Récit du naufrage de l’EV Lenglet et du SM Dien.
11 jours en mer en FBA.
2 juillet 1918
Enseigne de vaisseau Jacques Lenglet (pilote) : A 10 heures, parti du centre sur FBA "H.4", suivi par FBA "H.48" (pilote second maître Baron, observateur quartier-maître Brau) pour surveiller un convoi important de 10 navires venant du sud et attendu à Marseille vers 14 heures. La veille, vers 12h30, un navire a été torpillé au large.
Forts remous jusqu’à Planier et brise fraîche de Nord-Ouest fraîchissant rapidement au large. Fais route en zigzags du S. 30 E. au S. 30 O. jusqu’à 60 milles environ au S. de Planier. Là, je fais route 10 minutes vers l’Est et 25 minutes vers l’Ouest, sans apercevoir de convoi. A 11 heures 35, à environ 30 milles au Sud de Planier (la côte embrumée n’est pas visible), étant à 600 mètres d’altitude, le moteur du "H.4" a des ratés, des reprises, puis cale, malgré mes efforts et ceux de mon observateur pour augmenter la pression aux réservoirs avec la pompe à main.
Obligé d’amerrir par grosse mer, heureusement sans rien casser. Le "H.48" fait un tour au-dessus de nous, perçoit sans doute les signaux que nous lui faisons pour empêcher d’amerrir et met le cap sur Marseille pour appeler à notre secours. Réussi à remettre le moteur en marche. Envoyé un premier message double par deux pigeons à 12h45 : "FBA "H.4", panne à environ 30°5 de Planier. Essayons d’hydroplaner pour nous rapprocher". Le moteur stoppe après 10 minutes d’hydroplanage. Second message double par 2 pigeons à 15 h 15 : "FBA "H.4". Dérivons depuis 12 h 35. N’avons pu hydroplaner que 10 minutes. Crois être à 50° de terre. L’appareil se comporte assez bien. Désentoilons si vent force encore".
Pour attendre les secours, nous dévissons les fusées des bombes et lâchons les bombes. La mer grossissant toujours nous démontons et jetons le radiateur (dont l’eau potassée est imbuvable) ainsi que les pompes à eau et à huile et nous vidons le réservoir d’huile. Nous déchirons les toiles du plan inférieur pour éviter d’engager.
Notre ancre flottante ayant presque tout de suite été enlevée par la mer, nous filons notre remorque à flotteurs après avoir amarré un coussin sur son extrémité, ce qui nous donne un bon résultat. L’appareil se comporte vraiment bien ainsi et s’enlève à la lame. Nous le maintenons debout au vent et à la mer en aidant l’action de la remorque flottante par le gouvernail de direction et par les ailerons (commandes croisées) en nous relayant Dien et moi sur le siège du pilote.
Nous ouvrons la boîte de vivres : 2 galettes de biscuit (en morceaux et moisies), une boîte de pâté (pourrie comme nous l’avons vu plus tard), 2 boîtes de corned beef de 20 onces (en bon état), 2 plaques de chocolat (moisies), une fiole de rhum de ¼ à ½ litre.
Nous souffrons du mal de mer, moi jusqu’à la nuit, Dien jusqu’au lendemain soir.
Second maître mécanicien Maurice Dien (observateur) : En rentrant, nous constatons qu’un fort vent Nord-Ouest s’est levé et que nous avançons à peine. On ne voit pas la terre. Je crains la panne d’essence. 12 h 10, le moteur pétarade. Je regarde : pression, 500 grammes. Pas de doute : panne d’essence. Nous amerrissons. Très grosse houle autant que l’on peut juger. Nous mettons en route, nous essayons d’hydroplaner, nous embarquons fort, puis le moteur stoppe une seconde fois. L’essence n’arrive pas. L’état de la mer nous décide à alléger l’appareil qui menace de chavirer. Nous jetons à l’eau le radiateur, les magnétos, tout ce qui est possible. L’ancre flottante que nous avons filée ne résiste pas et, après deux réparations, se déchire totalement. Nous filons la remorque, car la mer augmente. Nous passons la nuit en nous relevant au levier pour nous maintenir debout à la lame. Heureusement, le gouvernail tient bon. Le stabilisateur s’est engagé plusieurs fois et a cassé le levier de direction.
