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Nota, ce texte est un condensé du contenu de sa fiche matricule et de ses deux carnets de campagne. Les noms de villes entre parenthèses sont incertains.

Sol Louis Dauphin

Louis Julien Marie Dauphin est né au 34, rue du Bois à Clichy (Hauts-de-Seine), le 21 septembre 1895. Il est le fils de Julien Marie Joseph Dauphin (terrassier) et d'Anne Marie Joseph Françoise Lefour (journalière). Il se marie avec Mlle Jeanne Germaine Juliette Peccatte, il exerce la profession de photographe. Ils sont domiciliés au 8, impasse Bardou à Paris 15ème.

Engagé volontaire dans l'infanterie :

Né en 1895, il appartient à la classe 1915. C'est le 2ème bureau de la Seine qui assure son recensement sous le matricule n° 1164. Précédent sa mobilisation, il signe un engagement volontaire, pour la durée de la guerre, au titre du 5ème régiment d'infanterie, caserné à Paris (Seine), le 17 septembre 1914. Le régiment posséde un bataillon de dépôt à Falaise Calvados). Il fait ses classes (formation militaire élémentaire) à Vaston (Calvados), à Falaise (Calvados) et à Potigny (Calvados) entre le 17 septembre et le 12 novembre. Le bataillon de dépôt du régiment se trouve à Falaise (Calvados).

Affecté à la 1ère compagnie du 5ème RI :

Formé au métier des armes en seulement deux mois, il est affecté à la 1ère compagnie du 5ème régiment d'infanterie, le 13 novembre 1914. Il restera dans cette unité jusqu'au 22 mars 1916. Le 5ème RI est affecté à la 6ème division d'infanterie, commandée par le Gal Charles Jacquot. Le 6 novembre, départ de Potigny pour être habillé, à Falaise. Départ, le 12 novembre à 14 heures. Enthousiasme à la gare, fleurs, inscriptions sur les wagons. En route, bien vus par les habitants aux gares (fruits, etc..). Le 13 novembre, arrivé à Muizon à 14h. Après avoir vus des convois de blessés, en passant près de Meaux, on voit des ponts superbes sautés. Les blessés encombrent les gares. On commence à entendre le canon. A 15 h, distribution de vivres, pain… On arrête dans un bois de sapins à quelques kilomètres de Trigny. Il tombait de l’eau à torrent. On fait des feux et l’on mange rapidement, café, sardines. Passage simultané de plusieurs caissons allant au réapprovisionnement, voitures de ravitaillement. Départ de ce petit bois de sapin à 17h pour aller cantonner à Pévy, village de sécurité où nous arrivons exténués de fatigue. En attendant que les fourriers reconnaissent les cantonnements, on reste sous la pluie, on s’endort debout, on se couche dans la boue. Je parle avec le sergent Bordes et le caporal Labbé, tous deux de mon quartier. Puis nous nous couchons et l’on s’endort aussitôt. Grenier, paille infecte. La nuit ne parait pas longue, étant arrivé à 1h du matin.

La boue blanche partout :

Le 14 novembre 1914, la journée se passe bien. On entend la canon sans arrêt. Avion sur le village, les troupes du 5ème RI et du 119ème RI reviennent des tranchées pleins de boue, les cheveux, le képi, la barbe, tout est maculé d’une boue blanche, crayeuse, huileuse, ces hommes n’ont pas figure humaine. Ce sont plutôt des sauvages. Notre détachement est affecté par campagne et à cette occasion, nous avons un discours du colonel qui nous parle élogieusement de son régiment, et nous dit que c’est un terrible et redoutable honneur de faire partie du 5ème RI. Le soir, départ pour rejoindre la 1ère compagnie à Hermonville où je suis affecté à la 3ème section, 9ème escouade. A 2h du matin, on se couche dans une chambre sur de la paille pleine de poussière, mais bien fatigués par la route, on s’endort de bon cœur. La nuit, on est réveillé par trois éclatements d’obus à quelques dizaines de mètres de notre maison sur la place.

Des douches pour la compagnie :

Dimanche 15 novembre, vive canonnade le matin. Les boches envoient des obus dans le parc du château où il y a de notre artillerie. Innovation en temps de guerre, il y a douches pour notre compagnie, le matin. Quoique bien rudimentaires, elles font sentir leur besoin. Ce n’est somme toute pas trop mal installé, on peut se nettoyer. Il tombe un peu de neige. La journée se passe sans incident.

Un obus explose près de lui :

Le 16 novembre, le matin, en allant chercher la soupe, un obus tombe sur le mur du parc qui contient l’artillerie. Un éclat blesse un homme venu avec moi. Veine ou déveine ? Violents bombardements vers Berry-au-Bac. Légère pluie. Le restant de la journée se passe san incident. La nuit vers 23h30, deux obus viennent éclater sur le village tout près de notre cantonnement, nous réveillant en sursaut. Les éclats brisent des tuiles qui tombent dans notre cour.

Toutes les maisons de Cauroy sont détruites:

Le 17 novembre, c’est aujourd’hui la dernière journée de repos. Départ à une heure du matin pour les tranchées de première ligne au Godat. Nous sortons du village en silence. Ca et là des trous d’obus, sur la route, nous font trébucher. Un peu avant d’arriver à Cauroy-lès-Hermonville, on passe devant une batterie de 75 très bien dissimulée à la vue des avions et bien abritée des obus. On arrive à Cauroy. Dès l’entrée du village, on se sent mal à l’aise. La 1ère maison est une maison qui n’a plus ni toit, ni murs. Quelques pans de muraille, des amas de pierres, voilà ce que les bombardements ont fait à une maison. Chaque maison a eu son obus. Ici, un trou d’obus dans le mur, plus loin un toit effondré, plus de carreaux aux fenêtres. Tout est brisé éventré. Nombre d’habitants ont quitté le village qui se trouve à 2 kilomètres de nos premières lignes. L’église, elle aussi a terriblement souffert. Le clocher, qu’un obus a traversé, ne tient que par un prestige d’équilibre. Nous continuons notre route, ce lieu de dévastation est passé. Mais plus on va , plus on s’aperçoit que les obus sont passés par là. Nous arrivons à la maison blanche, auberge de campagne, située sur la route de Reims à Laon. Cette auberge était tenue pendant la guerre par une famille d’espions composée du père et de ses deux filles. Leur maison est maintenant en ruine et le père a subi, le plus logiquement du reste, le sort réservé à son honteux trafic, un obus boche l’a fauché dans Cauroy. Quant aux filles, elles sont en prison. Nous passons pour nous rendre à la tranchée sur un pont qui est jeté sur le canal de la Marne à l’Aisne. Ce pont fut bombardé par des milliers d’obus allemands sans qu’un seul l’ait atteint. Ils ont dépensé une fortune en obus pour n’aboutir à rien. La compagnie prend position des tranchées qui se trouvent entre le canal et le marais, ma section au bord du marais. Je vais avec trois hommes et un sergent au petit poste d’écoute, il fait un froid terrible. Un silence impressionnant coupé de temps en temps par des sifflements de balles. Un 75 vient éclater sur le petit bois le long du canal avec un bruit qui me fait sursauter. Couché à plat ventre, grelottant de froid, je tends tous mes sens vers l’ennemi. Nous nous trouvons à 100 m de la sentinelle boche, nous sommes à plus de 450 m de la tranchée sur le chemin du halage du canal. Au matin, 10 hommes avec un sergent, on pousse une reconnaissance vers une tranchée (ancien trou d’obus) qui sert de petit poste de jour mais que le 119ème RI avait oublié d’occuper. On craignait qu’il fut pris par les boches. Quelques balles seules sifflèrent près de nous.

