple d'énergie et d'entrain. A effectué 188 heures de vol au-dessus de l'ennemi et exécuté 21 bombardements. S'est particulièrement distingué dans la nuit du 10 au 11 avril 1916 au cours d'une ronde rendue extrêmement difficile et périlleuse par l'état de l'atmosphère."

Ordre général N°4 ''F'' attribuant le port de la fourragère au GB1 du 30 juillet 1916 - Le personnel des Groupes de Bombardement et des Escadrilles d'Avions sera admis au port de la Fourragère dans les conditions fixées par l'Ordre Général N°1 ''F'', du 5 juin 1916, avec deux citations à l'ordre de l'Armée. En conséquence, ont droit au port de la Fourragère : le 1er groupe de bombardement, qui a été l'objet de deux citations à l'Ordre des Armées - Signé Joffre.

Citation n° 1118 à l'ordre de la 2ème armée, le 14 mars 1918 : "A exécuté de nombreux bombardements aériens, en particulier, a pris part à 14 sorties du 10 au 30 avril 1917; le 13 mai 1917, a bombardé de nuit une gare importante éloignée. Comme capitaine d'escadrille, a effectué à la tête de son unité 9 bombardements de nuit, en particulier les 25 et 28 juillet 1918, où il a pu recueillir des renseignements importants, malgré une brume intense."

Citation n° 12.763 à l'ordre de l'armée, décernée par le Maréchal de France, commandant en chef les armées françaises de l'Est, du 1er groupe de bombardement en date du 6 janvier 1919 : "Sous l'impulsion énergique de son commandant, le chef d'escadrons Bouchet, le 1er groupe de bombardement, composé des escadrilles 114, 110, 25, a pris part aux batailles de Picardie et de champagne 1918. En sept mois, du 27 mars au 9 novembre, il a executé 106 nuits de travail, 2134 expéditions d'avions, attaqué 749 objectifs militaires, accompli 109 reconnaissances de nuit, lançé près de 560 tonnes de projectiles, réalisé 115 destructions (incendies, routes coupées, trains sautés, dépôts de munitions explosés, terrains d'aviation brûlés, ....) A contribué puissamment à l'arrêt de l'ennemi, et à son recul consécutif, en lui infligeant des pertes qui ont affecté profondément son moral et diminué sensiblement sa valeur combative. N'a cessé de procurer à notre haut commandement des renseignements du plus grand intérêt."

Alexandre Bouchet par son petit-fils Antoine

Enfance et adolescence :

Né le 5 février 1876 à Beaumont (Puy de Dôme), près de Clermont-Ferrand, Alexandre est le fils de Léger et de Louise (Roche), famille de vignerons auvergnats. Beaumont est alors une petite commune rurale d'environ 1500 habitants, ce chiffre décroissant jusqu'à la première guerre mondiale, avant de remonter dès qu'elle se transformera en banlieue de Clermont-Ferrand.

Vue de Beaumont (63), village natal d'Alexandre Bouchet - Il y est né, le 5 février 1876 - Ses parents étaient vignerons - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

"Les Bouchet, très ancienne famille de Beaumont, étaient avant 1760 (et de père en fils) notaires de l'abbaye (bénédictine de femmes, fondée en 665). Dans la vieille maison Bouchet construite à même une tour des portes (entrée actuelle de la rue Saint-Verny), une chambre était encore appelée "l’Étude". Les Bouchet sont retournés à la terre en 1789. Étienne, le frère aîné était éleveur et Léger vigneron. La maison Bouchet, construite en lave noire comme toutes celles de cette région, comportait un rez de chaussée consacré au vin : le cuvage avec ses cuves à vin."

Alexandre avait une soeur, Marie-Louise, née en 1878, restée célibataire plus longtemps encore que son frère : nous reviendrons sur les circonstances rocambolesques de son mariage à l'occasion de celui d'Alexandre.

Alexandre (1876) et sa soeur Marie-Louise (1878) - Photo transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Sur ces premières années, j'emprunte à son ami d'enfance Jean-Baptiste Emuy une partie de l'éloge funèbre qu'il a prononcé quelques jours après la mort d'Alexandre devant tous ses anciens camarades beaumontois : "Alexandre Bouchet avait révélé tout jeune, à ses maîtres de l’école communale, une intelligence vive, allant de pair avec un penchant extraordinaire pour l’étude… Après son certificat d’études, il suivit pendant 3 ans le cours de l’École primaire supérieure de Clermont, dont il fut également un brillant élève. A la suite d’une crise de formation, et avant la fin de la troisième année, il dut toutefois abandonner ses études. Il se consacra alors à la culture ancestrale de la vigne, qui traversait alors la crise phylloxérique; en quelques années, notre beau vignoble d’Auvergne fut détruit. Là également, Alexandre Bouchet donna la mesure de ses qualités de travail et de volonté. Ayant obtenu son diplôme de maître-greffeur, il contribua à renouveler le vignoble beaumontois, qui fut… reconstitué grâce à l’introduction des cépages américains… Ce fut une période bien dure pour ceux de sa génération, et à cette époque de sa vie, notre camarade ne prévoyait certainement pas qu'il finirait ses jours comme général."

Il reçoit son diplôme de greffeur délivré à Beaumont le 3 avril 1892. Dès lors, il exerce le métier de vigneron, comme plusieurs de ses camarades beaumontois : métier exigeant, la vigne requérant des soins nombreux et réguliers. Cependant, l'activité agricole ne suffit pas à combler son intelligence, il prend également des cours aux Beaux-Arts à Clermont-Ferrand.

Diplôme de Greffeur d'Alexandre Bouchet décerné par l'école de greffage de Beaumont, le 3 avril 1892 - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Entrée dans la carrière militaire :

Appartenant à la Classe 1896, il est sélectionné à Riom, et incorporé à 21 ans le 16 novembre 1897, sous le numéro matricule 1779, au 30ème Régiment de Dragons alors stationné à Saint-Étienne. Si on en croit son ami Pierre Pageix, ils étaient plusieurs jeunes beaumontois de la même génération incorporés au même moment dans des unités différentes, qui restaient en contact en s'écrivant assez régulièrement les uns aux autres.

Arrivé soldat de deuxième classe, il prend très vite goût à la vie militaire et connaît un avancement rapide : brigadier le 18 mai 1898, brigadier-fourrier le 26 juillet, maréchal-des-logis le 28 janvier 1899, maréchal-des-logis-fourrier le 24 septembre 1900, maréchal des logis-chef le 10 octobre 1901.
Alexandre se montre excellent cavalier, ce qui, ajouté à son intelligence, explique sans doute pour une bonne part la rapidité de son parcours en un temps où, chez les dragons, être bon cavalier équivalait à être bon soldat.

Six de la classe : les jeunes recrues ont fière allure... Photo prise vers 1899 devant l'entrée de la Place d'Armes à Beaumont : Alexandre est le second en partant de la droite, avec à sa droite son camarade Jean-Baptiste Émuy (qui prononça l'éloge funèbre ci-dessus) et son cousin Pierre Pageix avec la lyre cousue sur sa manche, signe de son appartenance à la fanfare du régiment - A cette date, Alexandre est maréchal des logis - Photo collection Jacques Pageix que je remercie pour son aide.

L'Aspirant Alexandre Bouchet, cavalier du 30ème régiment de dragons stationné à St-Etienne - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Les premières années d'officier :

Sélectionné pour devenir officier, il est envoyé en stage en tant qu'élève officier à Saumur en 1904-1905 et en ressort sous-lieutenant, classé 4ème sur 63, avec d'excellentes appréciations. Le 1er avril 1905, il arrive au 21ème régiment de Chasseurs à Limoges. Il est lieutenant le 1er avril 1907.

Ses notes annuelles sont et resteront élogieuses pendant toute sa carrière. A défaut de pouvoir les reproduire dans leur intégralité, il sera fait mention ici ou là, d'appréciations significatives ou amusantes. En voici un florilège ornant sa première partie de carrière :
1905 : "… cavalier de jolie tournure, svelte et assez élégant..." (notes obtenues à Saumur)
1905 : " … joli cavalier, assez élégant, endurant et énergique..."
1906 : " … cavalier très fin et énergique, monte remarquablement à cheval ..."
1907 : " … cavalier consommé tirant parti de tous les chevaux... a obtenu cette année de brillants succès en course mais sans que cela ait nui en rien à son service qu'il fait toujours avec la plus scrupuleuse exactitude. Très bien élevé et toujours très bien tenu, nature très sympathique."
1908 : " … d'éducation et de tenue parfaite, il travaille et s'ouvre l'esprit pour lui-même sans chercher à briller... Homme de cheval consommé, il réussit également bien au manège et à l'extérieur, fait de la haute école et gagne des steeples. Il est regrettable que Mr. Bouchet n'ait pas trouvé sa voie plus tôt. Il est entré dans l'Armée à un âge qui lui enlève toute chance de grand avenir."
1909 : " … serait très qualifié pour être désigné comme sous-écuyer à Saumur."
1910 : "… s'adonnant surtout passionnément à l'équitation et au dressage. Sera parfaitement à sa place dans le cadre des écuyers. » On sent poindre là un peu de dépit de la part du chef de corps qui voit partir un bon officier..."

Saumur :

Il revient à Saumur comme instructeur d'équitation en avril 1910, et y restera jusqu'en septembre 1912. Il est affecté à la fois comme sous-écuyer au Cadre Noir et comme cadre à l'instruction des aspirants, d'abord aux 3ème et 4ème sections de la 2ème brigade en 1910-1911, puis aux 7ème et 8ème sections de la 4ème brigade en 1911-1912.

Alexandre Bouchet a été instructeur d'équitation d'avril 1910 à septembre 1912 - Il a été sous-écuyer du Cadre Noir et cadre à l'instruction des aspirants - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Il côtoie quelques grands noms de l'équitation française : Danloux, Decarpentry, Wattel, … et peut à loisir assouvir sa passion pour l'art équestre : il monte en compétition dans toutes les disciplines, concours hippique, dressage, course, concours complet et se fait un beau palmarès, y compris sans doute dans des épreuves internationales : il a en particulier du participer à un concours de dressage à Londres. Il est bien entendu de toutes les reprises du Cadre Noir. Les appréciations que portent sur lui ses instructeurs sont régulièrement très flatteuses, ce qui permet d'imaginer qu'il serait peut-être devenu un cavalier de tout premier plan s'il avait poursuivi sa carrière dans la cavalerie.

Presque 50 ans plus tard, le Général Decarpentry écrira l'appréciation suivante au Commandant Margot, Écuyer en Chef, auprès de qui il sollicite l'affectation d'Alain au Cadre Noir, intervention dont nous reparlerons car elle ne réjouit pas son bénéficiaire : "Son papa (Alexandre) était, à mon avis un écuyer de valeur tout à fait exceptionnelle. Je vois encore son excellente jument Gambadeuse qui avait une des plus beaux piaffer, sans compter les changements de pied au temps, gagner un steeple à Varrains entre deux reprises. Après 2 ou 3 ans de sous-écuyer, Bouchet-père a fait son cours de Lieutenant d'Instruction en 12/13 dans ma brigade, et je l'ai classé en tête – très loin devant tous les autres..."