Les pigeons lâchés (les premiers à 12 h 30, les autres dans la soirée) n’ont pas dû arriver. Ils ne voulaient pas s’éloigner. Notre seul espoir est l’hydravion qui nous accompagnait et qui, après un tour au-dessus de nous, a piqué vers la terre. A-t-il pu rentrer ?
Nous sommes tous deux atteints par le mal de mer, n’ayant bu qu’un verre de café depuis le matin. Je suis très mal. Lançons 2 fusées Véry.
3 juillet 1918
EV Langlet : Nous avons bien affaire à un coup de mistral. Le vent fraîchit, la mer grossit. L’aileron gauche est endommagé par un paquet de mer, une charnière sur trois est arrachée. Les extrémités des ailes inférieures souffrent un peu, mais résistent dans leur majeure partie quand la mer les couvre grâce au désentoilage. Le stabilisateur est démoli par une lame tordant et cassant le manche au-dessus de l’axe de commande. Nous dérivons toujours vers le SE en gouvernant à la rame.
SM Dien : Le jour se lève. Je suis au manche de direction. Une mer terrible, au moins 8 mètres de creux. La remorque nous tient bien, les ailes inférieures que nous avons désentoilées s’engagent souvent, mais se relèvent assez bien, les ballonnets résistent et la coque ne fait pas d’eau. Quoiqu’il y en ait quelques centimètres qui proviennent de ce que nous avons embarqué. Le lieutenant la vide avec la boîte à pansement. Ouvrons la boîte de vivres : peu de choses, une bouteille de rhum intacte, la moitié du biscuit gâtée, du chocolat mouillé et moisi. Nous le conservons et le grignotons avec un peu de biscuit et une gorgée de rhum. Nous dérivons depuis le 2, vers le Sud-Est très vite. Nous espérons aller vers la Corse ou la Sardaigne.
4 juillet 1918
EV Langlet : Temps encore plus mauvais. J’estime 10 mètres de creux. Nous embarquons trois ou quatre fois en fendant les volutes de fortes lames. Mais, par ailleurs, l’appareil fait très peu d’eau. Nous avons lancé 4 fusées Véry par nuit depuis celle du 2 au 3 jusqu’à celle du 4 au 5 sans jamais rien voir en réponse.
SM Dien : Toujours grosse mer. Nous dormons tour à tour. 10 heures : une aile s’engage, l’aileron droit casse, la ferrure du flotteur aussi. Le lieutenant consolide le flotteur avec un bout de ligne. Le vent tombe légèrement. Nous sommes navrés, car nous ne voyons pas la mer dans le sud. La bouteille de rhum se vide. Très soif. Plus de biscuit. Quelques débris seulement. La boîte de pâté est pourrie. Je ne veux cependant la jeter. Restent 2 boîtes de singe de 125 grammes.
5 juillet 1918
EV Langlet : Le vent mollit un peu dans la journée et surtout vers le soir. Nous sortons un peu de l’hébètement causé par la fatigue et la privation de nourriture pour démonter et jeter la magnéto de départ et une magnéto de marche (faute d’avoir pu démonter l’autre) ainsi que le carburateur. Nous espérons être drossés sur les côtes de Corse ou les bouches de Bonifacio et nous entêtons à flotter avec notre appareil et à vivre. Mais je crois que nous sommes illusionnés sur notre vitesse ou sur la distance.
SM Dien : Le vent faiblit et semble tourner Ouest-Sud-Ouest, mais en réalité c’est une brise folle qui, le soir, nous fait refaire le chemin du matin. Il reste 125 grammes de singe et quelques bouts de biscuit pourris. Je dévisse le compas A.R. qui contient un liquide imbuvable. Le lieutenant se rince la bouche à l’eau salée. Nous suçons un bouton qui rend très peu de liquide. 12 heures : la soif devient terrible. Plus de vent. Le soleil darde. J’ai fait brûler les manches de ma chemise et souffre d’un violent coup de soleil qui me donne la fièvre. Le compas A.R. semble moins mauvais. J’en bois une goutte. C’est horrible, mais cela désaltère un peu. La terre ne doit cependant pas être loin. Des papillons volent autour de l’appareil.
