Ltt Jean Cauboue 
Ltt Jean Cauboue - Brevet de pilote militaire n° 2995 obtenu à l'école d'aviation militaire de Pau, le 17 mars 1916 - Pilote de l'escadrille N 76 du 20 septembre 1916 au 5 avril 1918 - Commandant de l'escadrille SPA 98 du 23 avril 1918 au 13 février 1919 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
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Son parcours dans le détail
Jean Georges Yves Cauboue est né le 24 septembre 1893 dans la commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne). Il est le fils de Jean Cauboue (Capitaine du Génie actuellement en garnison à Versailles) et de Marie-Thérèse Hybre (sans profession). Voir son acte de naissance joint.

Acte n° 33 de la Commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne) déclarant la naissance de Jean Georges Yves Cauboue, le 24 septembre 1893 à 17 heures - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo de l'acte extraite du registre des naissances et mariages de la commune d'Aiguillon, mis en ligne sur le site des archives départementales du Lot-et-Garonne.

Photo du village d'Aiguillon dans le département du Lot-et-Garonne - En 1893, cette petite ville comptait un peu plus de 3100 habitants - Droits réservés.
Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr :
Appartenant à la classe 1913 (année de naissance + 20 ans), il se classe 129ème au concours d'entrée de 1912 de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr.

Panorama général de la ville de Saint-Cyr et de l'école spéciale militaire pendant la 1ère guerre mondiale - Droits réservés.
Affecté au 12ème régiment de Dragons :
Pour sa première année de service, Jean est affecté au 12ème régiment de Dragons, stationné au quartier Duroc à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), à compter du 1er octobre 1912. Ce régiment fera ensuite mouvement sur Toul et Troyes au cours de l'année 1913.

Entrée du Quartier "Duroc" stationnement du 12ème régiment de Dragons à Pont-à-Mousson, jusqu'en 1913 - Droits réservés.
Fin de scolarité à Saint-Cyr :
Après une année de service, à la fin de l'année 1913, il reprend sa formation au sein de l'école de Saint-Cyr. Elle sera malheureusement interrompue par la mobilisation générale du 2 août 1914. Les élèves de Saint-Cyr, en cours de cycle, sont immédiatement nommés sous-lieutenants et affectés en unités.

Entrée principale de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr juste avant la Grande Guerre - Droits réservés.

Une des salles d'étude de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr juste avant la Grande Guerre - Droits réservés.

Une des chambrées de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr juste avant la Grande Guerre - Une promiscuité favorisait grandement les rapports amicaux - Droits réservés.
Affectation au 15ème régiment de Dragons :
Jean, qui a fait sa première année dans les Dragons, est affecté au 15ème régiment de Dragons et nommé sous-lieutenant, le 5 août 1914.
Cette grande unité, stationnée à Libourne (Gironde), compte un état-major et quatre escadrons. Ses effectifs sont les suivants : 32 officiers, 59 sous-officiers, 619 cavaliers et 705 chevaux, à la date de la mobilisation générale. Jean intégre le 2ème escadron du Cne Ducasse.

Entrée du quartier "Lamarque" lieu de stationnement du 15ème régiment de Dragons à Libourne jusqu'en août 1914 - Droits réservés.
Après une campagne de Lorraine, puis d'Alsace, il demande à être détaché dans l'aéronautique militaire. Après quelques mois d'attente, sa requête est acceptée et il est affectée comme élève pilote, à compter du 2 janvier 1916.
Pour notre bonheur, l'officier a rédigé un journal très détaillé où il relate sa vie pendant cette période. Ce document, croisé avec son carnet d'emploi du temps (carnet de vol), permet de retracer avec une grande précision son parcours.
Je pars dans l'aviation :
"J'avoue que j'eus peur dans l'infanterie. J'eus peur de ne pas tenir le coup physoquement. Je préférai tenter ma chance dans l'aviation, jeune arme en plein d'essor, avide, elle aussi, de jeunes hommes non usés. J'avais écrit à papa ces intentions. Il m'aviat répondu une lettre pleine de coeur ou pour faire taire mes scrupules, il affirmait que je n'avias rien à me repprocher et que le temps viendrait sans doute où la cavalerie serait appelée à donner toute sa mesure. Maman m'ayant raconté qu'elle logeait chez elle en "billet de logement" un officier aviateur (Cdt Faure) bien vu du GQG, je pensai qu'elle pourrait lui demander de faire aboutir mon affectation dans l'aviation. Je posai donc ma candidature et obtiens du Cne Ducasse et du colonel Le Couvello, un avis pas trop défavorable. J'attendis de longues semaines une décision qui survint enfin dans les derniers jours de décembre. J'étais affecté, comme élève pilote à l'école de Pau.
J'eus de la peine certes à quitter le 15ème Dragons, surtout la bonne camaraderie de Péniraul et de Gouda, la bonhomie souriante de mon capitaine Ducasse : "Ah, vous allez à Pau ! Eh bien, vous en avez de la veine. Vous aurez moins froid qu'ici !" Le fait est que je quittai l'Alsace couverte d'un manteau de neigne glacée, telle qu'elle m'était apparu un an auparavant."
L'école militaire de pilotage de Pau :
"Mon entrainement de pilote commença le lendemain de mon arrivée à Pau et fut menée rondement. La progression était simple. On débutait dans un petit appareil aux ailes tronquées, d'aspect ridicule, baptisé "Pingouin"; on apprenait à rouler en ligne droite en conduisant au palonnier. Deux sorties en double commandes, puis deux à trois séances d'un quart d'heure, seul maître à bord de cet engin suffisait pour cette mise en selle."
Après son premier tour de "Pingouin", le 2 janvier 1916, il enchaine quatre autres séances de rouleurs "Pingouin" pour 1h10 de lignes droites qu'il termine, le 6 janvier. Dès le lendemain, il est affecté à la division Caudron, qui est équipée d'avions double commande. Il y effectue 16 séances en cumulant 4h15 de lignes droites. Le 19 janvier, il intégre la division Caudron 45 cv qui est équipée de Caudron G 1 à moteur Anzani de 45 cv.

Vue d'ensemble des installations du Centre Militaire de l'école de Pau - Cette photo est postérieure à la période étudiée et date de la fin de la Guerre - Carte postale d'époque.

Un des Blériot Pingouin destiné aux élèves pilotes de l'école de Pau en 1915 - Avec ce type d'avion équipé d'ailes trop courtes et incapable de décoller, les futurs "As" réalisent des lignes droites, des virages au sol et quelques fois des bonds - Photo extraite du livre "With the French Flying Corps" de Carroll Dana Winslow.
"Après l'élève passait sur Caudron double commande. Un moniteur vous initiait d'abord à la conduite en vol assez simple, puis aux manoeuvres beaucoup plus délicates au départ et de l'atterrissage. Au bout d'une quinzaine de vols de dix à quinze minutes et deux séances de contrôle au cours desquelles le moniteur ne touchait plus les commandes et où l'élève faisait des tours de piste, suivis d'atterrissages et nouveaux départs immédiats, celui-ci était jugé apte à voler seul à bord. C'est ce qu'il advient de moi, le 18 janvier. les deux jours suivants, le maivais temps interdit tout vol et le 21 janvier, anniversaire de la mort de Louis XVI, faillit bien être aussi mon dernier jour."
Grave accident d'avion :
Le 21 janvier 1916, lors de son premier vol en volo sur un Caudron G 1 de la division "45 cv ligne droite", il est victime d'un coup de vent latéral qui le pousse vers une ligne téléphonique aérienne en bordure de piste. En désespoir de cause, il tire sur le manche pour tenter de passer au-dessus et tombe en perte de vitesse. Son avion s'écrase et le pilote est évacué dans le coma. Il lui faudra plusieurs jours pour sortir de son état. Par chance, il ne souffre pas de séquelles de ce traumatisme crânien et pourra reprendra sa place au sein de l'école, dès le 7 février.
"Je devais faire un vol très court en ligne droite sur une étroite piste d'un peu plus de 2 kilomètres de long. On ne devait voler que dans des conditions de vent nul ou très faible. Ce jour-là, le vent, bien que jugé faible par la direction des vol, fut assez fort et surtout de travers pour faire dériver mon avion de la ligne droite, dès le décollage. L'appareil s'approcha ainsi de la ligne téléphonique parallèle à la piste. Je tirai sur le manche à balai pour sauter cette maudite ligne. L'avion, en perte de vitesse, s'écrasa sur la route. On me retira de là, la tête inondée de sang et dans le coma le plus complet. Transporté à l'hôpital, je n'avais pas encore repris connaissance le surlendemain à l'arrivée de maman aussitôt alertée par télégramme de Châlons-sur-Marne. Je passai une quinzaine de jours à l'hôpital complémentaire (Villa Ridgway appartenant à une américaine). Maman avait loué à Pau un petit logement de trois pièces ou elle allait demeurer avec moi jusqu'à ma sortie d'école.
Le 7, remis de ses émotions, il reprend sa formation là où elle en était restée. Le 12 février, après deux sorties en double commandes, il est de nouveau affecté à la division "45 cv ligne droite".
Revenu à Pont-Long où l'on avait bien pensé ne plus me revoir, je dus refaire quelques atterrissages en double commande, un tour de pingouin puis je passai à la division "45 cv ligne droite" (Caudron G 1 à moteur Anzani 45 cv) Mais le mauvais temps s'était mis de la partie. Il avait abondamment neigé comme cela arrive rarement à Pau et presque tout l'entrainement au pilotage était interrompu. Quand les vols étaient possibles, les journées passaient assez vite sur la lande de Pont-Long à regarder voler nos camarades (chaque élève volait très peu de temps), à repèrer les fautes commises ou à nous raconter mutuellement nos souvenirs de guerre. La majorité des élèves était composée d'officiers et l'arme dominante était la cavalerie. Les officiers d'infanterie avaient, pour la plupart, été blessés à l'ennemi et étaient devenus plus ou moins inapte à leur arme. Pour cette raison, on avait pris en considération leurs demandes d'affectation dans l'aviation."
"On déjeunait frugalement dans une baraque et le travail reprenait tout de suite. Les jours étaient courts, il fallait les utiliser à plein. La nuit venue, des "tracteurs" nous reconduisaient à Pau. Ces tracteurs étaient de vulgaires camionnettes baptisées tracteurs sans doute parce qu'elle tiraient une remorque. Des jours d'interdiction de vol nous semblaient mortels. Rien ou presque rien n'avait été prévu, ni aménagé dans cette école de pilotage pour faire faire aux élèves autre chose que du pilotage. Une instruction technique pratique fut ébauchée, faute de moyens tant en matériel qu'en personnel qualifié, elle fut lamentable."
Division "45 cv virage" :
"Il me fallut attendre le 21 février, juste un mois après mon accident pour repartir seul à bord du petit G 1. Je décollai sans appréhension aucune, ayant absolument l'impression de voler pour la première fois de mes propres ailes. Aucun souvenir ne m'était resté en effet de cette journée fatale du 21 janvier. Le premier vol se passe très bien ainsi que les douze qui suivirent. Je passai alors aux "45 cv virage", appris très rapidement à virer au pied et au manche et fut admis alors à passer sur un autre apparil, le Caudron G 3, équipé avec un 80 cv Grôme et Rhône. Je fis très peu de vols sur ce taxi et fus jugé apte à subir les épreuves du brevet de pilote."
Après 4 heures de lignes droites, il est affecté à la division "45 cv virages", le 1er mars. Après 3 heures de vol, il est jugé apte à réaliser l'épreuve dite de la Spirale.
L'épreuve de la "Spirale" :
"Le 9 mars, par un temps idéal, je fis sept à huit vols d'entrainement, atteignis pour la première fois l'altitude de 600 mètres et effectuai sans bavure l'épreuve officielle dite "spirale". On monte à 600 mètres au-dessus d'un point fixé sur la piste; on coupe le moteur et il faut atterrir, après une descente en spirale au plus près du point fixé."
A Mont-de-Marsan :
Le 7 mars, il commence son entrainement, à bord d'un Caudron G 3 "Voyage" équipé d'un moteur de 80 HP. Après 17 vols et 4h15 de vol, il est jugé apté à effectuer le voyage de Pau à Mont-de-Marsan. Le voyage ne se passera pas comme prévu. En voici le récit :
"Le temps, le lendemain était aussi très beau. Dès l'arrivée du tracteur au terrain, le Capitaine Leroy me fit appeler "Préparez-vous tout de suite. Vous partez en voyage d'épreuve sur Mont-de-Marsan."
"On nous avait fait un ampli les jours précédents sur la préparation et l'exécution d'un voyage aérien. On avait passé en revue l'équipement d'un "G 3 voyage"; sa planche de bord comportait un compte-tours, un altimètre et une montre, les trois instruments de base. L'élève disposait en outre d'une boussole et d'une carte d'état-major. C'était là l'équipement théorique, mais on nous avait aussi prévenus : "La montre, on n'en place pas à bord, on les vole. Au reste, vous avez la vôtre."
"L'altimètre, nous en manquons pour l'instant mias vous pouvez vous en passer. Comme vous devez faire une épreuve d'altitude (2000 mètres), vous n'avez qu'à laisser monter le taxi. Ne pouvez pas trop sur le manche. Il montera tout seul."
"La carte ? Un porte-cartes vous encombrerait. Vous n'avez qu'à apprendre l'itinéraire par coeur, c'est fort simple. Après le décollage, vous mettez le cap au Nord. Vous survolez successivement trois rivières dont la vue ne peut vous échapper. Au Nord de la 3ème, l'Adour, grande forêt au milieu de laquelle se détache une ville : Mont-de-Marsan. Vous êtes au but. La distance ? 65 kilomètres."
L'épreuve de hauteur :
"Je passe ma combinaison fourrée, le passe-montagne, le casque. J'assujettis ma montre dans la poche extérieure de la combine et m'installe au poste de pilotage du "G 3 Voyage" qui m'est affecté et dont le moteur vient d'être essayé. Comme prévu, pas de montre, pas de carte, pas d'altimètre de bord. le mécano me fait voir placé sur le plancher de la carlingue, un barographe dûment ficelé. "C'est pour l'homologation de l'épreuve de hauteur" me dit'il. "N'y touchez pas."
"Prêt ? Prêt.
Contact ? Contact.
Le moteur tourne. Heureux et fier de m'en aller comme cela, seul à bord, je ne donnerais pas ma place pour un empire, mais je ne vais pas tarder à déchanter. Il est 10 heures du matin, le vent souffle du Nord et l'avion est secoué dès le départ, un peu trop à mon gré. Tantôt une aile, tantôt l'autre s'incline brusquement. Tantôt c'est l'avion tout entier qui s'enfonce ou bondit. Je n'ai pas été habitué à tout cela au cours de mes tours de piste à cent mêtres d'altitude. Je me défends comme un diable à grands coups de manche et de palonnier. L'appareil se cabre dangeureusement si je cesse une fraction de seconde la pression sur le manche qui me pousse dans la main, d'une façon exaspèrante."
"Mais voyons ! Avec tout cela, où suis-je ? Je me suis placé presque inconsciemment face au Nord et je ne quitterai plus ce cap. Je regarde au-dessous de moi; tout a rapetissé au sol. C'est ennuyeux de ne pas connaitre l'altitude "laissez monter l'appareil" m'a recommandé encore Leroy avant le départ. Je prends certainement de la hauteur. Le moteur tourne bien, pleins gaz, mais comme l'atmosphère me secoue, je n'ose pas réduire les gaz. Il y a un bon régime; n'en changeons pas. Ces coups de tabac, comme l'on dit dans l'argot de l'aviation, c'est fatigant à la longue ! Enfin heureusement que je n'en ai pas pour longtemps pour arriver à Mont-de-Marsan. J'essaie d'attraper ma montre mais l'une des sangles qui me fixe à mon siège passe sur la poche de la combine. cela fait que je n'arrive pas à saisir cette sacrée montre. Je m'en passerai !"
"Je me rappelle que je dois survoler trois rivières mais je n'ai pas encore vu la première. C'est long. Il y a un soleil magnifique mais quelle brume épaisse sur la gauche, vers l'Ouest. Vers l'Est, par contre la visibilité est bien meilleure. En prenant de l'altitude, ça chahute moins. c'est égal, le temps finit par me paraitre long. Et pourtant Dieu sait que j'ai de quoi m'occuper pour maintenir ce diable de zinc dans une ligne de vol correcte. Je ne puis passer dix secondes sans regarder la boussole."
"Mais voici tout de même le première victoire. Je continue à laisser monter le coucou, mais cela se remet à danser. J'essaie de nouveau mais envain d'attraper ma montre, rien à faire. La seconde rivière finit par apparaitre, bien plus importante que la première. L'avion ne danse plus et la manche ne pousse plus dans la main. Je me sens bien et ne trouve plus le temp long. Voici d'ailleurs la troisième rivière. j'arrive au terme du voyage. Les bois s'étalent au Nord mais je ne vois pas Mont-de-Marsan. Au loin devant moi, j'aperçois un grand fleuve perpendiculaire à ma route. Quelque temps après, le moteur, qui marchait jusqu'ici à merveille, commence à bafouiller. Quelle poisse. Ces sales moteurs, on ne peut jamais compter sur eux ! Ca bafouille de plus en plus. Je ne vois toujours pas la ville espérée. L'avion s'est mis à perdre de la hauteur, très vite, me semble t'il. Puis le bafouillage s'accentue. le compte-tours n'indique plus que quelques centaines. Il va falloir atterrir. Je me rends compte cependant que j'ai du temp devant moi pour choisir un terrain. le fleuve qui me paraissait très large tout à l'heure est simplement un cours d'eau qui a débordé de son lit."
Atterrissage en Charente :
"J'hésite maintenant entre deux zones qui me semblent atterrissables, pas longtemps car le moteur s'est arrêté tout à fait. J'ai coupé comme le prescrivait les consignes. Cette fois, le sol se rapproche. Je spirale au-dessus du terrain choisi et me pose finalement "comme une fleur" suivant l'expression consacrée pour un bon atterrissage. L'avion se freine très vite en roulant dans un champ labouré et hersé.
Ouf ! Comme je suis content d'être sur le plancher des vaches. Un paysan, qui était dans le champ voisin, se dirige vers moi. Je vais à sa rencontre. Je pense à regarder ma montre; il est 1 heure et quelques minutes. Stupéfaction ! Il y a plus de trois heures que j'ai décollé ! Où suis-je ? Ce brave homme va me l'apprendre. Je ne dois pas être loin de Bordeaux. Quand nous sommes à portée de voix, je crie sans autre préambule : "Où sommes-nous ici ?""
"A Monfils" me répond-t'il. J'apprends que c'est à une quinzaine de kilomètres de Cognac ! Les trois cours d'eau survolés, je les revois maintenant. l'Adour, la Garonne et la Dordogne. Je comprend que le temps m'ait paru long, par instants. Enfin tout s'est bien terminé pour l'appareil. Et ma hauteur. Je reviens à l'avion, retire le barographe de la carlingue. Je vois ensuite sur la feuille une courbe qui a atteint trois mille quatre cents mêtres ! Ca alors !
Une heure et demi après, la garde de l'avion étant assurée par un gendarme, j'entrais en conversation téléphonique avec l'école de Pau. Leroy, qui est au bout du fil, est moins qu'aimable. je distingue "monstrueuse faute de navigation ! ce n'est pas la peine de se flatter d'être officier de cavalerie pour commettre une faute pareille, par un temps magnifique etc" .... Je baisse la tête et ne trouve rien à dire. Mon enthousiasme est tombé et je me sens coupable."
Un record :
"Le lendemain, je vis arriver un sous-officier chef pilote, doublé d'un bon mécanicien. le pilote, très compréhensif, mit un peu de baume sur mon amour prpore blessé : "Il y a beaucoup de jeunes qui se perdent comme vous, mon Lieutenant, mais par exemple vous, c'est un record ! Aucun G 3 de Pau n'était encore allé aussi loin d'une seule traite. Au fait, vous ne devez plus avoir d'essence." et de constater que le réservoir est vite. c'est pour cela que le moteur s'est arrêté.
Le Capitaine Mauger-Devarenne, m'apprend le chef pilote en veine de confidence, m'a donné l'ordre de bien vérifier si l'appareil était intact. Heureusement pour moi, rien n'est bouzillé. l'équipe de dépannage va donc faire le plein d'essence et d'huite et rentrer par la voie des airs. Une première sanction à ma faute sera de prendre le train."
Remontée de bretelles :
"Au terrain de Pont-Long, le commandant de l'école me fit de sévères semonces. Son adjoint m'avait prévenu : "Encaissez sans mot dire, sans cela le patron vous vide et vous rejoignez dès ce soir votre régiment. Il n'a jamais blairé les cavaliers."
"J'encaissai donc stoïquement l'engueulade. J'appris que les officiers de cavalerie étaient tout juste bons à se pavaner à cheval etc .... et je retirai avec quatre jours d'arrêts. A mon arrivée sur la piste, je fus très entouré; j'eus peine à toutes les questions qui me furent posées, et comme un petit moment de succès."
Il réalise brillamment un nouveau voyage de Pau à Mont-de-Marsan en une heure de vol, le 16 mars et revient le lendemain par le même chemin. Le soir même, en réalisant le triangle Pau-Dax-Mont-de-Marsan en 3 heures de vol, il met un terme à ses épreuves et jugé apte à obtenir le brevet de pilote militaire.
Brevet de pilote militaire n° 2995 :
"Le lendemain, on me fit refaire quelques tours de piste, et le jour d'après, je pris les commandes d'un nouveau G 3 et m'envolait pour Mont-de-Marsan. J'avais cette fois étudié de près l'itinéraire. Aussi, malgré une visibilité des plus mauvaises qui m'obligea à voler au raz des arbres dans la dernière partie du voyage, je peu trouver, mais pas aisaiment, le petit terrain situé au Nord de la ville (champ de courses). On m'interdit d'en repartir en raison du temp de plus en plus bouché. Le lendemain matin, je profitai d'une éclaircie pour rentrer à Pau, puis après avoir avalé un sandwich, je repartais faire le triangle Pau, Dax, Mont-de-Marsan, dernière épreuve. J'avais décollé depuis quelques minutes quand le moteur se mit à cogner, puis s'arrête brusquement. J'étais à 400 mètres. Je revins atterrir hélice calée. Un autre "G 3 voyage" était en piste. Leroy m'y fit monter et je repartis.
Trois heures après, j'étais de retour l'épreuve faite. J'avais eu la coquetterie de monter de nouveau au-dessus de trois mille mêtres. Je reçus le brevet de pilote n° 2295. J'avais effectué 25 heures de vol officielles, y compris les heures de pingouin.
NB : en fait, je ne reçus le parchemin de ce brevet que beaucoup plus tard puisqu'il ne fut signé qu'à la date du 23 mars 1917 par le chef d'escadron Faure, qui avait été logé chez ma mère en 1915 et m'avait fait désigner pour l'aviation."
Il est parti de l'école de Pau, le 19 mars 1916. Il totalise à cette date 25h30 de vol, dont 18 vols sur Caudron G 1 à moteur Anzani de 45 Hp et 27 vols sur Caudron G 3 (14h45)

