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Service militaire au 97ème régiment d'infanterie :
Sous-lieutenant au 99ème régiment d'infanterie :
Le 99ème RI est envoyé dans les Vosges :
Offensive sur la crête des Vosges :
Nombreuses pertes :
Mort du commandant du régiment :
Violente attaque allemande :
Grièvement blessé par une balle :
Evacué sur un hôpital de l'intérieur :
Passage dans l'aéronautique militaire :
Observateur de l'escadrille PS 125 :
Stage de tir à l'école de tir aérien de Cazaux :
Affecté à l'escadrille BM 119 :
Premier bombardement sur un champ de tir :
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Je fais pipi à 3.000 mètres sur tous les embusqués :
Meilleur bombardement de l'escadrille :Le 29 avril 1917, dans une lettre très brève, il précise : "Rien de nouveau. J'ai fait le meilleur bombardement de l'escadrille et je devais partir hier en vrai bombardement de nuit. Je jubilais mais le temps l'a pas permis. Rien à part ça". Affecté 2 semaines à l'escadrille PS 129 :Le 1er mai 1917, il est affecté à l'escadrille PS 129 jusqu'au 19 mai 1917. Il est rayé des comptes de l'escadrille BM 119, le 5 mai 1917. Après cette date, il est ré-affecté à l'escadrille PS 125 jusqu'au 12 novembre 1917. Insigne de l'escadrille 129, version du lapin trimardeur, portant un baluchon, sur un cercle rouge - Dessin d'après photo Albin Denis.Observateur de la PS 125 : :Comme nous l'avons vu précédemment, il a réintégré la PS 125, le 19 mai 1917. La lettre suivante, en deux parties, contient beaucoup plus d'informations sur ses sensations et son travail au sein de l'escadrille. La spirale faite à Ravenel :Il décrit la spirale qu'il a fait avec le Sgt Paul Honnorat, son pilote, le 23 mai 1917 : "On marche en ligne de vol à 1.600 mètres. La campagne sous les ailes semble une carte à une échelle fantastique. Enfoncé sous ma carlingue, je regarde de temps en temps l'horizon barréde brume grise. L'appareil glisse dans l'air, il semble, très lentement. Je regarde le raccord supérieur de l'aile gauche à l'aile droite, il me paraît guère solide. J'ai une seconde la pensée brusque de la chute en pierre. Tout à coup, je sens qu'on s'embarque sur la gauche. Ah! voilà, c'est la spirale ! Je vois le dos de mon pilote suivre le mouvement et moi-même cramponné à deux montants de fer. Je subis l'impression toujours étrange de cet espèce d'enfoncement au pas de vis. D'abord une sensation de décentrement. On sent son corps attiré par une force venant de l'axe mobile de la spirale. Puis l'horizon semble se déplacer et braver le ciel à 45°, je contemple alors l'aile pivotante. Vraiment c'est extraordinaire. Les mâts fuient presque à la verticale et il paraît à chaque seconde que l'avion va tomber l'aile première dans le trou. Il semble et c'était le cas, cette fois que l'inclinaison devienne de plus en plus forte, surtout si on regarde alors l'aile marchante qui se relève d'une façon inquiétante ! Et toujours cette impression de descendre l'aile gauche pivotante passée au bout dans un axe rigide et suivant un pas de vis. Alors des souffles grandissants passent en trombe dans les mâts qui vibrent. L'air s'écrase sur le visage et cramponné, le corps incliné, et bu en quelque sorte par ce maelstrom aérien, on descend on descend à une allure fantastique. L'altimètre en 5 ou 6 tours tombe de 1.600 à 1.400 à 1.200 à 1.000. L'horizon tourne autour de vous vraiment, c'est inoui dans une vie ordinaire, cette aventure là. Hop, la spirale se desserre lentement, l'avion se remet en ligne de vol, d'ailleurs ce jour là, Honnorat le pilote, repique. On sortait d'une spirale à gauche, il la réengage à droite. Ce qui est extraordinaire c'est cette sensation, d'occuper en l'air dans un milieu qui paraît inexistant ces positions extravagantes. On pense être dans un élément inconnu. Eh là , l'altimètre est à 800 m, il ferait bien d'arrêter. il redresse d'ailleurs, Hop