Le froid, partout :

Le 18 novembre, il fait toujours un froid glacial. Le canal est gelé. Le jour se lève, gris et incertain, puis s’éclaircit. Des avions allemands survolent nos tranchées, les repèrent par des fusées qu’ils lancent. Après en avoir lancé une multitude, ils regagnent leurs lignes. Nous nous cachons pour ne pas être aperçus des aviateurs, canonnade, froid très vif. Puis à part quelques heures dans les tranchées, nous dormons le jour dans des trous faits dans la terre. Froid très vif. Le soir, on reprend la tranchée, on mange froid, on gèle et on ne peut pas marcher pour se réchauffer. On ne peut pas faire de bruit, les sentinelles ne pourraient pas entendre. Aucun incident ne marque la nuit. Dans la nuit, corvée de paille à Cauroy. Le matin, patrouille à 250 m en avant des roseaux. Nous grelottons sous nos pauvres couvertures. Le 19 novembre, le froid est toujours très vif. Des avions survolent nos lignes, le canal est toujours gelé et pour nous réchauffer, nous mangeons froid du mauvais rata. Une gelée blanche est sur nos fusils. Vers 10h, un faible rayon de soleil fait son apparition. Le 20, une forte fusillade côté sud du canal puis violente canonnade vers la gauche. Froid toujours très vif, les balles sifflent.

Dernière journée dans la tranchée :

Le 21 novembre, c’est la dernière journée que l’on passe dans la tranchée. On doit être relevé ce soir. Mais le temps parait long car le froid devient de plus en plus vif. On attend avec impatience la relève qui doit se faire vers 23h30. Jusqu’à 8 h, aucun incident à noter sauf un avion boche. A partir de ce moment, commence un violent bombardement ce qui fait prévoir une attaque. Cela a duré une bonne heure et nous fait mal augurer pour notre relève qui enfin se fait avec 2 heures de retard. Sac au dos et en route pour Pevy, situé à 13 kilomètres de là où l’on arrive vers 4h30 du matin. Nous cantonnons dans une grange plein de courants d’air, mais nous sommes heureux de nous allonger un peu. A noter qu’en cours de route, on entend l’attaque violente des allemands ? Tristement, nous pensons que nous serions mieux à passer le lendemain en famille.

Ordre et contre-ordre :

Le 22, après un repos bien gagné, on nous réveille vers 7h. Sac au dos, nous faisons 500 m puis un cavalier apporte un ordre. Demi-tour, on rentre au cantonnement nous reposer. Nous sortons dans le village, plusieurs avions survolent le pays. Temps toujours très froid, mais mangé chaud. Le 23 au matin je suis de service comme planton de compagnie à la mairie. Quelques rares avions français vont vers les premières lignes. Le froid toujours de plus en plus violent. La compagnie va à l’exercice et on marche la matinée. Le 24, rien à signaler mais toujours de planton à la mairie. Je souffre du froid, colliques. Le soir, départ à 20h pour le Godat où nous arrivons à 23h nous occupons (1er peloton le côté nord du canal, 2ème peloton le côté sud). La nuit semble longue. De toutes les nuits, c’est la nuit la plus dure, n’étant pas reposé dans la journée. Froid toujours très vif.

Des postes de sentinelles :

Le 25 novembre, repos dans la journée. Le soir je prends la sentinelle puis la reprends 2 fois dans la nuit. Froid toujours très vif. Que la nuit semble longue et monotone. Aussi malgré quelques blagues lancées, la pointe du jour est attendue avec impatience. Sur le matin, il tombe de la neige. Le soir il gèle très fort. La nuit est très froide. Canal gelé. Le 26, une journée d’attente. On est en civil. Les allemands tiraillent de tous côté, canonnent partout. Une patrouille boche s’avance jusqu’à nos fils de fer. On tire dessus à la tombée de la nuit. Nuit de veille sans dormir comme la journée en sentinelle dans un trou d’obus, au milieu des betteraves. Devant nos fils de fer, encore une patrouille boche au petit jour. Toujours très froid.

La Marseillaise sur les tranchées :

Le 27, enfin !! le soleil veut bien ce midi jeter sa note réjouissante sur nos tranchées. Cela fait plaisir mais combien est faible sa chaleur et malgré tout il ne fait pas chaud. Vers 11h ce matin, des clameurs s’élèvent des tranchées de notre gauche dans le marais. Nous reconnaissons les accents de la Marseillaise. Nous croyons à une ruse boche. Mais nous ne tardons pas à apprendre que c’est un ordre du général nous disant de chanter la Marseillaise sur le front pour fêter une victoire et nous entonnons de bon cœur l’hymne national. Les allemands furieux nous envoient une grande quantité de balles et de 77, mais notre chant de gloire comme un défi superbe nargue les Boches. Vers 3h, un avion français revenant de reconnaissance au-dessus des lignes ennemies (bois de sapins), une canonnade terrible, française, tombe dans le bois et déloge des allemands qui devaient faire la relève. La troupe de relève, poursuivie par le feu de nos batteries, fuit à la lisière du bois où nos mitrailleuses font fureur. Cette fusillade dure une heure et laisse des boches sur le terrain. Les boches nous envoient une bonne quantité de 77 et de 105.

15 jours sans enlever ses chaussures :

Le 28, forte canonnade sur l’écluse pat le 2ème bataillon. A 7 heures, sac au dos pour Hermonville. En arrivant corvée de paille. Pluie fine et serrée. Couché dans un grenier défoncé de toutes parts, de tout côté, courant d’air. On gèle pendant la nuit. Je souffre des pieds, n’ayant pu me déchausser depuis plus de 15 jours. J’ai le matin les pieds gonflés, impossible de remettre les chaussures. Enfin j’y arrive après mille souffrances. Corvée pour aller au bois. Pendant la nuit, des obus sifflaient au dessus de notre grenier pour aller éclater à 200 m de nous. Le 29, la journée est consacrée au repos. Nettoyage, revue. Un avion boche survole Hermonville. Le soir et toute la nuit par intervalles approximatives d’une heure, les boches nous envoient des obus qui vont éclater pas loin de notre maison, au bout de la rue saint Martin. Pluie une grande partie de la journée. Le 30, 2ème jour de repos. Pluie. Une revue par les chefs de section. Le lendemain, 3ème journée de repos. Dans la matinée douche chaude. On peut enfin se nettoyer tout le corps. Pluie. Quelques obus. Le 1er décembre, dernière journée à Hermonville. Le soir à 5 heures, relève. On va dans les tranchées de seconde ligne, à la route 44. Fusillade à notre droite vers Loivre. Froid très vif. Rien à signaler.

Reconnaissance sur les tranchées adverses :

Le 2 décembre, la journée est occupée à écrire, manger, dormir. La nuit, poste de sentinelle sur la route 44. Très froid. Le 3 décembre, passage d’un avion français. Les boches lui envoie pas mal d’obus sans l’atteindre. La nuit, pris deux fois deux heures de sentinelle sur la route de Reims à Laon. Pluie fine, vent très violent. Le 4, journée froide, temps pluvieux. Les boches tirent sur la route (obus). Le soir relève pour les tranchées du Luxembourg. La nuit en sentinelle avancée devant fil de fer dans un trou d’obus. Vent violent. Le 5, le matin, une patrouille avancée pour reconnaitre si les tranchées allemandes (ancien petit poste boche) étaient occupées. Après avoir marché, à la pointe du jour, on dépasse notre petit poste. Nous dépassons cette petite tranchée ennemie qui n’est pas occupée. Mais là nous nous trouvons à 30 m environ du petit poste boche. La sentinelle nous voit et donne l’éveil. Alors ce furent des salves qui nous arrivent. Mais nous nous sommes couchés et personne ne fut blessé. Nous regagnons par un bond de 20 m le lit du canal qui fait encaissement. Un à un, nous longeons le canal, où nous sommes abrités, dans la vase jusqu’aux mollets. Puis à 150 m de nos tranchées nous réapparaissons sur la plaine où les balles nous accompagnent jusqu’à la tranchée. Nous en fûmes quitte pour le péril que nous avons couru. La nuit sentinelle. Pluie pénétrante.

Nouvelle reconnaissance plus mouvementée :

Le 6 décembre, même patrouille que la veille mais nous n’avons pas pu aller aussi loin. Les boches nous ont salvé de leur feu. Ils devaient occuper la tranchée que nous avions reconnu la veille. Nous y allions confiants, quand à 35 m, on tire sur nous. Le boche a dû être surpris car il n’a touché personne. Retour très mouvementé comme la veille. Je vois la surprise du veilleur boche qui sans doute ne faisait pas bien attention, de voir à 30 m des képis et capotes bleues. Avion dans la matinée, bombardement violent. Pluie dans l’après-midi et la nuit sentinelle. Le 7 au soir relève. Dans la journée les boches bombardent nos tranchées. Je veillais au périscope. Les éclats tombaient à quelques mètres. A 19 heures départ pour Hermonville.