Le Ltt Alexandre Bouchet, sous-écuyer du Cadre Noir de Saumur montant Gambadeuse - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Il participe à des manoeuvres de grandes unités, notamment en septembre 1911 au sein de l’État-major de la 23ème Division d'Infanterie, où il se fait remarquer par son sérieux et sa compétence.
Après la guerre, étant devenu aviateur et tout en continuant à s'intéresser de près à la chose équestre, participant notamment à des réunions d'anciens du Cadre Noir, il refusera avec constance de remonter, en dépit de l'insistance de son ami Decarpentry, considérant qu'on ne peut faire très bien qu'une chose à la fois : il avait choisi les avions. C'est à eux désormais qu'il se devait totalement.

Une reprise du Cadre Noir de Saumur - Le Ltt Alexandre Bouchet est le second en partant de la droite - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Alexandre, croqué par Jean Argoud, camarade du cours des officiers en 1905 et du cours des lieutenants d'instruction. L'ombre au sol est coiffée du bicorne. Alexandre venait de quitter le Cadre Noir, et avait donc repris la tenue militaire des chasseurs à cheval : pantalon garance, veste et képi bleu clair - extrait d'un recueil de caricatures "Saumur – souvenirs d'un cours d'instruction 1912-1913" - Photo Antoine Bouchet que je remercie pour son aide.

Caricature réalisée par J. Pelcat en juillet 1912, et dont la légende témoigne que ses qualités équestres dépassaient la seule appréciation élogieuse du général Decarpentry - Photo Antoine Bouchet que je remercie pour son aide.

Menu dessiné par Argoud d'un "gueuleton" de promotion qui a réuni, pendant le cours des lieutenants d'instruction, tous ceux qui avaient suivi le stage de formation des sous-lieutenants en 1905, signé par les participants - Alexandre est l'avant-dernier à droite - A l'époque, on savait manger ! - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet que je remercie pour son aide.

Retour en régiment :

En septembre 1912, il est affecté au 7ème régiment de Hussards de Niort, mais reste à Saumur pour suivre le cours des lieutenants d'instruction, qu'il termine 3ème sur 74, avec la mention très bien. Il rejoint Niort début septembre 1913, mais ne fait qu'y passer, comme l'écrit son chef de corps de façon laconique : "N'a fait que paraître au Régiment, venant d'être désigné… pour le 21ème Chasseurs. A fait bonne impression."
Dès octobre 1913, il retourne donc au 21ème régiment de Chasseurs à cheval à Limoges comme lieutenant en 1er (adjoint du Capitaine) au 5ème escadron. En mai 1914, il participe à un stage de tir d'infanterie au Camp du Ruchard près de Tours, où il brille particulièrement, obtenant un témoignage de satisfaction du Ministre et une médaille, puis, en juin, effectue un stage d'observateur en aéroplane au camp de Mailly, et obtient le brevet d'observateur en aéroplane n° 591, le 20 juin 1914. Il n'est pas sûr qu'en passant ce brevet, Alexandre eut déjà formé la projet de passer dans l'aviation: il existe en effet un certain nombre de qualifications militaires qui ne conduisent pas obligatoirement à un changement de spécialité, mais seulement à l'acquisition d'une compétence supplémentaire qui peut être utile. En l'occurrence, le métier d'observateur était compatible la mission de reconnaissance des chasseurs à cheval, puisqu'il existait des escadrilles de cavalerie destinées justement à prolonger l'action de reconnaissance. Et l'aviation n'étant pas encore structurée, cette activité d'observateur aérien était envisagée comme un "complément" utile à l'activité principale du cavalier. Le voilà un pied dans l'aviation.
Interrogeons-nous néanmoins sur les motivations d'Alexandre : est-il attiré par la modernité de l'aviation ? Il a pu en effet être séduit par les prouesses des aviateurs qu'il a pu admirer à Saumur (au Breil, sur la commune de Saint-Hilaire- Saint-Florent), qui a accueilli dans les années d'avant-guerre plusieurs meetings aériens importants et qui affichait son ambition de jouer un rôle dans l'aviation naissante. Se rend-il déjà compte que la guerre moderne condamne l'usage traditionnel du cheval ? Ou bien a-t-il plutôt compris le message très clair qu'à partir de 1908 ses chefs successifs lui adresseront régulièrement ? Il est trop vieux pour pouvoir briguer des responsabilités importantes, il terminera capitaine et ne sera peut-être même jamais, en dépit des qualités que tous lui reconnaissent, écuyer au Cadre Noir, honneur réservé à une aristocratie à laquelle il n'appartient évidemment pas. Allant vers cette arme nouvelle, il pouvait penser que la concurrence y serait moins rude.
Bien que le déclenchement prochain d'une guerre avec l'Allemagne soit de plus en plus probable au printemps 1914, personne ne pouvait se douter qu'elle durerait aussi longtemps et entraînerait des pertes telles que les pronostics d'avant-guerre seraient balayés, les survivants se voyant offrir des responsabilités peu en rapport avec leurs perspectives initiales.

A Berlin ! La bataille des frontières

En août 1914, Alexandre est au 21ème Chasseurs à cheval stationné à Limoges (il habite alors au 17, avenue des Charentes). Le régiment, rattaché au 12ème Corps d’Armée, dont l’état-major est également à Limoges, est alors commandé par le Colonel Gaborit de Montjou. Il est lieutenant au 5ème escadron (commandé par le Capitaine de la Taille) appartenant au 3ème groupe (commandé par le Capitaine Machenaud).

La Mobilisation Générale est décrétée le 2 août. Le régiment quitte Limoges en plusieurs échelons à partir du 4 août. Le 3ème groupe fait partie des derniers à partir. Il quitte Limoges le 16 août 1914 par le train, direction Troyes puis Valmy. En ce début de guerre, le 3ème groupe est utilisé comme unité de réserve, son activité se résumant à une suite de mouvements, un peu en arrière de la ligne de front qui est en train de se dessiner. Il monte par petites étapes vers la Belgique afin de rejoindre le gros du régiment. Le 5ème escadron stationne à Hans (5 km au nord de Valmy, à l'ouest de l'Argonne), le 17 soir, puis à Montblainville (1 km nord de Varennes-en-Argonne) le 18, Landres le 19, Wiseppe le 20, Margut le 21, il franchit la frontière belge le 22 pour stationner à Florenville. La mission principale des chasseurs à cheval est d’éclairer la grande unité à laquelle ils sont rattachés, c'est à dire, grâce à des patrouilles en avant des unités combattantes (infanterie, cavalerie "lourde"', artillerie), de repérer les positions ennemies afin d’adapter le dispositif en conséquence. Des reconnaissances sont donc envoyées le long de la Semois dans la région de Pin, Yzel, Jamoigne. Le 23 est marqué par un certain nombre de mouvements dans cette région, puis à nouveau Florenville, enfin Sainte-Cécile où le 3ème groupe rejoint le reste du régiment. L’ennemi est repéré dans la forêt d’Herbeumont. Les textes sont assez confus au cours de ces jours où le front reste très mouvant.

La retraite :

C’est alors que commence le vaste mouvement de retraite des armées françaises qui, en dépit de succès ponctuels, ne s’achèvera que début septembre par la Bataille de la Marne (6 au 12 septembre 1914). Cependant, concernant la 4ème Armée à laquelle appartient le 21ème Chasseurs, cette retraite ne va être effective qu'au bout de trois jours, au cours desquels l'escadron demeurera au nord de l'Argonne, dans la région de Stenay.
Le 24 août, le 3ème groupe, réduit à 3 pelotons du seul 5ème escadron (un peloton est signalé égaré et le 6ème escadron a été détaché auprès de la 24ème division d'infanterie) est désigné comme escadron divisionnaire de la 23ème Division d’infanterie et à nouveau quitte le gros du Régiment. Des patrouilles sont envoyées sur divers points sur une ligne Charbeaux-La Folie ; le lieutenant Bouchet fait partie de l’une d’elles, sur Sapogne – Herbeval. Le passage en Belgique aura été de courte durée... Une seule patrouille aura contact avec l’ennemi. Le soir, l’escadron cantonne à Linay (à 3 km à l'ouest de la frontière).
A partir du lendemain 25, les ordres de retraite vont se succéder, mais par très courtes étapes : d’abord sur Martincourt, puis Auteville où l’escadron reçoit l’ordre de garder les lisières est du Bois de Blanchampagne vers 10 heures. Placé au nord du dispositif, le peloton du Lieutenant Bouchet aperçoit des cavaliers allemands et ouvre le feu en fin de matinée. Le dispositif est relevé vers 17h00, l’escadron va cantonner à Yoncq. Le ravitaillement manque, mais l’escadron retrouve son 4ème peloton égaré depuis 3 jours.
Le 26, Beaumont, repos ; le 27, diverses patrouilles, infructueuses ; le 28, journée agitée, de nombreux mouvements confus, commandés par l’obligation de se soustraire aux tirs de l’artillerie ennemie, ce dont semble témoigner le JMO, dont la page du jour est couverte de ratures ; manifestement, le rédacteur a eu du mal à consigner les événements dans l’ordre.

Malheureusement pour nous, le JMO du Groupe était probablement tenu par le Capitaine Machenaud lui-même, car à la date du 29 août est fait mention de son affectation à l’EM de la 23ème DI, probablement comme officier de liaison. Mais le détail de ces journées cruciales manque.
La relation des événements de fin août-début septembre se résume à ce qui suit, noté manifestement plus tard :

  • Retraite de la 23ème DI du 23 août au 6 septembre
  • 15 Septembre - Bataille de la Marne - Marche en avant jusqu’au 15 septembre
  • 21 Septembre - La 23ème DI va sous Reims relever le IIème Corps - Combats de St Léonard.
  • 2 Octobre - La 23ème DI revient au Camp de Châlons (Suippes).

Le JMO du 21ème Chasseurs est muet, puisqu'il ne concerne que la partie du régiment restée sous les ordres de son chef de corps. Le JMO de la 23ème DI quant à lui est assez laconique, notamment sur le rôle du 5ème escadron. On devra donc imaginer l'activité de l'escadron au travers de celle de sa division de rattachement.
Le 28 août : "la 23ème DI doit commencer sa retraite dans la direction générale de Sommauthe". Ce mouvement va d'ailleurs être stoppé rapidement en raison de meilleures nouvelles d'une unité voisine. La division prend position sur les hauteurs, et participe à une contre-attaque, puis reçoit l'ordre de "tenir la ligne : la Besace, Warniforêt, la Thibaudine, la Harnoterie, Bois-de-Failly" (8-10 km nord-ouest de Stenay).
Le lendemain 29 août : "la 23ème DI n'ayant reçu aucun ordre du 12ème CA se replie dans la direction générale de Sommauthe en commençant son mouvement à 4 heures". En fait, l'ordre du 12ème CA arrive en retard du fait d'une erreur d'itinéraire de l'officier de liaison : la 23ème DI se trouve ainsi isolée du reste du Corps d'armée, qui a fait mouvement dès 2 heures. Néanmoins, ceci ne semble pas avoir eu de conséquences fâcheuses.
Le 30 août, le mouvement se poursuit dans la région Chestres, Clairefontaine, Ballay (lisières nord-est de Vouziers).
Le 31, elle participe à un mouvement offensif dans la direction générale de Tourteron, mais les chemins étant impraticables, l'artillerie ne peut suivre et appuyer le mouvement qui s'essouffle rapidement. L'ordre d'attaque se transforme alors en ordre de tenir si possible les positions actuelles.
Le 1er septembre, le repli s'accélère : "Marche sur Challerange... ; installation provisoire des troupes dans la régions de Challerange, St-Morel, Brécy... ; pour atteindre, plus au sud, la région de Tahure." Le 2 septembre : "La DI arrive à Tahure vers 2 heures. Elle continue sa marche vers Souain". Et on trouve mention des ordres donnés au 5ème escadron : "escadron à la disposition du Cdt du détachement à Somme-Py". Le corps d'armée stationne sur place toute la journée.
Le 3 septembre : le ton se durcit. Le CA poursuit sa retraite, mais dans la nuit du 2 au 3, il subit une attaque allemande dans la direction de Souain vers la ferme de Navarin. La résistance des éléments au contact permet au reste du CA de se dégager. Malgré la fatigue, la 23ème DI se reforme dans la région de La Cheppe – Camp d'Attila, en vue d'occuper l'Est de la ligne de résistance affectée au 12ème CA : station de Cuperly - Mascard – L’Épine. Mais les effets conjugués de l'offensive allemande et de la fatigue désorganisent le plan, et la ligne finalement occupée se situe plus à l'est : "lisières N des bois au N de Mont-de-Charme – Camp d'Attila... - les abords de la Cheppe".
4 septembre : "Confirmation du mouvement vers le sud". Il s'agit de glisser vers le sud, en offrant toujours un front orienté nord-sud. 5 septembre : "le mouvement pour le 5 septembre prescrit la marche par la route de Paris à Vitry (le François) – Frignicourt – Blaise-sur-Argillières – Bussy-aux-Bois". Mais cet ordre est modifié le soir pour embarquer une grande partie des troupes à la gare de Vitry le François.