on est droit. Pffff ! ça va mieux ! Compliments mon vieux ! On ne craignait d'ailleurs rien étant assez haut ! Ca ne fait rien j'aime mieux que ce soit fin !". Dans sa lettre du 26 mai 1917, il témoigne : "Nous ne faisons pas encore de bombardement et c'est une vie tranquille coupée assez rarement par des sorties car je n'ai pas encore de pilote. Je. suis allé avec un pilote survoler l'ancienne région occupée par les Boches avant l'avance ou leur recul. J'ai vu les anciennes tranchées. Ce labourage reste stérile, cette floraison de trous qui ressemblent à des plaies lepreuses, ce n'est vraiment pas drôle. Un endroit particulièrement battu n'était qu'un écorchement continu de la pauvre terre si belle ici et si destinée à autre chose. Nous sommes revenus dans un ciel nuageux par l'exrême crépuscule, neuf heures du soir. A l'horizon derrière des barres de nuages sombres s'ouvraient à quelques endroits les blessures rouges du soleil. C'était vraiment une impression dantesque. En atterrissant, nous sommes rentrés dans un poteau qui servait à indiquer un trou et nous avons démoli le bout de l'aile droite. Nous étions encore en l'air quand c'est arrivé mais le pilote a pu ré-attérrir normalement. Je t'envoie un bout de toile de l'appareil et un récit de Spirale". Baptème du feu :Lettre du 27 mai 1917 : "A 4h départ pour le premier bombardement de jour Prière des aviateurs :La prière des aviateurs qui circulait alors : "Ô Sainte Vierge qui êtes toute puissante dans le ciel, ayez pitié des aviateurs qui sont à terre. Quant à ceux qui sont en l'air, ce sont des poires, qu'ils se débrouillent ! ". Lettre du 9 juin 1917 : "Ce matin, trois heures de vol sur les lignes. A 8 avions voyage aller et retour plusieurs fois sur un même secteur pour empêcher les Boches de passer. J'étais sur un chemin rendu fameux par les dames et qui a paru dans le communiqué à la dernière offensive. Nous dominions la bataille et les deux côtés nous étaient visibles. Un des villages dans les lignes ennemies flambait, dressant au ciel livide les bras desespérés de ses colonnes de fumée. Parfois sous nous, passaient de petits villages dont toutes les maisons étaient sans toit c'était pareil à des ossements de maisons, à un cimetière de ruines. De temps à autres, des éclatements dans les tranchées nous apprenaient que la mort vivait sous nous. Au dessus de nous des avions boches ont tournoyé mais nous étions groupés, ils n'ont pas osé... Enfin après deux heures de ronde qui nous ont paru interminables de retour heureux. Dans un mois ou deux je demanderai Aix car ma jambe durant ces heures de travail pénible à 4.000 mètres me fatigue parfois" Commandant de l'escadrille PS 125, par intérim :Le 21 juin 1917, le Ltt Rozier quittant l'escadrille pour le 108ème régiment d'artillerie, le Ltt Eugène Rousset est nommé commandant, par intérim, de l'escadrille PS 125. Il sera remplacé par le Ltt Lionel Glandaz, le 30 juin 1917. Cet officier sera nommé capitaine, le 12 juillet 1917. Note émise par le Ltt Eugène Rousset lors de sa nomination de commandant, par intérim, de l'escadrille PS 125, le 21 juin 1917 - Il remplace le Ltt Jean Rozier, affecté au 108ème régiment d'artillerie, le 16 juin 1917 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Document Eugène Rousset transmis par Pierre Bureau, son petit-fils, que je remercie pour son aide.Nouvelle lettre du 13 juin 1917 : "Rien de nouveau, je suis actuellement chef d'escadrille, Rozier se marie.Très sérieusement, j'aurais besoin de me marier le plus tôt possible, même pendant la guerre, avec une gentille et assez jolie petite fille. Il faudrait voir, je n'ai absolument rien en vue, mais réellement, ça me manque et j'en ai assez d'être sage ou réduit à une marraine avec laquelle d'ailleurs la correspondance diminue à vue d'oeil. J'ai enfin mon pilote à moi, mon appareil à moi et mon fanion peint sur le fuselage. Mon pilote est