6 juillet 1918
EV Langlet : Calme dans la nuit du 5 au 6, puis faibles brises de la partie Sud.
SM Dien : Pas de vent. Déjeunons en ménageant nos provisions. Pas à boire. Fumons une cigarette qui nous donne plus soif encore. Journée terrible, je dors sur une aile, assommé par le soleil. Les bras me brûlent. Toujours les mêmes rêves irréalisés : un bateau, la terre, de l’eau !
7 juillet 1918
EV Langlet : Nuit du 6 au 7, nous avons cru voir des feux scintiller, nous croyons distinguer un phare et nous lançons plusieurs fusées pensant que des torpilleurs viennent vers nous. Illusion ! Ce sont des étoiles ! Nous avons fini ce qui nous restait de rhum dans la même nuit et ne pouvant plus humecter nos lèvres nous ne pouvons plus rien avaler.
Le matin du 7, nous réussissons à distiller de l’eau de mer. La boîte du compte-tours est arrangée en marmite, un tube de cuivre provenant d’un tuyau d’essence forme un serpentin que nous refroidissons dans la boîte de vivres. Plus tard nous remplaçons avantageusement la boîte du compte-tours par la pompe à air à main.
Nous avons fait du badin une lampe à essence avec nos chemises comme étoupe et nous opérons à l’avant de l’appareil sur une tôle de fermeture du compartiment des réservoirs. Les résultats n’ont jamais été très brillants, mais nous avons peu à peu réussi à augmenter le rendement de la valeur d’un dé à coudre à celle d’un verre à madère par opération.
C’est cette distillation qui nous a permis de vivre. Elle est due presque entièrement à l’ingéniosité et à l’habileté du second maître Dien qui est un excellent mécanicien.
SM Dien : J’ai pris la veille à 2 heures ce matin. Il souffle depuis une heure une brise du Sud qui nous pousse vers la France. Va-t-elle durer ? Hier, il nous a semblé voir un feu à l’horizon. Grande joie, 3 fusées. Allumons du feu, puis désillusion : c’était une étoile. Sûrement, on ne doit plus nous chercher après 5 jours. Mes pensées revenant toujours au même sujet : eau douce, cela me donne une idée. Si j’essayais d’en distiller.
10 heures du matin. Une lampe : le badin rempli d’amiante des joints et arrosé d’essence. Un récipient : le compte-tours rendu étanche par un travail inouï. Un bout de tube d’essence comme serpentin. Résultat : un dé à coudre d’eau douce, mais cuivrée qui manque de nous empoisonner. Après mise au point, c’est buvable.
13 heures : Le vent est tombé.
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8 juillet 1918
EV Langlet (notes du 8 au 11) : Faibles brises du Sud nous font remonter lentement vers le Nord et l’Ouest.
Nous installons les toiles de dessous du plan supérieur en voiles que nous pouvons établir ou serrer suivant que la brise nous est ou non favorable. Nous diminuons notre remorque ou bien nous la filons le plus possible en y ajoutant toutes sortes d’objets pour augmenter la résistance selon les circonstances espérant ainsi diriger notre marche. Nous avons vu des mouches, de nombreux papillons, une guêpe, un moustique voler autour de l’appareil. Nous espérons l’approche de la terre, mais jusqu’au 11 au soir c’est vers le Nord que nous la cherchons.
SM Dien : 10 h 30. Un léger vent Est se lève. Espérons la pluie et préparons tout pour la recueillir. Pas de plus ! Maladroitement, je jette à la mer le raccord du compte-tours. Plus moyen de faire de l’eau. Cherchons le moyen d’y remédier : le réservoir d’huile, chauffé par de l’essence dans le capot, les soupapes peut-être, mais l’impossibilité du démontage annule la tentative. Enfin, la pompe à air et le serpentin plus long augmentent le débit dans des proportions inespérées. Nous réussissons à obtenir un quart de litre d’eau et l’emmagasinons précieusement dans la ceinture du lieutenant.