Bataille de la Marne, contre-offensive française et stabilisation du front :

Le 6 septembre, les troupes non embarquées poursuivent leur marche plein sud à une dizaine de km au nord de Brienne-le-Chateau. Le 7 septembre, "l'Armée a l'ordre de se maintenir sur ses positions coûte que coûte. Chacun doit être résolu à se faire tuer sur place plutôt que de reculer". La 23ème DI reçoit ordres et contre-ordres, pour finalement marcher sur Corbeil-Saint-Ouen (20 km au Sud-Ouest de Vitry le François). Le 5ème escadron, à nouveau cité dans le JMO, est chargé d'éclairer la marche de la division. A la mi-journée, la division se porte vers le nord pour participer à l'attaque du 17ème CA. L'ennemi se retire, le général commandant la DI fait connaître sa capacité à exploiter cet avantage. Ordre qui ne lui sera pas donné.
Le 8, la 23ème DI reçoit l'ordre d'exécuter une attaque de nuit. Mais au moment de passer à l'action, elle est placée aux ordres du 21ème CA, ce qui annule l'attaque prévue. Elle reste donc en position. Le 9, une attaque est ordonnée, visant à reprendre une bonne partie du terrain perdu : "Direction de l'attaque : Maison-de-Champagne, par le nord de Sompuis... Les progrès de l'attaque sont faibles. Le soir, la lisière du bois au sud de Sompuis est prise et reprise plusieurs fois."
Le 10, l'attaque se poursuit, mais se heurte à une forte résistance ennemie. Les positions sont globalement inchangées. C'est le 11 que la situation se débloque soudainement. La DI remonte en suivant la Marne à quelques kilomètres à son ouest, "précédée de l'Esc. Div.24". "Ayant reçu l'ordre d'accélérer la poursuite qui doit être, selon l'expression du général commandant le XVII° CA 'poussée jusqu'à la mort'..." le général commandant la 23ème DI fixe des objectifs ambitieux, qui seront presque tous atteints : le soir, les éléments avancés sont parvenus à Vésigneul-sur-Marne, à 5 km sud-est de Châlons-sur-Marne, bloqués par un pont détruit.
La Marne est franchie dans la nuit et dans la matinée suivante, en obliquant vers l'est. Le soir du 12, le cantonnement est fixé à la Censé-des-Prés. La poursuite continue, pour atteindre la région d'Auve, à quelques kilomètres à l'ouest-sud-ouest de Sainte Ménéhould. L'escadron est revenu tout près de son point de départ. La remontée des armées françaises va se poursuivre encore un peu, puis piétiner, quelques kilomètres au nord de la route Suippes-Valmy (région Minaucourt-Wargemoulin) à hauteur de ce qui est devenu le Camp militaire de Suippes. C'est là que va se stabiliser la ligne de front qui, en dépit des efforts et des sacrifices de part et d'autre, ne va quasiment plus évoluer pendant presque quatre ans.
Le 15 septembre, la 23ème DI est placée en réserve d'armée, pouvant donc être engagée sur n'importe quel point pour appuyer une unité en difficulté. Elle va suivre le mouvement du corps d'armée, sans être elle-même engagée. Le 17, les attaques commandées vers le nord (vers les villages de Perthes-lès-Hurlus, Hurlus, Tahure) se heurtant à la résistance de l'ennemi, le mouvement s'oriente vers l'ouest, vers le camp de Mourmelon. Ces premiers glissements le long de la ligne de résistance allemande préfigurent la course à la mer qui va dominer les prochains mois et peu à peu créer le front immobile, de la Mer du Nord à la frontière suisse. Désignée pour renforcer la 52ème division de réserve dans la protection de Reims, la 23ème DI fait mouvement; le 21, elle stationne à quelques kilomètres au sud-est de Reims, en bordure de la Montagne de Reims dans la région Verzenay, Verzy, le 5ème escadron étant à Mailly-Champagne. Le 22, elle se positionne aux lisières sud-est de la ville en coordination avec la 52ème DR qui a commencé à creuser des tranchées de défense.
Afin de tenter de dégager Reims, une attaque est commandée vers l'est (massif de Berru). Le 5ème escadron est envoyé en réserve vers le sud-ouest à Rilly la Montagne, donc relativement loin de l'action. L'attaque du 23 se heurte à une forte résistance allemande, les progrès sont décevants; elle va se poursuivre pendant 3 jours, mais sans plus de succès, les positions restant à peu près inchangées autour de Saint-Léonard, Fort de la Pompelle. A partir du 27, la division se met en posture défensive (appelée défense agressive), cherchant à placer ici ou là quelques attaques limitées pour repousser les allemands : la guerre des tranchées montre déjà ses limites. Déjà, l'ambition locale décline, en attendant de futures offensives de grande ampleur – qui elles aussi resteront infructueuses, quelqu'en aura été le prix du sang. Le 1er octobre, la 23ème DI reçoit l'ordre de revenir vers la région de Suippes, où elle arrive le lendemain. Il ne s'agit pas d'un éloignement du front, car la division relève la 120ème Brigade dans des positions de défense préparées.

Nous allons quitter le 21ème régiment de Chasseurs. Le 3ème groupe poursuivra son activité dans la région de Suippes, tandis que le "gros" du régiment va participer à la "course à la mer", en étant transporté vers le nord, le 24 octobre, après quelques jours de repos.

Mais Alexandre, sur sa demande, a déjà rejoint les rangs de l'aviation comme l'indique le JMO du 3ème groupe à la date du le 13 octobre : "Le Lieut. Bouchet est affecté à l’aviation de la 4ème Armée". Ceci semble officialiser une situation déjà effective depuis quelques jours, comme en témoigne le carnet de vol d'Alexandre qui mentionne plusieurs missions de reconnaissance et de réglage de tirs d'artillerie avant cette date, à partir du 25 septembre 1914 : nous ne savons donc pas à quelle date exacte Alexandre a effectivement rejoint le service aéronautique de la 4 ème Armée.

Ainsi prend fin la guerre terrestre du Lieutenant Alexandre Bouchet.

L'aviateur :

Nous suivrons le parcours d'Alexandre notamment grâce à ses carnets de vol, très détaillés mais laconiques, aux journaux de marche et des opérations (JMO) de ses unités successives, quand ils existent : la précision varie en fonction du souci du détail du rédacteur.

Premières missions :

Alexandre commence donc son activité d'aviateur un peu avant sa date d'affectation : la première mission inscrite sur son carnet de vol est datée du 25 septembre 1914 :

  • Reconnaissance Vallée de la Suippe – Vallée de la Py – Perthes – Ferme de Jonchery.
  • Réglage Batteries de l’Epine de Védégrange.
    Appareil Blériot - Très bonne visibilité - Assez fort vent - Durée 1h20, altitude maximale 800 mètres.

Les missions se succèdent à raison d'une tous les deux jours environ.

Insigne d'observateur n° B 591 d'Alexandre Bouchet - Ce type d'insigne métallique a été créé et distribué à partir de 1916 - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le bombardement aérien – Naissance du bombardement de nuit :

Alexandre est donc affecté, le 13 octobre 1914, comme observateur à la Direction aéronautique de la 4ème armée. Il ne quitte pas la région de Mourmelon-Suippes. Il est promu capitaine le 1er novembre.
Les escadrilles ne comptent à l'époque que des pilotes et des mécaniciens, le pilote étant considéré comme un chauffeur. Les observateurs sont fournis par l'Artillerie pour les réglages de tirs, et par la direction aéronautique pour les reconnaissances, ce qui n'est pas sans poser des problèmes de cohésion des équipages, ceci changera progressivement. Alexandre vole donc tour à tour au sein les escadrilles affectées à la 4ème armée au gré des besoins en observateur. Si l'aviation de bombardement est en principe équipée d'avions Voisin ou Maurice Farman, on trouve aussi mention de missions effectuées sur des appareils Blériot ou Dorand. Le parc aérien en ce début de guerre est plutôt hétéroclite : les essais d'appareils avant la guerre ont conduit à commander des séries courtes chez de nombreux constructeurs, les unités peuvent donc être équipées d'appareils de plusieurs types : la guerre fera très vite la sélection.
Les premières sorties sont consacrées à la reconnaissance et aux réglages de tirs d’artillerie, mais les actions de bombardement surviennent vite, dès le 2 novembre (Bombardement du parc de voitures à la Neuville-en-Tourne à Fuy – objectif paraissant atteint – 4 bombes de 90 – très canonnés.)

A cette date, l'aviation n'est pas encore structurée, les bombardements surviennent au hasard de missions de reconnaissance, lorsque se révèlent des objectifs intéressants. Pour cela les équipages emportent, à leurs pieds dans la nacelle, des caisses de fléchettes métalliques ou des obus d'artillerie auxquels a été ajouté un empennage sommaire pour les stabiliser, qu'ils jettent à la main au dessus de l'objectif. Les choses commencent à changer à partir de la création du 1er Groupe de Bombardement (GB1) le 23 novembre 1914, par le Commandant de Goÿs.

Cette date marque le début de la spécialisation des escadrilles. Les missions de bombardement de plus en plus nombreuses, se démarquent des missions reconnaissance et de réglage d'artillerie sans toutefois les exclure. Il s'agit au départ de missions de jour, tant qu'on a peu à craindre des tirs venant du sol, et rien de la chasse qui n'existe pas encore : cela ne durera pas très longtemps. De même, on ne peut encore parler de raids de bombardement, les avions menant chacun leur mission, sans chercher à voler en formation : le souci d'efficacité opérationnelle, mais aussi l'action de la chasse ennemie comme de l'artillerie anti-aérienne provoqueront très vite l'évolution des modes d'action, d'autant plus que les progrès techniques porteront plus sur la capacité d'emport que sur la vitesse des appareils, ce qui en fera des cibles de choix, sauf à faire escorter les raids par des avions de chasse, ce qui n'était pas toujours le cas. Il faudra aux équipages de bombardement d'autant plus de courage et de méthode pour parvenir à remplir les missions.