un sous-officier charmant garçon et bien élevé". Lettre du 15 juin 1917 : "Un nouveau capitaine organise, je suis chargé d'un tas de choses, instruction des observateurs de tout le groupe, popote des officiers. Suis toujours chef d'escadrille et me porte très bien, sauf qu'hier à la suite d'une partie de Zanzibar de mon escadrille j'ai absoré trop de Portos et que j'ai été bien malade cette nuit. Je suis encore vaseux". Lettre du 22 juin 1917 : "Tu as dû recevoir deux cartes d'Amiens où je suis allé faire le marché pour l'ordinaire de mes hommes, tu aurais ri de me voir discuter avec les marchandes qui apportent les légumes dans des bateaux et obtenir des prix épatants. Dix sous les 24 pièces de salade non montées et superbes. J'ai acheté des camenberts à 17 sous.25kilogr de maquereaux etc. Au surplus, une ville superbe bourrée de maqnifiques anglais d'une cathédrale épatante et de jolies petites femmes." Le Ltt Rozier radié de l'aéronautique militaire :"Il y a comme une révolution à notre groupe. Le capitaine dont je t'avais parlé, un sale personnage a si bien difamé et calomnié Rozier et un autre chef d'escadrille que tous les deux viennent aujourd'hui d'être radiés de l'aviation. Rozier est en permission et va être navré et indigné. Pour ma part cette conduite est ignoble. C'est de la dénonciation calomnieuse. On ne les a pas appelés à se justifier, on les a vidés. C'est nos moeurs dans l'armée. C'est ignoble. Moi j'attends, toujours chef d'escadrille qui va remplacer Rozier ? Quand j'aurai bombardé un peu plus je m'en irai car ça me dégoûte." Arrivée du Ltt Lionel Glandaz et deux sous-officiers radiés :Dans une lettre du 26 juin 1917, il précise : "Comme je te l'ai dit Rozier est radié et un nouveau chef d'escadrille m'est arrivé ce matin. L'Adj Marc Dupuy (pilote) et le MdL Georges Archinard (observateur), tous deux très très bons viennent d'être saqués sans qu'on sache pourquoi ni comment. On leur impute à tort et sans pouvoir le prouver un bombardement raté (bombes tombées sur nos lignes). On les renvoie dans la ligne sans leur donner les moyens de se justifier et sans les interrogner. C'est infâme. Ce matin, deux députés commissaires sont venus. Je leur ai demandé une audience et j'ai protesté pour mes hommes. Ils m'ont écouté et agiront de leur côté. J'écris à Rivet pour qu'il défende l'honneur de ces deux types. La pagaye continue." * PS : Les deux personnels navigants radiés étaient : L'Adj Marc Charles Henry Dupuy, né le 27 mars 1896 à Paris - Classe 1914 engagement) / 1916 (normale) - Affecté au 6ème Dragons - Passé à l'aéronautique militaire en novembre 1914 - Brevet de pilote militaire n° 1013 obtenu à l'école militaire d'aviation de Pau, le 31 mai 1915 - Pilote de l'escadrille VB 103 / N 103 - Pilote de la PS 125 - A été radié de personnel navigant, le 23 juin 1917 - A été affecté au 4ème régiment de cuirassiers - Réintégré dans le personnel navigant, le 18 septembre 1917 - Pilote de l'escadrille SOP 5 - Pilote de l'escadrille BR 131. Le MdL Georges Archinard - Classe 1909 - Mitrailleur bombardier de l'escadrille PS 125 - A été radié de personnel navigant, le 23 juin 1917 - A été affecté au 3ème régiment de Hussards - Passé dans l'artillerie, le 4 décembre 1917 - Nommé élève aspirant, envoyé à l'école militaire de l'artillerie à Fontainebleau et affecté au 32ème régiment d'artilerie, le 4 décembre 1917. Panne moteur au décollage :Lettre du 4 juillet 1917 : "Je suis en effet chef de la popote et c'est une fonction qui, si elle m'occupe, me donnera des occasions de balade. Hier soir vol de nuit. Le moteur nous plante au départ. Horrible sensation de l'appareil en perte de vitesse constante à 100 m. Nous rentrons au camp, éclairé par les phares en rasant un Bessonneau où tout le monde nous a cru foutus. J'ai pas eu la moindre trouille mais je rigolais intérieurement à penser à la buche. Rien de tout cela. Un assistant nous