Des corvées et une pluie battante :

Du 8 au 10 décembre, Repos, nettoyages, plusieurs revues du chef de section, du capitaine et du commandant. Pluie. Rien à signaler. Le 10, corvée dans le bois. Temps passable. Combats d’avions. Le soir, relève pour la route 44 où l’on doit aller. Mais en cours de route les ordres changent et nous allons au Godat. Avec cela une pluie torrentielle. La nuit, je prends deux heures de sentinelle sous une pluie battante, dans un trou d’obus, de l’eau jusqu’aux genoux, ou alors à plat ventre dans la boue. Ma couverture, que j’ai mise sur mon dos, est traversée, ma capote aussi. Nuit très noire. Vent assez fort. Et l’on veille toute la nuit dans la tranchée, on a de l’eau jusqu’aux mollets. On n’est que boue. Le 11 décembre, journée froide, on ne peut se changer de l’averse d’hier. Je commence à tousser. Les boches bombardent nos tranchées. Quelques blessés. Le soir corvée d’eau à la carrière. Là il n’y a plus d’eau. On va jusqu’au ruisseau. Terrassement d’un boyau, corvée de rondin à l’écluse, sous la pluie, on transporte des arbres pesants, tout mouillés, qui ont été abattus par des obus, pour nous faire des abris. Sentinelle 2 fois une heure dans la boue. Rhume toujours. Pluie toute la nuit. Fortes canonnades boches sur les tranchées voisines et vers Reims. Ça cogne aussi vers Berry au Bac.

Quatre camarades tués près de lui :

Le 12, dans la matinée, pluie fine et serrée. D’ailleurs depuis 2 jours l’eau n’a pas cessé de tomber. Violente fusillade vers Berry-au-Bac. Un avion boche survole nos tranchées. Nous tirons sur un poste observateur allemand. Vers 4 heures, je sortais de mon abri pour aller prendre la veille à mon tour dans la tranchée et monter mon sac pour la relève du soir. Lorsque je veux sortir, un camarade était à parler avec 3 autres devant la sortie de ma guitoune. Je leur dis de se déranger pour que je sorte. Au même moment un feu de batterie allemande vient éclater au dessus de nous. Les quatre obus éclatent ensemble à quelques mètres en l’air au dessus du milieu de la tranchée. Les quatre hommes qui me parlaient furent blessés mortellement. Les éclats allèrent en toucher 6 autres mais pas aussi gravement. Ma toile de tente que je tenais à la main (j’étais en train de la relever pour qu’elle ne traine pas dans la boue) fut mise en pièce. Mon képi fut arraché de ma tête. J’avais ma jugulaire de mise, elle fut cassée. Ma capote trouée en plusieurs endroits. Je fus écorché à la main et à la figure. Mes lorgnons furent brisés. Mon sac fut rempli d’éclats d’obus. Le mur de terre à mes côtés fut rempli de trous. J’ai reçu de la terre plein la figure. Cela m’a donné un violent mal de tête pour toute la nuit. Affolement général. On ne ramasse les blessés que 2 heures après. Je l’ai échappé belle, je suis tout surpris d’avoir été seul préservé de ceux qui étaient là. L’obus a dû éclater au dessus de ma tête mais en éventail, ce qui fait que je n’ai pas été touché. Le soir, la relève n’eut pas lieu. C’était affreux d’entendre les blessés appeler leur femme, leurs enfants. Le boyau est plein de sang. Pluie, fusées. Par la suite, cinq sont morts des suites de leurs blessures.

Relève de nuit sous la pluie :

Le 13 décembre au matin, forte canonnade française sur poste observateur allemand. Fausse meule de paille, pluie, canonnade allemande le soir. Puis vers 10 heures relève, sac au dos et la promenade par les boyaux. Mais une relève d’un autre compagnie prenait les mêmes boyaux. Nous cédons le boyau, montant sur la plaine. Il faisait tellement noir que nous butions sur le voisin de devant nous. Nous avançons péniblement sur la plaine à travers les betteraves. La terre labourée, la boue et une pluie torrentielle. On se couche dans notre grenier à Hermonville. Le 14, quelques obus tombent dans le village. Le soir départ pour les tranchées. Nuit très opaque. Sentinelle deux fois 1h et demi sous la pluie et le vent. Véritable feu d’artifice, fusées, projecteur. Le lendemain, forte canonnade française. Faible réponse. Ils envoient quantité de balles. Nuit opaque et froide. trois fois sentinelle. La nuit semble longue.

Des morts partout :

Le 17, fortes canonnades française et allemande. Le soir relève pour les tranchées du Luxembourg. Ce sont des tranchées sans abris. Le régiment avait laissé prendre ces tranchées par les boches. Le colonel a reçu l’ordre de les reprendre. Et notre 75 à coup de percutants démolit les tranchées. Puis une charge à la baïonnette. Les tranchées ne sont pas toutes reprises, mais dans celles que nous avons repris, des cadavres sont enterrés en grand nombre. Et lorsque la pluie a tombé, on a une bien mauvaise odeur à côté de soi. Deux fois sentinelle derrière un impénétrable réseau de fil de fer et de piquets.

Un obus français tombe à 15 mètres :

Le 18, repos dans les abris. Je veille 2 heures au périscope. Canonnade française. Un obus tiré trop court par nos artilleurs tombe à 15 mètres devant nous dans le réseau de fil de fer. Le soir sentinelle. Pluie, vent violent. Corvée pour poser des réseaux Brun, et des sphères. On patauge dans la boue. Le 19 décembre, léger combat d’artillerie. Pluie fine. Le soir, sac au dos pour la relève qui se fait à 19h30. Nuit très noire. Toujours de la pluie et du vent. On passe par la route qui longe le cimetière de Cauroy. Il se dégage à cet endroit une odeur infecte. Trop de cadavres sont enfouis dans trop peu de place. Les deux colonels du 5ème RI tués sont enterrés là. Nous arrivons à Hermonville où nous pouvons nous coucher et jusqu’au matin le sommeil réparateur fait son œuvre.

Combats d'avions dans le ciel :

Le 20, repos, nettoyage, je lave mon linge. Revue l’après-midi. Vers 4 heures, trois avions dont un boche se canardent. Les français sont obligés d’abandonner la chasse pour se garer d’une forte canonnade allemande qui leur est distribuée. Vents. Le lendemain, distribution d’effets chauds. Corvée de bois. Combat d’artillerie. Chaque départ des 75 nous font sursauter. Revue par le capitaine. Reçu lettre parents. Plaisir. Le 22, violent combat aérien. Quatre boches contre cinq français. Les nôtres furent l’objet d’une violente canonnade au-dessus de nos lignes mais aucun ne fut atteint. Le soir, départ à 17h pour les tranchées du canal. En arrivant une vive fusillade s’échange entre les petits postes. On envoie plusieurs fusées éclairantes. Une petite charge a dû se produire vers Berry-au-Bac. On entendait une vive fusillade et des cris " A la baïonnette ! ". Les boches n’arrêtent pas de tirer toute la nuit. Pluie fine, vents.

Attaque allemande à 5 km :

Le 23 au Matin, très violente canonnade allemande sur nos tranchées. Plusieurs éclats tombent près de moi. Faible réponse française. L’après-midi et le soir, terrible bombardement français, surtout d’obus à la mélinite. Quel potin ! On craint une attaque boche. Les signaux des aviateurs français signalent un fort mouvement de troupe en face de nous. Une division est arrivée derrière nous. Les boches attaquent à 5 km à notre gauche. Notre division volante s’y porte en soutien. La nuit vient, très opaque. Les boches tiraillent sans arrêt. Sentinelle 2 fois. Les balles sifflent aux oreilles.

Les chants de Noël :

Le 24 décembre, corvée de terrassement. Repos dans l’abri. Le soir vers 17h, les boches se mettent à chanter en cœur. Sur la tranchée devant nous, ils allument des lanternes qu’ils baladent. Ils chantent toute la nuit. Je suis en sentinelle à minuit. Les chants redoublent de force. Un moment donné, dans une tranchée voisine, un français pousse un minuit chrétien. Je réveillonne d’une tablette de chocolat. A notre gauche, une violente fusillade éclate. Nous apprenons que c’est le 28ème RI qui a cerné un bataillon allemand dans un bois et demandait du renfort. Nuit froide, beau clair de lune.