Brevet de pilote miltaire n° 2995 du Ltt Jean Georges Cauboue décerné à l'école d'aviation militaire de Pau , le 17 mars 1916 - Ce brevet "papier" a été délivré par l'ITA de Paris, le 23 mars 1917 - Photo Jean-Michel Cauboue que je remercie pour son aide.

Entrée principale de l'école militaire d'aviation d'Ambérieu pendant la Grande Guerre - Carte postale d'époque.

La division Voisin de l'école militaire d'aviation d'Ambérieu - Carte postale d'époque.
L'école de perfectionnement d'Ambérieu :
Il effectue un stage de perfectionnement bombardement à l'école d'Ambérieu du 21 mars au 17 avril 1916
"Le lendemain, je partais pour Ambérieu à l'école de perfectionnement sur avion de bombardement. J'y séjournait trois semaines pendant lesquelles un mauvais temps très fréquent limite l'entrainement. Le Voisin était un gros biplan sans fuselage avec un train à quatre roues. Le moteur,un canton-Unné de sept cylindres en étoile de 110 cv, était fixé derrière l'habitacle de l'équipage. Cet avion de bombardement n'était certainement pas un pur-sang; son ossature était métallique et sa voilure aux toiles bien tendues et vernissées était insensible aux intempéries. L'avion était lourd; aussi fallait'il vingt-cinq minutes pour le hisser à 2000 mètres. Il volait à une vitesse de 90 à 100 km/h et emportait du carburant pour tenir l'air cinq heures. C'est sur cet appareil que le sergent pilote Frantz et le mécanicien Quénault de l'escadrille V 24 abattirent près de Jonchery-sur-Vesle, le 5 octobre 1914, un avion Aviatik avec une mitrailleuse légère Hotchkiss."
"Sur Voisin, le pilote était placé comme à un fauteuil de balcon. Il pouvait se passer de lunettes. Un autre avantage était de pouvoir naviguer à la carte le plus facilement du monde. Mais le moteur avait une mauvaise réputation qui avait fait donner à l'appareil le surnom de four crématoire, ce qui on l'avouera, n'a rien d'engageant. Aussi le passager qui volait avec vous n'était'il pas toujours très emballé et venait'il le plus souvent du service commandé."
Pendant ce stage, il effectue 29 vols pour 7h25 de vol sur avions Voisin. Il totalise maintenant 32h55 de vol.

Vue oblique du terrain de Châteauroux-la-Martinerie - De gauche à droite, le cercle dessiné sur le terrain d'atterrissage donnant les principales directions pour aider les élèves à se repérer en vol, les deux hangars avions (formes rectangulaires), 12 hangars Bessonneau (2 blocs de 6), pour les ateliers de réparation, au fond 18 hangars Bessonneau (2 blocs de 8), pour les avions de l'école - La série de petites baraques, située sur le haut du coté droit, abrite les logements du personnel et des cadres de l'école - Photo Paul Cottave-Claudet transmise par son petit-fils Jean-Paul Milliand que je remercie pour son aide.

Gros plan du rond d'orientation de l'école d'aviation militaire de Châteauroux-la-Martinerie - Photo Paul Cottave-Claudet transmise par son petit-fils Jean-Paul Milliand que je remercie pour son aide.
L'école de Châteauroux - le GDE du Plessis-Belleville :
Il séjourne à l'école de Châteauroux du 20 avril au 1er mai 1916. Dans cette école, il réalise 20 vols pour un total de 3h20 comme pilote et 3h00 comme passager. A la date du 1er mai, il totalise 36h15 de vol comme pilote et a réalisé 44 vols aux commandes d'avions Voisin. Il arrive au terrain du Plessis-Belleville du GDE, le 3 mai 1916. Il va être affecté à la division Voisin du 3 mai au 21 juillet 1916.
"D'Ambérieu, je viens à Châteauroux faire une vingtaine de vols courts toujours sur Voisin. Je rejoignis alors le groupe des divisions d'entrainement dit GDE, installé au Plessis-Belleville, bien entendu à la division du bombardement.Celle-ci était commandée par le capitaine Adrian qui estimait sans doute avoir assez risqué en volant sur le "four crématoire" Voisin. Nous ne le vires jamais en effet aux commandes d'un de ces appareils. Je devais passer chez Adrian près de trois mois sans aucun intérêt à trainer sur la piste avec l'espoir de faire un petit vol sur ce taxi si lourd, si disgracieux, si peu sûr mais qui avait des ailes et qui volaot, ce qui était notre raison d'être."
"Nous étions là une dizaine d'officiers pilotes, fins prêts à partir en escadrille de bombardement mais sans aucune chance d'y aller car l'aviation de bombardement au reste peu nombreuse ne faisait plus d'expéditions et partant n'avait plus de vides à combler dans ses effectifs. Nous étions cantonnés dans le charmant village d'Eve que nous regagnions le soir venu. A la popote, le bon moral des jeunes reprenait le dessus. l'atmosphère y était chaude et cordiale. Chacun racotait ses histoires, chantait une chanson. Puis on allait se coucher tard dans la soirée, avec l'espoir que le lendemain apporterait une solution quelconque."
"A deux reprises, j'eus ainsi la bonne fortune d'aller chercher en escadrille, une fois à Bar-le-Duc, l'autre près de Châlons, un appareil Voisin fatigué et de le convoyer au Plessis. Je note que sur les quelques cent vingt heures de vol que je fis chez Adrian, je n'euw que très rarement une défaillance de ce moteur si décrié. Le haut commandement finit par s'occuper de nous. Un jour, le capitaine Adrian nous informe à la popote que des volontaires étaient demandés pour aller à la division Nieuport (chasse). Je m'inscrivis illico et dès le lendemain quittai les Voisin."
Le 21 juillet 1916, suite à son volontariat, il est affecté à la division "Nieuport", chargée de l'apprentissage sur avions rapides, type de chasse. A cette date, il a réalisé 49h40 sur Voisin à la division du même nom et totalise maintenant 85h55 de vol total.
* Cne Albert Christophe Marie Adrian - Né le 21 mai 1877 à Bellefosse (Sélestat) (68) - Fils de Victor Adrian et de Célestine Etienne - Marié et domicilié à la Chapelle-St-Sauveur (Saône-et-Loire) - Classe 1897 - Recrutement de Besançon (Doubs) sous le matricule n° 1655 - Engagé volonatire pour quatre ans au 172ème régiment d'infanterie, à compter du 17 septembre 1897 - Nommé Caporal, le 27 mai 1898 - Nommé Sergent, le 28 janver 1900 - Nommé Sergent-fourrier, le 16 août 1900 - Rengagé pour deux ans, le 17 septembre 1901 - Admis à l'école militaire d'infanterie, le 8 mars 1902 - Nommé Sous-lieutenant et affecté au 25ème régiment d'infanterie, le 1er avril 1902 - Nommé Lieutenant, le 1er avril 1905 - Affecté au 10ème régiment d'infanterie, le 10 juillet 1907 - Affecté au 109ème régiment d'infanterie, le 25 juin 1909 - Affecté au 57ème régiment d'infanterie, le 9 novembre 1912 - Passé à l'aéronautique militaire comme élève pilote, le 1er avril 1912 - Brevet de pilote militaire n° 266 obtenu à l'école d'aviation militaire d'Ambérieu, le 19 mai 1913 - Commandant de l'escadrille D 4 du (3ème trimestre 1914) au 11 décembre 1914 - Nommé Capitaine, le 1er septembre 1914 - Stage au centre d'aviation de St-Cyr du 11 décembre 1914 au 24 février 1915 - Commandant de l'escadrille VB 106 du 24 février au 1er avril 1915 - Affecté au RGAé du 1er avril 1915 au 19 septembre 1916 - Commandant de la section "Nieuport" du GDE du Plessis-Belleville du XXX au 19 septembre 1916 - Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée, le 28 octobre 1915 - Commandant de l'escadrille V 114 du 19 septembre 1916 au 26 février 1917 - Commandant du groupe Paul Schmitt du 9 mai au 2 juin 1917 - Affecté au GB 3 du 2 juin au 10 décembre 1917 - Commandant du parc aéronautique n° 103 du 10 décembre 1917 au 30 octobre 1919 - Commandant le parc aéronautique du 3ème régiment d'aviation de bombardement, le 1er janvier 1920 - Place en position hors cadre, le 25 mai 1920 - Affecté au 2ème régiment d'aviation de bombardement de Nancy-Malzéville, le 5 juin 1920 - Affecté au 21ème régiment d'aviation par changement de dénomination, le 1er août 1920 - Affecté au magasin général n° 3 de Romorantin, le 22 octobre 1920 - Commandant du 32ème régiment d'aviation, le 9 janvier 1924 - Nommé Chef de bataillon, le 25 mars 1924 - Officier de la Légion d'Honneur, le 8 juillet 1928 - Nommé Lieutenant-colonel, le 25 juin 1930 - Affecté à la base aérienne n° 102 - Mis à la retraite, le 25 mai 1935 - Sources : Pam - FM Doubs - Liste PN - CCC D 4 - CCC VB 106 - CCC VB 114 - JORF - Dernière mise à jour : 31 août 2015.
* Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée, le 28 octobre 1915 : "Commande la division de bombardement à la RGA avec un zèle et une dévouement dignes d'éloges, nombreux services aériens."