Certains équipages audacieux expérimentent le bombardement de nuit. Au début au moins, le vol de nuit rendait l'avion invisible à faible altitude (aux environs de 600 m.) donc invulnérable au tirs antiaériens et à une chasse encore inexistante. Des essais ont lieu, le Lieutenant Laurens de l'escadrille V 21, effectue un premier bombardement en soirée le 31 octobre puis effectue des vols de nuit dont un de plus d'une heure le 9 décembre 1914, mais l'exercice s'avère difficile, puisqu'il faut apprendre à décoller, voler, s'orienter, trouver l'objectif et l'atteindre, revenir, enfin se poser de nuit, sur terrain balisé ou non et souvent par mauvaises conditions météo (pluie, vent, brouillard), sur des avions dépourvus, en dehors de la boussole de l'observateur, de toute aide à la navigation.

Voisin LA de l'escadrille VB 1 - L'observateur, à droite, décoré de la Légion d 'Honneur est le Ltt Do-Huu Vi de l'escadrille VB 1 / VB 101 - Le pilote reste à identifier - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

* Ltt Do-Huu Vi - Né le 17 février 1883 à Cholon (Cochinchine) - Fils du préfet colonial de Cochinchine Do-Huu Phuong - Entré à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr le 1er octobre 1904 - En 1906-1907, Campagne du Maroc à Oujda, Casablanca et Haut-Guir - En 1908, a celle du massif du Hoggar puis jusqu'en 1910 sur les confins algéro-marocains - Intégre l'école militaire de pilotage, le 10 décembre 1910 - Brevet de pilote militaire n° 78 obtenu le 13 décembre 1911 - Brevet de l'Aéroclub de France n° 649 - Pilote de l'escadrille du Maroc Occidental pendant 2 ans - Chevalier de la Légion d’Honneur - Médaille du Maroc - Médaille Coloniale - Chargé d'une étude sur la pratique de l'hydroglisseur Lambert sur le Mékong et le Fleuve Rouge - Rentre en France, le 3 octobre 1914 - Observateur-bombardier de l'escadrille VB 1 du 1er décembre 1914 au 20 janvier 1915 - Observateur-bombardier de l'escadrille VB 2 / VB 102 du 20 janvier 1915 au 2ème trimestre 1915 - Nommé capitaine, le 22 mars 1915 - Victime d'un grave accident aérien, à bord d'un Voisin LAS, au retour d'une mission, le XX (2ème trimestre 1915) - Hospitalisé au Val-de-Grâce avec des fractures au bras gauche, la mâchoire et du crâne - Ne pouvant reprendre immédiatement sa fonction de pilote, en raison des séquelles de ses blessures, il est affecté comme observateur à l'EM du GB 1, le 1er juillet 1915 - Stage de transformation sur Caudron G 4 à la RGA d'août à décembre 1915 - Jugé inapte au début de 1916 - Prend le commandement de la 7ème compagnie du 1er régiment de marche de la Légion Etrangère - Tué au combat à la tête de cette unité, dans les environs de Dompierre (Somme), le 9 juillet 1916 - Photo collection Lela Presse.

La première mission de nuit notée sur le carnet de vol d’Alexandre a lieu le 24 décembre 1914 : bombardement de nuit des bivouacs de Dontrien – 4 obus de 90 – durée 1.45 – altitude 1200 mètres. S'il ne s'agit pas du tout premier bombardement de nuit de l'histoire, celui-ci ayant eu lieu 3 jours avant, c'est probablement le second. Alexandre est le bombardier, dans l'avion piloté par le lieutenant Laurens.
Il faudra encore presque un an pour mettre au point le bombardement de nuit que différentes unités testeront, de façon ponctuelle, avant que ce soit reconnu comme une spécialité à part entière, différente du bombardement de jour, et que certaines unités (GB1, esc. V25, …) en fassent leur mode d'action principal. En effet, le suivant inscrit sur le carnet de vol n'intervient que le 18 décembre 1915 sur la gare de Metz-Sablons, puis le rythme s’accélérera : à partir de février 1916, cela va devenir l’essentiel de son activité, jusqu’en mai. Entre temps, le mode opératoire du bombardement aérien a évolué : désormais, on peut parler d'attaques coordonnées sur des objectifs précis, désignés par le commandement pour leur importance stratégique. Outre les attaques à proximité de la ligne de front, l'aviation de bombardement est utilisée comme une artillerie à très longue portée et vise des gares (Metz, Chambly, Arnaville, Conflans-Jarny, Maizières-lès-Metz, Thionville, etc.), des usines (Rombas et Maizières-lès-Metz), des hauts fourneaux (Hagondange) : il s'agit de désorganiser les flux logistiques et les moyens de production allemands. Ce sera l'une des clés de la victoire. Si Alexandre a participé pour l'essentiel à des missions relativement proches, les progrès techniques, touchant notamment la puissance des moteurs, ont peu à peu permis de mener des raids lointains et d'atteindre l'Allemagne en profondeur, tant pour toucher les équipements industriels que pour frapper les esprits.

Jumelles réglementaires utilisées par Alexandre pendant la Guerre - En haut, l'étui et les jumelles - en bas, l'intérieur du couvercle de l'étui - Ces excellentes jumelles 8 x 30, très lumineuses, sont toujours en parfait état - Elles sont en possession d'Antoine Bouchet, son petit-fils, qui a pris ces photos - Tous mes remerciements.

Incidents de vol :

On ne peut parler de l'aviation de cette époque sans parler également des innombrables incidents qui émaillent les missions.
L’avion reste un engin fragile et très dépendant des éléments : on compte et on comptera durant toute la guerre, de nombreuses missions annulées ou écourtées pour cause de météo défavorable ou de pannes : dans le meilleur des cas, la décollage ne peut avoir lieu. Alexandre connaît ses deux premières pannes le 25 octobre et le 11 novembre 1914. Et la lecture des JMO montre que les jours sans panne étaient rares et ceci restera vrai encore longtemps après la fin de la guerre.
Autres incidents de vol, les tirs ennemis : ceux venant du sol, d'abord spontanés de la part des combattants survolés, ce qui était relativement facile sur des cibles aussi lentes et proches, puis, rapidement, organisés au sein de défenses antiaériennes, quand les avions eux-mêmes gagnent en performances.
L’aviateur distingue nettement les tirs dirigés contre lui ; il voit monter les projectiles, alors qu’il n’entend probablement pas les départs des coups, assourdi par le bruit de son moteur. On trouve de fréquentes mentions de tels tirs dès le 29 octobre : canonnés ; très canonnés, … et aussi, de temps en temps, le décompte des éclats, c'est à dire essentiellement les trous dans la toile ; c'est l'avantage paradoxal de la fragilité des appareils : il est rare, sauf quand la structure ou le pilote sont touchés, que de simples balles de fusil causent de graves dégâts ; ainsi le 7 novembre : 2 éclats, le 14 : 3 éclats, le 25 : 2 éclats, le 3 décembre : 7 éclats, le 22 : 1 gros éclat.

Et bien entendu, on ne prend pas que des éclats inoffensifs : le 31 décembre, lors d’une mission de reconnaissance (Lieutenant Laurens pilote) sur avion Voisin sur "Liry, Vouziers, Saulces-Champenoises, Rethel, Juniville, Dontrien : visibilité médiocre – nuages et brume – très fortement canonnés – vent S.O – abattus par canon à Dontrien – tombés dans nos lignes – longeron de queue sectionné – canonnés et mitraillés jusqu’au sol".

A ce compte-rendu laconique écrit de la main d'Alexandre sur son carnet de vol s'ajoute, fait exceptionnel, la relation qu'il en fait, peu avant sa mort, à son fils Alain, dans une lettre qu'il lui écrit en 1957 à l'occasion de la première citation décernée à ce dernier au cours de la Guerre d'Algérie : "Si je me rappelle ma 1ère citation, j'ai souvenir que c'était à la fin de 1914; la croix de guerre venait d'être créée, et c'était à la suite d'un atterrissage entre les lignes nécessité par un coup de canon qui venait de couper un longeron de queue de l'appareil et une prise de sol difficultueuse... qui s'était bien terminée ! "

Le Voisin LA n° V 215 de l'escadrille VB 1 après son atterrissage au Nord de la ferme de St-Hilaire - Un des longerons de queue a été tranché par un éclat d'obus de DCA pendant un mission au-dessus de Moronvillers, le 31 décembre 1914 - L'équipage était composé du Ltt Laurens (pilote) et le Ltt Bouchet (observateur) - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Voisin LA n° V 215 de l'escadrille VB 1 après son atterrissage - Un des longerons de queue a été tranché par un éclat d'obus de DCA pendant un mission, le 31 décembre 1914 - L'équipage était composé du Ltt Laurens (pilote) et le Ltt Bouchet (observateur) - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Détail du longeron de queue du Voisin LA n° V 215 de l'escadrille VB 1 tranché par un obus de DCA pendant une mission, le 31 décembre 1914 - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

S’il avait offert aux allemands une sévère nuit de Noël avec son premier bombardement de nuit, ceux-ci lui rendirent la pareille pour le nouvel an, au même endroit, Dontrien. Aux tirs venant du sol s'ajoutent ceux venant du ciel, au cours d’accrochages avec les aviateurs ennemis. Ils seront de plus en plus fréquents à mesure qu'apparaîtra et se perfectionnera la Chasse.

Combat aérien, le 10 janvier 1915 - lors d’une mission sur Callerange, Vouziers, Semide, Somme-Py : bonne visibilité – vent NO – canonnés – attaqués par un Aviatik - 6 balles tirées par carabine : les appareils ne sont pas encore armés; l’équipage emporte des armes légères, carabines ou pistolet, parfois une mitrailleuse montée sur la cellule; compte tenu des vitesses relatives, ces combats ne sont pas encore très meurtriers : il faut vraiment être un tireur d'élite ou avoir beaucoup de chance pour faire mouche. On retrouve périodiquement mention de tels combats aériens : le 25 février contre un Aviatik, le 2 mars contre un Albatros, le 6 avril contre un Aviatik, etc.
Dès ses premiers temps dans l'aviation, Alexandre est remarqué pour ses qualités. Sa première notation est à cet égard significative, et contient déjà presque tout ce qui fera la suite de son parcours : "Très bon observateur en avion. Voit juste. Beaucoup de calme. A fait preuve, au cours de nombreuses reconnaissances, de sang-froid et d'audace..."

Adjoint au commandant du GB 1 :

En juillet 1915, les 4 groupes de Bombardement (GB 1 à GB 4) sont rassemblés sur le plateau de Malzéville, à proximité de Nancy. Le 24 octobre 1915, Alexandre est affecté comme adjoint au commandant du GB 1 (la décision est signée du 16), fonction qu'il occupera jusqu'à fin mai 1917. Il vole moins à partir de 1916, ne participant qu’à quelques expéditions de nuit. On peut imaginer que les tâches d'organisation ont de quoi occuper à plein temps l'adjoint du groupe : il faut ordonnancer les incessants mouvements d'escadrilles d'un point du front à l'autre au gré des priorités de la bataille terrestre, trouver et faire aménager des terrains d'aviation, organiser les mouvements, le cantonnement et la logistique, faire des demandes répétées au Commandement pour combler au plus vite les vides causés par les pertes humaines et matérielles, rédiger et transmettre des avis techniques sur le matériel utilisé, sans doute aussi rédiger les courriers aux familles des disparus. Cela laisse peu de place à l'activité aérienne personnelle.