15 heures. Plus de vent. Le pavillon tricolore et la flamme que nous avons fixés à la tringle du lance-bombes pendent lamentablement. Où sommes-nous ?
15 h 30 : Baignade. Mais nous jugeons prudent de ne pas le faire ensemble, car nous ne pourrions remonter à bord sans aide.
18 heures. J’avais essayé de dormir. Je ne puis, à cause de la soif intolérable. L’eau semble si claire que, n’était la peine que je ferais à mes parents, j’y sauterais volontiers. Le vent se lève Nord-Ouest. Nous mettons à l’eau tout ce qui peut nous retenir, la remorque, le rouet de T.S.F., et un avion que nous avions confectionné avec un fuselage de mat oblique de bout d’aile dans un but chimérique. On doit être bien près de la France.
9 juillet 1918
SM Dien : Anniversaire du départ ! 12 h 30, cela va un peu mieux. Avons réussi à faire un peu plus d’eau et meilleure. Avons fait, grâce à nos voiles que nous avons installées avec les toiles du plan supérieur, un notable chemin dans le Nord. On doit être tout près de Nice. Une quantité d’insectes viennent sur notre appareil.
A Marseille, on doit avoir récité notre de profundis. C’est le 7ème jour. Quel record, si on en revenait ! Je ne désespère pas. Nous avons toujours quelques bribes de singe, mais pas faim. Toujours soif !
10 juillet 1918
SM Dien : Avons fait un quart d’eau que nous recueillons avec des soins infinis.
20 heures : Deux gros souffleurs nous mettent en danger en venant jouer autour de nous. Nous craignons pour la coque. Ce ne serait pas banal : périr abordés dans un pareil désert !
11 juillet 1918
EV Langlet : A 7 heures, nous entendons 2 moteurs 200 ch. Le son perçu dans l’Est se perd dans le Sud. Nous supposons, pour nous consoler de n’avoir rien vu et d’avoir lancé inutilement une fusée, que nous sommes entre Nice et la Corse.
Une brise Ouest-Nord-Ouest persistante se lève dans la journée et fraîchit le soir. Nous nous décidons à établir nos voiles pour faire route à l’Est-Sud-Est. Même nous installons une tôle de fermeture de compartiment de réservoir en gouvernail pour avoir moins de résistance qu’avec la remorque que nous rentrons.
SM Dien : 2 heures. Journée terrible. Espoir, désespoir. Je dispute une méduse sous le nez d’un petit requin de 1,20 m. Je réveille le lieutenant qui semble à demi-mort sur une aile. Il ne veut pas, puis se laisse convaincre et trouve à ma pêche un délicieux goût d’huître.
8 heures du matin. Bruit de moteur très distinct. Je reconnais le ronronnement de 200 ch Hispano. Il augmente, venant de l’Est, puis disparaît au Sud. Nous brûlons nos effets, des toiles, des ailes, des fusées.
8 h 15 : fini ! Le bruit a cessé, pas vu les appareils, suis désespéré. Me couche sur une aile. Que j’ai soif ! Une gorgée d’eau salée me brûle.
12 juillet 1918
EV Langlet : Vers 17 heures, aperçu la terre dans l’Est. Il nous reste une demi boîte de corned beef presque décomposé et une avance d’un quart de litre d’eau distillée.
SM Dien : Me suis couché hier au fond de la carlingue, évanoui ou presque. Pendant la nuit, le lieutenant a pris une grande résolution. Il a placé les voiles au vent Nord-Ouest assez frais qui s’était levé. Nous avons dû faire beaucoup de chemin vers la Corse.
10 heures : Je n’ai plus la force de remuer. Au soir, j’essaie de faire un peu d’eau.
12 heures : Me suis cru seul sur l’appareil ne voyant plus le lieutenant ! Un soupir quand je l’aperçois au fond du trou avant. Toujours vent Nord-Nord-Ouest.
13 heures : Un poisson noir me tracasse depuis trois jours. J’ai fait des hameçons avec un bout de corde, un harpon avec un grattoir triangulaire. Pas de succès ! C’est le pilote du requin d’hier. Il suit obstinément notre sillage et m’obsède.