Photo aérienne d'une partie du terrain du GDE du Plessis-Belleville en mars 1916 - Remarquez l'alignement des huit hangars Bessonneau dans le fond de l'image - Photo Jean Amigues transmise par Jean-Pierre Amigues, son petit-fils que je remercie pour son aide.
La division "Nieuport" :
Il est affecté à la division "Nieuport" du GDE du Plessis-Belleville du 22 juillet au 18 septembre 1916.
"Le climat de la division Nieuport était tout différent. Les officiers étaient, en grande majorité, des cavaliers; les instructeurs aussi. Et il régnait sur la piste une activité réconfortante. Il me fallut refaire du rouleur et suivre toute la progression sur Nieuport 18 m², puis Nieuport 23 m², avant de me voir confier le petit Bébé Nieuport de 13 m² seulement de surface et équipé avec un moteur rotatif Rhône 80 cv. En dix semaines de beau temps, je pus faire environ 75 vols (en principe un vol le matin, un le soir) ne représentant une durée totale de 27 heures de plein travail, riches en émotion, surtout les deux dernières semaines consacrées à la voltige aérienne (renversement, vrille, glissade sir l'aile, looping, piqué à mort suivi de ressource brutale). Cela c'était vraiment du sport. Nous étions tous sur la piste et ne quittions pas de yeux les évolutions faites presque au-dessus de nous et toujours à portée de la vue par nos camarades. C'est chez Nieuport que je fis connaissance de Pierre Weiss, jeune avocat du barreau de Nancy que nous nous amusions à faire discourir sur n'importe quel sujet et que nous ne primes jamais au dépourvu, ni d'idées, surtout de paroles. Pierre Xeiss était un camarade d'étude de Gouda-Pelous, ce qui me le rendit encore plus sympathique.
Du 22 juillet au 18 septembre 1916, date de son affectation à l'escadrille N 76, il a réalisé, à la division Nieuport du GDE du Plessis-Belleville, un total de 32 vols sur Nieuport 10, 12 sur Nieuport 12 et 28 sur Nieuport 11. Ces 72 vols représentent 27 heures 15 de vol.
A cette date, il compte un total de 113 heures de vol pour 237 vols.
Dans le détail, il a réalisé :
- 24 sorties sur Blériot rouleurs et Caudron G 3 à double commande,
- 18 vols Caudron G 1 à moteur Anzani 45 HP pour 11 heures de vol,
- 27 vols sur Caudron G 3 à moteur Gnôme et Rhône de 80 HP (14h),
- 120 vols sur Voisin L et LA pour 60h25,
- 32 vols sur Nieuport 18 m²,
- 12 vols sur Nieuport 23 m²,
- 28 vols sur Nieuport 11 (13 m²) pour un total sur Nieuport de 27h15.

Vue de la section Nieuport du terrain GDE du Plessis-Belleville en mars 1916 - Plusieurs avions, des Nieuport 10, sont identifiables - De droite à gauche, les numéros 211 - 289 (qui a servi auparavant à l'escadrille N 65) - 360 - 309 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Amigues transmise par Jean-Pierre Amigues, son petit-fils que je remercie pour son aide.

Insigne de l'escadrille N 76 / SPA 76 - Dessin Albin Denis.
L'escadrille N 76 :
"A la mi-septembre, je fus affecté à l'escadrille de chasse de la Vème armée, la N 76, stationnée sur le terrain de la Cense, près de Fismes. le Capitaine René Doumer, fils du président de la Chambre des députés Paul Doumer, la commandait. je ne trouvai pas à la 76 l'atmosphère joyeuse qui m'avait tant plus à Eve et au Plessis-Belleville. René Doumer était un homme déjà mur, sérieux presque austère, se déridant rarement. Paumier, le commandant en second, pourtant plus jeune, mais sans vraie jeunesse. Le lieutenant Leth Jensen, engagé volontaire de nationalité danoise, était d'un tempérament nordique très réservé, assez rasoir malgré son excellente nature. Quant au lieutenant Defougère, il était encore plus froid, plus impassible que mes autres nouveaux camarades."

Cne René Léon Doumer - Né le 31 octobre 1887 à Laon (02) - Fils de Paul Doumer et de Blanche Richel - Entré en service actif au 2ème bataillon de chasseurs à Pied, le 7 octobre 1908 - Chevalier de la Légion d'Honneur et une citation à l'ordre de l'armée, le 17 septembre 1914 - Brevet de pilote militaire n° 2301 en date du 10 janvier 1916 - Pilote et commandant l'escadrille N 76 du 30 août 1916 au 26 avril 1917 - Tué au combat à bord du Spad VII n° 1447 au Nord de Brimont, le 26 avril 1917 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Slt Niels Leth Jensen - Pilote de l'escadrille N 76 du 2ème trimestre 1916 au 24 août 1917 - Les 3 avions, qu'il a utilisé au sein de la N 76 / SPA 76, ont porté le nom de baptème "Viking" - Ce Morane-Saulnier type AC portait le numéro 2 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
* Slt Niels Leth Jensen - Né le 14 mars 1886 à Aarhus (Danemark) - Fils de Jens Jensen et de Marie Leth - le 14 mars 1886 - Profession avant guerre Aviateur - Domicilé 38, rue Amelot à Paris (75) - Engagé volontaire pour la durée de la guerre dans l'aéronautique militaire, au centre d'aviation militaire de St-Cyr, le 15 août 1914 - Brevet de pilote militaire n° 544 obtenu le 30 août 1914 - Pilote de l'escadrille MS 31 du 26 octobre 1914 au 19 avril 1915 - Nommé Caporal, le 8 novembre 1914 - Une citation à l'ordre de l'aéronautique, le 19 novembre 1914 - Détaché à St-Cyr du 27 novembre au 9 décembre 1914 - Mission à Bar-le-Duc, le 10 janvier 1915 - Nommé Sergent, le 20 janvier 1915 - Médaille Militaire, le 28 janvier 1915 - Croix de Guerre - Mission à Nancy, les 9 et 10 février 1915 - Une citation à l'ordre de l'armée, le 28 février 1915 - Détaché à Bar-le-Duc du 6 au 12 avril 1915 - Affecté à la RGA du Bourget, le 19 avril au 8 juin 1915 - Pilote de l'escadrille MS 31 (2ème période) du 8 juin 1915 au 2ème trimestre 1916 - Nommé Adjudant, le 16 juin 1915 - En mission à la RGA du 10 au 16 août 1915 - Une citation à l'ordre de l'armée, le 10 août 1915 - Nommé Sous-lieutenant à titre temporaire, le 8 octobre 1915 - Détaché à la RGA du 14 octobre au 22 novembre 1915 - Détaché à Bar-le-Duc du 27 janvier au 22 mars 1916 - Pilote de l'escadrille N 76 du 2ème trimestre 1916 au 24 août 1917 - Une citation à l'ordre de l'armée, le 24 décembre 1916 - Chevalier de la Légion d'Honneur, le 10 juillet 1917 - Une citation à l'ordre de l'armée, le 10 juillet 1917 - Convalescence à la maison de santé VR 75 de Viry-Chatillon du 24 août au 8 novembre 1917 - Rayé des contrôles du GDE, le 18 décembre 1917 - Domicilié 42, boulevard Victor Hugo à Neuilly-sur-Seine - (75) - Décédé à son domicile de Neuilly-sur-Seine, le 29 février 1968.

Le Slt Niels Jensen s'apprête à partir en mission, à bord de son Morane-Saulnier type AC baptisé "Wiking II" en 1917 - Le Ltt Jean Cauboue est venu l'encourager - Le pilote danois était le seul à voler sur ce type d'appareil au sein de la N 76 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Slt Niels Jensen est maintenant prêt à partir en mission, à bord de son Morane-Saulnier type AC baptisé "Wiking II" en 1917 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"L'escadrille 76 était la seule escadrille de chasse stationnée sur le territoire de la 5ème armée, à laquelle elle appartenait organiquement."

Slt Paul Henriot, observateur et commandant de la section photo de l'escadrille N 76 du 28 novembre 1916 au 13 octobre 1917, pose à l'entrée de son atelier photo sur le terrain de la ferme de la Cense - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
* Slt Paul Gabriel Léon Henriot - Né le 23 juillet 1893 à Reims (Marne) - Fils de Paul Louis Henriot (inspecteur général des mines) et de Marie Sophie Marynet - Domiciliés au 21, boulevard Beauséjour à Paris (75) - Classe 1913 - Recrutement du 2ème bureau de la Seine sous le matricule n° XXX - Engagé au 132ème régiment d'infanterie, le 17 mars 1913 - Affecté dans cette unité du 17 mars 1913 au 29 septembre 1915 - Passé à l'aéronautique militaire comme observateur photo, le 29 septembre 1915 - Observateur-photo de la RGA - Observateur-photo du GDE du 21 janvier au 30 mai 1916 - Observateur-photo de l'escadrille C 30 du 30 mai au 28 novembre 1916 - Nommé Sous-lieutenant, le 28 juillet 1916 - Observateur-photo de l'escadrille N 76 du 28 novembre 1916 au 13 octobre 1917 - Nommé Lieutenant à titre définitif, le 28 juillet 1917 - Evacué, le 13 octobre 1917 - Sources : Pam - CCC N 76 - CCC C 30 - Dernière mise à jour : 19 septembre 2015.

Voiture photo de l'escadrille N 76 déployée dans la cour de la ferme de la Cense, à proximité immédiate du terrain du même nom - Le Slt Paul Henriot, observateur et commandant de la section photo de l'escadrille N 76 du 28 novembre 1916 au 13 octobre 1917, est assis dans l'entrée - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

La ferme de Rosnay occupée par l'escadrille N 76 du 19 janvier au 23 avril 1917 - Cette tour ne semble pas avoir survécue à la Grande Guerre - L'identification du lieu a été faite par Rémi Bouilland que je remercie - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"L'aviation de chasse avait été créée au début de 1915, dans le secteur de la 5ème armée par le commandant de Rose, secondé par le polytechnicien Le Révèrend qui, avec le Ltt Bernis, mon camarade de promotion Robert, et aussi Chambe, Navarre, Pivolo (Pelletier d'Oisy) allaient se spécialiser dans la mission de chasse de l'aviation ennemie. Leur escadrille, portant le n° 12, était équipée alors de Morane Parasol. Le 1er avril 1915, mon petit co Robert, piloté par Navarre, descendait un Aviatik en trois coups de carabine de cavalerie, tirés à bout portant. les Morane parasol du début avait cédé la place à des Morane monocoque; équipés avec des 80 cv Rhône, avions monoplaces et plus rapides. Le lieutenant Jensen, mon camarade de la 76, était resté fidèle au petit Morane monocoque que le constructeur lui fournissait spécialement. L'escadrille 12, ayant reçu une autre destination, c'est la 76 de création récente qui était devenue escadrille de chasse de la 5ème armée."

Le Slt Jensen (à gauche) et Ltt Jean Cauboue, pilotes de l'escadrille N 76, posent devant deux Nieuport 17 de leur unité pendant l'hiver 1916-1917 sur le terrain de la Cense, près de Fismes - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Cne René Doumer, commandant de l'escadrille N 76, pose devant une partie des installations de son unité sur le terrain de la Cense, près de Fismes - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Première mission de guerre :
"Son rôle était à la fois de s'opposer aux incursions de l'aiation ennemie et de protéger notre aviation de reconnaissance pendant l'exécution de ses missions. Elle était équipée en avions Nieuport. Toute la famille Nieuport était là : le 18 m², le 15 m², le biplace 23 m² Clerget et le dernier né, le Bébé (13 m²). Ce fut sur un 23 m², avec un mitrailleur que je fis ma première patrouille sur le front de la 5ème armée. j'eux tout le loisir de reconnaître ce secteur qui allait en gros de Reims à Soissons. J'étais monté à quatre mille mètres et la visibilité était excellente."
Son Nieuport 16 au fer à cheval :
" Les jours suivants, à ma grande satisfaction, ce fut sur Bébé que j'effectuai des patrouilles. Au Nord de Soissons, à la verticale du Réservoir, je fis connaissance avec la DCA allemande et sa précision dans le tir. Durant les mois d'octobre et de novembre, j'accomplis surtout des vols dit de chasse. Un Nieuport 13 m² équipé avec un moteur plus puissant de 110 HP m'avait été affecté.. Je fis peindre sur son fuselage, l'insigne de l'escadrille, un fanion de chasseur à pied vert et jaune, rappelant l'armé d'origine de Doumer et mon insigne personnel, un fer à cheval (j'étais le seul officier pilote provenant de la cavalerie.)
Ces vols de chasse (un avion isolé) étaient décidés tantôt parce que le temps était assez dégagé et favorable à la découverte du gibier, tantôt sur avion signalé des lignes à l'état-major de l'armée et de celui-ci à l'escadrille. Il y avait toujours un avion prêt à partir. Encore fallait il lancer l'hélice, laisser l'huile se réchauffer. La plupart du temps, quand l'avion de la 76 arrivait sur les lieux indiqués, c'est en vain qu'il y cherchait l'adversaire. Parfois cependant, il m'arrivait de trouver le taxi ennemi et de pouvoir l'attaquer."
Il s'agit du Nieuport 16 n° 1181.
Premier combat aérien :
" Ce fut le 10 novembre que j'eus mes premiers combats. C'était un biplace qui faisait du réglage d'artillerie. L'ayant attaqué une première fois, ma mitrailleuse s'enraya au bout d'une courte rafale. Je pris de la hauteur pour désenrayer l'arme. Ceci fait, je constatai que le boche continuait son petit boulot sans se soucier de moi. Je l'attaquai de nouveau et après plusieurs rafales, l'arme s'enraya encore. Je ne puis y porter remède, cette fois. J'enrageai mais eus tout de même la satisfaction de voir l'adversaire prendre le chemin du retour. Rentré moi-même à l'escadrille, il me fallait répondre aux questions qui me furent posées sur le déroulement de ce combat. J'étais content d'avoir combattu et mécontent de m'avoir pas eu de résultat. Leth Jensen essaya de me consoler "Mais votre boche, Cauboue, il a bien été contraint d'atterrir !" Quelle plaisanterie !"
" Quelques jours après, je dus convoyer mon Bébé à Cachy dans la Somme. J'étais furieux que l'on me prive d'un appareil qui venait de m'être affecté et auquel je m'étais habitué. Cela me donna l'occasion, sur le terrain de Cachy de prendre un pot avec mon petit co Heurtaux et de faire la connaissance de Guynemer. Je ne restai pas longtemps démonté. On m'affecte un Nieuport (17) 15 m² 110 HP avec lequel pendant plusieurs jours, je dus escorter des missions photographiques dans les lignes ennemies."
Convoyage du Nieuport 16 n° 1181 vers Cachy, le 12 novembre 1916 et perception du Nieuport 17 n° 2203, le 16 novembre.
Un des deux Nieuport 17 du Ltt Jean Cauboue, pilote de l'escadrille N 76 / SPA 76 du 20 septembre 1916 au 5 avril 1918 - Selon son carnet de vol, il a piloté deux nieuport 17. Le numéro N 2203, qui a été gravement endommagé par capotage, le 1er février 1917 à 32h20 de vol et N 2286 qu'il prendra en compte le 3 février 1917 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

L'autre face d'un des deux Nieuport 17 du Ltt Jean Cauboue, pilote de l'escadrille N 76 / SPA 76 du 20 septembre 1916 au 5 avril 1918 - Selon son carnet de vol, il a piloté deux nieuport 17. Le numéro N 2203, qui a été gravement endommagé par capotage, le 1er février 1917 à 32h20 de vol et N 2286 qu'il prendra en compte le 3 février 1917 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Reconnaissance à basse altitude :
"Un jour de décembre, Doumer me demanda de l'accompagner dans une reconnaissance assez difficile à faire à une quinzaine de kms à l'intérieur des lignes ennemies. Il faisait mauvais temps et le plafond était très bas. Nous passâmes les lignes, du côté de Berry-au-Bac, à moins de quatre cents mètres. Quelques rafales de mitrailleuses et quelques salves d'obus de DCA nous accueillirent. La reconnaissance faite, mon avion s'engagea dans une énorme masse nuageuse. Pour m'en dégager, je piquai comme un sourd; cela secouait dur. Je me retrouvai en ligne de vol apercevant le sol à cent mètres au-dessus de moi. J'avais dû faire involontairement un demi-tonneau dans la traversée de ce nuage. Ayant repris un vol normal, je poursuivis presque au ras du sol, suivant le relief et cap au Sud-Ouest. Ayant repassé les deux lignes de tranchées, je poussai un"ouf" de soulagement.
Le Cne Doumer se posa à Fismes quelques minutes avant moi. Doumer avait déjà plusieurs victoires officielles. Il avait remporté les deux premières comme pilote de G 4 (Caudron bimoteur). Breveté à Pau, quelques semaines avant moi, il était parti tout de suite dans l'aviation d'observation et dès le mois de mars, avec son mitrailleur Warnotte, il avait abattu deux avions Fokker qui l'attaquaient. Ce succès remarquable l'aviat fait affecter dans une escadrille de chasse qui fut détachée à Verdun. Doumer y livra de nombreux combats sans victoire officielle."
Reconnaissance avec le Cne Doumer, le 11 décembre 1916.

Ltt Paul Henriot, observateur de l'escadrille N 76, est en train de mettre sa combinaison de vol, avant d'embarquer à bord de ce Sopwith 1A2 pendant l'automne 1916 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Ltt Paul Henriot (observateur) et Cne René Doumer (pilote et commandant de l'escadrille N 76) posent devant un des Sopwith 1A2 de leur unité pendant l'automne 1916 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
On tire des corbeaux à la carabine :
"Tous les pilotes de la 76, officiers et sous-officiers dont le palmarès était encore vide, suppliaient leur chef d'escadrille de leur enseigner la façon de descendre l'adversaire. Doumer était un très bon tireur. Il avait au retour d'une permission rapporté une carabine de 6 mm et nous conseilla de nous en procurer de similaires. Désormais, chaque matin, en montant au terrain, nous faisions du tir à la 6 mm sur les pies, corbeaux, merles et autres oiseaux, à portée de notre arme. Doumer était nettement le plus adroit; avec une balle longue, il manquait rarement un corbeau entre 50 et 100 mêtres.
Henriot qui était l'officier observateur de l'escadrille eut l'idée saugrenue un jour de faire un pot au feu avec un ou deux corbeaux ainsi abattus. L'idée ne fut pas retenue."
NB : La 76 possédait un ou deux biplaces (des Morane-Parasol) pour faire des missions photos demandées par l'état-major de l'armée. Doumer se réservait le pilotage pour ces missions.
"Ce fut dans les dernières semaines de 1916 que nos chasseurs isolés se heurtèrent à des patrouilles ennemies de deux ou trois monoplaces. Nous prîmes peu à peu l'habitude de ne plus sortir seuls. A Fismes, le personnel navigant avait le privilège agréable de prendre ses reaps et de coucher en ville dans une maison réquisitionnée à notre usage;, le reste du personnel ne quittait pas le terrain où veillait un officier de garde."