Le LV Pierre Cayla, commandant du GB 1, pose en compagnie de navigants du groupe - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Quant à ses qualités de chef, elles sont résumées par cette notation de fin 1915 : " … a un commandement ferme et plein de tact."
Les relations écrites disponibles (notamment les carnets de vol) indiquent de nombreux jours sans vol, pour cause de météo défavorable. Ces jours sont utilisés pour faire l'entretien et le réglage des avions, mais aussi pour faire de l'instruction théorique – on parle de "conférence", sur des sujets opérationnels divers : le bombardement de jour, de nuit, l'organisation de l'aviation, etc. Alexandre y contribue fréquemment comme orateur, devant des publics variés : les équipages bien sur, mais aussi des stagiaires, des visiteurs, …
Parmi les faits marquants de la période, on notera la visite qu'effectua le Président de la République Raymond Poincaré à Malzéville, le 14 novembre 1915, pour remettre les drapeaux de l'aéronautique militaire et de l'aérostation.

Les Voisin LA des escadrilles du GB 1 rassemblés sur le terrain de Melette-L'Epine en mars 1915 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Président de la République, Raymond Poincaré remet officiellement les drapeaux de l'aviation militaire et de l'aérostation sur le plateau de Malzéville, le 14 novembre 1915 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

En avril 1917, il exerce le commandement par intérim du GB 1 au cours des attaques de Champagne : "Grâce à ses qualités de chef, réflexion, méthode et énergie a obtenu le rendement le plus brillant, faisant exécuter en 23 jours, 20 expéditions couronnées de succès marqués."

Insigne de pilote militaire (macaron) n° B 7400 datant d'octobre 1917 - C'est le premier obtenu par Alexandre Bouchet - Ces anneaux de fixation ont été meulés, probablement pour placer l'insigne dans un cadre - Il en a reçu deux autres, tous numérotés, pour placer sur ses tenues - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Dès le début 17, il s'entraîne au pilotage au sein du GB 1. De juin à octobre, il est en stage au GDE, Groupe des Divisions d’Entraînement au Plessis-Belleville (Oise), et obtient son brevet de pilote le 20 octobre 1917 (n° 7400) sur avion Farman F 40. Il n'a probablement passé ce brevet que pour pouvoir commander une escadrille : en effet, le commandement était alors réservé aux pilotes, la "race des seigneurs" déjà, au détriment des observateurs et bien sur des personnels au sol dont le rôle pourtant était essentiel au succès des missions. Cet apprentissage n'a pas été facile : "A éprouvé quelque difficulté pour apprendre à piloter. Pilote très prudent... Doit faire un excellent chef d'unité...". Son brevet obtenu, il pilotera peu, préférant de loin le rôle d'observateur.

Fanion de l'escadrille F 25 - Il ne montre pas l'étoile mais la chouette qui était le symbole des pilotes et observateurs de cette unité - Photo La Guerre Aérienne Illustrée.

Commandant de l'escadrille 25 :

Il revient au front le 30 octobre 1917, pour prendre le lendemain la tête de l’escadrille F 25 sur avions Farman F 40, spécialisée dans le bombardement de nuit. L'escadrille est stationnée à Bellefontaine-Noyers (Meuse, arrondissement de Bar-le-Duc). L'escadrille F 25 est l'une des plus glorieuses des escadrilles de bombardement. Escadrille d'armée (successivement à la 3ème puis à la 2ème), elle est autonome, ce qui laisse à son chef une grande initiative.

Entre autres originalités, l'escadrille possède une mascotte, le sanglier "Lolotte", la salle de réunion des pilotes est ornée d'une fresque du peintre Victor Tardieu, et elle est suffisamment célèbre pour mériter un long article dans la revue "La guerre aérienne" du 5 juillet 1917.

La mascotte de l'escadrille F 25, le sanglier "Lolotte" - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L'activité de la F 25 pendant le commandement d'Alexandre est pour l'essentiel liée à la stratégie de bombardement aérien qui vient d'être décidée : "Le Grand Quartier Général a mis au point un nouveau plan de bombardement connu sous le nom de : Blocus du bassin ferrifère Lorrain-Luxembourgeois. L'attaque des puits d'extraction ne peut être envisagée du fait de la main-d’oeuvre locale mais, le minerai extrait des mines lorraines étant expédié vers l'intérieur de l'Allemagne, le trafic par voie ferrée est de plus en plus intense. Certains points de congestion : grandes gares, croisements, bifurcations, ont acquis de ce fait une importance de premier ordre. Ce sont ces gares, ces points où affluent en masse les trains de minerai qu'il va falloir attaquer, gêner le plus possible, écraser s'il se peut."

Évidemment, l'autonomie dont jouit l'escadrille par rapport à celles qui dépendent d'un groupe de bombardement a un prix, qui est l'éloignement géographique et le relatif anonymat du chef d’escadrille par rapport à sa hiérarchie, au milieu d'officiers plus proches et beaucoup mieux introduits auprès du haut commandement de l'armée. Les notes s'en ressentent: "A bien commandé l'escadrille 25. En a obtenu un bon rendement...". Difficile de faire plus tiède.
Afin de renforcer encore l'efficacité de ces bombardements de masse, l'escadre de bombardement n° 11 est créée le 13 février 1918, regroupant les GB 1, 2 et 7, entraînant divers mouvements d'escadrilles : l'escadrille F 25 est alors rattachée au GB 1 et, en se voyant équiper d'avions Voisin type X (équipés de moteurs Renault), change d'appellation : elle devient VR 25.

Broche civile détournée comme insigne personnel du Cne Alexandre Bouchet, alors commandant de l'escadrille F 25 - Fixation par deux anneaux - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Insigne métallique de l'escadrille F 25 appartenant au Cne Alexandre Bouchet, commandant de l'escadrille du 1er novembre 1917 au 20 février 1918 - Fabriqué en métal blanc - Fixation par deux anneaux - Dimensions 3,4 x 2,6 cm - Fabrication Kirby-Beard et Cie gravée au dos - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Commandant du GB 1 :

Dans le cadre de cette réorganisation, Alexandre quitte l'escadrille 25 courant février 1918 après à peine 4 mois de commandement pour prendre, à partir du 20, celui du GB 1, le 1er groupe de bombardement. Le Capitaine Albert Thouvenin lui succède à la tête de l'escadrille.
"Pour obtenir le résultat recherché, plusieurs formations de bombardement de nuit, GB 1, GB 2 recréé, GB 7 et l'escadrille 25, sont rassemblés en Lorraine (sur le plateau de Malzéville) pour frapper partout à la fois. Dès lors, chaque nuit où la météo le permet, des expéditions massives de bombardement sont exécutées sur les gares de Luxembourg, Athus-Pétange, Longwy, Longuyon, Dommary-Baroncourt, Spincourt, Conflans, Bettembourg, Thionville, Metz, etc. et sur les usines de Differdange, Esch-sur-Alzette, du bassin luxembourgeois et de la vallée de la Moselle."

Le carnet de vol d'Alexandre témoigne de cette activité intense, même si lui-même ne participe pas à toutes les expéditions. On peut imaginer néanmoins que, privé de vols pendant la majeure partie de son temps d'adjoint au GB 1, il a chargé son adjoint d'une partie importante des tâches ancillaires liées à une telle responsabilité afin de se consacrer au commandement direct du groupe. Les missions engagent désormais de nombreux appareils, souvent plus de 20, participant à des raids pouvant grouper jusqu'à 300 avions. Les équipages bravent une météo pas toujours clémente, et, en dépit d'incidents nombreux (pannes, accidents et ripostes de la DCA et la chasse allemandes), les résultats sont au rendez-vous : multiples destructions, incendies dans les gares et les usines, trafic allemand très perturbé.

Le 23 mars, une puissante attaque allemande vient de briser le front franco-anglais. La situation est grave, angoissante comme aux plus mauvais jours de 1914 ; il faut arrêter, coûte que coûte, cette marée qui déferle déjà sur Montdidier, dans son rush "Nach Paris". L'escadre 11 quitte la Lorraine à destination du Valois à l'exception du GB 2 et de l'escadrille 25 qui restent sur place pour poursuivre le harcèlement des voies ferrées. Le GB 1 s'installe à Passy-en-Valois (le 25 mars), près de La Ferté-Milon. Aussitôt installées, les escadrilles participent directement à la bataille en attaquant à la bombe et à la mitrailleuse les objectifs dans le secteur Montdidier, Roye, Chaulnes, Ham, Vermant, Noyon.

S'il vole assez peu en avril, en revanche Alexandre participe à l'effort de mai à septembre, et c'est pour lui l'une des périodes les plus actives de la guerre. Le 27 mai, les Allemands attaquant par surprise sur l'Aisne, enfoncent notre front du Chemin des Dames et avancent d'une façon foudroyante jusqu'à la Marne à Château-Thierry. Les groupes de bombardement reçoivent l'ordre de se replier, certains font le déménagement sous la fusillade. Ce qui ne peut être emporté est brûlé. Le GB 1 se porte à Cernon (10 km sud de Châlons-en-Champagne). Mais cette attaque allemande ne peut s'élargir, créant une hernie sur la ligne de front. Les équipages participent à la réduction de la poche, en attaquant sans relâche les gares, les voies de circulation, les dépôts de matériel et de munitions, les cantonnements.

Du 14 mai au 13 juin, en 25 nuits de travail, les équipages du GB 1 ont exécuté : 700 expéditions de bombardement, 36 reconnaissances de nuit, 259 objectifs militaires attaqués, 175 tonnes de projectiles lancées, 33 destructions réalisées. Après stabilisation du front dans les premiers jours de juin, les vols de nuit se poursuivent, en gagnant en profondeur, ce qui permet aux équipages de déceler la préparation d'une vaste offensive.

Alexandre Bouchet par son petit-fils Antoine (suite)

Alexandre est nommé Chef d'Escadrons à titre temporaire le 20 juin 1918. Le 15 juillet, l'Allemagne déclenche sur la Marne ce qui sera sa dernière offensive. La poussée initiale, qui permet aux allemands de franchir la Marne à Dormans, est rapidement contenue. Le 18 juillet, l'Armée Mangin, qui a exploité les renseignements de l'aviation pour préparer sa riposte dans le plus grand secret, lance une contre-offensive qui ne s'arrêtera désormais que le 11 novembre avec l'Armistice.
A partir de juillet, 2 escadrilles sont dotées progressivement du Farman 50 (l'escadrille 25 conservant les Voisin X). Ce nouvel avion bimoteur doit apporter de nombreuses améliorations qui offrent une plus grande autonomie, une vitesse supérieure, et une surtout capacité d'emport augmentée, mais sa mise au point difficile retarde son emploi à longue portée : il ne fera que de rares expéditions lointaines avant l'Armistice, se contentant de missions au dessus du front et connaissant de nombreux incidents.

Le 26 août, le GB 1 fait un saut de puce de Cernon à Villeneuve-lès-Vertus (10 km vers le nord-ouest). Le terrain présente des conditions de confort très supérieures. Le 26 septembre, le Colonel Gabriele d'Annunzio déjeune au GB1.