Plusieurs balles ne passent pas loin :

Le 25 décembre au matin, un avion survole nos tranchées, il est canardé par des obus allemands qui éclatent près de lui mais sans l’atteindre. Les mitrailleuses s’en mêlent, les éclats d’obus retombent près de nous. Le soir, sentinelle puis relève pour la route 44. Forte gelée mais combien préférable à la pluie. Clair de lune, là au moins on y voit. On ne se cogne pas dans la gamelle du voisin. On se couche dans les abris trop étroits pour s’allonger. Sentinelle sur la route. Le 26, repos dans l’abri. Un avion français est encore bombardé sans résultat. Sentinelle… auprès des bottes de paille. Les balles sifflent dans les bottes de paille. Le 27, corvée de paille, terrassements, boyaux, claies. Il pleut et l’eau traverse les abris qui sont recouverts de claies et de paille. Nous sommes mouillés à l’intérieur. Une balle, sans doute en bout de trajectoire, vient se loger dans une boite de sardine, à l’intérieur de la guitoune à la route 44. Corvée de claies. A l’écluse, une balle traverse la claie que je tiens à l’épaule, après elle traverse la claie de mon voisin qui porte aussi une claie. Une autre rentre dans l’herbe à côté de moi, lorsque du petit poste boche …. Si elles ne rentrent pas dans la terre du petit poste elles sont obligées de passer à cet endroit. Là, on se recouche, les boches attaquent devant nous. Alerte, on s’équipe, prêt à l’attaque. Mais ce n’est rien, ils ont fait demi-tour après une demi-heure de balles et d’obus échangés, de fusées. Ils laissent des morts et des blessés en petit nombre. On rentre. Nous coucher.

Relève sous une pluie battante :

Le 28 décembre, pluie torrentielle, vent. Le soir, relève sous une pluie comme de ma vie je n’en avais reçu. Et avec un vent très violent, qui nous envoie dans la figure des rafales de pluie. Elle nous accompagne jusqu’à Hermonville où nous arrivons trempés comme des soupes. Le 29, journée de repos avec nettoyage, corvée de bois, douches, avion français, canonné par les boches, revue.

La nouvelle année :

Le lendemain, une revue, le soir fête, champagne, vin, figues, noix, jambon, soirée très gaie, chants. Cela nous est offert par le Colonel. Le 31 matin, exercice, midi, distribution d’effets chauds. A 4h15, en route pour Le Godat, et pour reprendre les habitudes, pluie. La Saint Sylvestre n’est pas gaie. Le commandant demande au Colonel pour que nous passions le 1er janvier au repos, ayant été à Noël dans les tranchées. Mais cette joie nous est refusée. Canonnade boche.

L'année 1915 :

La nouvelle année est bien arrosée. Il pleut fort. A minuit on va réveiller les camarades endormis pour leur donner nos vœux. Vent violent. Un aéro boche survole nos tranchées. Combat d’artillerie. La nuit beau clair de lune. Sentinelle. Forte canonnade, pluie. Le lendemain matin à 6 heures, je pars pour le petit poste à 100 mètres des boches. Aussitôt que l’on se dresse un peu, les balles nous sifflent aux oreilles. Pluie toute la journée. Le soir retour à la tranchée où je veille toute la nuit. Pluie, sentinelle, combat d’artillerie. Le 3, matinée froide et pluvieuse. Veille dans la tranchée. Fort combat d’artillerie. Soir, fusillade entre les petits postes. Relève route 44, pluie. Le 4 janvier, repos un jour. Corvée à l’écluse, paille, claies, sapins, puis repas. Pluies toute la nuit. Le 5, repos dans la tranchée de la route 44. Corvée, les obus boches ne tombent pas loin. Pluie toute la nuit. Corvée la nuit à l’écluse. Le 6, pluie pendant une partie de la journée. On nous a défendu de sortir. Nous sommes astreints à rester recroquevillés toute la journée. Le soir à 18h30, relève pour Cauroy où l’on passe la nuit dans une grange à claire voie. L’eau nous tombe sur la figure. La pluie ne cesse de tomber de la nuit.

Couché sur la paille pourrie :

Le 7 au matin, nettoyage. Les obus sifflent et tombent près de nous. Dans le village tout près du cantonnement, on va dans des caves à l’abri. Le soir à 17 heures, sac au dos et en route pour une nuit d’encre dans la boue, sous la pluie, pour les tranchées de Cormicy comme soutien d’artillerie. La nuit, je vais à Cauroy. Toujours dans la nuit à la corvée de pain. Au retour je me couche sur de la paille pourrie que l’on peut appeler du fumier. Il y avait environ 1 m de paille et comme les abris étaient pleins d’eau la paille s’était pourrie. Et lorsque vers 2 heures du matin je dus prendre la sentinelle, la paille qui était sous moi était devenu brulante et fumait. La chaleur du corps se combinait avec cette paille pourrie et communiquait une chaleur intense, comme si de l’eau bouillante venait d’être renversée dessus. La pluie et le vent faisait rage dans les abris. Le 8 janvier, on passe la journée dans les abris, il n’arrête pas de tomber de l’eau. J’enfonce jusqu’à la garde ma baïonnette dans le fumier qui nous sert de lit. On ne peut dormir tant le canon tonne. Violente lutte d’artillerie. Le soir relève. On revient dans la grange à Cauroy, accompagnés de l’eau. Le lendemain, nettoyage, revue, à 6 heures en marche pour les tranchées du Godat. Sentinelle. Les boches toute la nuit plantent des fils de fer. Pluie. Le 10, un avion boche. Combat d’artillerie. Soir, pluie torrentielle qui dure toute la nuit. Sentinelle. Le 11 au matin veille dans la tranchée. Alerte. Un avion boche est visible. De l’autre côté du canal, fusillade nourrie. Un lieutenant d’artillerie, un territorial et 3 boches de tués. Nuit sentinelle. Pluie.

Trois jours de repos :

Le 12 au matin, un avion au-dessus des lignes. Planton dans les boyaux. Le soir relève pour les tranchées du (illisible). On se fout dans les boyaux. Sentinelle 2 fois 1 heure. Froid. Le lendemain, repos dans la journée, pluie. Le soir, trois fois en sentinelle. Alerte sans suite. Froid. Le 14, avions boches et français. Combat d’avions et d’artillerie. Fusillade de toutes parts. Trois fois en sentinelle dans la nuit. Meule de paille en feu du côté de Loivre et une autre vers Cormicy. Le 15, journée sans incident. Le soir relève. On se rend à Hermonville pour 3 jours de repos. Sac au dos et la promenade dans les boyaux commence. Elle est interminable par cette nuit noire. Arrive au cantonnement à minuit. Le 16, nuit froide. Journée de repos. Le matin nettoyage, raccommodage, revue à 2 heures, corvée de paille. Le lendemain, lecture au rapport des artilleries allemandes. Corvées, avions boches.

Retour au front :

Le 18, exercice le matin, nettoyage, revue aero, le soir relève pour le Godat. Feu sur Berry-au-Bac. Nuit d’alerte. Les boches à notre arrivée tirent sur le petit poste et sur la tranchée. Le petit poste riposte y compris la relève. Les boches sont étonnés de la force du petit poste. Envoie plusieurs patrouilles le soir qui d’ailleurs sont reçus à coups de fusils, leur tranchée riposte. Les balles pour la plupart explosées éclatent de toutes parts au dessus de la tranchée. Je prends trois fois la sentinelle sous les balles. Duel d’artillerie.