Petite séance de tir à la carabine de 6 mm sur les corbeaux et autres volatiles proches du terrain d'aviation de la Cense - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Capitaine René Doumer, commandant de l'escadrille N 76, était un excellent tireur - Il montre l'exemple à ses pilotes pour une petite séance de tir improvisée à la carabine de 6 mm sur les corbeaux de la route qui reliait le village de la Cense, où étaient logés les officiers, au terrain d'aviation du même nom - L'autre officier, sur la droite, est le Ltt Georges Defougère - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Le terrain de Rosnay :
"Au début de 1917, la 76 quitta le terrain de la Cense pour s'installer plus à l'Est sur le terrain de Rosnay, où avait déjà séjourné la 12. Désormais, nous allions vivre, et jusqu'après l'armistice, sur les terrains logés dans de précaires baraques faites pour la plupart de planches et de papier goudronné et montées non loin des Bessonneau, ventrus, en toile verte, où s'abritaient les avions. Le plus généralement, une baraque était réservée aux officiers. Chacun de nous y avait sa petite chambre avec un morceau de fenêtre, une porte souvent un toit en papier gaufré pour mieux se protéger contre le froid. Une des extrémités de la baraque était aménagée en salle de séjour (renseignements et popote)."
"L'hiver 1916-1917 fut très froid et le temps très souvent beau. Aussi le commandement demanda t'il beaucoup de missions de reconnaissance photographique et la 76 eut fort à faire pour assurer la protection des avions d'observation des corps d'armée et barrer la route aux avions de reconnaissance ennemis. Il fallut souvent que chaque pilote effectué deux ou trois missions entre 10h et 15h. L'aviation allemande fut moins active que la nôtre, nous allions la combattre dans ses lignes."
Transfert sur le terrain de Rosnay, le 19 janvier 1917. Le 24 janvier, mission d'escorte de l'escadrille F 2 sur Corteny et Juvincourt.
5ème victoire de Doumer :
"Le 25 janvier 1917, Doumer, suivi du MdL Bazinet, abattait un avion. c'était son cinquième; il eut l'h'onneur d'être cité au communiqué. Il devenait un As officiel." On commençait à parler d'une offensive qui allait être déclenchés au printemps dans notre secteur. De grands espoirs étaient fondés sur cette attaque. On entrevoit la poursuite de l'ennemi par les grandes unités de cavalerie. Même rêve qu'en 1915 qui m'avait retenu quelques mois au 15ème dragons. Cette fois, il y a un élément nouveau; la rupture du front adverse sera réalisée grâce aux nouveaux chars d'assaut, les premières et deuxième positions ennemies seront totalement détruites."
Capotage à l'atterrissage avec le Nieuport 17 n° 2203 qui avait 32h20 de vol, le 1er février 1917. Le lendemain, il ramène de Matouges, le Nieuport 17 n° 2286. Du 4 au 10, nombreuses escortes de Sopwith 1A2 en mission de reconnaissance. La durée de ces missions est de 1h30 à 2h00 de vol.
Nivelle et l'offensive :
Le Général Nivelle a remplacé Joffre au GQG. Il est chaud partisan d'une attaque surprise après une préparation d'artillerie très violent mais courte. "Nous romprons le front allemand quand nous voudrons à condition de faire l'opération par surprise." affirme Nivelle à qui veut l'entendre. "L'assaut balaiera tout par sa vitesse, son poids et sa violence."
Cependant la révolution russe n'a pas eu de mal à faire effondrer le régime tasriste en pleine décomposition. Aussi l'Allemagne va t'elle pouvoir retirer beaucoup de troupes du front oriental pour les amener sur le nôtre. De plus, pour saper le gouvernement provisoire, l'Allemagne va autoriser Lénine, réfugié en Suisse à traverser son territoire en wagon plombé; il débarquera à Pétrograd, le 16 avril. Le général Nivelle n'en garde pas moins pleine confiance dans la réussite de ses conceptions stratégiques.
Convoyage du SPAD VII n° 1305 entre le terrain de la RGA du Bourget et celui de Rosnay, le 11 avril 1917.
Où en est l'aviation française :
"Quelques semaines avant l'offensive Nivelle, la Chambre discuta en comité secret de l'état de l'aviation française. Il y avait en service sur le front français 400 appareils de chasse, 250 de bombardement et 930 d'observation; au total près de Seize cents avions. C'était un chiffre. Aussi le gouvernement n'était il pas interpellé sur la quantité maus sur la qualité ! Celle des bombardiers laissait tellement à désirer (Bréguet-Michelin et Voisin) que depuis fort longtemps, les groupes de bombardement n'intervenaient plus que de nuit et d'une façon très mesurée. Cependant, les avions visés étaient surtout le Farman et les Caudron G 4 qui se faisaient descendre à qui mieux mieux au cours de leurs mission d'observation et de réglage d'artillerie. Il y avait longtemps que le GQG avait été alerté sur les pertes très lourdes subies lors de l'offensive dans la Somme. Le commandant Barès, du GQG, était allé enquêter sur place, avait tenu à voler comme passager d'un Farman sur les lignes. L'appareil avait été attaqué par les avions allemands. "Quelle saloperie que ce Farman" avait dit Barès en descendant du taxi criblé de balles."
"On avait alors commandé des Sopwith, avion anglais plus rapide, plus maniable, mieux défendu ? Mais revenons au Palais Bourbon. Lyautey, mistre de la guerre, déclara qu'il ne pouvait, même en comité secret, révéler certains détails techniques concernant les avions. Les députés protestèrent, Lyautey quitta le Palais Bourbon. Le président du conseil A. Briand promit que tout serait fait pour intensifier la fabrication des types d'appareils les plus modernes, c'est à dire réalisant les caractéristiques des derniers progrès !!! Lyautey, plein de mépris pour les parlementaires, remit sa démission. Briand le suivit. Ribot le remplaça et le mathématicien Painlevé devint mistre de la guerre."
"A la fin de 1916, on pouvait s'étonner de ce que la Triple Entente , aidée de l'Italie, n'ait pu venir à bout de la Duplice, aidée de la Turquie. En fait, on commençait à comprendre que l'effort de guerre de l'Angleterre, depuis le début des hostilités, avait été dérisoire en comparaison du nôtre. Les Anglais étaient entrés dans le conflit en sportifs avec quelques 150.000 hommes. "Business as usual" avait été le mot d'ordre. Traduisez : Que seuls les jeunes gens sans charge de famille aillent se battre. Il avait fallu attendre 1915 pour susprendre "l'habus corpus" et 1916 pour imposer en fait la conscription et les sursis d'appel furent très nombreux (les coiffeurs en bénéficiaient !!). Quant à la Russie, elle avait bien lançé sans compter des millions d'hommes, mais sans l'armement, ni l'équipement nécessaires."
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La neige :
"Vers la fin de décembre, un manteau de neige avait recouvert toute la région. Au début, cela nous gêna considérablement. L'aspect du sol, vu d'avion était complétement modifié. Beaucoup de pilotes, qui ne s'étaient pas méfiés, se perdirent. Nous connaissions tous le secteur de la Vème armée par coeur; il nous fallut tout repérer de nouveau, car bien des aspects étaient méconnaissables. Pour la conduite de l'avion, il fallait prendre des précautions en roulant au sol et apporter plus d'attention à l'atterrissage le sol apparaissent plus voisin qu'il n'était en fait. Les records de froid furent atteints dans la dernière semaine de janvier. Il y avait entre -15 et -17° au thermomètre de notre station météo. Aussi ne quittait-on la peau de bique que pour enfiler la combinaison fourrée avant l'envol."

Le Ltt Georges Defougère, pilote de l'escadrille N 76, aux commandes de son Nieuport 17 n° 1932 pendant l'hiver 1916-1917 - Cet avion était auparavant affecté à l'escadrille N 12 où il portait un triple zébra sur le fuselage - Il n'en reste qu'un, les autres étant les ombres des mats d'ailes - Pas d'insigne pour cet avion qui vient probablement d'être affecté - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le Ltt Emile Paumier, pilote de l'escadrille N 76 du 1er septembre 1916 au 11 novembre 1917, aux commandes d'un Nieuport 17 pendant l'année 1917 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Retour de mission du Ltt Jean Cauboue - A voir les curieux venus examiner l'avant de l'appareil, il s'agit manifestement d'un problème moteur ou d'un impact d'éclat d'obus de DCA - La légende ne permet pas de préciser les circonstances, ni la date - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Mon mécano Marescaux :
"J'admirais mon mécanicien Marescaux qui, lui était en bleu de travail, les mains nues, bleues de froid et qui travaillait tout le jour dans l'atmosphère glacée du hangar. c'était un garçon doux et timide, originaire de l'Artois; il travaillait comme électricien dans une mine de charbon. Il personnifiait le dévouement."
"Pendant que vous êtes en l'air, m'ont dit plusieurs témoins, il ne parle à personne. Il regarde sa montre continuellement, on le devine impatient de vous voir revenir. Dès qu'il entend un zinc tourner sur la piste, il est dehors. Quand il a reconnu son appareil, il est enfin tranquille. Un large sourire détend son visage lugubre quelques secondes avant. Il interpelle les copains leur dit la bonne nouvelle. Avant qu'on me le dise, j'avais deviné que ce garçon avait l'esprit d'équipe et que ma vie lui apparaissait peut-être aussi précieuse que son existance propre. Il avait aussi, bien entendu, une conscience professionnelle développée et il lui arriva de travailler toute une nuit d'hiver pour charger un moteur."
"De la fin janvier au début avril, la 76 travailla dur malgré la condamnation formelle des Farman par Barès, il y avait encore des avions de ce type ou des Caudron G 4 qui passaient les lignes à la recherche du renseignement et qu'il nous fallait escorter. Pour la chasse ennemie, un Farman était une proie facile. Aussi notre protection devait-elle être très rapprochée. Il ne fallait pas nous laisser entrainer à la poursuite de l'adversaire, laissant le Farman à la merci d'un autre Fokker. Pour les reconnaissances un peu profonde, on employait maintenant des biplaces Sopwith. Notre escadrille avait aussi, sous la direction habile de Paumier, réalisé l'équipement photographique d'un Nieuport que plusieurs d'entre nous utilisèrent pour faire des missions pour l'armée, mais le Nieuport était primé par le SPAD (Société parisienne des avions Duperdussin) équipé avec un moteur Hispano de 180 cv, armé avec une mitrailleuse Vickers tirant à travers l'hélice une bande de plusieurs centaines de cartouches. Nous recevions ce nouveau type au compte-gouttes; on allait la plupart du temps les chercher en usine, chez le constructeur afin de gagner du temps."

Soldat de 1ère classe Eugène Joseph Marescaux - Né le 4 août 1893 à Silly-sur-la-Lys (Nord) - Fils d'Emile Henri Joseph Marescaux et de Marie-Louise Lecoeuche - Domiciliés au 29, rue d'Hesdin à Calonne Ricouart (Pas-de-Calais) - Profession avant guerre Mécanicien électricien dans une mine de charbon - Classe 1913 - Recrutement de Béthune sous le matricule n° 3701 - Ajourné pour faiblesse - Passé bon pour service armée en octobre 1914 - Mobilisé au 110ème régiment d'infanterie, le 21 novembre 1914 - Affecté au 417ème régiment d'infanterie, le 9 mars 1915 - Passé au 2ème groupe d'aviation de l'aéronautique militaire, le 12 octobre 1915 - Formé comme mécanicien avion et moteur à Lyon-Bron jusqu'au 29 décembre 1915 - Affecté au parc n° 1 - Mécanicien de l'escadrille N 76 / SPA 76 du 17 novembre 1916 au 8 avril 1918- Affecté au service du Ltt Jean Cauboue, comme mécanicien en 1er, à compter du 17 novembre 1916 - Affecté avec l'officier à l'escadrille SPA 98 du 9 avril 1918 au 14 février 1919 - Affecté au DM 2, le 14 février 1919 - Démobilisé, le 13 août 1919 - Affecté dans la réserve à la 7ème section d'ouvriers d'aviation - Affecté dans la réserve au 33ème régiment d'aviation - Sources : Pam - FM Pas-de-Calais - CCC N 76 / SPA 76 - CCC SPA 98 - Dernière mise à jour : 15 septembre 2015.
Mon premier SPAD :
"J'allais ainsi convoyer mon premier SPAD quelques jours avant que se déclenche la fameuse offensive Nivelle. Ces avions, ou plutôt leurs moteurs n'étaient pas très au point. Surtout, ni les pilotes, ni les mécaniciens ne connaissaient encore ni leur emploi, ni leurs faiblesses au début. Mais malgré tout, aucun pilote ne regretta son Nieuport, devenu une pièce de musée."

Ltt Jean Cauboue, pilote de l'escadrille N 76 / SPA 76 du 20 septembre 1916 au 5 avril 1918, pose devant un de ses SPAD VII - Il a perçu son premier SPAD VII, le n° S 1773, le 3 juillet 1917 et en a utilisé successivement six - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Le premier SPAD du Ltt Jean Cauboue, le SPAD VII n° 1773, qu'il a perçu, le 3 juillet 1917 - Il porte l'insigne de l'escadrille, associé à l'insigne personnel de l'officier, un fer à cheval, une allusion à son appartenance à la cavalerie - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Ltt Jean Cauboue aux commandes d'un SPAD VII - Il a perçu son premier SPAD VII, le n° S 1773, le 3 juillet 1917 - Il porte l'insigne de l'escadrille, associé à l'insigne personnel de l'officier, un fer à cheval, une allusion à son appartenance à la cavalerie - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Le 11 avril 1917, il assure le convoyage du SPAD VII n° S 1305, qui lui est affecté, depuis la RGA du Bourget.
Echec de l'offensive Nivelle :
"L'offensive débuta le 16 avril 1917 à 6 heures du matin entre Soissons et Reims. Il faisait un temps exécrable. pas une sortie aérienne ne fut possible. A gauche, le général Mangin ne peut s'emparer au plateau de Craonne. D'une façon générale, nos troupes ne réussirent pas à dépasser la première ligne ennemie; sauf entre Craonne et Berry-au-Bac où elle parvinrent à la seconde. Mais là, elles furent cruellement décimées par des centaines de mitrailleuses allemandes. La préparation d'artillerie avait été très insuffisante. Quant à nos tanks, ils progressèrent dans la plaine le long de l'Aisne, mais ils ne furent suivis ni par l'infanterie , ni par leur propre ravitaillement; l'artillerie ennemie les détruisit quand ils furent à court d'essence."
"Le 19 avril, l'offensive était stoppée. Dix jours plus tard, des attaques partielles furent lancées de part et d'autre de Reims et sur le Chemin des Dames sans résultat appréciable. Nivelle dut céder le poste de Généralissime. Pétain le remplaça le 15 mai et déclara nettement ses intentions d'attendre les américains et les chars en quantités suffisantes avant de reprendre l'offensive."
Mort héroïque de Doumer :
"Le 26 avril, Doumer partait en mission d'accompagnement d'un Letord d'observation (triplace) avec deux autres SPAD comme convenu. le Letord vint survoler à basse altitude notre terrain. Les trois monoplaces prirent leur vol. L'un d'eux dut atterrir presque tout de suite, son moteur fonctionnant mal. Un autre dut abandonner la mission pour la même raison peu avant le passage des lignes. Doumer restait seul avec le Letord. Il avait été convenu qu'il fallait au moins deux chasseurs d'escorte pour faire cette expédition. Le capitaine Doumer ne voulut pas renoncer. Se rapprochant du gros appareil, il fit signe au capitaine Bouscat, l'observateur, de continuer. Les deux avions franchirent les lignes et à l'Est du fort de Brimont furent attaqués par plusieurs chasseurs ennemis. Doumer fit face et livre combat, tandis que le Letord faisait demi-tour et regagnait nos lignes."