Insigne métallique de l'escadre de bombardement de nuit n° 12 appartenant au Cne Alexandre Bouchet - Cette grande unité était composée des GB 5 - GB 6 et GB 9 - Pas de marque de fabricant - Fixation par épingle à bascule - C'est un exemplaire différent de ceux qui étaient connus - Du type 1 mais en tenant le projectile dans ses serres - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Insigne de l'escadrille F 114 de 1918 - Le "E" pour Escadrille - Cette unité appartenait au GB 1 commandé le Chef d'escadrons Alexandre Bouchet - Pas de marque de fabricant - Fixation par chainette - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Insigne métallique de l'escadrille F 110 appartenant au Chef d'escadrons (Cdt) Alexandre Bouchet - Fabriqué en métal blanc - Fixation par deux anneaux - Il a été commandant du GB 1, qui regroupait les escadrilles 25, 110, 114, du 20 février 1918 au 1er janvier 1920 - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Insigne de l'escadrille VB 137 daté de 1918 - Cette unité a appartenu au GB 1 du 27 août au 8 octobre 1918 - Il était alors commandé par le Chef d'Escadrons Alexandre Bouchet - Pas de marque de fabricant - Fixation par épingle - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Insigne de pilote militaire (macaron) n° B 12.474 datant de 1918-1919 - C'est le second exemplaire obtenu par Alexandre Bouchet - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

En dépit de sa position de plus en plus difficile, l'Allemagne continue à menacer Paris, notamment grâce à des raids aériens, au départ de la région de Montcornet, qui devient donc objectif prioritaire. Dans ces dernières semaines de guerre, si le GB 1 (à la fin de la guerre, il est constitué des escadrilles V 25, F 110, F 114) enchaîne les missions, Alexandre, lui, vole moins : 4 sorties en septembre comme en octobre. Il est souvent difficile d'être à la fois organisateur et acteur direct.
Le GB 1 rejoint La Cheppe le 10 novembre, puis revient à Villeneuve lès Vertus le 12, où il serait resté jusqu'au départ en Allemagne l'été suivant. L'Armistice est signé le 11 novembre 1918.

Page du carnet de vol du Chef d'escadrons Alexandre Bouchet récapitulant l'ensemble des missions qu'il a réalisé du 25 septembre 1914 au 12 novembre 1918 - Elle est datée du 12 novembre 1918 - Photo Antoine Bouchet que je remercie pour son aide.

Le JMO du GB 1 s'arrête ce même jour : 11 novembre : les hostilités avec l'Allemagne sont arrêtées à 11 heures. La paix attendra juin 1919 et le Traité de Versailles. Les pièces militaires d'Alexandre font état du 20 octobre 1919 comme date de fin de campagne contre l'Allemagne.
Alexandre est nommé commandant par intérim de l'escadre de bombardement n ° 11, le 28 novembre 1918, et en prend le commandement, le 7 mars 1919. Son grade de Chef d'Escadrons lui est conféré à titre définitif, le 25 mars.

Le GB1 participe à l'occupation de l'Allemagne, de fin août à fin décembre 1919, dans la région de Morschheim / Ilbesheim dans le land de Rhénanie-Palatinat, juste à côté de Landau. Il reviendra deux fois en Allemagne, du 12 avril au 15 mai 1920 dans la région de Trêves, puis du 23 mai au 25 juin 1921 à Düren entre Cologne et Aix-la-Chapelle, dans le cadre des occupations successives de la Ruhr, décidées par la France et la Belgique pour contraindre l'Allemagne à respecter le Traité de Versailles.

Insigne du GB 1 - En bas, de gauche à droite : les insignes des escadrille F 110, V 25, F 114 - L'original porte la signature d'Alexandre Bouchet en bas à droite, en date du 18 novembre 1918 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet que je remercie pour son aide.

Croix de Guerre 1914-1916 du Cne Alexandre Bouchet - Elle porte 5 palmes de bronze marque des 5 citations à l'ordre de l'armée - Elle a été instituée par la loi du 8 avril 1915 - Son centre représente une tête de République portant un bonnet phrygien ornée d'une couronne de lauriers associée à l'inscription "République française" - Sur la face opposée, l'inscription "1914-1915" - Cette inscription sera modifiée pour les autres années de guerre pour finir par "1914-1918" - Le ruban de cette décoration est celui de la médaille de Sainte-Hélène - En fonction de la nature de la citation, le ruban était orné d'étoiles de bronze (citation à l'ordre du régiment ou de la brigade), d'argent (citation à l'ordre de la division), vermeil (citation à l'ordre du corps d'armée) ou de palmes de bronze (citation à l'ordre de l'armée), d'argent (5 citations à l'ordre de l'armée) - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L'entre-deux guerres 1920-1939 :

Le retour en France du GB 1 correspond au changement de statut de l'occupation, le 1er janvier 1920 en application du Traité de Versailles. Il revient dans le fief de l'aviation de bombardement, sur le plateau de Malzéville situé sur la commune d'Essey-lès-Nancy.

Troisième et dernier insigne de pilote militaire (macaron) n° B 15.000 datant de 1920-21 - Insigne collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Commandant du 21ème régiment d'aviation :

Les premières années d'après-guerre sont évidemment moins trépidantes que les précédentes. Dès la fin des hostilités, le volume des armées va considérablement diminuer, pour être divisé par cinq environ, entraînant dissolutions et regroupements d'unités. L'aviation n'échappe pas à ce mouvement.
A ces diminutions d'effectifs s'ajoutent de sévères coupes budgétaires, d'autant plus sensibles que pendant 5 ans, on avait peu compté.
Sur son carnet de vol, Alexandre ne note plus que des "voyages". Faut-il voir une connotation péjorative dans cette appellation presque touristique ? Il ne peut évidemment plus s'agir que de vols d'entraînement. Et la frustration est d'autant plus grande que les restrictions surviennent presque aussitôt après l'Armistice, imposant de travailler à l'économie : les vols se raréfient, les heures de vol sont contingentées, de l'ordre de 4 heures par pilote et par mois, ce qui rend la transition d'autant plus difficile. Cette situation durera pendant tout l'entre-deux-guerres mais n'empêchera pas, nous le verrons, certaines belles opérations. Ces années sont aussi celles de l'émancipation progressive de l'Aviation, jusque là simple service de l'armée de terre, placé sous la tutelle du Génie.

Croix de Guerre TOE d'Alaxandre Bouchet - Cette décoration a été créée par un loi du 30 avril 1921 - Elle était décernée aux militaires ou civils qui avaient obtenu une citation individuelle aux cours d'opérations exécutées sur des théatres d'opérations extérieurs - La palme en bronze signale une citation à l'ordre de l'armée - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Médaille interalliée 1914-1918 type "Pierre Alexandre Morlon" du Cne Alexandre Bouchet - Cette décoration dite "Médaille de la Victoire" a vu le jour, le 20 juillet 1922 - Elle a été fabriqué à près de 2 millions d'exemplaires par la Monnaie de Paris - C'est à la demande du Maréchal Foch qu'a été créée cette décoration qui est commune à toutes les nations alliées - La face avant représentait une victoire ailée et la face opposée, l'incription "La Grande Guerre pour la Civilisation" traduite dans la langue du pays concerné - Elle était décernée à tous militaires ayant servi plus de 3 mois pendant la Grande Guerre - Elle concernait également les personnels de santé, les étrangers ayant servi sous les ordres du commandement français, les prisonniers de guerre et les Alsaciens-Lorrains pouvant justifier d'avoir déserté des armées allemandes - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Naissance de l'armée de l'Air :

1920 : les escadres d'aviation sont transformées en régiments : Alexandre devient donc Commandant du 2ème régiment de bombardement, le 1er janvier 1920, qui devient 21ème régiment d'aviation en août de la même année. Le régiment reste spécialisé dans le bombardement de nuit.
1922 (8 décembre) : l'Aviation accède au statut d'arme au sein de l'armée de Terre, ce qui la met à égalité avec l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie ou le génie. La DCA qui lui était jusque là rattachée est confiée à l'artillerie (et prendra plus tard le nom d'artillerie sol-air).
1924 : le 21ème régiment d'aviation est l'un des deux régiments de bombardement de nuit (avec le 2eme RA). Alexandre est promu au grade de lieutenant-colonel.
1928 : création du Ministère de l'Air.
1933 : l'Aviation devient une armée à part entière : l'Armée de l'Air est née.

L'activité en temps de paix :

Suivons à nouveau Henri Cantener : "Par suite de la démobilisation des "anciens" de la guerre, les effectifs des escadrilles sont très déficients. La première tâche du Commandement se porte immédiatement sur le recrutement et la formation du personnel navigant : pilotes, observateurs, mitrailleurs, mécaniciens. Les quelques officiers et sous-officiers de carrière ayant participé aux expéditions de nuit au cours de la guerre, deviennent automatiquement les instructeurs de la nouvelle génération pour les initier et les adapter aux éventuelles missions de guerre."
Le 2 juin 1922, il passe son brevet élémentaire de navigateur aérien.

La plupart des pilotes affectés au 21ème RA n'ont donc aucune expérience des vols de nuit. Leur apprentissage va être une priorité, afin de perpétuer un mode opératoire si précieux. Il s'agit de reprendre tout les savoir-faire nocturnes qui ont fait le succès et la gloire du GB 1.
Mais ça n'ira pas sans de grandes difficultés, qui se traduiront malheureusement par de très nombreux accidents, souvent mortels : on compte au moins 25 morts par accidents entre 1920 et 1928, période de commandement d'Alexandre, au premier rang desquels on placera sans conteste la difficile mission rapportée par Henri Cantener : dans la nuit du 13 juin 1928, une mission de plusieurs appareils est lancée par une météo désastreuse.
Si le carnet de vol d'Alexandre est plutôt laconique ("Voyage Nancy-Châlons-le Bourget – nuit noire – vent fort S.W. - Orage – averses – Remous – moteur droit fonct.mal"), l'ensemble de la mission se solde par plusieurs atterrissages d'urgence dont quelques accidents et la mort d'un observateur, l'avion d'Alexandre lui-même, déséquilibré, finissant sa course dans un hangar au Bourget. En outre, cette mission lui vaudra une sévère remontrance du ministre de la Guerre, Paul Painlevé, le rappelant aux règles de sécurité applicables en temps de paix.

Il connaîtra à nouveau un incident analogue quelques années plus tard, après avoir quitté le régiment et pris le commandement de la 1ère Brigade aérienne : le 9 septembre 1931, le pilote étant l'adjudant-chef Jacob sur appareil Bréguet 19 : "Voyage Essey-Paris et retour – ciel couvert nuit noire – vent Est-Nord-Est et après Châlons Ouest - à l'atterrissage panne de moteur – atterri sur une baraque en bordure du terrain – Blessés légers – appareil détruit".

Le Breguet 19 B2 n° 01079 de l'équipage Adc Jacob / Général Bouchet après son accident sur le terrain d'Essey, le 9 septembre 1931 - La flèche montre la trajectoire du Général Bouchet au moment de l'impact - Les deux aviateurs ont été légèrement blessés et l'avion détruit - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Est-ce cet incident auquel Mamée faisait référence ? Une nuit qu'il était rentré tard, Madeleine ne s'inquiète pas, jusqu'au matin où elle le découvre à ses côtés couvert de sang : il avait simplement "cassé du bois" en début de nuit, s'en était tiré sans trop de dégâts, et était tranquillement rentré se coucher !
Cette période est aussi celle du renouvellement progressif du parc aérien, avec des appareils plus performants, tels que le Bréguet 16, le Farman 60 Goliath, le Leo 20.
En 1921, Alexandre est chargé de rédiger le règlement de bombardement de nuit, qui s'applique à l'ensemble des formations aériennes de bombardement, sans doute jusqu'à l'approche de la deuxième guerre mondiale. Il est également chargé de sa refonte en 1932, mais ce dernier projet ne verra pas le jour.