Attaque allemande sur la tranchée :

Le 19, pluie, rien à signaler. Le matin sentinelle 2 fois dans la tranchée. Vers midi les boches sortent de leurs tranchées. Environ une section. Et par bonds se portent à nos fils de fer. Pendant ce temps et depuis 11h30, les boches nous envoient des obus. L’alerte est donnée, tout le monde au créneau. On les reçoit avec les mitrailleuses et les fusils. Ils redoublent non sans en laisser pas mal sur le terrain. Les autres ne veulent sans doute pas sortir. Les boches bombardent toujours. Notre artillerie s’en mêle et fait du beau travail. Quelques uns sont blessés de chez nous. Luttes d’avions vers 13 heures. Vers 16 heures, deux avions français sont l’objet d’une très vive canonnade allemande, mais quand même forcent les lignes allemandes. Le soir, très violente lutte d’artillerie. Les boches envoient deux patrouilles, nous en envoyons une. Nuit froide. Trois fois sentinelle d’une heure, et vers le matin, violente fusillade à notre droite. On nous annonce pour la nuit la visite du général qui ne vient pas. Durant toute la nuit, véritable feu d’artifice des boches. Les français envoient nombre de fusées. Pluie de 3 heures à 8 heures du matin.

Couché à 50 mètres de la sentinelle allemande :

Le 20 janvier, bombardement intense. Corvée, repos dans la journée. Mitrailleuse à notre gauche, nuit froide. A 8 h du soir je pars en patrouille. On descend de la sentinelle avancée du petit poste pour protéger le génie qui pose des fils de fer devant le petit poste. Je reste 3 heures allongé sur la terre humide à environ 150 mètres des tranchées ennemies, à 75 mètres des sentinelles du petit poste boche, à 50 mètres environ de la sentinelle avancée de ce petit poste. On les entend rire et crier dans la tranchée. Je fus couché sans m’en douter pendant 3 heures sur un obus de 75 chargé qui n’avait pas éclaté. On revient à la tranchée puis je prends 1 heure de sentinelle.

Agent de liaison du capitaine :

Le 21, matinée assez calme, froide. Une mitrailleuse à notre gauche tire sur un avion. La nuit, trois fois, je prends une heure de sentinelle. Patrouille identique à la veille mais plus courte. Lutte d’artillerie. Vers 2 heures du matin, relève. Le lendemain matin à la route 44, le capitaine me fait entrer à sa liaison. J’ai plusieurs communications à faire à ma section. Pluie. Il tombe de l’eau dans l’abri. Le 23, communications avec ma section. Porte le journal à la 3ème compagnie. Très violents combats d’artillerie sur notre secteur, sur Cauroy et vers Berry au Bac. La nuit veille auprès du capitaine. Le 27, communications. Le soir relève pour le Godat. Sac au dos et en route. Il gèle fort. Le canal est gelé, beau clair de lune. Corvée de charbon à Cauroy. Je retourne aux tranchées avec tout mon chargement. Balles sifflent. Le 28, plusieurs notes à communiquer. Le 30 janvier, canal gelé, froid vif, corvée à l’écluse le soir. Relève à 7 heures pour la route 44. Sac au dos à travers les boyaux à la suite du capitaine.

Les deux patrouilles françaises se tirent dessus :

Le 7 février, repos dans la journée. Le soir, la 1ère et la 9ème compagnies envoient des patrouilles qui au bout d’un instant se tirent l’une sur l’autre. Nuit assez calme. Le lendemain, communications. Lutte violente d’artillerie. Le soir, relève pour les tranchées du Luxembourg où l’on se perd. Pluie. Je fais du thé pour toute la compagnie. Le 10, communications toute la journée dans des boyaux à peine achevés et dans un secteur inconnu. Froid sec. Le 11, journée calme. Le soir faire le thé. Communications. Perdu dans les boyaux. Relève pour Cauroy sous la pluie. Le 12, repos, nettoyage le matin à Cauroy-lès-Hermonville. Ma section cantonne dans les caves. Les boches bombardent violemment Cauroy et les batteries de terre. Un fut mis en morceaux, et la nuit dans un sac, on le déplaça dans l’église. Pluie.

Trois obus tombent dans la cour :

Le 15 février, on passe la journée à Cauroy sous un fort bombardement. Les boches nous envoient dans notre cour trois obus qui tombent sur les marches des cuisines ne tuant personne. Il y avait 16 personnes dans la cour. A signaler aucun éclat de cuivre, que de l’aluminium. On recoit l’ordre de se tenir prêts à partir demain à 5 heures pour aller attaquer. Des tirailleurs sénégalais viennent pendant la nuit, peut-être pour attendre le moment de l’offensive. Plusieurs communications. Je vais à Hermonville porter les effets du capitaine.

Deux compagnies à l'assaut :

Le 16, réveil à 3 heures du matin. Je pars réveiller ma section à 3h1/2 sac sans couverture. Départ à 5 heures pour les tranchées du Luxembourg. Grande agitation dans les boyaux où il y a 2 bataillons. A 11 heures, notre bombardement commence. Il y a 15.000 obus à envoyer à messieurs les boches. Le bombardement dure jusqu’à midi. Les boches répondent mais faiblement. Midi les ordres arrivent. Il faut monter sur la plaine et attaquer. Deux compagnies sortent. Lorsque les 3ème et 4ème veulent sortir, une mitrailleuse placée de l’autre côté du canal et nous prenant en enfilade, relève notre sortie, et envoie au fur et à mesure que nous sortons, la mort dans nos rangs.

Les mitrailleuses stoppent l'avance française :

A 13 heures, deux capitaines et quatre lieutenants sont blessés. De 2 compagnies il en reste à peine 180 hommes. La 3ème compagnie sort, elle est repérée. Les hommes, avant de faire 10 mètres étaient tués ou blessés. Un moment sur 9 qui sortent ensembles, avant d’avoir fait 3 mètres, 7 restent morts sur la plaine et 2 rentrent blessés. Impossible d’avancer. Les hommes tombent comme des soldats de plomb qu’un enfant fait tomber pour s’amuser (parole du colonel dans le téléphone). Les boches nous bombardent à leur tour très violemment. On ne rencontre dans les boyaux que des blessés. Pour aller communiquer, je suis obligé de passer sur le dos de toute ma compagnie qui se trouvait dans le boyau. Des avions signalent nos positions par des fusées aux boches. A 4 heures, nos pertes sont de 500 blessés et morts et de 10 officiers dont 6 tués. A Berry-au-Bac, on gagné la côte 108. Le 39ème gagne un petit bois à notre droite, mais il a une compagnie de prisonniers. La 1ère compagnie dans les boyaux sont dans un affolement général par le bombardement. Ils se repliaient à tout instant. Plusieurs sont blessés, d’autres tués. Le soir, on creuse une tranchée de 300 m en avant de l’ancienne. (Une autre nuit et sans attaquer, on aurait pu la creuser sans perdre un homme). La nuit on enlève les blessés.

Pilonnage de la tranchée par l'artillerie allemande :

Le 17 février, nuit de travail pour creuser la tranchée. Matinée asse calme. Beaucoup de pertes dans nos rangs. Plusieurs communications. Vers 11 heures un avion boche survole notre nouvelle tranchée, et la repère. Une demi heure après commence un terrible bombardement par les 105 et 150 fusants et percutants. La panique prend les hommes qui se sauvent dans cette tranchée qui est à peine finie. Et alors répliquent les fusants qui font de nombreux blessés et morts. Des mitrailleurs chasseurs d’Afrique y sont tués et les autres blessés. Les mitrailleuses brisées. Mon chef de section et un sergent sont tués, Plusieurs camarades tués ou blessés. Ma cartouchière est complétement criblée d’éclats et mise en pièce. Pour aller communiquer je suis obligé de monter sur les morts, ou dans des flaques de sang. Je me couche plusieurs fois dans la tranchée pour éviter les éclats d’obus. Plusieurs sont blessés à côté de moi, je suis seulement écorché à la figure et aux mains. Ma capote est une écumoire. Le soir, cela se calme. Dans les sections il ne reste plus beaucoup d’hommes sans blessures. Relève, on s’en va à Berry. Je vais chercher le cheval du capitaine à Hermonville. Je recherche ma section. Nuit noire. Je pars pour Berry, 13 kilomètres, je dormais en marchant. Aux pauses, je me laissais tomber n’importe où dans la boue et je l’endormais pour 5 minutes. J’ai la tête en feu, un mal de reins terrible, mais enfin on est sauvés pour quelques jours de la mitraille.