Cne René Doumer, commandant de l'escadrille N 76, aux commandes de son SPAD VII pendant l'hiver 1916-1917 - Cet officier a commandé l'escadrille du 30 août 1916 au 26 avril 1917, date à laquelle il a été tué au cours d'une combat aérien, contre sept avions de chasse allemands - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"J'étais allé la veille, à Buc chercher un nouveau SPAD à moteur surcomprimé destiné à l'adudant Sayaret. Le 26, je ne volai pas, mon appareil étant indisponible. C'est moi qui était au bout du fil quand Bouscat téléphona. Je fus atterré par cette nouvelle. "Les Fritz étaient nombreux. Ils auront obligé votre capitaine à se poser" me dit Bouscat.
Ce n'était pas la manière du capitaine Doumer, dont une dernière citation allait être portée à l'ordre de l'armée : " Magnifique modèle du chef et du soldat. Exemple vivant de bravoure et d'honneur militaire, s'est imposé à l'admiration de tous ceux qui l'ont connu. A abattu sept avions ennemis. Est mort glorueusement, le 26 avril, en se sacrifiant pour sauver un avion de corps d'armée, aux prises avec un ennemi supérieur." Nous pleurâmes réellement notre chef d'escadrille, mais nous eûmes tous aussi et sans nous consulter un sentiment de rancoeur contre l'observateur Bouscat qui en continuant sa mission avait amené Doumer à se sacrifier."
NB : On ne connait avec certitude que le 20 mai, la fin glorieuse de notre chef, une enveloppe portant la suscription "Aux aviateurs de la Vème armée" fut lançée dans nos lignes. Elle contenait deux photos de sa tombe à Asfled-la-Ville et une petite note indiquant que les honneurs militaires lui avaient été rendus. Sur la croix surmontant le tertre de la tombe avait été écrit l'épitaphe suivante : "Ci-git le capitaine R. Doumer, chef de l'escadrille 76. Il est mort en héros dans un combat aérien, le 26 avril 1917."
"Le capitaine Perrin vint remplacer Doumer. Il eut une tâche lourde à remplir. Il était loin de valoir, à tous points de vue, celui auquel il succédait. Il fut assez intelligent pour le comprendre et nous assez raisonnables pour ne pas trop lui faire sentir."
Virées à Epernay et à Reims :
"J'ai dit combien, après notre installation à Rosnay, nous avions regretté notre petite ville de Fismes, où le contact journalier avec des éléments de la population civile nous apportait une distraction précieuse au milieu de nos préoccupations de métier. Au terrain de Rosnay, c'était l'isolement complet. Nous vivions en circuit fermé. Nous rêvions d'une évasion loin de la piste. Notre capitaine Doumer n'éprouvait pas le même besoin. C'est qu'il était, de toute l'escadrille, l'officier le plus occupé et de beaucoup. Il s'occupait entièrement de l'administration de l'unité (hommes autant que matériels), de son fonctionnement des liaisons avec l'armée et les corps d'armée. Cette multiple besogne ne l'empéchait pas de se réserver plus de missions aériennes que n'en faisait aucun d'entre nous."
"Quand le temps paraissait irrémédiablement compromis, vers le milieu de la matinée, nous obtenions de Doumer la permission d'aller faire une virée. Cela avait commencé par Epernay. Paumier, qui avait à se faire bricoler une pièce de mécanique par un artisan qu'il y avait connu avant guerre, nous y entraina Defougère, Jensen et moi-même. Nous fîmes dans un petit bistrot de la ville assez connu un déjeuner hors classe; les escargots de Bourgogne figuraient au menu."
"Reims nous attira peut-être davantage. Cette grande Cité, meurtrie dans ses pierres, avec sa cathédrale et son église St-Rémy si belles encore malgré leur mutilation, nous émut beaucoup. Les premières lignes françaises n'étaient qu'à quelques centaines de mètres, au Nord et à l'Est. Aussi, la ville était-elle presque déserte d'éléments civils. Les militaires de toutes armes y étaient par contre en assez grand nombre, la plupart pour des questions de ravitaillement. Nous trouvâmes sans peine un restaurant digne de nous, tenu par Degermann. Comme à Epernay, nos repas touristiques s'arrosaient toujours de champagne, mais cela ne nous empéchait pas de goûter sérieusement aux autres crûs de Bourgogne ou d'ailleurs. Ces repas se prolongeaient assez tard et les quelques dizaines de kilomètres que nous avions à faire en voiture découverte étaient bien nécessaire pour dissiper les fumées de l'alcool."
L'alcool réchauffe :
"En fait, nous étions habitués à boire de l'alcool. La sévérité de l'hiver 1916-1917 et notre vie continuelle en plein air nous avaient conduit à en absorber pour nous réchauffer. L'été venu, on continua par habitude, parce qu'un bar avait fini par surgir dans notre baraque et qu'il fallait lui faire honneur. Un réglement de popote des plus fantaisiste faisait pleuvoir sur nous des amendes et toutes celles-ci se soldaient par une tournée au bar."
Le porto-flip :
"Une escadrille en déplacement, qui avait fait escale sur notre terrain, nous apprit à confectionner le porto-flip (un ou deux jaunes d'oeuf énergiquement battus dans une verre de Sandeman) énergique remontant, s'il en fut !"
Le bridge :
"Toujours pour nous distraire, nous nous étions mis à jouer au bridge; c'était la seule détente que se permettait le capitaine. Quant à moi, à force d'avoir regargé bridger mes camarades, tant en Alsace qu'en école d'aviation, j'avais fini par m'y mettre et par aimer ce jeu de cartes."

Une partie de bridge entre les officiers pilotes de l'escadrille N 76 dans une maison réquisitionnée qui servait de PC, de logement, de bar à l'unité dans le village de la Cense - De gauche à droite : Cne René Doumer, commandant de l'escadrille N 76 - Slt Niels Jensen - Ltt Jean Cauboue - Ltt Georges Defougère - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"En mai et juin, l'aviation allemande fut très active dans le secteur de la Vème armée. Au cours de mes patrouilles de chasse libre, il nous arriva souvent de nous mesurer à la chasse ennemie. Dans les autres missions nous incombant , les combats étaient plus rares; nos reconnaissances photos se faisaient à haute altitude, à 5000 mètres et au-dessus, à peu près au plafond et nous avions l'ordre d'éviter toute rencontre avec les Fritz."
"Ce fut à cette époque que le commandement nous prescrivit l'exécution de patrouilles à très basse altitude sur les lignes avec mitraillages des tranchées. Nos fantassins s'étaient plaints d'être assez fréquemment mitraillés par des avions allemands qui surgissaient brusquement, tiraient quelques centaines de balles, avec des balles tracantes, puis disparaissaient. les poilus les avaient baptisés "Fantomas" et voulaient que les boches soient aussi mitraillés. Quelques jours avant la disparition de Doumer, la 76 avait quité le terrain de Rosnay pour venir se baser plus au Sud à Bouleuse."
Je tue un homme accidentellement :
"En décollant de ce nouveau terrain, je tuai un jour, sans m'en rendre compte un homme qui traversait la piste. Je venais d'arracher l'appareil du sol quand je perçus un choc suivi d'un déséquilibre que je ne m'expliquai pas. Une roue de l'avion avait défoncé la boite cranienne de cet homme qui courant pour éviter l'appareil était venu se jeter sous lui. La mort avait été instantanée. L'homme appartenait à une unité au repos qui était venue faire quelques travaux de terrassement aux abords du terrain. Il avait connaissance des consignes très strictes interdisant aux piètons la traversée de la piste pendant les vols. Sans doute avait-il jugé le risque insignifiant au regard de ceux encourus quand il était en ligne. Je fus bouleversé par cet accident stupide."
Combat victorieux :
"Un jour de juin, j'escortais avec un autre SPAD un gros avion Letord chargé d'une mission de réglage de tirs d'artillerie à grande puissance. Une patrouille de chasse voulut mettre fin à notre manège et se mit à nous harceler de ses attaques, nous accompagnant jusque dans nos lignes. A deux reprises différentes, je fus bien placé pour tirer sur l'un des Fokker. Après mon second tir, j'euxs la joie de voir l'adversaire se renverser et tomber en dégageant une trainée de fumée significative. Quelques minutes après notre retour au terrain, un coup de téléphone de l'armée nous demandait si le boche qui s'était écrasé près de nos lignes à telle heure était notre victoire. Il me fut homologué ainsi qu'à mon camarade Sayaret qui avait aussi pris part à la défense du Letord. J'étais bien fier de ma première victoire, et aussi de recevoir quelques semaines plus tard, une croix de guerre avec palme."

Croix de guerre avec palme du Cne Jean Cauboue - Il l'a obtenu pour sa victoire aérienne du 5 juin 1917 - Photo Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Le 5 juin 1917, il assure l'escorte d'un Letord de l'escadrille R 210 pour un réglage d'une pièce d'artillerie lourde sur voie ferrée. Il livre deux combats dans les lignes françaises et abat, avec l'Adj Victor Sayaret, un des assaillants qui s'écrase devant les lignes françaises à Bermericourt.
Il s'agit de sa première victoire homologuée.

Les pilotes de l'escadrille N 76 sont réunis sur le terrain de la ferme de la Cense pendant l'automne 1916 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Les pilotes de l'escadrille N 76 posent près des baraques Adrian de leur escadrille sur le terrain de la ferme de la Cense pendant l'automne 1916 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Briefing de retour de mission à l'escadrille N 76 - De gauche à droite : Adj Victor Sayaret (3ème de profil
avec képi) - Ltt Georges Defougère (5ème de dos) - Ltt Jean Cauboue (7ème avec képi et manteau de fourrure) - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"Vers la même époque, au cours d'une reconnaissance à vue à basse altitude, je fus sévérement pris à parti par la DCA. Un obus éclata tout près de l'avion, le déséquilibrant complétement. Quand la fumée fut dissipée, j'aperçus des trous béants dans mon plan inférieur gauche. Je rentrai au terrain en volant à plat et au ralenti. Marescaux hôcha gravement la tête en voyant ces dégâts."
Il prend des éclats d'obus dans son aile inférieure gauche du SPAD VII n° 1305 lors d'une mission sur Juvincourt, le 23 juin 1917.
Cet avion sera réparé à Rosnay. Il avait alors 86 heures de vol.
"Au début de juillet, nouveau changement de terrain. Nous y gagnons à tous points de vue. Lhéry est dotée d'une piste très supérieure à celle de Bouleuse. Et le cantonnement est plus confortable, les baraques sont en fibro-ciment.
Le 3 juillet, il convoie le SPAD VII n° 1773 à moteur 150 HP qui lui est affecté, du terrain de Rosnay à celui de Bouleuse.
Le 12, il transfère son SPAD entre les terrains de Bouleuse et Lhéry. Le 16, il est victime d'une panne séche au retour et capote. Après avoir convoyé le SPAD VII n° 330 (le 28 juillet) et le SPAD VII n° 1107 (le 30 juillet), il perçoit le SPAD VII n° 1628, le 31 août 1916. Il livre deux combats, le 3 septembre et un le 8 du même mois.

Le Sol Eugène Marescaux, mécanicien en 1er du Ltt Jean Cauboue, pose avec le SPAD VII n° 1773 qui a été gravement endommagé après un capotage, le 16 juillet 1916 - L'avion porte l'insigne personnel de l'officier, un fer à cheval, associé à l'insigne d'escadrille - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
"Le nombre des observateurs de la 76 a été augmenté et nous avons vu avec plaisir le lieutenant de Jumilhac enrichir notre petit groupe. De Jumilhac a un jeune chat siamois adorable qui s'installe à la popote. Il est ravi de constater que l'escadrille ne possède qu'un biplace et qu'il y a déjà deux amateurs pour voler dans ce taxi comme observateur."
Visite de mon père :
"Ce fut à Lhéry au milieu de l'été que j'eus le grand plaisir de recevoir mon cher père à déjeuner. Après le succès le plus complet de sa mission à Athènes, il avait été remis à la disposition du général en chef les armées du Nord et convoqué au GQG. Il demanda au général Pétain de lui donner le commandement d'une division d'infanterie. Pétain refusa tout net, donnant pour raisons que mon père avait toujours fait métier de sapeur, qu'il n'était pas passé par l'école de guerre et que rien ne l'avait ainsi préparé à prendre la tête d'une grande unité. Papa en fut très peiné. Il ne s'en plaignit pas mais il souffrit certainement de ce refus sans doute trop brutal. Il resta avec nous toute l'après-midi après avoir déjeuné. J'eus ainsi le temps de lui montrer tous les rouages de l'unité et tout l'intéresse."
Des ennuis mécaniques :
"Pendant notre séjour à Lhéry, j'eus pas mal d'ennuis mécaniques. Une panne séche au retour d'une mission mouvementée m'amena à me poser en dehors du terrain et à capoter brutalement. Une autre fois, comme j'étais en patrouille dans les lignes ennemies, l'hélice se mit en croix après que moteur ait bafouillé quelques dizaines de secondes. J'eus la chance de me poser sans casse près d'une batterie de 75; les artilleurs me firent un accueil charmant. Ce fut peu de temps après une rupture de bielle qui vint m'obliger à atterrir encore l'hélice en croix."
"Beaucoup de moteurs Hispano étaient fabriqués par des sous-traitants qui n'avaient pas toujours, ni beaucoup de compétance technique, ni d'amour propre professionnel. les Hispano fabriqués par la maison Hispano allaient naturellement aux escadrille les mieux côtées ou les plus intrigantes. La 76 n'était pas de celles-ci."
Il est victime de plusieurs pannes de septembre à décembre 1917 : panne séche avec atterrissage près de la ferme de St-Auboeuf (Bouvancourt), le 19 septembre - Panne séche et atterrissage au terrain, le 24 octobre - Radiateur crevé, contraint d'atterrir, le 13 novembre - Panne sèche avec rupture de bielle, retour de terrain, le 2 décembre - Grosses vibrations de l'appareil avec retour au terrain, le 15 décembre.
Lors d'une patrouille dans les environs de Brimont (Marne), son avion est touché par plusieurs éclats, le 31 octobre. Le 12 décembre, il assure le convoyage du SPAD n° 2237 du Bourget à Lhéry. Le 22 décembre, au cours d'une escorte d'une mission photo entre Suippe et Retourne, son équipage prend cinq photos pendant la mission. Le lendemain, il assure l'escorte d'un Sopwith 1A2 de l'escadrille SOP 24 dans la région de Beine-Berru.
Je me fâche contre le parc :
"Et puis le commandant du parc aéro de l'armée n'était pas très débrouillard non plus. J'eux maille à partie avec lui un jour. J'étais allé chercher à l'atelier réparations d'avions un SPAD de l'unité. Le Capitaine X, (commandant du parc) s'excusa "Le taxi n'st pas tout à fait prêt. On va le mettre en piste dans une heure." Il fallut attendre près de trois heures. La nuit commençait à tomber lorsqu'on essaya le moteur. Il fallait aller vite. Je pris sur moi de faire supprimer le vol de réception que le pilote du parc devait effectuer sur tous les avions réparés. C'était le pilote qui venait d'essayer le moteur au point fixe. "Tout va très bien, mon Lieutenant, me dit-il. Vous pouvez partir en confiance." Je pris place dans l'habitacle , fit enlever les cales. Je fis un mauvais départ, en plusieurs sauts successifs et l'appareil me parut tout de suite anormal. Je ne fus pas long à découvrir ce qu'il avait de défectueux. Les commandes de profondeur avaient été montées à l'envers. L'appareil piquait lorsque le pilote tirait sur le manche à balai et se cabrait quand le manche était poussé vers l'avant. Je m'expliquai maintenant pourquoi mon envol avait été si moche. Il fallait à présent songer à atterrir. Je m'exerçai rapidement à faire quelques manoeuvres (à 3 ou 400 mêtres). Comme la piste de Lhéry était longue, je l'abordai à basse altitude avec assez de moteur et me posait ainsi. J'étais si furieux que j'allais tout de suite témoigner mon indignation par téléphone au commandant du parc."
L'hiver 17-18 :
"L'automne venu, les journées moins longues et le mauvais temps vont ralentir notre activité. cependant par le ciel bas de novembre et décembre, il nous arriva de sortir pour mitrailler les tranchées adverses. Histoire de dire qu'on se bat ! Et de faire plaisir à nos fantassins. Les belles journées qui se font rares sont réservées aux reconnaissances photos; j'en fais plusieurs en monoplace. A la fin d'octobre, la VIème armée, à notre gauche, réussit à enlever à l'ennmi la majeure partie du célèbre Chemin des Dames. A la même époque, l'armée italienne subit une défaite écrasante à caporetto; ses troupes reculent jusqu'à la Piave, abandonnant près de Trois cent mille prisonniers. La France et l'Angleterre vont envoyer douze division d'infanterie sur le front italien pour aider nos alliés à se ressaisir. La N 76 a bien failli être désignée et nous avons bien regretté le contre-ordre. Il y a trop longtemps que nous patrouillons sur ce front de la Vème armée; nous aimerions changer de secteur."
"Georges Clémenceau prend le pouvoir le 13 novembre, après la mise en minorité au cabinet Painlevé. Le Tigre est résolu à faire la guerre. Au début de décembre, je suis allé prendre livraison au Bourget d'un SPAD bi-mitrailleuse qui m'était destiné. Je recommencerai à voler sur le front avec ce taxi que le 1er janvier; sa mise à point (moteur, armement) a été longue et donné bien du mal à Marescaux. Entre temps, j'ai eu recours à mon vieux 1628 (je l'avais depuis fin août) et en janvier encore lorque le bi-mitrailleuse sera indisponible, ce vieux 1628 me permettra de faire figure de pilote de guerre."
A la fin de janvier 1918, nous changeons une fois de plus de terrain, toujours vers le Sud. Cette fois, nous ne sommes plus loin de la forêt de la montagne de Reims. A Boujacourt, nos baraques seront plus ou moins dissimulés dans un bois bordant la piste. Nous avons aussi changé de chef d'escadrille. Le nouveau venu, le capitaine Verdon, de l'infanterie coloniale, est un homme pas aimable du tout, un "dur". Il ne nous cache pas, dès son arrivée, qu'il faudra "marcher au pas" Et pour mieux se faire comprendre, il nous bombardera de note de service (avec émargement s'il vous plait). Pour ne pas risquer de mollir, il ne prendra pas ses repas avec nous. Au cours d'un rapport journalier, il nous dictera ses instructions et nous lui feront mes compte-rendus. Les vieux de la 76, Defougère, Paumier, Jensen auraient été stupéfaits de ces procédés. Heureusement pour eux, ils ont quitté l'escadrille voici quelque temps déjà. Je me trouve être le plus ancien officier de l'unité. Je ne me gêne pas pour dire à Verdon ce que je pense de cette façon de nous mener."
En janvier 1918, il alterne les patrouille avec les SPAD S 2237 et S 1628. Le S 2237 est touché par 4 éclats qui traversent ses ailes, le 6 janvier. Le 17 février, il effectue une mission photo sur Prouvais - Château-Porcien - Le Thouer - La Malmaison et prend 21 clichés. Le lendemain, c'est 27 clichés qu'il ramène de Suippe et Retourne.