a avoué que nous leur avions "foutu les foies !" . Tu vois que les dangers de l'aviation sont exagérés. Je n'étais pas tenu de monter avec mon pilote. C'était son premier vol de nuit. Je l'avais fait pour donner l'exemple. Je pilote maintenant en double commande et je ne m'émotionne pas. Je deviens de plus en plus calé comme observateur, ça va". Escadrille de bombardement de nuit :Le 12 juillet 1917, il écrit : "Nous faisons du vol de nuit de plus en plus car nous sommes passés escadrille de nuit complètement". Mission avec le Ltt Orcel :Le 16 juillet, nouvelle lettre à sa mère : "J'ai fait le 11 une reconnaissance de nuit, une brume épaisse à 1.000 m, je ne voyais rien ou presque, nous avons même perdu les feux du terrain. Je la trouvais saumâtre mais tout a bien fini. Je les ai retrouvés et nous sommes rentrés. Vendredi 13, nous avons à 3 escadrilles bombardé une gare chez les Boches. Etant escadrille de nuit, je ne savais pas y aller mais Orcel un de mes camarades, officier pilote, m'ayant demandé d'y aller avec lui comme un service personnel. J'y suis allé après autorisation du capitaine Adrian. Nous sommes partis à 4h50 du matin, temps un peu brumeux mais superbe. Dès les lignes passées, crapouillage, j'étais avec Orcel à 3.800 m, nous étions les plus bas. Nous avons été bien encadrés à un moment et nous avons entendu -raaa - rraaa ! rudement près, mais pas d'émotions, on voyait s'arrondir dans tous les coins du ciel de petits nuages noirs qui ne semblaient pas méchants du tout. En vue de la gare, je dirige Orcel sur le but et lance 10 bombes (obus) de 120 sur la figure des gens de dessous. Sitôt fait, je crie à Orcel "Allez vieux, grouille toi et pique à l'Ouest". Ca n'a pas traîné, on a foutu le camp à toute allure et on est rentré au camp à 7 heures. L'air était très calme. J'ai piloté un peu mais je faisais tellement de montagnes russes qu'Orcel a énergiquement protesté alors il a repris le manche et on est revenus en chantant comme des bienheureux. J'ai demandé et lui aussi à faire équipage ensemble. Il a un cran raisonné, il est très adroit et excessivement prudent. On va nous l'accorder. C'est un phénomène dans mon genre aussi en l'air, quand le travail est fini, on s'embrasse et on s'insulte vigoureusement. Une balle de schrapnell était venue ricocher sur le phare supérieur où elle avait laissé son petit trou. J'ai reçu mon insigne qui est le même que celui d'élève pilote mais avec l'aile dorée. Appris au GBV, la mort d'un chic camarade de 20 ans d'Estaintôt avec qui je suis souvent monté". * Cne Marius Louis Orcel - Né le 20 septembre 1887 à Lyon (Rhône) - Fils de Joseph Orcel et de Marie Louise Girondon - Classe 1907 - Recrutement du bureau de Lyon Sud sous le matricule n° 757 - Passé à l'aéronautique militaire comme élève pilote, le 10 décembre 1915 - Brevet de pilote militaire n° 3391 obtenu à l'école militaire d'aviation de Chartres, le 12 mai 1916 - Pilote de la PS 128 du 23 juin au 17 juillet 1917 - En subsistance à l'escadrille PS 128 du 23 juillet au 28 août 1917 - Pilote de la PS 125 / V 125 du 11 septembre 1917 au 24 février 1918 - Nommé Capitaine à titre définitif, le 12 septembre 1917 - Nommé Officier adjoint du GB 7, le 24 février 1918 - Démobilisé, le 9 juillet 1919. Retour de mission perdu dans la nuit :Le 20 août 1917, il écrit une longue lettre pour raconter ses exploits à sa mère : "Tu as un fils qui est devenu célèbre ! Voui ! Lis plutôt des extraits que tu coonserveras pieusement. Vendredi 17, nous sommes partis, le seul équipage Schmitt, par nuit noire, bombarder Cambrai. Nous sommes restés une heure sur l'objectif bombardant par trois fois et tirant des coups de mitrailleuses sur les terrains d'aviation. J'ai vu mes bombes éclater en plein dans les lumières. Ce fut très digne. Retour vers minuit aux lignes qui n'arrivaient plus car nous avions un fort vent debout. Quelques émotions ! Mon pilote se