Souffrant des reins :

Le 18 février, je me relève encore bien fatigué. Les jambes raides. Je communique beaucoup. Le soir, je me couche avec joie, je vais pouvoir me reposer. Le lendemain, j’ai encore mal aux reins mais je suis à peu près défatigué. J’écris des lettres. Le soir sac au dos et départ pour le Godat. Que la route semble longue. Le 20, arrivé à Godat à une heure du matin. Reconnaitre ma section. Je repars avec le capitaine voir la nouvelle tranchée. Journée sans incident.

De la topographie dans les tranchées :

Le 3 mars, le capitaine m’envoie faire la topographie des nouvelles tranchées. Le soir, relève pour la route 44. Je pars en avant de la compagnie pour reconnaitre les emplacements. La nuit est tellement noire que je me perds. Le 6 mars, retour d’Hermonville après avoir travaillé toute la nuit. Bombardement de la route. Deux blessés. Retourné à Hermonville. Photo. Relève pour Hermonville. Le 9 mars, revue, lutte d’artillerie. Le soir, départ pour le Godat où je fais le thé pour la compagnie. Neige.

A Reims pour acheter du matériel photo :

Du 26 au 29 mars, Cauroy, lutte d’artillerie. Le vendredi et le samedi je vais à Reims pour acheter des produits de photo à vélo. Belle promenade. 40 kilomètres aller et retour. Je photographie la compagnie. Du 30 mars au 2 avril, tranchée du Godat, combats violents d’artillerie, beau temps, photo, téléphone. Du 3 au 6, aux tranchées de la route 44, où je vais à Hermonville tous les soirs pour la photo, lutte d’artillerie. Beau temps. Du 6 au 10 avril, au village de Prouilly où nous restons au repos, je bois tous les jours du lait. Du 11 au 15, tranchée du Godat, téléphone, photo. Lutte d’artillerie. Beau temps. Du 16 au 19, route 44. Hermonville le soir pour faire de la photo. Lutte d’artillerie, beau temps. Rien à signaler. Combats d’aéro.

Transfert sur l'Italie prévu :

Du 25 au 28 avril, tranchée du Godat. Nous apprenons que nous allons quitter les tranchées pour aller en Italie mais avant que nous partons pour Gueux nous faire habiller. Téléphone, lutte d’artillerie, beau temps. Le 28 au soir nous sommes relevés par la 127ème compagnie d’infanterie. Et nous partons pour Gueux, puis Muizon, puis Reims. Le 30, habillement à neuf et repos. Du 29 avril au 9 mai, nous faisons tous les jours de l’exercice d’entrainement à Gueux. Je vais à Reims puis au champ d’aviation de Muizon. Un avion boche abattu. Le 9 mai à 23 heures, on embarque à la gare de Muizan pour une destination inconnue. Nous passons à Paris, puis nous prenons la ligne du Nord jusqu’à Amiens où nous débarquons le 10 avril de nos wagons à bestiaux. Le 10 mai, on prend les autobus à Amiens qui nous embarque et nous dirige vers Arras. On fait environ une trentaine de kilomètres. On passe à Doullens. On arrive à Coullemont où l’on passe la nuit. Le lendemain, à 5 heures, départ de Coullement. On fait 2 kilomètres et l’on va à Couturelle dans la ferme d’un château où nous logeons. Le 15, Départ de Couturelle. Je quitte la liaison du capitaine. Départ de nuit, 10 kilomètres et nous arrivons à Fosseux la nuit. On entend le canon sans arrêt, et les fusées que l’on voit sans arrêt le long du chemin. Du 15 au 28 mai, à Fosseux, exercices tous les jours, lancement de grenades, etc…Plusieurs luttes d’avions. Pendant tout notre séjour à Fosseux, le canon n’a pas arrêté de se faire entendre jour et nuit (Barly château).

Dans les tranchées sous les obus allemands :

Du 28 mai au 15 juin, à Simencourt, exercice. Couché de nuit sous la tente, sur la terre sans paille. Beau tir sur les avions boches par les canons auto. Manoeuvre. Le canon ne cesse de tonner. Du 15 au 16 juin, Duisans, Gouves, en réserve de six régiments qui attaquent à 8 heures du matin. Très violente canonnade et très violente fusillade. Sentinelle à la route. Nombreux convois de blessés. Du 17 au 29 juin, on part en autobus pour Gouy en Gohelle (Gouy-Servins) près de Carency en réserve d’armée….. Le canon ne cesse de tonner. Plusieurs luttes d’avions. On voit des quantités de blessés passer. Exercices, sentinelles route de Gouy-en-Gohelle, marche, puis 2 fois de suite le soir. On part pour les tranchées, 5 kilomètres de boyaux, avec des pelles pour déblayer les tranchées boches. Impossible d’y tenir par l’artillerie boche qui nous prend de tous côtés et par l’odeur des cadavres. Partout où l’on pioche, ce n’est que cadavres. Il y a deux compagnies prisonnières dans une tranchée sans boyau rejoignant les nôtres. Impossible d’en sortir. Impossible de se ravitailler. Le 119ème va attaquer, Il revient avec des pertes énormes. Le 29 au matin départ de Gouy à pied pour la Comté. Une vingtaine de kilomètres. Il fait chaud, la route est rude. Nous cantonnons près d’un moulin à eau au bord d’une charmante petite rivière.

Un obus de 10,5 cm percutant explose à 3 mètres de lui :

Du 1er au 3 juillet, à Acq, pays bombardé, Le 3 on va prendre les tranchées. Très violent bombardement et sous le bombardement, on fait la relève du 32ème régiment d’infanterie après 10 kilomètres de boyaux. Nous passons la nuit sous un bombardement intense. Le lendemain matin, je fais la feuille, trou creusé à 0,50 m du niveau du sol. Un 105 percutant tombe à peine à 3 mètres de moi. Le déplacement de l’air me porte violemment contre les boyaux. La journée du 4 se passe sous un bombardement de tous les instants. La nuit du 4 juillet, on pose un réseau brun devant car il n’y avait pas de fil de fer et nous étions à 80 mètres des boches dans un de leur ancien boyau, et jusqu’au 7 au soir, sans arrêt d’une minute, nous subissons le bombardement. A quelques 100 mètres à notre gauche et à notre droite, nous attaquons. Les allemands contre attaquent. Les nuits sont de véritables fêtes où se mêlent sans arrêt les pétards (quelques fois un peu trop près) et un feu d’artifice monstre. Corvée de soupe 8 kilomètres.

Le village de Mont-Saint-Eloi dévasté :

Le 7 juillet au soir, nous sommes relevés sous un violent bombardement par le 24ème. A chaque instant les obus éclataient au dessus de la tranchée. Nous allons par bande jusqu’à Mont-Saint-Eloi, pays complètement dévasté. Des maisons et de la magnifique tour qui surplombe le gentil et coquet petit bourg, il ne reste rien que des ruines faites en quelques heures. Pas une seule maison debout. La tour est en morceaux. On ne voit que l’entreprise de démolition (La maison-boche, crapouillot) a passé par là. C’est triste de voir ces ruines.

Nous prenons les tranchées le 13 au soir après une interminable marche dans les boyaux. Enfin nous arrivons en tranchée de seconde ligne déjà fatigués par la route qui était de 17 kilomètres. Ceux que nous remplaçons, le 24ème, nous distribuent des masques contre les gaz asphyxiants, car les boches depuis 30 jours n’arrêtent pas d’en envoyer. Je suis désigné de corvée de soupe. Encore une interminable course dans les boyaux boueux. Je dors en marchant, je butte à tout pas. On attend et voyant finalement que la voiture de la cuisine ne vient pas, nous repartons pour la tranchée car le ravitaillement n’a pu se faire. Pas de soupe. Arrive à la tranchée. Les hommes sont partis en première ligne. On veille jusqu’au matin puis on nous avertit que nous allons attaquer pour le 14 juillet. Tout l’après-midi, nous subissons un violent bombardement, en réponse au bombardement sans pareil que nous envoyons aux boches. Vers le soir (18 heures) nous mettons baïonnette au canon, près à sortir. Le 119ème, qui est sorti, ne peut avancer. Il nous réclame des grenades. Nous faisons le voyage dans les boyaux 3 ou 4 fois de la sortie de la sape à notre emplacement, sous les obus et la pluie. Nous piétinons dans cette terre glaiseuse, dans cette boue où l’on ne peut se tenir debout. Les boches ne cessent de tirer. Les obus pleuvent, on ne réussit pas à sortir. La nuit est très éclairée par les fusées françaises et boches. Les boches ne cessent de bombarder et la pluie de tomber. Au matin, nous sommes relevés par une autre compagnie. Nous retournons sous la pluie dans les boyaux jusqu’aux genoux. Pendant deux kilomètres, on n’avance qu’avec beaucoup de mal. Nous arrivons les tranchées d’arrière où l’on prend position. Nous commençons le nettoyage car nous sommes à ne pas prendre avec des pincettes, les habits maculés de boue de la tête aux pieds. Puis nous nous reposons. Le lendemain soir, le 16, nous devions être relevés mais ce n’est que le 17 au matin que nous sommes relevés. Nous allons prendre les autobus à Acq puis il nous emmène jusqu’à Averdoingt où nous restons du 17 au 19. Le 19 on repart pour Gouy en Artois où on distribue une quantité de croix de guerre.