Photo aérienne verticale prise par un avion de reconnaissance de l'escadrille SPA 76 du Nord de Selles (Marne), le 18 février 1918 - Altitude de prise de vue 5100 mètres - Focale de prise de vue F 0,24 m - En dessous, un des SPAD d'escorte - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
La grosse Bertha :
"Un jour de mars, le bombardement de Paris par la grosse Bertha provoqua une vive émotion. le commandement pensa d'abord qu'il s'agissait de bombes lançées d'avions isolés venus à très haute altitude au-dessus des nuages et passés inaperçus des organes de guet. Aussi la 76 et d'autres escadrilles furent-elles requises de faire des patrouilles à la plus haute altitude pour intercepter ces bombardiers. Fort heureusement pour nous, quelqu'un eut l'idée d'examiner les éclats des bombes. L'un de ceux-ci montra des rayures. Dès lors plus de doutes. Bien que nos artilleurs aient certifié à priori que ces projectiles n'avaient pu être lancés par un canon, il était bel et bien établi que les Boches avaient sû fabriquer une bouche à feu pour tirer à cette grande distance; on la baptise aussitôt la grosse Bertha."
Il effectue des patrouilles en haute altitude
sur le front de l'armée, visant à barrer la routes d'hypothètiques bombardiers allemands qui viendraient bombarder la capitale, les 15 et 17 mars 1918.
Offensive contre les Britanniques :
"Le bombardement surprise marqua le commencement de l'offensive allemande sur le front tenu par les anglais en direction générale d'Amiens. Les boches définitivement débarrassés des russes ( la paix de Brest-Litorsk avait été signé, le 21 mars) avaient pu concentrer 65 divisions qui s'élancèrent à l'assaut des lignes britanniques sur un front de 60 kilomètres entre la Scarpe et l'Oise, les anglais se replièrent précipitamment. Pétain envoya six divisions d'infanterie mais Haig et Pétain ne s'entendaient pas. Haig se désinteressait du sort d'Amiens et ne songeait qu'à préserver ses lignes de communications avec les ports de la Manche; le général Pétain se préoccupait avant tout de couvrir Paris, dont le bombardement par le grosse Bertha avait souligné la position dangereuse.
Le 26 mars, le général Foch était chargé par les gouvernements britanniques et français de coordonner l'action des armées alliées sur le front Ouest. Foch s'attacha aussitôt à faire renaitre la confiance "Il n'y a plus un mètre à perdre" répétait-il à tous les chefs des grandes unités engagées dans la bataille. Les Allemands lancèrent une nouvelle attaque entre les forces britanniques et les forces françaises pour empêcher la soudure.
paris cependant s'était habituée au tir de la grosse Bertha. Le 30 mars, l'offensive allemande était stoppée. Le 8 avril, une nouvelle attaque était lançée sur le front anglais; les troupes portugaises étaient bousculées, mais cette offensive, elle-aussi, était jugulée fin avril. Le 16 mai, Foch, dont l'autorité était maintenant acceptée par tous les allées, devenait le général en chef des armées alliées. A l'intérieur, le travail et les décisions à prendre ne manquaient pas à Clemenceau. Trois cent mille ouvriers d'usine avaient cessé le travail en avril et la situation dans l'ensemble du pays, malgré l'arrestation de nombreux défaitistes et agitateurs, la situation demeurait troublée."
Il livre deux combat en mars 1918 : lors d'une patrouille basse sur le secteur Sud, le 18 et lors d'une patrouille haute entre Suippe et Retourne, le 25.
Le 27, il assure l'escorte d'une reconnaissance photo sur Amagne - Mézières - Vouziers pendant 2h15. A cette date, il cumule 320h45 de vol.
Chef d'escadrille :
"Ce fut avec joie que j'appris, dans les premiers jours d'avril, que j'étais nommé chef de l'escadrille N 98 de nouvelle formation. Je quittai sans le moindre regret la 76 et le nouveau régime autoritaire, sans aucune camaraderie, instauré par le capitaine Verdon.
La 98 était l'une des six escadrilles constituant le groupe de chasse n° 21 (GC 21) mis à la disposition de la IVème armée et basé sur le terrain de la Noblette, près de Châlons. Je me réjouissais d'autant plus de cette nomination, qu'elle allait me permettre d'aller embrasser ma mère, à Châlons."
"Le commandant du GC 21, Couret de Villeneuve, était capitaine de cavalerie de réserve. D'un tout autre esprit que le sinistre Verdon. Amabilité, compréhension, distinction au surplus, toutes qualités qu'il m'était d'autant plus agréable à trouver chez mon nouveau chef que celui que je quittai, ne possédait en aucune façon. Je fus littéralement séduit, dès la première entrevue, tellement le contact était important. les autres chefs d'escadrille, en majorité des cavaliers eux aussi, me plurent beaucoup aussi."
"L'état-major de De Villeneuve se réduisait à deux officiers, un jeune lieutenant et le capitaine d'artillerie Fressanges, sympathique et distrait. J'appris tout de suite de Fressanges était un jeune fiancé et qu'il songeait beaucoup plus à ses amours futures qu'aux réalités de la guerre présente. La 98 avait été formée surtout avec de jeunes pilotes frais émoulus d'école. Les avions étaient pour la plupart des SPAD rafistolés qui allaient donner du travail aux mécanos avant de satisfaire leurs pilotes.
Le 8 avril 1918, il prend le commandement de l'escadrille N 98 et assure sa première mission à la tête de cette unité, le 11, lors d'une patrouille sur Tahure et Brimont. le 12 avril, il attaque le Drachen d'Hauviré et contraint l'observateur de sauter en parachute. Toutefois, l'attaque a eu lieu avec des balles ordinaires, sans beaucoup d'effet sur le ballon qui sera réparé sous quelques jours.
Premières attaques de saucisses :
"Au premier rapport auquel j'assistai, de Villeneuve insista sur le désir formulé par l'état-major de la IVème armée de voir l'activité des saucisses allemandes se réduire sensiblement; elles s'étaient parait-il rapprochées des lignes et étaient continuellement en ascension. De Villeneuve nous pria donc de leur mener la vie dure, mais Achtung ! Ne pas oublier que ces Drachen étaient protégés par des sections de mitrailleuses sachant tirer contre avions. De Villeuneuve m'était tellement sympathique que je résolus de ne pas attendre au lendemain pour m'occuper des saucisses.
Bientôt, trois patrouilles de trois SPAD décollaient de la Noblette prenaient quelques altitude et mettaient chacun le cap sur le Drachen désigné. Je dirigeai l'une des patrouilles et j'avais choisi le ballon classé comme ennemi n° 1 par les spécialistes de l'état-major IVème armée. les deux jeunes pilotes qui m'accompagnaient et dont c'était le premier vol de guerre devaient assurer ma protection tandis que j'attaquerai la saucisse. Dès le passage des liognes, je me mis à piquer en direction de l'objectif. Celui-ci se rapprocha rapidement. Je fis signe à mes équipiers que j'attaquai et je plongeai résolument vers le sol. Je tirai presque sans interruption une centaine de cartouches. La cible grossissait à une vitesse folle. En me dégageant pour ne pas rentrer dedans, je vis l'observateur sauter en parachute. Peu après, j'aperçus deux SPAD au-dessus de moi. La patrouille était reformée. les mitrailleuses de DCA crépitaient . Excellent baptème du feu pour les jeunes. La saucisse fut ramenée à terre et resta deux jours sans réapparaitre dans le ciel. Les autres patrouilles avaient obtenu un résultat identique. Nous avions tous tiré avec des balles ordinaires ou traçantes; il nous fallait des balles incendiaires et des mitrailleuses spéciales (calibre 13 mm) pour incendier les ballons. De Villeuneuve me promit de faire le nécessaire."
A l'occasion du passage de l'escadrille N 98 sur SPAD VII et XIII, Jean Cauboue, comme l'ensemble de ses pilotes, assure le convoyage d'un Nieuport du terrain de la Noblette vers celui de St-Dizier. Le lendemain, il assure le convoyage du SPAD n° 1732 entre la RGA du Bourget vers le terrain de la Noblette.
Le jeune Ovington :
"Trois pilotes américains, engagés volontaires dans l'armée français pour la durée de la guerre venaient d'arriver au GC 21. L'un d'eux, le jeune Ovington fut affecté à la 98. Il avait à peine 20 ans et parlait parfaitement notre langue où sa mère résidait la plupart du temps. Orphelin de père, Ovington s'était décidé de lui-même à combattre à nos côtés, mais comme pilote d'avion. Sa mère, dont il était l'unique enfant et qui l'adorait, ne s'y était nullement opposée. ce garçon m'apparut très vite comme une recrue de tout premier ordre. Intelligent, fort bien élevé, d'un carastère des plus aimables, il fut de suiite sympathique à tout le personnel de l'escadrille. Il s'intéressait à tout et avait un mot aimable pour chacun. Ovington fut vite à son aise sur SPAD. Il avait des dispositions certaine pour faire un excellent pilote. Aprèsqu'il eut été initié au vol de patrouille, je l'amenai sur les lignes avec moi et constatait qu'il ne me lâchait pas d'un pouce: il volait parfaitement aile à aile.

1st Ltn Carter Landram Ovington - Né le 1er mai 1897 à Baden-Baden (Allemagne) - Fils de feu d'Edward Judson Ovington et de Georgia Cheatham Maize - Domiciliée au 25, rue Desbordes Valmore à Paris 16ème (75) - Profession avant guerre Etudiant - Classe 1918 - Recrutement du bureau central sous le matricule LM 12.169 - Engagé au 1er régiment étranger, au titre de l'aéronautique militaire, comme élève pilote, le 7 mai 1917 - Nommé Caporal, le 24 septembre 1917 - Brevet de pilote militaire n° 8921 obtenu à l'école d'aviation militaire d'Avord, le 26 septembre 1917 - Stage de "Haute école" à l'école d'aviation militaire de Pau - Stage de tir à l'école de tir aérien de Cazaux, jusqu'au 19 novembre 1917 - Pilote de l'escadrille N 98 / SPA 98 du 8 décembre 1917 au 29 mai 1918 - Nommé Sergent, le 16 mars 1918 - Passé sous contrôle de l'armée américaine, le 26 mars 1918 mais reste affecté à la SPA 98 - Tué au cours d'une collision aérienne, en traversant une masse nuageuse, avec l'avion piloté par le MdL Léon Georges Hoor. Après une chute de 1800 mètres, son avion s'est écrasé près du village de Lagery (Marne), le 29 mai 1918 - Le corps du pilote américain n'a jamais été retrouvé - Après guerre, sa mère a fait érigé un monument en forme de banc, en souvenir de son fils, non loin du village de Lagery - Sources : Pam - Liste PN - MpF - CCC SPA 98 - JORF - Dernière mise à jour : 22 octobre 2016.
* Citation à l'ordre de l'armée, à titre posthume, du Ltn Landran Carter Ovington, détaché à l'escadrille SPA 93, en date du 5 juin 1918 : "Officier américain, détaché sur sa demande dans une escadrille de chasse française. Jeune nature d'élite qui s'est imposée à l'estime de tous. Pilote brave, ne demandant qu'à aller de l'avant. Tombé à l'ennemi, le 29 mai 1918."
* Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée, à titre posthume, du Ltn Landram Carter Ovington, détaché à l'escadrille SPA 93, en date du 9 décembre 1924 : ""Officier américain, détaché sur sa demande dans une escadrille de chasse française. Jeune nature d'élite qui s'est imposée à l'estime de tous. Pilote brave, ne demandant qu'à aller de l'avant. Tombé à l'ennemi, le 29 mai 1918, au Sud de Reims. A été cité."
Collision en vol d'Ovington et d'un autre avion :
"Un jour, patrouillant avec lui et le maréchal des logis Hoor, une couche de nuages vint nous cacher le sol. Je décidai de passer au dessous et fis les signaux voulus pour en informer mes coéquipiers, les nuages étaient peu épais. Les ayant traversés, j'attendis en vain mes camarades. Puis j'aperçus au-dessous de moi un SPAD désemparé qui tombait en vrille. Je compris alors que mes ailiers, qui ne s'étaient pas assez écartés assez l'un de l'autre, étaient entrés en collision en traversant les nuages. Je piquai comme un sourd pour repèrer le taxi que j'avais vu tomber en vrille, mais ne pus le retrouver, pas plus que l'autre qui avait dû tomber en même temps. J'espérais encore jusqu'à mon retour à la Noblette que l'autre avion, moins abimé, s'était peut-être tiré d'affaire, son pilote ayant pu le poser quelque part. Il fallut perdre cet espoir."
"Peu de jour après, au cours d'une patrouille vers le front de la Vème armée comme nous survolions Brimont, mon moteur s'arrêta brusquement. J'atterris sur le terrain de moi bien connu de Rosnay. Mes équipiers s'y posèrent aussi. Je pus constater que le moteur était difficilement réparable sur place. mes équipiers reprirent leur vol pour la Noblette d'où ils me firent envoyer une voiture légère et deux mécaniciens. La voiture me ramena à l'escadrille et les mécanos commencèrent à démonter le moteur. Le moteur neuf ne parvint à Rosnay que cinq jours après."
"Le 27 mai, j'arrivait en voiture au terrain pour prendre mon appareil. J'appris que les Boches avaient déclenché le matin même une offensive sur le Chemin des Dames et qu'ils avaient perçé les lignes françaises. Nous sûmes plus tard que l'attaque avait été menée sur un front de 50 kilomètres avec trente divisions, l'ennemi n'avait trouvé que des lignes fablement tenues (il y avait sept divisions sur le front attaqué). Les Allemands allaient s'avancer facilement jusqu'à l'Aisne, passer la rivière, puis progresser vers la Vesle dans la même journée. Le 31 mai, ils étaient à Château-Thierry."
"Aussi, mes mécaniciens, qui s'étaient attelés à laube au montage du moteur ne prirent-ils aucun repos avant que tout soit prêt pour l'essai au point fice et l'envol. Pendant ce temps, l'escadrille d'observation, basée à Rosnay, faisait à toute allure, le chargement de ses voitures. Vu la rapidité à laquelle ils décampirent, j'imagine qu'ils durent laisser sur place pas mal de matériels. J'étais moi aussi un peu inquiet, ne sachant pas le moindre du monde si l'ennemi était à une heure de marche ou quatre. Décollant face au Nord, je poursuivis dans cette direction et ne repérai les premières troupes allemandes qu'à une quinzaine de kilomètres du terrain."
"Dès le lendemain, je revenai patrouiller sur cette région. pas le moindre avion allemand. Le surlendemain, ayant emprunté l'avion de Fressanges, j'aperçus le ballon de St-Thierry en ascension, ballon français mais avec une croix allemande. Je l'attaquai furieusement, sans succès apparent, puis je vidais le contenu des bandes sur des colonnes ennemies, y semant le trouble."
Le 21 mai, il est victime d'une panne sèche alors qu'il survole la région de Brimont. Il réussit néanmoins à regagner le terrain de Rosnay. Le 27, convoyage du SPAD n° 2821 entre Rosnay et La Noblette. Le lendemain, il assure le vol d'essai du SPAD n° 3260 et part en patrouille, à bord du SPAD n° 2821. Le 29, aux commandes du SPAD de l'Adj Fressanges, il attaque le Drachen de Château-Thierry. Lors d'une seconde mission sur Reims - Brimont - Jonchery - Lhéry, deux SPAD de sa patrouille entrent en collision au cours de la traversée d'une masse nuageuse. Les pilotes, le Ltn Ovington et le MdL de Hoor sont tués.
Sombre méditation :
"En rentrant au terrain, je réfléchissais au succès insolent des troupes allemandes débouchant du Chemin des Dames enlevé sans coup férir, bousculant tout sur leur passage et avançant ensuite vers l'Aisne, puis vers la Vesle et la Marne sans rencontrer de sérieuses résistances. C'était bien là la perçée, en sens inverse, telle que l'avait voulu Nivelle, une année auparavant en lançant cette piteuse offensive du 16 avril. Je revoyais par la pensée ces bataillons ayant pris part à cette affaire et ramenés à l'arrière que j'avais vu défiler sous mes yeux au au cours d'une liaison auprès d'un état-major de corps d'armée. Les hommes avançaient en silence, le corps ployé en avant d'une démarche lente, le visage, le casque, les vêtements enduits d'une couche de boue grisatre. Ils nous regardaient au passage d'un long regard chergé de reproches comme si nous devions porter la responsabilité de lourdes pertes qu'il venaient de subir dans cette offensive mal préparée. J'imaginais maintenant les mêmes hommes (pourquoi pas ?) conduits à céder devant la terrible poussée des boches et refluans en désordre, laissant une partie de leurs camarades morts, blessé ou prisonniers. Pourquoi, dans l'offensive comme dans la défensive, étions-nous si souvent voués à l'échec. Les Allemands étaient très forts, je le savais, mais allaient-ils nous culbuter aussi facilement ! Où étaient nos réserves ! "
"M'étant posé à la Noblette, je repartis avec deux autres pilotes sur mon avion remis en état. Après avoir longuement patrouillé entre Reims et Gonchay, puis sur Lhéry, mon ancien terrain, nous aperçumes deux Fokker. Un combat s'engagea sans que nous puissions nous placer, les uns et les autres, en bonne possition pour abattre l'adversaire ! Le lendemain, j'eus à protèger un Salmson, sans histoire. L'après-midi, une panne sèche me fit atterrir quelques minutes après avoir décollé."
Le 30 mai, d'abord une mission de protection d'un Salmson 2A2 sur Bouzy puis départ sur une nouvelle mission qui se termine par une panne séche avec atterrissage sur le terrain. Le 31 mai, attaques des Drachen de Château-Thierry (incendié) et Prouilly (probable).