plaint heureusement à tort d'avoir un commande coincée. Bien canardés à coups de Bombardement de la gare de Guise :Une nouvelle lettre très détaillée, le 9 septembre 1917 : "Voici parmi mes quatre bombardements, celui de Guise que je détaille pour servir à mon édification future. Départ à 22h30 nuit du 4 au 5, Glandaz, chef d'escadrille part le premier, comme il fait pas mal de brume et que le chef de la BR 113 est revnu parce qu'on n'y voyait pas. Glandaz annonce qu'il va faire un tour. S'il lance une fusée, c'est le départ. D'ailleurs avant de décoller, il précise que par cette brume, chaque équipage pourra s'il n'y voit pas, faire demi-tour. Je dois partir après lui. Nous sommes, Fouquet et moi dans l'appareil près des hangars. Le moteur a été essayé. J'ai vérifié ma mitrrailleuse. J'emporte un rouleau de 120 et deux de 97 cartouches, 100 tracts (Francurter Zeitung) à lancer, 10 obus de 120 et deux de 155. On étouffe dans la combinaison. Malgré moi, appuyé à mon siège, je somnole. Tout à coup, Langerotte le sergent mécanicien crie : "Tu peux partir. Le capitaine a lancé sa fusée !". Fouquet se retourne : "Prêt ? oui". On part du fond du terrain, l'avion roule durement sur le terrain inégal, se met face au vent, la course accrue sans cesse, devient plus douce, on a décollé. J'attends qu'on soit à 100 m, je me détache et m'accoude au balcon. Oui il y a pas mal de brume, je téléphone au pilote "On va toujours essayer". Tour de piste, on prend la route de Noyon et c'est le voyage monotone en suivant la route rectiligne. A l'horizonr des bancs de nuages blanchâtres. Pour le moment, on ne voit qu'à la verticale, mais on voit. A Noyon un projecteur nous demande le mot. Je tire ma boîte à petis pois (immense fusée de 50 cm de long sur 30 de large renfermée dans une boîte de fer blanc). Je tire le rugueux et je lance. Elle dégringole des secondes longues sans éclater puis tout à coup un éblouissement, un bouquet de feu d'artifice. Nous sommes illuminés. C'est rouge couleur du jour. Sur la Fère, aux lignes, les fusées de tranchée éclatent, très rares. On tourne à gauche. On ira à Guise. On devait aller à Marle mais la vallée de la Serre semble trop brumeuse. Avant d'arriver à Mont-d'Origny, Fouquet se tient trop à gauche du canal. Il s'y obstine, je l'enguele vivement au telephone. Les lignes ont été passées sans qu'on les voit bien par cette nuit floue. A Mont-d'Origny, on prend la route à droite de Guise. Les deux projecteurs Boches de Fougueuse me cherchent. Mon Dieu, quels idiots ! Je suis à 1.300 mètres, je vois le sol admirablement et leur gros oeil borne et son rayon inquiet me cherche vainement. Ils s'obstinent loin de moi, se rapprochent. Je crois qu'ils me tiennent, non ils repartent et fouillent, patients. Je tire le bouton d'armement. Je vise le projecteur de gauche et je me mets à lui tirer dessus avec une joie intense. Tac.tac, tac... Une centaine de cartouches et je ris tout seul en voyant soudain le projecteur basculer, s'immobiliser à la verticale et rester là immobile son rayon dardé droit dans l'infini. Les types ont eu la frousse en entendant siffler les balles, ils ont décampé en laissant là l'appareil. Nous continuons sur Guise en voyant toujours, derrière nous le jet de lumière immobile. Voilà Guise, tout est éteint, mais on le reconnaît et à gauche, ses voies ferrées élargies en pause. On dépasse la ville de quelques kilomètres, comme si on allait ailleurs, et on revient. Je guide Fouquet pour qu'il se dirige bien sur la gare et les voies, je ne me soucie pas de tuer des français. Là, un peu à droite, un peu à gauche, tout droit maintenant. Et je lance mes bombes toutes les douzes, puis je regarde à mon balcon. Un long silence dans la nuit pale, des siècles, des secondes ! Tout à coup une lueur jaune, une sourde détonnation, bien la première éclate au bord des voies et de la gare, seconde lueur formidable et éclatement