Les compétitions aériennes :

Grâce à la sobriété grandissante des nouveaux avions, le régiment peut envisager d'augmenter le taux d'heures de vol des pilotes. Outre les exercices habituels de navigation, de tir, de bombardement, il peut participer à certains événements, tels que le Tour de France 1926, où 6 avions, sous la conduite d'Alexandre, couvrent le parcours de 2700 km en 23 heures de vol effectif, ce qui leur vaudra un témoignage de satisfaction du Ministre de la Guerre.
En 1927, un équipage de la 1ère escadrille participe à la Coupe du Military Zenith, compétition particulièrement exigeante réservée aux militaires, sponsorisée par les carburateurs Zénith. Il s'agit d'effectuer un parcours de 3000 km en 15 étapes. Les deux premières tentatives échoueront à cause d'une météo très défavorable, puis une troisième sera couronnée de succès : les 3000 km ont été couverts en 22 h 26 de vol effectif. L'équipage se classe second, à 7 minutes du premier. C'est d'autant plus méritoire que la compétition est ouverte à tous types d'avions : les bombardiers sont loin d'être les plus rapides.

Formation d'armées étrangères :

Auréolée du prestige des vainqueurs, l'aviation française est sollicitée pour former de nombreuses aviations étrangères. Le 21ème régiment d'aviation reçoit fréquemment des stagiaires étrangers pour les initier au bombardement: belges, brésiliens, chinois, italiens, japonais, marocains, roumains, tchécoslovaques, ... Si on en croit le ton dithyrambique des lettres de remerciement adressées à Alexandre, le 21 savait recevoir ! Parmi les délégations reçues, plusieurs le remercièrent par l'octroi de décorations prestigieuses de leur pays, équivalentes à notre Légion d'Honneur : "l'Ordre de 4ème classe du Soleil Levant" du Japon en 1921, en 1926 le "Wissam alaouite chérifien" marocain, le Tigre Tacheté chinois, la Couronne roumaine, le Lion Blanc tchécoslovaque. A l'époque, le Japon était notre allié; les événements qui ont suivi ont pu faire déchanter ceux qui, en haut lieu, leur avaient proposé cette formation !

Devant le PC du 21ème régiment d'aviation d'Essey-les-Nancy, le Chef d'escadrons Bouchet (à l'extrème gauche) pose en compagnie de stagiaires étrangers en 1921 - Parmi ceux-ci se trouvait deux officiers de la délégation japonaise - Suite à cette formation qui a été précurtrice pour l'aviation de bombardement japonaise, il s'est vu décerner par l'empreur du Japon, l'Ordre de 4ème classe du soleil Levant, le 24 août 1921 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Croix de Commandeur de la Légion d'Honneur du Lieutenant-Colonel Alexandre Bouchet, commandant du 21ème régiment d'aviation stationné à Essey-les-Nancy (54) - Elle lui a été décernée, le 28 décembre 1927 - Ce type de décoration est du type IIIème République - La date "1870" a été abandonnée seulement en 1951 - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Brevet de pilote Tchéque remis au Chef d'escadrons Alexandre Bouchet en 1926 - Il est gravé "Provaznik A SPOL - Praha VII" - Fixation par 3 crochets - Brevet collection du Gal de division aérienne Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Ordre du Lion blanc de Tchécoslovaquie du LCL Alexandre Bouchet - Il est alors chef de corps du 21ème régiment d'aviation stationné à Essey-les-Nancy (54) - Cette décoration a été créée par une loi du 10 avril 1920 - Le Colonel Bouchet, responsable de la formation de nombreux aviateurs étrangers, a reçu cette distinction en 1926 - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L'état-major du 21ème RAB de Nancy pose en compagnie de stagiaires brésiliens et tchécoslovaques en 1924-1925 - De gauche à droite : Cne Caissac, commandant du parc du régiment - Cne Husson, commandant le 1er groupe de bombardement - Cne de Verdilnac, commandant de la 7ème escadrille - Cne Gruel, adjoint tactique - Cne Gérain, adjoint au commandant du 1er groupe de bombardement - Cne Gautray, adjoint technique - Cne Pachéco & Chaves, stagiaire de l'armée brésilienne - LCL Alexandre Bouchet, commandant le 21ème RAB - Cne Vanicek, stagiaire de l'armée tchécoslovaque - Cne Vicek, stagiaire de l'armée tchécoslovaque - Cdt Delanney, commandant en second du 21eme RAB - Cdt Vincens, commandant du 2ème groupe de bombardement - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Croix de Chevalier de l'Ordre de la Couronne de Roumanie du LCL Alexandre Bouchet - Cette décoration a été créée par le roi Charles 1er, le 14 mars 1881 - Le Colonel Bouchet, chef de corps du 21ème régiment d'aviation, stationné à Essey-les-Nancy (54), était responsable de la formation de nombreux aviateurs étrangers - Il a reçu cette distinction en 1926 - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Cne Mouguita, officier de l'armée japonaise et attaché militaire à Paris - Il est venu en stage au 21ème RAB du plateau de Malzéville en 1920-1921 - C'est suite à son intervention que le colonel Bouchez a été décoré de l'ordre du Soleil Levant de 4ème classe, le 4 août 1921 - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L'Ordre du Soleil Levant de 4ème classe a été décerné au Chef d'Escadrons Alexandre Bouchet par le 123ème Empereur Taisho Tenno (connu en Occident sous le nom de Yoshihito), le 24 août 1921 (année impériale 2581) - Numéro d'enregistrement de l'Ordre 6048 - L'écrin qui accompagnait la décoration sert de fond à ce montage - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Diplôme associé à l'Ordre du Soleil Levant (Japon) - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Grade de Commandeur de l'Ordre du Ouissam Alaouite Chérifien (Maroc) du LCL Alexandre Bouchet - Il a reçu cette décoration, le 28 novembre 1926 - L'ordre du Ouissam Alaouite a été créée par le Sultan Moulay Youssef, le 11 janvier 1913 - Elle porte l'inscription "Sa Majesté Youssoufienne" en marocain et au verso le parasol Chérifien, symbole du pouvoir du Sultan Marocain - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Diplôme associé à la décoration du Wissam Alaouite Chérifien (Maroc) - Le texte : "On a gratifié, par la Grâce de Dieu et de sa Force, notre bien-aimé, notre honorable, Monsieur BOUCHET Alexandre, chargé de l’aviation militaire en sa qualité de Colonel Major, du Wissam Alaouite Chérifien, au vu de sa compétence, qu’il l’accepte avec gloire et cela témoigne de son éminente valeur pour notre royaume chérifien et de son professionnalisme reconnu." - Fait à Marrakech 22 Joumada 1 - 1345 de l’Hégire (28 novembre 1926) - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Grand Cordon de l'Ordre du Tigre Tacheté (Chine) du LCL Alexandre Bouchet - Cette décoration lui a été remise en 1926 alors qu'il était chef de corps du 21ème régiment d'aviation d'Essey-les-Nancy (54) - L'écrin qui accompagnait la décoration sert de fond à ce montage - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

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Déménagement du régiment :

Chef de corps du 21ème régiment d'aviation, Alexandre sera à l'origine du déplacement de la base du plateau de Malzéville, très incommode, à Essey même.
Les servitudes journalières liées aux transports de toute nature de la caserne d’Essey au terrain de Malzéville, mais aussi les limites d’utilisation du terrain du plateau pour les nouvelles générations d’appareils amènent le commandement à envisager une implantation nouvelle des installations à Essey; sur la proposition du lieutenant-colonel Bouchet, le ministre décide la création d’un nouveau terrain de stationnement et de travail dans la plaine située entre la caserne Kléber et Tomblaine. Les travaux ont lieu en 1924 et 1925. En mai 1926, les six escadrilles et services annexes abandonnent le plateau de Malzéville pour prendre possession des nouvelles installations implantées sur le terrain d’Essey-les-Nancy. La 1ère escadrille s’équipe d’avions bimoteurs Farman 60 "Goliath".

Prise d'armes et remise de décorations présidées par le LCL Alexandre Bouchet, chef de corps du 21ème RABN de Nancy-Essey entre 1926 et 1928 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

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Bar des officiers du 21ème RAB de Nancy-Essey entre 1926 et 1928 - Le Col Bouchet est au centre - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Portrait du Colonel Alexandre Bouchet, chef de corps du 21ème régiment d'aviation de Nancy-Essey - Il a été commandant de cette grande unité du 1er août 1920 au 5 février 1929 - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

La présentation du 21ème RABN d'Essey-lès-Nancy en mars 1928 - Si un lecteur possède ce document, qu'il veuille bien prendre contact avec l'auteur du site - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Delcampe

La 11ème brigade aérienne :

Après 10 ans à la tête du Régiment, Alexandre quitte son commandement en février 1928 pour prendre, à Metz, le commandement de la 11ème brigade aérienne, prenant la succession du Général Michaud, nommé chef d’État-major de l'Armée de l'Air. Très vite et sur sa demande, il obtient le déménagement de l’état-major de la brigade à Essey-lès-Nancy. Il n'aura donc pas été longtemps éloigné de sa ville d'adoption. Il est général de brigade en 1931.
Il continue à voler très régulièrement, comme passager ou comme observateur, soit à l'entraînement, soir au cours de manoeuvres. Il participe au niveau de l’État-major à de très nombreux exercices, et se familiarisant ainsi avec des spécialités qui jusqu'alors lui étaient inconnues, notamment la chasse. Les jugements portés sur son action sont élogieux.
Alors qu'on a vu Alexandre ne pas hésiter à faire prendre des risques aux équipages dans un contexte opérationnel, un incident montre l'attention qu'au contraire il portait aux conditions de vie des hommes. Son dossier comporte un échange de correspondances au sujet de la mise en place dans les ordinaires (le réfectoire de la troupe) de cahiers de doléances, qui permettent d'exprimer un avis sur la qualité des repas. Alexandre avait autorisé la mise en place de tels cahiers, contrairement aux usages de l'époque.
A la suite d'une remarque faite au ministre par le député de la Seine Georges Barillet qui avait appris cette innovation par je ne sais quel biais, une lettre comminatoire est adressée à Alexandre (par voie hiérarchique) pour faire cesser ce qui est interprété comme une grave entorse au règlement. La réponse d'Alexandre apporte un apaisement à l'émoi de ses chefs, et la mesure est finalement approuvée. On notera qu'aujourd'hui, cette pratique est généralisée, et s'est même étendue dans le monde civil aux restaurants d'entreprises.
1932 est l'année de la création des bases aériennes. Alexandre se voit confier la responsabilité d'organiser et de commander la base aérienne de Nancy en plus de sa fonction de Commandant de Brigade. La Base aérienne de Nancy compte les 21ème et 33ème brigades aériennes, qui appartiennent à deux grandes unités différentes, ce qui ne facilite pas leur coordination et nécessite de la part du responsable de la diplomatie envers l'autre grande unité.

Réception d'une escadrille de bombardement Belge, commandée par les Majors Tapproge et Rombaux sur le terrain d'Essey-les-Nancy, le 23 juillet 1930 - Les avions, en arrière plan, sont des Lioré et Olivier LéO 20 - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Réception d'une escadrille de bombardement Belge, commandée par les Majors Tapproge et Rombaux sur le terrain d'Essey-les-Nancy, le 23 juillet 1930 - Ces hangars ont été détruits pendant la seconde guerre mondiale - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Lioré et Olivier LéO 20 équipant le 21ème RABN d'Essey-lès-Nancy photographié devant les larges hangars en béton du régiment - Photo Delcampe.