SPAD XIII codé "14" de l'escadrille SPA 98 accidenté contre un hangar Bessonneau pendant l'été 1918 - Les bandes d'identification de la 98 sont visibles sur le côté droit du fuselage et sont absentes du coté gauche, ainsi que le code de fuselage, probablement en raison d'un changement récent d'entoilage. L'avion a été fortement endommagé avant que la mécanique n'ait eu le temps de peindre les nouvelles bandes - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Destruction de Drachen et mitrailleuses au sol :
"Pour le 31, la 98 reçut mission d'attaquer et de détruire les Drachen ennemis en ascension dans la zone Reims-Fismes. Mon mécano avait monté une mitraillseuse de 13 mm avec une bande d'incendiaires sur mon taxi. Je me réservai le Drachen que j'avais attaqué en vain à St-Thierry et partis à la tête d'une patrouille double, là-bas devant poursuivre l'attaque par moi commençée. Le Drachen de St-Thierry (ballon français) s'enflamma après la première passe . les deux observateurs sautèrent à temps. J'étais tellement heureux de cette réussite que je me surpris à tirailler quelques salves en direction des parachutes au bout desquels s'agitaient les Fritz. Pas joli cela. Je tirai sur le manche, ralliai mes équipiers et bondis sur le ballon voisin que l'on voyait descendre. Je l'attaquai et déversai dans ses toiles toutes les cartouches incendiaires et autres que voulurent bien cracher mes armes. (pas un seul enrayage, ce jour là). Je dégageai en piquant et préoccupé par mon moteur qui reprenait mal, il ne me fut pas possible de voir ce qu'il était devenu du Drachen. L'un de mes équipiers certifia l'avoir vu brûler. Quatre autres Drachen avaient été incendiés par le GC 21. Après avoir fait le plein d'essence et cartouches, je repartis en patrouille basse pour mitrailler les colonnes sur les routes. Très bonne journée au total."
Correspondance avec Mme Ovington :
"J'avais écrit à la mère d'Ovington pour lui annoncer la disparition de son fils et la préparer au pire. Je reçus d'elle une réponse déchirante. Aux accents combien émouvants de sa douleur maternelle,faisaient échos des pensées de résignation et d'acceptation du sacrifice total.
"Nous aimons tellement, tellement la France, Landram et moi."
Cette lecture me remua au plus profond de moi-même. Je me promis
de rester en relation avec cette pauvre mère, de ne pas la laisser seule avec sa douleur. Le 1er juin, au retour d'une patrouille où j'avais eu affaire avec un petit triplan Fokker, jusqu'ici inconnu de nous, j'appris que le GC 21 avait commencé à plier bagages, étant mis à la disposition, en renfort, de la VIème armée. De Villeneuve nous dit aussi en quelques mots que le général commandant du 2ème corps d'armée colonial avait cité le GC 21 à l'ordre pour ses attaques faites dans la journée du 31 mai contre des colonnes ennemies. Ces attaques auxquelles une cinquantaine de pilotes avaient participé, avaient semble-t'il ralenti sensiblement l'arrivée de renforts ennemis sur le front défensif tenu par le 2ème CAC."
"Le GC 21 atterrit d'abord à Chauconin, non loin de Meaux, mais ce n'était là qu'une base régulatrice. Un terrain à notre taille était en train de nous être aménagé en pleine Brie sur la commune de Francheville. Nous nous y rendîmes en voiture pour reconnaitre les lieux. C'était un immense champ de blé, aux épis déjà très hauts, quoi qu'encore verts, dans lequel des tas de faucheuses faisaient des trouées. Des monteurs de hangars avaient commencé à rassembler sur le pourtour de la future piste des petits tas de toiles claires et de bouts de bois; des tentes qu'il s'agissait maintenant de monter. De toutes petites tents individuelles permettant chacune l'abri d'un avion de chasse, de son pilote et de son mécanicien. Nous primes des répères pour atterrir le lendemain à Francheville et nous diriger vers le coin qui était réservé à chaque unité sans engager nos avions dans les parties non encore fauchées."
Le 3 juin au soir, l'installation était terminée. ces quelques cent tentes bigarrées meublaient le paysage qui allait être le nôtre pendant un mois exactement. Le 4 juin dès l'aube, le groupe lançait ses premières patrouilles sur le front à peu près stabilisé mais encore peu connu de la VIème armée, à qui exigeait de nous, chefs de patrouille, une attention très soutenue. Plusieurs pilotes du groupe, toujours des jeunes, devaient se perdre et atterrir en campagne d'un côté ou de l'autre des lignes. Un des miens, un pilote américain fut abattu au cours d'un combat. Cette perte fut loin de m'être aussi sensible que celle de Landram, non pas certes que je sois blasé mais simplement parce que ce pilote américain ne parlait pour ainsi dire pas le français et que ne sachant moi-même pas un traître mot d'anglais, toute conversation était impossible avec lui."
"Pas bien loin de Francheville vint se baser une autre formation de chasse américaine, équipée avec des avions français que nous avions cédés à nos alliés. Ces appareils étaient des Morane munis de moteurs sans soupape; ils avaient de belles performances mais étaient très délicats à pilotes. Au surplus, leur moteur était sujet de bien des faiblesses. Tels quels, le commandement américain, pressé de faire entrer ses pilotes dans la lutte, les avait acceptés sans hésiter. Ce groupe de chasse américain allait fondre comme neige au soleil, non pas tant d'ailleurs à cause des défauts de son matériel, mais par suite de la témérité avec laquelle il fut engagé. Rien de rempérait l'ardeur combative de ces jeunes Yankees, parfaits pilotes d'ailleurs et ayant une pratique très suffisante du vol, mais ignorant tout du combat aérien, de la DCA (canons et mitrailleuses). Leurs patrouilles s'en furent profondément dans les lignes ennemies, attirées souvent par ce qui se passait au sol. Ils attaquaient à la mitrailleuse tout obsjectif leur tombant sous les yeux, convois sur les routes, trains, gares, dépôts, terrains d'aviation. En quinze jours, leur groupe avait perdu les deux tiers de son effectif. Il fut retiré du front."
"Pour ne pas frapper le moral des troupes, le GQG n'avait pas voulu supprimer les permissions de détente, ni modifier leur rythme normal. Le mauvais temps étant venu suspendre toute activité aérienne, je partis pour une semaine. j'en profitai pour aller faire à madame Ovington la visite que je lui avait promise. Je trouvais une femme jeune encore, étourdissante de vie et chez laquelle je peux noter des tas de ressemblances physiques ou de caractère avec son fils Landram que j'avais pourtant connu si peu de temps. Je m'attendais à une entrevue des plus pénibles. Notre rencontre fut aisée et agréable. Il lui arriva de rire en m'écoutant lui raconter les conversations avec son fils. J'eux l'impression un moment qu'elle avait conversé quelque espoir que son cher enfant fut encore en vie dans un hôpital ou un camp allemand, ou peu-être terré chez un paysan français. A Châmons, je demandai à maman d'entrer en correspondance avec elle pour le distraire un peu."
Retour en Champagne :
"Il faisait beau à mon retour en escadrille, mais l'activité aérienne de l'ennemi était tombé à Zéro. Aucun Drachen non plus. Ce fut peut-être ce qui motiva notre retour à la IVème armée, toujours commandée par le général Gouraud. Au lendemain de notre atterrissage à Somme-Vesle (notre nouveau terrain), il y eut une prise d'armes. Gouraud vint remettre des croix de guerre. J'eus la fierté d'être décoré des mains de ce grand soldat. Huit jours après, nous sûmes que l'état-major de l'armée s'attendait à une attaque allemande. Des ordres furent donnés pour abandonner sur place les premières lignes de tranchées. Le 15 juillet, de part et d'autre de Reims, les boches montaient à l'assaut. Dès le 16, Gouraud regagnait le terrain abandonné et le 17 les troupes allemandes cédaient à leur tout du terrain. Le 16, j'avais incendié un ballon ennemi. Dans la nuit du 17 au 18, le général Mangin lançait ses troupes à l'attaque, à l'Est de la forêt de Compiègne. Partout, nos troupes reprenaient le dessus. Les troupes américaines arrivaient lentement mais surement et nous renforcaient. Les allemands, eux ne pouvaient plus espérer des ressources nouvelles. Il était même probable qu'ils avaient engagé toutes leurs réserves dans leurs attaques du printemps."

La bataille fait rage autour de Reims en juillet 1918, plusieurs batiments de la ville ont été touchés et brûlent - Photo prise par Jean Cauboue, alors commandant de l'escadrille SPA 98 - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Photo aérienne oblique prise au-dessus de la ville de Reims en juillet 1918 - Les combats font rage dans les environs de la ville et de nombreux batiments sont en flammes - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.