qui fait trembler l'air. C'est le 155, toutes les bombes éclatent dans le milieu du but. C'est très bien. Je le dis à Fouquet et on part, je me retourne, une lueur rouge d'incendie, tremble et vivote, Fouquet vire pour la voir. Elle vacille et s'éteint. Qu'était-ce ? Peut-être des munitions ! Bon voilà que Fouquet s'engage sur la route de Marle. Je le lui dis, il secoue la tête et me montre sa boussole. Cet animal n'avait pas attendu qu'elle ait tourné sur elle-même. Je lui parle un peu sec et je lui indique le canal. C'est presque un ordre. Il y va sans bien y croire. Tout d'un coup devant nous au sol, une lueur formidable. Qu'est-ce que c'est ? C'est vers Mont-d'Origny. On va voir. Nous arrivons dessus. C'est un incendie formidable, immense. Un carré de batiments noirs flambent comme un feu de paille. Ce doit être du fourrage. Qui a allumé ça. Pas nous puisqu'à l'aller il n'y avait rien. Ce doit être un camarade. En tous cas, c'est beau. La flamme ondoie et deux colonnes de fumée s'élèvent rigides comme deux bras. Il doit y avoir du monde occupé à sauver le matériel. Allons y de quelques cartouches. Je tire encore 100 cartouches sur l'incendie. Les projecteurs s'affolent et cherchent. En vain, nous fuyons après que j'ai eu lancé mes tracts qui s'envolent dans la nuit comme une nuée de mouettes. On continue sur le canal que je montre à Fouquet enfin persuadé. On tourne la Fère. On rentre dans nos lignes. Vers Charny, on nous redemande la fusée. puis les feux du terrain, palpitent dans le lointain. Allons, vite à l'écurie, derrière nous le feu de Mont-d'Origny pâlit dans la brume. On arrive au terrain, nous donnons notre indicatif. Atterrissage. J'irai à Aix à la fin du mois, vers le 4 ou le 5. Je voudrais avoir mes 15 bombardements dès maintenant je pourrais avoir une citation avec un clou. J'attends pour avoir la palme qui est mieux. Fouquet est mon pilote définitif. Voilà". Querelle avec son commandant d'escadrille :Le 5 octobre 1917, il écrit : "Le temps très mauvais depuis le 2 octobre ne nous permet plus de rien faire. J'attends des nouvelles pour Aix et je filerai. Ce soir, à la popote, mes comptes de trois mois rendus, j'ai eu une querelle assez violente avec Glandaz, mon capitaine chef d'escadrille. Commencée sur un ton badin, la conversation est vite devenue acerbe tellement qu'au milieu du silencegénéral, je lui ai dit quelques dures vérités. "Si cela ne vous convient pas", m'a-t-il dit, "ne mangez pas à la popote". Ce n'est pas vous qui m'en ferez sortir. J'ai deux galons ici qui me donnent le droit de parler. Taisez-vous. Je me tairai quand le capitaine Adrian (chef de table) me fera remarquer que je parle à un capitaine et non à un camarade ! C'était très chic, je sentais le silence favorable et j'avais une éloquence de répartie qui ne laisse pas de place à l'esprit d'escalier. Glandaz a appris que je ne me laisse pas faire. Je vais me tenir avec lui sur le pied du service et je verrai venir. En tout cas, ma citation est en route et quand elle arrivera nous verrons. Voilà, tu vois que l'armée est toujours la même. Sous prétexte qu'un type a un galon de plus que vous il peut essayer de vous vexer. Je lui ai montré qu'il était mal tombé. D'ailleurs, Adrian, chef du groupe, m'a implicitement donné raison." Ils se réconcilient :Le 13 octobre, il précise : "Un mot pour te rassurer au sujet de l'incident avec mon chef d'escadrille. Nous avions toujours été très bien. Je marquais avec soin les distances car ce n'est pas un camarade quoiqu'il aie mon âge et sorte comme moi des E.O.R. Mais fils d'un gros banquier parisien, il est d'une suffisance et d'une hauteur que rien n'égale. Toutefois très intelligent très instruit, il avait été très chic avec moi en me montrant une particulière estime. La dispute est venue à table de mots en mots et sans préméditation. Je lui ai rivé son clou avec une sobre éloquance. Depuis nous nous sommes