Croix du combattant du Cne Alexandre Bouchet - Cette décoration a été créée par la loi du 28 juin 1930 - Elle a été conçue par M. Doumenc, un ancien combattant - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Photo de groupe, réalisée à l'occasion de la visite des vainqueurs de l'Atlantique Nord, dans le sens France-Etats-Unis, Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, à Nancy, en 1930 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le général de brigade aérienne Bouchez, commandant de la base aérienne de Nancy-Essey, des 21ème et 33ème brigades aériennes, pose avec son état-major, en compagnie d'officiers polonais entre 1931 et 1934 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Vue de la tribune officielle, probablement pendant le défilé des troupes à pied, à l'occasion du départ en retraite du Général de Corps Aérien Alexandre Bouchet en février 1936 - Il est le seul à rester tête nue alors que tous les officiers présents sont au garde-à-vous, en train de saluer - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Général de division aérienne Alexandre Bouchet - Il a été promu à ce grade, le 19 avril 1935 - Arrivé en limite d'âge, il a mis en congé définitif du Personnel Navigant et en retraite, le 5 février 1936 - Photo Alexandre Bouchet, transmise par Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Mise à la retraite :

Il est nommé général de division aérienne et quitte ses fonctions, le 3 septembre 1934, puis placé dans la section de réserve et mis en congé définitif du personnel navigant le 5 février 1936, le jour de ses soixante ans. Il sort de 17 années ininterrompues de temps de commandement, successivement comme chef d'escadrille, de groupe, d'escadre, de régiment, enfin de brigade aérienne : une telle longévité est exceptionnelle !
Même en prenant en compte le côté un peu exagéré de l'exercice, ses notations successives sont remarquables, appuyées par de nombreuses récompenses, en dehors de celles qu'il a obtenues en temps de guerre : témoignages de satisfaction, lettres de félicitation...
Ses carnets de vol indiquent qu'il a continué à voler jusqu'au 14 novembre 1935. Il a même emmené voler son fils aîné 2 fois, en août et novembre 1935, pour son dernier vol. Avait-il dans la tête une idée de passation de pouvoir ? Alain n'entrera pas dans l'aviation pour cause d'inaptitude physique mais prendra le relais dans la cavalerie.

Il totalise plus de 1461 heures de vol effectif, dont 600 de nuit. Au titre de la réserve, il participe, du 6 au 12 septembre 1936, à un exercice technique de l'Armée de l'Air au cours duquel il tient le rôle de Commandant d'une zone d'opérations aériennes. Là s'arrêtent ses activités militaires.
L'armée de l'Air a été créée le 1er avril 1933 (et organisée à partir de juillet 1934). Alexandre aura donc participé presque intégralement à sa naissance, entrant au service de l'aéronautique dans ses premières années et le quittant juste après que l'aviation soit enfin reconnue comme entité à part entière.

Pendant ces années d'entre-deux-guerres, l'aviation reste une famille très soudée, et les anciens héros de 14, qui se connaissent à peu près tous, aiment à se retrouver et à correspondre. Alexandre n'échappe pas à la règle, et on retrouve dans ses papiers nombre de lettres et de photos de réunions d'anciens : photos dédicacées d'aviateurs célèbres, tels Costes et Le Brix qui ont effectué la première traversée de l'Atlantique Sud en 1927, copie manuscrite d'un communiqué relatif à la tentative de traversée de l'Atlantique par René Fonck, As des As de la guerre (75 victoires homologuées, sans avoir jamais été touché); le ton de ce communiqué montre que les anciens combattants étaient assez chatouilleux sur la récupération de leur guerre par les civils : Fonck avait rejoint un projet américain en 1935, sur avion Sikorsky. Des pressions s'exerçaient sur lui pour faire aboutir le projet au plus vite alors que, perfectionniste, il ne voulait se lancer qu'après une préparation minutieuse. Un groupe d'aviateurs s'éleva contre ces pressions médiatiques. Alexandre participa-t-il à la rédaction de ce document ? Toujours est-il que la tentative avorta au décollage le lendemain même de ce communiqué. L'intervention de Weiss précipita-t-elle la tentative ? Fonck en sortit indemne, mais deux membres d'équipage périrent. Peu de temps après, c'est Lindbergh qui réussit la traversée...

La deuxième guerre mondiale :

La guerre est déclarée en septembre.
Dès la mobilisation il est allé en tenue au Ministère à Paris proposer ses services. On lui a répondu : "Mon Général, vous êtes trop vieux ! " C'est là que je l'ai vu pleurer... ça fait un choc ! Aussi s'est-il investi le plus possible pour faire oeuvre utile.
Il a, en 1944, réitéré sa demande : "En 1944, après le débarquement en Normandie des Alliés, j'ai écrit personnellement le 28 août au Général Juin, Chef d’État-major Général, qui m'a répondu (le 4 octobre) que l'armée de l'Air, ni l'armée de Terre, n'avaient l'intention de faire appel aux officiers généraux en retraite... J'ai donc tâché de me rendre utile en m'occupant de la Croix-Rouge Française (j'étais, depuis mon arrivée en Périgord, Vice-Président du comité de Sarlat et du colis aux prisonniers..."
Revenons au récit de Françoise :
"Papa était vice-président de la Croix Rouge, dont la présidente était Madame de St-Aulaire, femme de l'ancien ambassadeur à Vienne... Il était très pris et s'occupait aussi du Secours National."

On connaît l'activité d'Alexandre comme vice-président de la Croix-Rouge. Ses activités l'amenèrent-elles à participer à la Résistance ? Il hébergea les Job et contribua à protéger d'autres juifs. En fit-il plus ? Rien ne permet de se faire une idée sur ce point.
Au titre de la Croix-Rouge, il a le contact avec Marie Marvingt, "la fiancée du danger", aviatrice intrépide, auteure de nombreux exploits civils et militaires, créatrice des avions sanitaires dont elle a eu l'idée dès avant la première guerre, et qui officiait alors comme infirmière de l'Air. Alexandre la connaissait déjà, puisqu'elle vivait à Nancy; il n'est pas impossible qu'ils se soient côtoyés au cours de la guerre, car elle effectua des bombardements aériens. Ils se revirent à Nancy après la guerre, et elle était présente aux obsèques d'Alexandre.

Médaille de récompense 1er type, degré Vermeuil, de la Croix Rouge française - Photo Antoine Bouchet, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L’après-guerre 1945-1958 :

Il a comme la majorité des français suivi avec attention le procès Pétain, et s'est suffisamment intéressé au sort du Maréchal pour avoir conservé le texte polycopié de la lettre écrite en juin 1946 au Président du Gouvernement provisoire (Georges Bidault à cette date) par Maîtres Isorni et Lemaire, les avocats de Philippe Pétain, peu de temps après le verdict, pour demander un allègement des conditions de détention. Quels qu'aient été les sentiments d'Alexandre sur la politique du gouvernement de Vichy (et le fait d'avoir protégé des juifs laisse supposer qu'il n'était pas totalement acquis à ses thèses), il gardait, comme tous les anciens combattants de 14-18, une affection particulière pour le vainqueur de Verdun, et pour celui qui avait signé la dernière de ses citations à l'ordre de l'Armée.
Resté très fidèle en amitié, Alexandre garde le contact avec ses anciens amis beaumontois et ses camarades cavaliers, comme avec la communauté aviatrice nancéienne (il est président d'honneur de l'aéro-club nancéien). Président d'honneur de l'Amicale des Anciens de l'Armée de l'Air de Meurthe-et-Moselle (AAAA), c'est lui qui remettra le drapeau à cette association patriotique en mai 1951. Pour l'occasion il recevra du Ministère l'autorisation de revêtir l'uniforme : le port de l'uniforme pour le personnel retraité est en effet soumis à des règles strictes, afin d'éviter des abus, comme le port lors de réunions politiques.
Déjà proposé en 1935, Alexandre postule en 1948 sans succès pour l'attribution du grade de Grand Officier de la Légion d'Honneur.
Il se rend à Saumur notamment lors des carrousels 1948 et 1950 : "Dans les rues de Saumur, il se promenait comme au temps où il était au Cadre en 1910, avec seulement des chevaux sur la chaussée... il nous a donné quelques sueurs froides."

A partir de 1957, sa santé décline, il ne voyage plus et sort beaucoup moins. Il passe ses dernières semaines alité. C'est sans doute à Noël 1957 ou Pâques 1958 que je l'ai vu pour la dernière fois. Il s'éteint à Nancy, dans son appartement du 25, avenue Foch, le 11 mai 1958. La messe d'enterrement à lieu en l'église Saint Léon, à quelques pas, en présence de nombreuses personnalités de l'Aviation, notamment Marie Marvingt, et des associations patriotiques. Une oraison funèbre est prononcée sur le parvis à l'issue de la cérémonie par Monsieur Henri Brun, président d'honneur de l'Aéro-club de l'Est, qu'il termina par ces mots définitifs : "En dépit de toutes les difficultés, tous, regardez en haut ! Et vive la France ! "

Alexandre est inhumé au cimetière Sud à Nancy, en compagnie de Marie-José sa fille morte en bas âge, de Marie-Madeleine sa femme, d'Alain son fils aîné mort en service commandé en 1975 et de Nathalène, fille aînée d'Alain, morte de leucémie en 1968.

Caveau de la famille Bouchet au cimetière du Sud de Nancy (54) - Y repose le Général de Corps Aérien Alexandre Bouchet, commandant de l'escadrille F 25 du 28 octobre 1917 au 20 février 1918 et du GB 1 du 20 février 1918 à la fin de la guerre (1876-1958), sa fille Marie-José, décédée en bas âge (13 juin 1931-6 avril 1932), sa femme Marie-Madeleine (1901-1983), Alain, son fils aîné, lieutenant-colonel et écuyer en chef du Cadre Noir de Saumur, mort en service commandé (1937-1975), Nathalène, fille aînée d'Alain, morte de leucémie (1er mars 1950- 27 juin 1968) - Photo Albin Denis du 24 avril 2014.

Gros plan du caveau de la famille Bouchet - Il est situé en parcelles 89/90 de la section 1 bis - Photo Albin Denis du 24 avril 2014.

 

Tous mes remerciements à :

- M. Antoine Bouchet pour la transmission des archives d'Alexandre Bouchet, son grand-père.

Bibliographie :

- Fiche matricule n° 1779 du Général Alexandre Bouchet détenue par les archives départementales du département de l'Auvergne.
- Archives du Général Alexandre Bouchet transmises par M. Antoine Bouchet, son petit-fils.
- The French Air Service War Chronology 1914-1918
par Frank W.Bailey et Christophe Cony publié par les éditions Grub Street en 2001.
- Les escadrilles de l'aéronautique militaire française - Symbolique et histoire - 1912-1920
- Ouvrage collectif publié par le SHAA de Vincennes en 2003.
- L'aviation française 1914-1940, ses escadrilles, ses insignes - par le Commandant E Moreau-Bérillon - publié à compte d'auteur en 1970.
- Les "As" français de la Grande Guerre par Daniel Porret publié en deux tomes par le SHD en 1983.
- Les Armées françaises dans la Grande Guerre publié à partir de 1922 par le Ministère de la Guerre.
- Site Internet "Mémoires des hommes" du Ministère de la Défense - Voir le lien

 

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Alfred Heurtaux François d'Astier de la Vigerie

 

 

pas de fiche > 1918

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