14 heures. Le lieutenant me fait remarquer une masse brune parmi les nuages, qui, en la fixant, ne change pas de forme. C’est la terre, pas de doute. J’augmente la voilure, tout est bien, car le vent nous y pousse quoique pas franchement. Nous arrivons presque à naviguer, cap à la terre, grâce à un panneau en aluminium du compartiment des réservoirs établi en gouvernail.
18 heures : Un feu, trois éclats, incontestable cette fois. Malheureusement, le vent nous pousse parallèlement à la côte. Surexité, je ne puis dormir, le feu s’éloigne. Au jour, une pointe est en vue.
12 juillet 1918
EV Langlet : Nous approchons de la terre. Nous ne voyons que des rochers et pas un signe de vie. Nous manoeuvrons pour éviter une pointe (la pointe Rosso) qui nous paraît trop inhospitalière, et cela nous fait entrer dans le golfe de Porto. Ayant aperçu une, puis plusieurs maisons, nous cherchons à atteindre la plage située au-dessous (plage de Ficajola) du village de Piana. Nous n’y serions certainement pas parvenus, présumant trop de nos forces en espérant nager avec nos ceintures de sauvetage si l’appareil se brisait sur les rochers et nous nous serions infailliblement noyés si une embarcation du pays n’était venue prendre notre remorque et échouer notre appareil à la plage de Ficajola.
D’après les récits, tandis que nous dérivions vers la côte, Mlle Ceccaldi de la tour de Piana avait été la première à apercevoir quelque chose au large et à attirer l’attention des habitants de Piana. C’est elle qui avertit le brigadier des douanes Raffale qui, assisté de quatre autres personnes, s’est porté avec toute la vitesse possible à la plage par des sentiers de chèvre pour armer la seule embarcation du pays.
C’est grâce à l’intervention de ces quatre personnes que le FBA "H.4" a été préservé de la destruction totale et que nous ne nous sommes pas noyés.
Toute la population de Piana s’est portée en masse sur la plage de Ficajola pour nous secourir, hisser l’appareil sur la plage et, depuis notre sauvetage, le 13 vers 14 heures, elle s’est prodiguée matériellement pour nous donner les soins nécessaires à notre état d’extrême épuisement, et tout cela dans un magnifique élan d’humanité et de patriotisme.
SM Dien : Essayons en bridant le gouvernail de marcher vent de travers en dérive. Y remédions un peu en orientant les toiles et, malgré tout, manquons cette terre de 10 milles environ. Une seule autre est visible dans l’Est. Craignons que ce ne soit l’extrémité et que nous la manquions. Il y a cependant des tours sur la montagne. Pas le moindre signe de vie. Enfin pénétrons dans un golfe, c’est celui de Porto. Arrivons à un mille de la terre. Aperçu une maison blanche, puis un village.
Enfin à 14 heures, agitation sur la montagne, puis une barque se détache puis vient à bord. "Etes-vous français ?" C’est la première question du lieutenant. Nous avions à tout hasard détaché le pavillon du plan supérieur. Sommes hissés à bord, amenés à terre et immédiatement entourés par tous. Ces braves gens de Corse qui, en cette circonstance, ont bien montré ce qu’était cette hospitalité légendaire de leur île.
15 heures : C’est fini ! Les forces m’abandonnent. Je tombe sur le sable et me réveille entourées de femmes pleurant et ne sachant que faire. Je suis gâté à en être confus. Puis hissés sur des ânes, nous sommes portés à Piana où, en un bon lit, peu à peu les forces nous reviennent. Nous sommes entourés de la sollicitude des habitants qui tous ont fait ce qui était humainement possible et ont acquis de ma part une reconnaissance dont jamais je ne saurais m’acquitter.
L’appareil est hissé sur la plage. Pauvre vieux, nous devons une fière chandelle à sa coque et à ses flotteurs pour nous avoir ainsi portés pendant 267 heures, dont 3 jours par une mer terrible.
Je me demande encore si je n’ai pas rêvé. Si je ne me voyais pas dorloté à Ajaccio et si mes bras brûlés ne me faisaient pas souffrir, je croirais à un cauchemar !
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