rabibochés. Il a fait un pas vers moi en me disant qu'il m'estimait beaucoup pour mon cran et je lui ai présenté alors puisqu'il m'avait tendu la main, non des excuses mais des regrets. Depuis nos rapports sont cordiaux sans plus. C'est lui qui m'a cité très chicment et s'il ne pouvait faire autrement il est cependant vrai qu'il l'a fait avec grâce. Donc estime réciproque, aucune familiarité. Il ne m'ennuie jamais pour le service, c'est très bien, d'ailleurs n'ayant rien à perdre je suis très à l'aise et quand je le voudrai, je partirai. Aix va se décider cette semaine dans 10 jours je serai là-bas. J'aurai ma palme dans 25 jours, C'est sûr. Tout va bien." Citation à l'ordre de la division :Il est récompensé par une citation à l'ordre de la division, en date du 18 octobre 1917. * Citation n° 194 à l'ordre de la 67ème division du Ltt Eugène Rousset, observateur à l'escadrille PS 125, en date du 18 octobre 1917 : "Bien que grièvement blessé dans l'infanterie, a tenu malgré son inaptitude, à reprendre du service au front dans une arme combattante. Effectuant des bombardements à basse altitude pour augmenter l'efficacité de son tir , donne à tous les plus bel exemple de courage. S'est particulièrement distingué le 4 septembre en allumant un incendie dans l'objectif qui lui avait été assigné et les 21 et 30 septembre en exécutant plusieurs bombardements dans le même nuit, malgré des conditions atmosphériques difficiles". Hospitalisé à Aix-les-Bains :Souffrant de séquelles de sa blessure du 27 août 1914, il est envoyé en traitement à l'hôpital-dépôt des convalescents à Aix-les-Bains (Savoie) du 31 octobre 1917 au 22 janvier 1918. Guéri, il est ré-affecté à la même unité. Il restera observateur de l'escadrille PS 125 / V 125 du 22 janvier au 4 mai 1918. L'escadrille PS 125 passe sur Voisin LAS, complétement dépassé, le 24 janvier 1918 - Heureusement, très vite, elle reçoit des Voisin 8 et 10 destiné exclusivement au bombardement de nuit - En effet, ces avions n'étaient pas de taille à affronter les avions de chasse allemands - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Eugène Rousset transmise par Pierre Bureau, son petit-fils, que je remercie pour son aide.Entièrement équipée d'avions Voisin :Le 22 janvier 1918, il écrit : "Mes chers parents, je suis arrivé à l'escadrille à l'heure prévue sans incidents autres que mon départ dimanche à 8h35 et non à 7h34 ma place étant retenue dans le premier. A mon arrivée trouvé le tout dans un cafouillage extraordinaire. Vous ai dit que nous repassions sur Voisin les 4/4 des pilotes s'insurgent et ne veulent pas monter ce zinc. D'où désaccord grave avec le chef d'escadrille qui n'est pas bien avec le commandant nouveau qui n'est pas bien au GQG etc... Mic mac général .Assez difficile de me faire réintégrer ici. Mon chef fait tout pour me garder et réussira mais assez difficile. Réinstallé dans ma cagna avec joie malgré tout. Temps exécrable. Kowa, abrutie par le voyage, a cependant reconnu le camp. Pris le thé ce soir chez les Anglais qui ont pris tout notre secteur. Bruits de départ prochain. Voilà vanné, vous embrasse Kowa aussi. Vais me coucher Eugéne". Le 24 janvier 1918, l'escadrille PS 125 est entièrement équipée d'avions Voisin LAS qui sont obsolètes à l'époque et prend l'appelation de V 125. Très vite, elle est dotée d'avions Voisin 8 et 10, quand même plus adaptés à la mission de bombardement de nuit. Elle occupait le terrain d'aviation de Champien depuis le 23 juillet 1917. Le 15 février 1918, elle s'installe sur le terrain de la ferme de Grèves, près de Château-Thierry dans l'Aisne. Il est envoyé en mission, dont la nature n'est pas précisée, du 15 février au 4 mai 1918. Déclaré en position d'absence depuis le 14 février 1918 et rayé des effectifs de l'escadrille V 125, le 4 mai 1918. Je n'ai pas retrouvé l'affection suivante jusqu'à la fin de la Grande Guerre. Le tête de Pierrot