Occupation des tranchées :

Le 3 août au soir, on prend les autobus qui nous emmènent à (illisible). Nous restons 3 heures sous une pluie torrentielle. Nous mangeons un peu. Il fait une nuit affreusement noire. Nous partons pour les tranchées du chemin creux (anciennes tranchées boches) où nous restons jusqu’à 20 heures. Revue, nettoyage, travail des boyaux, terrassements. Le 8, on va prendre les tranchées de 2ème ligne. Le 9 travail de terrassement. Le 10 et la nuit du 10 terrassement de 21 heures à 3 heures. Corvée de rondins à la route, pluie torrentielle. Le 11, corvée de soupe. La nuit, on nous donne ordre d’aller prendre la tranchée qui est devant notre première ligne (anciennes tranchées de zouaves que l’on n’a pas pu tenir car elle est prise en enfilade des deux côtés). C’est un chemin creux où il y a bon nombre de cadavres. Les boches y envoient leur petit poste le jour. Nous l’occupons, alerte, vive fusillade. Depuis notre arrivée dans les tranchées du 3 aout, sans exception toutes les nuits violents combats de fusils et grenades à Souchez 2 ou 3 fois par nuit. Le 12, journée assez calme. La nuit on creuse une tranchée en avant du chemin creux. Patrouille, pose de réseau brun. Le 13n on ne peut bouger. Le jour notre tranchée est prise en enfilade. La nuit, on retourne occuper la 2ème ligne. On est remplacé par le 24ème RI. Du 14 au 24 aout, tranchée de 2ème ligne. Corvées de terrassement à Souchez. Ca cogne toutes les nuits. Le 24 au soir, on est relevé par le 405ème RI et on part pour Magnicourt-sur-Canche en autobus que l’on va prendre à Acq.

Repos et exercices :

Du 25 au 31 août, repos, exercices, revues, corvées. Le 31, départ le matin à 4 heures, pour aller passer la revue du général Joffre, de Lord Kitchener, du général d’Urbal. Il y a un corps d’armée présent. Plusieurs avions survolent la revue. Le 31 août à Gouy-en-Ternois et Maizières. Exercices. Signaux morses, le 11 septembre. On passe la revue du général Foche, Hoche, Charles Jacquot. Marche, exercices, signalisation, revues. Le 21, départ de Magnicourt-sur-Canche pour aller à Frévin-Capelle à pied. Violents bombardements.

Chargés de grenades suffocantes :

Du 21 au 24 septembre, arrivé exténué de fatigue à Frévin-Capelle, le soir après 6 heures de marche. On monte les tentes le lendemain. Le 23 au soir, il tombe de l’eau à torrent. On va aux tranchées. Dix kilomètres sous une pluie battante dans l’eau jusqu’aux mollets. On arrive à la route de Béthune où l’on se charge de caisses de grenades suffocantes pour un premier voyage en première ligne. Quelques ampoules ayant dû avoir leurs ampoules brisées, nous font mal aux yeux, nous font pleurer. Nous arrivons sous les obus que les boches ne nous ménagent pas, ayant de l’eau parfois jusqu’aux genoux. Nous faisons un second voyage dans les mêmes conditions. Puis nous repartons pour Frévin-Capelle où l’on arrive le matin bien fatigué.

Violents duels d'artillerie :

Le 24, impossible de se reposer. Corvées, revues, distribution de casques, séchage des habits. Le soir sac au dos, départ pour les tranchées. Il y a un bombardement fou de la part de notre artillerie. On est abruti par la vacarme. Le bombardement recommence plus violent. Les boches répondent furieusement. Plusieurs tués et blessés. On remonte deux fois en première ligne sous le bombardement, dans la boue où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux sac au dos. Trois cents cartouches. On se replie, puis on repart, on revient, quel supplice. Violente attaque, violent bombardement, Gaz asphyxiants. Le 26, l’attaque n’ayant pas réussi, on recommence 3 fois dans la nuit, puis vers 10 heures du matin. Nombreux tués et blessés. Impossible d’avancer.

A bout de force après trois jours sans dormir :

Je ne peux plus marcher. Je n’ai pas mangé depuis 2 jours, ni dormi depuis 3 jours. Pas de nourriture. Fatigue extrême. Je m’évanouis deux fois à bout de force. Le 27, violente attaque au matin, gaz asphyxiants, violent bombardement, pluie, marche dans les boyaux, on marche sur les cadavres. Le lendemain, nous attaquons. Violente canonnade. Officier blessé, l’autre tué. On monte deux fois sur la plaine. Les boches envoient bon nombre de balles explosives.. On gagne les deuxièmes lignes boches d’accord avec le 405ème RI. Immenses pertes. La plaine est jonchée de cadavres. Le 29, le 405ème RI réattaque mais un point faible : on est obligé de mettre les mitrailleuses sur la plaine pour éviter d’être faits prisonniers. Sentinelle à la route de Lille devant le bois de la folie. Le 30, en premières anciennes lignes boches. Affreux bombardements, pluie. Les boyaux sont pleins de cadavres. Je suis enseveli sous ma guitoune. Je suis relevé par des territoriaux.

Intoxiqué par les gaz de combat :

Le 1er octobre 1915, tranchée des zouaves, les boches nous bombardent violemment. Eclat d’obus dans la musette. Le lendemain, on part dans la nuit pour aller au chemin des barricades près de Neuville-Saint-Vaast. Nombreux cadavres. On prend position dans les boyaux de 1ère ligne boche, on se construit des abris individuels, des sortes de petites niches. Le 3, le 2ème bataillon attaque encore. Très violent bombardement. Plusieurs obus tombent à faible distance de mon abri. Il s’éboule sur moi. Je me trouve incommodé par les gaz asphyxiants, l’odeur de la poudre et une commotion produite par l’éclatement trop près d’un obus. Plusieurs blessés.

Ils rentrent à 60 sur 220 :

Du 4 au 6 octobre, on reste dans nos abris sous le bombardement. Nous devons attaquer. On nous lit une note de Joffre. Plusieurs distributions, vivres de réserves, grenades, cartouches. Pluie. On n’attaque pas. Le 226ème RI prend nos positions avec les 36ème RI, 39ème RI et 74ème RI. Nous sommes relevés. Quelle joie de quitter ces lieux, mais malheureusement on laisse beaucoup de camarades. On part à 60 sur 220. Plus d’officier.

Repos à l'arrière et changement de front :

Le 7 octobre, on quitte les autobus à Gouy-en-Artois, puis on va à pied à Magnicourt, où l’on en part le 9 pour aller à Séricourt. Du 9 au 20 octobre, repos à Séricourt, Sibiville près de Frévent, où je vais plusieurs fois les dimanches et presque tous les soirs. Le 20 au soir, départ pour la gare de Petit-Houvin à 6 kilomètres de Sibiville. Départ par chemin de fer dans des wagons à bestiaux. Débarquement le 21 octobre à 5 heures du matin à la gare de Moreuil dans la Somme. Nous faisons 6 kilomètres pour nous rendre à Mézières-en-Santerre où nous cantonnons du 21 au 23. Le 23 octobre, départ de Mézières à 6 heures du matin. On fait 25 kilomètres à pied sac au dos, on arrive exténué de fatigue à Chuignolles où nous cantonnons. Nous allons pour relever les anglais qui occupent le secteur.