Autre photo aérienne oblique prise au-dessus de la ville de Reims en juillet 1918 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo Jean Cauboue, transmise par Jean-Michel Caboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Pilotes américains :
"Deux pilotes américains, engagés volontaires pour servir dans l'armée française, ont été affectés à la 98. Comme celui que j'ai perdu récemment, ils ne savent pas le français. Ils m'expliquent tant bien que mal que notre langue "is too difficult" et me proposent de m'apprendre leur langage. POurquoi pas, après tout ? J'acceptai de faire la moitié du chemin. Ils prendront chaque jour une leçon de français. Au bout de deux ou trois semaines, nous nous comprenions beaucoup mieux. Notre langage était mixte, franco-américain. Ils m'apprirent, ce que je me doutais à voir leurs noms, que leurs grands-parents étaient allemands et ajoutère,t en riant brusquement que si la chose avait été possible, ils seraient aussi bien aller combattre dans le camp adverse car ils ne cessaient de le répéter, ils voulaient simplement faire du "sport". Nous étions bien loin des sentiments patriotiques de Landram et de sa mère pour la France, seconde Patrie ! Je m'en rendis compte dans la façon dont ils accomplirent les missions aériennes qu'ils eurent à effectuer."
"La seconde quinzaine de juillet se déroula sans rencontre avec la chasse allemande. Les avions d'observation ennemis s'évanouissaient dès qu'il apercevaient une patrouille française. J'attaquai un Drachen, mais fut sérieusement mouché par sa DCA. Mon appareil fut criblé de balles; l'une d'elles fit sauter le bouchon de vidange du radiateur. Voyant le thermomètre de circulation d'eau monter à 100°, je ne remis pas les gaz et moteur à une régime réduit, je rentrai lentement en perdant les quelques centaines de mêtres qui me restaient. J'eus la veine que le moteur me ramène non seulement dans nos lignes mais jusqu'à notre terrain avant de "griller"
Le 22 juillet, lors de l'attaque d'un Drachen, son SPAD est touché par plusieurs projectiles dont un fait sauter le bouchon de vidange du radiateur. Le lendemain, il effectue un vol d'essai, aux commandes du SPAD n° 4860.
"Durant le mois d'août, l'aviation ennemie se montra beaucoup plus active. Pour des raisons de nous inconnues. Un pilote du GC 21 réussit à abattre deux boches dans la même semaine. Vers la fin du mois et le début de septembre, je fis plusieurs protections de Salmson d'une escadrille du 21ème corps d'armée. En septembre, nous reçumes des paquets de tracts à jeter dans les lignes adverses. Les Fritz y étaient invités à se rendre à l'évidence. Les alliés étaient maintenant les plus forts et l'armée allemande n'avait plus aucune chance de gagner la guerre. Il était donc raisonnable de cesser le combat. Voici en résumé ce que disaient ces tracts. Nous les balançâmes sans enthousiasme par dessus bord au-dessus des tranchées et des cantonnements de l'adversaire. On ne nous en envoya pas d'autres."
Le 30 août et 2 septembre 1918, lors de missions de protection de Salmson 2A2 du 21ème corps d'armée, des combats sont livrés.
Le 15 septembre, son SPAD est victime d'une rupture d'un goujon de fixation du pot d'échappement
"Le 28 septembre par temps couvert, au cours d'une patrouille basse avec deux équipiers, nous allâmes attaquer un Drachen. Le ballon fut ramené au sol (il n'était pas haut) et nous passâmes un moment à le mitrailler au sol, lui et son campement. Les mitrailleuses de DCA ne furent pas trop mécahntes. Notre stationnement à Somme-Vesle me permettait de temps à autre d'aller passer un couple d'heures à Châlons-sur-marne et d'embrasser ma mère."
La Haute Mère Dieu :
"Il m'arriva à différentes occasions d'aller faire un "bon gueuleton" à la Haute Mère Dieu, restaurant dont la réputation n'était plus à faire. Tous étaient en uniforme et beaucoup appartenaient aux multiples services de l'armée. C'étaient des hommes âgés, je veux dire ayant dépassé quarante ans, sérieux, bien vêtus et bien nourris. Ils répondaient exactement à la formule des officiers "installés dans la guerre", faisant sans nul doute consciencieusement leur travail mais habitués à cette guerre interminable dans laquelle ils avaient un rôle sans gloire, mais sans péril. Notre table d'aviateurs, joyeux et bruyants par tradition et par jeunesse, faisant contraste dans cette grande salle bien ordonnée aux convives calmes et corrects."
L'officier d'infanterie :
"Quelques rares officiers d'infanterie, généralement isolés, représentaient l'armée combattante. On les reconnaissait sans risque de se tromper à leurs tenues bleu horizon délavées et usées, à leurs airs rapés, à leurs visages aux traits creusés, surtout à leur regard. Ces regards sans sourire, mais d'un éclat singulier, étaient chargés tout à la fois de mélancolie et d'une indicible fierté. Leurs yeux avaient vu, revu à satiété et leurs cerveaux avaient enregistré mille spectacles indescriptibles, incompréhe,sibles pour ceux qui n'ont pas vécu dans le monde fantastique des tranchées. Aujourd'hui, ils étaient là, de passage dans cette grande ville du front, peuplé des multiples rouages nécessaires pour qu'ils puissent mener leur vie de bagne ou d'enfer, suivant les vicissitudes de la guerre sans leur secteur. Ils étaient là, dans cette belle salle à manger, confortablement assis à une table bien servie. Ils mangeaient et buvaient machinalement, silencieux, l'esprit absent."
"Tout à l'heure, dans un bureau, chacun d'eux avait pu être amené à dire ses souffrances. L'un avait dit une nuit passée avec ses hommes dans des troues de boue, l'estomac vide, grelottant de froid par ces premières nuits d'octobre, mais très vite son interlocuteur, très réaliste lui avait posé des questions précises sur le ravitaillement, donné des conseils pour tirer meilleur parti d'un matériel. Et l'homme du front avait compris, une fois de plus, qu'une communauté de pensée était impossible entre les combattants et les gens de l'arrière."
"Une fois, au cours d'un de ces repas à la Haute Mère Dieu pas loin de notre table, il y avait un chef de bataillon d'infanterie dont j'avais rencontré plusieurs fois le regard empreit de gravité ! Je cruxs y deviner un reproche et j'eus honte soudain de notre insouciante gaîté de notre exubérance. Nous allions prendre le café et il avait fini lui aussi son repas. Je fus le prier de nous faire l'honneur de venir boire son café et une liqueur avec nous. Il accepta. Quelques minutes après, nous avions fait la conquête de cet homme. Nous sûmes qu'il avait participé à une longue suite de ces combats qui assurèrent la progression de la IVème armée au delà des monts de Champagne. Sur notre demande expresse, il nous fit quelques récits, très courts, des horreurs vécues. Nous l'écoutions tous avec recueillement. Il dut soudaint le remarquer car il s'arrêta de parler et il se mit à sourire. Il leva alors son petit verre et nous bûmes à la victoire et à la France. Je ne l'ai pas revu et j'ai oublié son nom."
Promotion :
"Dans le mois d'août, au cours d'une permission, un mot de félicitations de de Villeuneuve m'apprit que je venais d'être nommé Capitaine à titre temporaire. Nombreux déjà étaient mes camarades de promotion qui avaient leurs trois ficelles. Tous les fantassins d'abord. les pertes avaient été telles, que les rescapés d'entre eux, avaient eu très vite le commandement d'une compagnie, puis parfois d'un bataillon. Les galons ne s'étaient pas fait attendre. Les cavaliers n'avaient pas connu un pareil avancement. Beaucoup allaient finir la guerre étant toujours lieutenants."
Premier anniversaire de la disparition de Guynemer :
"Le 11 septembre 1918, premier anniversaire de la disparition de Georges Guynemer, le commandant Bouché, commandant de l'aéronautique de la IVème armée, ordonna une prise d'armes sur notre terrain de Somme-vesle. Les escadrilles d'observation y envoyèrent des délégations de leur personnel navigant. Le génaral Gouraud, qui y avait été invité, ne manqua pas de venir voir ses aviateurs et accrocher quelques croix de guerre."
" Un jeune pilote du GC 21, grand, élancé, lut dans le plus grand silence, la dernière citation, si belle, de l'As disparu : "Héros légendaire, tombé en plein ciel de gloire après trois ans de lutte ardente. Restera le plus pur symbole des qualités de la race : tenacité indomptable, courage sublime, énergie farouche. Animé de la foi la plus inébranlable dans la victoire, il légue au soldat français un souvenir impérissable qui exaltera l'esprit de sacrifice et provoquera les plus nobles émulations.""
Chasse au sanglier :
"En octobre, le froid fit son apparition avec la neige. Peu de jours après que la nature s'est revêtue d'un manteau blanc, un dépot de matériel d'artillerie signala à l'un de mes pilotes, l'adjudant Berthier, la présence de sangliers dans les environs du dépôt. Berthier fit les reconnaissances nécessaires et un beau soir, par un clair de lune magnifique, armées de carabines Winchester et de pistolets Colt, nous partimes à cinq ou six chasser le sanglier. Il fallut faire preuve de patience et attendre près de deux heures dans le champ à l'orée d'un bois, où les traces de la bête avaient été soigneusement relevées. On entendit l'animal grogner de loin puis s'approcher de nous. Quand il fut perceptible à la vue, plusieurs tireurs firent feu. le sanglier rugit et chargea dans notre direction. Berthier l'acheva à quelques mètres. C'était un solitaire de belle taille. Nous eûmes du mal à le hisser dans la camionnette. Le lendemain, Berthier passa sa journée à faire la cuisine de cette grosse bête. Toute l'escadrille s'en régala et nous pûmes en offrir aux autres unités du GC 21".
En octobre,
il effectue neufs patrouilles sur la région de Vouziers - Grandpré. Le 1er novembre, le Brig Molinier est contraint d'atterrir près de Wargemoulin et peut rentrer au terrain de Somme-Py un peu plus tard.
Nos troupes progressent :
"La progression incessante de nos troupes éloignait peu à peu les lignes. En octobre, nous devions aller patrouiller au delà de Vouziers-Grandpré. On nous aménagea une piste près du front à Leffincourt. L'installation se fit le 2 novembre par un fichu temps. La veille, un de mes pilotes en panne s'était posé dans le fond d'un vallon, sur une prairie inondée près de Wargemoulin. Avec mon autre équipier, nous nous étions aussi posés mais sur un pré sec. L'avion en panne avait atterri normalement et le pilote put regagner la terre ferme avec de l'eau à mi-cuisses seulement. Notre installation à Leffincourt était plutôt défectueuse de tous points de vue. le terrain était mauvais et exigu, le cantonnement des plus inconfortables. Un seul luxe : une tente DW avec velum blanc intérieur pour les officiers de chaque escadrille. Notre groupe électrogène étant indisponible, il fallut nous contenter de lampes à pétrole et de lampes tempête. Tout travail après la chute du jour était à peu près impossible."
Jean Cauboue effectue son dernier vol pendant la guerre lors du transfert de son SPAD XIII entre les terrains de Somme-Vesle et Leffincourt, le 2 novembre 1918.
L'armistice :
"En fait pendant les neuf jours qui nous séparaient de l'armistice, le groupe ne put faire que très peu de missions. Aucun état-major ne nous sollicitait plus d'ailleurs. L'absence totale de l'aviation ennemie sur les lignes rendait notre action inutile. C'est ainsi que nous surprit l'armistice dans la matinée du 11 novembre. Une patrouille de la 98 devait s'envoler une demi-heure plus tard. Je retéléphonai pour avoir confirmation de cette étonnante nouvelle; les hostilités avaient pris fin ce matin du onze novembre. Le chef de la patrouille vint me trouver : "Alors, mon capitaine, Qu'est ce qu'on fait ? On y va quand même !" Il n'eut pas été surpris si j'avais répondu "naturellement""
"La fin des hostilités, ce n'était pas encore la fin de la guerre. Les plus jeunes pilotes de l'escadrille avaient, à l'annonce de l'armistice, ressenti une déconvenue, une inquitude de ne pas avoir participé à la victoire. Maintenant, espéraient t'ils que les Boches qui occupaient encore une partie de notre sol ne s'avouraient pas battus, n'avaient t'ils pas suffissamment montré qu'ils ne manquaient pas de ressort, et que les hostilités reprendraient promptement ! Quoi qu'il en fut, le personnel de l'escadrille, dans sa quasi-totalité manifestait son soulagement, son contentement. Il ne fut pas possible d'améliorer l'ordinaire ce jour-là. les sources de ravitaillement étaient trop éloignées de nous. Ce fut le 12 novembre que l'on fête l'armistice comme il convenait."
"Je ne pus dormir dans cette nuit du 11 au 12. Dès que je me trouvai seul, une mélancolie profonde s'abattit sur moi. Je me mis à penser à revivre cette logne guerre. Tous les camarades, tous les amis perdus, défilaient devant mes yeux. Pierre Bertrand, un ami d'enfance, Sarraz-Bournet, Durosey, de Lignières un camarade de lycée, Robert, de Bercejol et tant d'autres petits cas.Mes deux cousins germains, Robert et Léo, le Capitaine Ducasse dont Pénicaut m'avait appris la mort. Le capitaine Doumer, Ovington. Et tous ceux dont le nom n'est plus présent à ma mémoire."
Joie de vivre :
"Cependant, le fond d'égoïsme qui sommeille dans toute nature finirait par reprendre le dessus et je me mettais à sourire. Je me sentais heureux d'avoir échappé à cette fournaise, de me retrouver sain et sauf. Privilégié déjà d'être parmi les vivants, je l'étais encore plus, puisqu'en définitive cette guerre horrible m'avait apporté des avantages appréciables pour un officier de carrière. Quelques jours après, nous sûmes par un camarade rentrant de permission et qui avait traversé la capitale au lendemain de l'armistice, combien la population parisienne avait manifesté son allégresse. la foule déchainée, enivrée, s'emparait de quiconque était revêtu de l'uniforme et voulait le porter en triomphe ou lui payer à boire. Les femmes embrassaient les soldats. Cette jubilation débordante lui apparut presque comme démentielle. Et il fut content de s'en dégager."
A Leffincourt, dans les jours qui suivirent le 11 novembre, l'inaction nous pesa vite. Les vols étaient supprimés. On avait bien majoré le pourcentage du personnel en permission. Aux impatients, aux mécontents, il fallait expliquer que l'armistice, ce n'était pas la paix. Que par suite, une démobilisation générale n'était pas possibler dans l'immédiat et qu'il fallait d'abord attendre que les Boches avaient exécuté les clauses de l'armistice ; l'évacuation par leurs troupes des territoires des alliés et occupation par nos troupes de la Rhénanie et des têtes de pont sur le Rhin. Ces dernières clauses avaient paru bien dures, parait-il aux plénipotentiaires allemands venus à Rethondes; ils en avaient eu les larmes aux yeux ! "
"Nos récriminations attirèrent cependant l'attention du GQG sur l'absurdité de notre position à Leffincourt, terrain d'opérations des plus rustiques. Le QGQ donna l'ordre de nous replier à Somme-Vesle. Nous avions espéré autre chose, nous avions sepéré aller nous baser en zone d'occupation, tout au moins sur une terrain des deux provinces reconquises. sans doute y avait-il dans les groupes de chasse des unités plus méritantes, des groupes ayant à leur palmarès plus de boches officiels."
"Le 22 novembre, le général Gouraud, avec des élèments de la IVème armée faisait une entrée solennelle à Strasbourg. Ce même jour, le GC 21 reprenait modestement possession de son terrain de Somme-Vesle, après avoir fait dans le ciel champenois, deux heures d'exercices aériens variés, histoire de se remettre en confiance. Nous sûmes peu après que le QGQ envisageait de dissoudre nos unités mais il faudra attendre deux nouveaux mois, le 22 janvier pour piloter nos braves SPAD une dernière fois et les livrere au liquidateur désigné : le commandant Van den Vaero (baptisé tout de suite Vend des Aéros)"
Le 22 novembre, il effectue 1h50 d'exercices aériens en reliant les terrains de Leffincourt et Somme-Vesle. A cette date, il a accumulé 258 vols de guerre pour un total de 411h15mn. Il faut ajouter à ces chiffres, 237 vols en écoles soit toutes formations confondues 553h15 de vol pour 544 vols.
Dissolution de la SPA 98 :
"Ce fut le 22 janvier 1919, que la 98 quitta définitivement Somme-Vesle. Tous les avions étaient en état de vol. Pour beaucoup, ce convoyage de Somme-Vesle à Bussy Lettrée allait être le dernier vol. Les opérations de dissolution se prolongèrent de façon exagérée. le commandant Van den Varéo était tatillon et formaliste et dès le début, je compris qu'il allait falloir en découdre avec cet homme sévère et antipathique. Ma comptabilité matières (ou plutôt celle de l'escadrille) était en ordre. Et mon magasin contenait de nombreux matériels en excédent. Mais Van den Vaéro me fit séchement observer que les excédents, tous comme les déficits, dénotaient une mauvaise gestion. En fait, les articles exédentaires provenaient pour la plupart de récupérations faites sur les unités collectives (avions, moteurs) accidentés et réformés."
"Un jour, Van den Vaéro me fit appeler. A son sourire sarcastique, je compris qu'il avait à me dire quelquechose de désagréable. "Cauboue, il manque un moteur à votre escadrille. Qu'en avez-vous fait ?" Je fut pris de court. Van den Vaéro en profita pour affirmer méchamment que si je ne retrouvais pas ce moteur, il me serait imputé comme le prévoyait le réglement. Ce manque provenait d'une émission d'écriture que mon comptable avait commise, voici quelques mois. Le parc nous avait livré un 180 HP Hispano neuf pour remplacer un moteur à reviser. ce dernier lui avait été livré mais non facturé. Mon comptable reconnu son erreur, mais le comptable du parc, coupable lui-aussi ne n'avoir pas réclamé la facture, avait été démobilisé. Cela permit à Van den Vaéro de continuer ses menaces. je fis un long rapport circonstancié sur cette épineuse question qui n'eut aucune suite fâcheuse pour moi. Le 13 février, je pus enfin signer le procès-verbal de dissolution de l'escadrille 98. la plupart des pilotes avaient déjà reçu d'autres affectations. Je n'avais gardé auprès de moi pour cette corvée que mon premier lieutenant et le personnel mécanicien."
En instance de départ pour le Guatémala :
Je fus me présenter au CIACB (centre d'instruction de l'aviation de chasse et de bombardement). Le commandant du centre n'avait aucun emploi à me donner. Il me conseilla d'aller au ministère de la Guerre où fonctionnait une direction de l'aéronautique. J'eux la chance d'y trouver un petit co Lemaignen, camarade du peloton de St-Cyr. Lemaignen me présentant au commandant Picard. "Très bien, fils" me dit-il celui-ci dans son langage familier "Lemaignen va te trouver de quoi faire."
Le surlendemain, j'étais pourvu d'une place hypothètique de chef de mission d'aviation militaire au Guatémala. Ce petit pays de l'Amérique centrale n'avait pas encore donné son accord au sujet des indemnités qu'il s'engageait à verser au personnel de la mission. C'est ce qui faisait l'incertain de ce poste."
"Qu'est ce que ça peut te faire, me dit Lemaignen. Tu es casé. Dispose de ton temps comme tu l'entendras et donne-moi une adresse où je pourrai te toucher."
"Je lui donnai l'adresse de Châlons et m'en fus quérir une grammaire espagnole. l'atmosphère de la capitale était assez écoeurante. les gens semblaient avoir oublié, déjà que la victoire de la France avait été chèrement acquise, un million trois cent mille tués, soit plus du quart des hommes de 18 à 27 ans, deux millions huit cent mille blessés. Les vivants ne songeaient plus qu'à s'amuser, à se payer du bon temps. Et quand se posait la question de refaire l'économie du pays, si durement touchée, la réponse était dans toutes les bouches: le Boche paiera !"
Récit rédigé à Toulouse entre 1957 et 1958.
L'après guerre :
Il est affecté au DM n° 2, le 14 février 1919, puis à l'aéronautique du Maroc, le 16 septembre 1919 - Affecté au 3ème régiment mixte d'infanterie coloniale du Maroc (Meknès), le 7 janvier 1920 mais reste détaché aéronautique militaire - Détaché pour le service au 7ème régiment d'aviation d'observation -
Chevalier de la Légion d'Honneur :
Il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur, le 16 juin 1920 et affecté au régiment d'aviation du Maroc, le 10 juillet 1920 - Nommé Capitaine à titre définitif, le 28 juin 1921 - Affecté au groupe de Pau du 31ème régiment d'aviation, 8 septembre 1921 - Au retour du Maroc, affecté au 4ème régiment d'aviation, le 24 juin 1922 - Affecté à l'état-major du 36ème groupe d'aviation de Pau - Affecté à la direction de l'aéronautique, le 2 août 1927 - Effectue le cycle d'instruction des commandants à Versailles et Mailly du 25 mai au 10 juillet 1928 - Nommé Chef de bataillon, le 20 décembre 1928 - Commandant du parc d'aviation n° 12.

Croix de chevalier de la Légion d'Honneur (16 juin 1920) et cravate d'officier de la Légion d'Honneur (15 décembre 1932) du Cne Jean Cauboue - Photo Jean-Michel Cauboue, son petit-fils, que je remercie pour son aide.
Officier de la Légion d'Honneur :
Il est nommé Officier de la Légion d'Honneur, le 15 décembre 1932 - Affecté à l'état-major des forces aériennes du ministère de l'Air, le 9 janvier 1933 - Affecté au cabinet du directeur de la direction des forces aériennes de Terre, le 23 janvier 1933 - Affecté à la direction du matériel aérien militaire, le 27 avril 1934 - Nommé Lieutenant-Colonel, le 25 septembre 1934 - Affecté à l'état-major de la 2ème région aérienne, le 11 avril 1935 - Nommé Chef d'état-major de la 2ème région aérienne, le 12 mars 1936 - Nommé Colonel, le 15 mars 1938 - Nommé Général de brigade en 1942 - Décédé en 1989.

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