telle qu'elle était peinte sur le fuselage des Voisin de l'escadrille V 125 - Elle a été adoptée pour rappeler la mission nocturne de l'unité - La couleur de la colerette variait selon les équipages - Dessin Albin Denis.Son mariage et la fin de la guerre :Il se marie avec Mlle Juliette Clémentine Frantier à St-Gaudens (Haute-Garonne), le 29 juillet 1918. Il est déclaré inapte définitivement et proposé à une pension définitive de 65 % pour ankylose osseuse du genou droit par la commission de réforme de Besançon (Doubs), le 23 août 1919. Il est démobilisé suite à cette décision, le même jour. Le Ltt Eugène Rousset, en tenue avec sa Croix de Guerre, pose en compagnie de ses camarades - Bientôt, il sera démobilisé, le 23 août 1919 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Eugène Rousset transmise par Pierre Bureau, son petit-fils, que je remercie pour son aide.Rayé des cadres de réserve :Il est rayé des cadres de réserve et placé dans la position d'officier honoraire, le 3 mai 1921. Il est finalement proposé pour une pension permanente de 65 % pour ankylose complète du genou droit par la 2ème commission de réforme de la Seine, le 26 juin 1923. Affecté à l'inspection des services judiciaires à Beyrouth :Au Liban, où il est arrivé en 1921, comme directeur de la justice. Il était en charge des services judiciaires de Syrie et du Liban, en doublure des ministres respectifs à ce poste dans les gouvernements libanais et syriens, mis en place par les français dans le cadre du protectorat au Levant.. Il est affecté à l'inspection des services judiciaires à Beyrouth (Liban) en 1930. Cette institution est née suite à un décret du 28 février 1910. Elle a été suspendue au cours de la Grande Guerre. Le garde des Sceaux, M. Léon Bérard a remis en application ce décret. Les conseillers à la Cour de Cassation sont chargés de se rendre, inopinément dans les cours d'appel. Ils inspectent les juridictions de tous les dégrés, assisteront aux audiences, visiteront les parquets, les greffes, les services annexes. Ils étendent leur mission à tout ce qui concerne l'administration de la justice civile et criminelle.
Eugène Rousset est fait grand-officier de la Légion d'Honneur par Georges Pompidou, président de la République, dans la cour des Invalides en 1971 - Il avait 80 ans - La Colonelle Valérie André a été faite Officier de la Légion d'Honneur, le même jour - Promue au grade en 1970, elle était alors médecin-chef de la base aérienne 107 de Villacoublay - Photo Eugène Rousset transmise par Pierre Bureau, son petit-fils, que je remercie pour son aide.Eugène Rousset est décédé à Muret (Haute-Garonne), le 17 décembre 1982. Sources :
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Remerciements à :
- M Pierre Bureau pour la communication des archives d'Eugène Rousset, son arrière-grand-père.
Bibliographie :
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"Les escadrilles de l'aéronautique militaire française - Symbolique et histoire - 1912-1920" - Ouvrage collectif publié par le SHAA de Vincennes en 2003.
- "The French Air Service War Chronology 1914-1918" par Frank W.Bailey et Christophe Cony publié par les éditions Grub Street en 2001.
- Le Journal Officiel de la République Française (JORF) mis en ligne sur le site "Gallica" de la Grande Bibliothèque de France.
- Carnets de Comptabilité en Campagne des escadrilles mis en ligne par le Site "Mémoire des Hommes."
- "Les "As" français de la Grande Guerre" en deux tomes par Daniel Porret publié par le SHAA en 1983.
- "Les Armées françaises dans la Grande Guerre" publié à partir de 1922 par le Ministère de la Guerre.
- Carnets de campagne écrits par Louis Dauphin - Carnet n° 1 pour la France, Carnet n° 2 pour la Russie.
- Site Internet "Mémoires des Hommes" du Ministère de la Défense - Voir le lien
- Site Internet " Pages 14-18 " de Joël Huret.
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