Relèves des Anglais :

Le 24 octobre, nous allons faire la relève en plein jour. Nous passons par Chuignes, puis à Cappy où nous relevons les anglais. Je prends en arrivant la sentinelle pendant 3 heures devant un entonnoir fait par des mines. Nous sommes à 30 mètres des boches. Le secteur est assez calme. Quelle différence auprès de Souchez. Plusieurs corvées d’eau et des cartouches à la sucrerie de Fontaine-lès-Cappy. Le 27 relève, on va en 2ème ligne où on reste jusqu’au 30. On fait des corvées, nettoyage de boyaux. Du 30 octobre au 6 novembre, dans la tranchée de 1ère ligne à 30 m des boches. Les veillées sont très dures. 16 heures de sentinelle sur 24 heures, corvées, pluie tous les jours, nettoyage des boyaux.

Entente des belligérants pour ne pas tirer :

Du 6 au 12 novembre, à Fontaine-lès-Cappy, corvée en 1ère ligne à droite du cimetière de Dompierre. Les boches se trouvent à 25 mètres de nous. Nos tranchées se sont éboulées par la pluie et nous sommes presque sur la plaine. Les boches ne tirent plus, ils nous parlent vraiment, nous apportent des cigares et cigarettes en échange de pain blanc. Heureusement car sans cela ils nous tuaient tous. Mais le premier jour, ils nous ont dit de ne pas tirer, qu’eux de leur côté ne tireraient pas. Ce sont des Bavarois. Jusqu’à ce jour, je ne croyais pas possible ces conversations entre ennemis, mais je suis obligé d’y croire maintenant. Plusieurs corvées de nuit aux mines sur les tranchées boches de 2ème ligne à 40 mètres sous terre, c’est formidable comme travail, c’est invraisemblable.

En permission :

Le 12 novembre, je pars en permission. Je vais prendre le train à Guillaucourt. Il tombe de l’eau à verse. On ne voit pas à 2 mètres de soi tellement il fait noir. 22 kilomètres à pied. Enfin on attend 3 heures de temps à la gare. On part pour Crépy-en-Valois, gare régulatrice, où j’attends 5 heures de temps. Je pars en 1ère classe pour Achères où l’on nous parque dans un enclos derrière la gare. Je quitte Achères pour aller jusqu’à Saint-Cyr où après avoir attendu de 17 heures à minuit, je prends l’express pour Saint-Malo sans changer. Arrivé à 7h du matin. Je vais prendre les vedettes. La mer est très mauvaise. Elles n’avaient pas marché la veille. Un transport est échoué. Après 2 heures d’attente, je traverse l’anse. Un grain vient nous arroser. Arrivée chez parrain sans être attendu. Surprise, bon accueil, mauvais temps, promenade impossible. Le 15, promenade. Départ le soir pour Paris où j’arrive le 16 au matin. Ma mère, n’ayant pas reçu de lettre depuis 15 jours, était désespérée. Quelle joie de revoir son home, sa famille, de se sentir entouré de soins après un an passé loin des siens.

Retour en premières lignes :

Le 22 je pars. Rentre au front, le 24, en tranchées de premières lignes. Corvée de terrassement toute la nuit. Il fait un froid sec. Le 26, neige. Travail de terrassement. Le 27, il gèle blanc. Le lendemain, on prend le service de sentinelle. On prend la garde toutes les 8 heures pendant 3 heures. Le 1er décembre, les Boches font sauter une mine ce qui provoque de notre part et de la leur une violente lutte d’artillerie. Le 10, relève des tranchées. On part le soir et on marche une partie de la nuit pour arriver à la Motte-en-Santerre. Le 11, on repart de Lamotte-en-Santerre (Lamotte-Warfusée) pour aller à Remiencourt après 17 kilomètres de marche, bien fatigués. Pluie. Prise d’armes. Du 12 au 17 décembre, on reste à Remiencourt, garde, exercice, pluie, revue, froid très vif. On quitte le 17, Remiencourt pour aller à Domart-sur-la-Luce. Le soir contrordre, on repart pour Démuin.

Fêtes de Noël et du jour de l'An 1916 :

Du 17 décembre au 10 janvier 1916, à Démuin, marches, exercices, revue, vaccin antityphoïdique. On y passe les fêtes de Noël et du jour de l’an assez gaiement. On en part le 17 pour prendre les tranchées. On passe l’après-midi du 10 dans le parc de Le Quesnel, puis le soir on part pour Quesnoy-En-Santerre (Parviller-le-Quesnoy) où l’on reste jusqu’au 15. Corvées nuits et jours. Travail fatigant. Temps passable. Corvées de soupe à Bouchoir. Ces deux villages sont complètement en ruine. Il ne reste rien. Occupés longtemps par les allemands, ils ont surtout été abimés par le 75.

Il fait un prisonnier :

Du 20 au 30 janvier 1916, en tranchées devant Quesnoy, en premières lignes. Bombardement intense allemand pendant quelques jours. Le 26 vers 10 heures du soir, un allemand faisant du bruit dans les fils de fer reçoit de moi et de 2 de mes camarades deux feux de salves. Il se met à crier "Kamarad française !". Je lui réponds d’avancer en lui disant des "Deutsch Kamarad", etc, etc .. Enfin il s’avance et je l’emmène prisonnier. Il me serre fortement la main. Mais il pouvait m’en savoir gré car j’avais empêché de tirer mes camarades qui voulaient le tuer. Les boches coupent nos fils de fer devant nos tranchées. Ils attaquent le 29 à notre gauche, nuit d’alerte.

Quelques jours de repos et évacué sur l'infirmerie :

Du 30 janvier au 4 février, au repos à Le Quesnel. Le 1er jour de repos nettoyage, 2ème jour, départ à 5 heures du matin pour aller faire des tranchées. Rentrés bien fatigués à 20 heures. 3ème jour nettoyage, revue. 4ème jour, garde de police. 5ème jour, départ pour les tranchées de Quesnoy-en-Santerre. Du 4 au 9, garde de police des boyaux. Du 9 au 14, corvées en tranchées, cantonnés dans les caves de Quesnoy-en-Santerre. Le 12, attaque d’un petit poste allemand. Le 14 relève pour Le Quesnel. Je suis malade, je ne peux suivre ma section. Le lendemain, je suis malade et reconnu à la visite. Le 16, je rentre à l’infirmerie. Quatre camarades m’y portent. Je tombais en syncope à tout instant. Jusqu’au 19 je reste à l’infirmerie de Le Quesnel. Du 20 au 24, je reste à l’infirmerie de Bouchoir. Neige. Attaque par gaz asphyxiant sur le 24ème régiment de notre garde.

Retour en première ligne :

Du 24 au 29 au matin, en tranchée en première ligne. Neige. Par endroit il y plus de 50 cm de neige. Froid très vif. Plusieurs alertes. Fonte de la neige. Pluie. Eau et boue jusqu’aux genoux. Relève. On attend le rassemblement du régiment dans le bois de Le Quesnel puis on part à pied jusqu’à Bouillancourt (25 kilomètres). Je ne puis faire la marche étant trop fatigué. Je laisse mon sac à Anges, le service médical ne peut le prendre. Il y reste avec toutes mes affaires personnelles. Le 1er mars, on part de Bouillancourt pour aller prendre les autobus sur la grande route. On embarque le matin à 7 heures et on quitte les autobus à 3h ½ à Pierrefonds. Joli pays avec un château historique. Du 2 au 4 au soir, nous restons à Pierrefonds. Nettoyage, promenade, repos.



 

22 kilomètres au pas accéléré :

Nous partirons à pied le 4 au soir pour aller en réserve à Roches 22 kilomètres, en 2 pauses, pas accéléré. Les hommes sont exténués de fatigue. En arrivant nous sommes obligés d’attendre 2h1/2 sur le pont de l’Aisne. On grelotte de froid. Du 4 au 15 mars, à Roches, corvées, je suis nommé coureur du colonel. Exercice de transmission d’ordres. 1500 mètres en 5 minutes par relais avec forte montée. Pose de fil de fer. Blessés.

Nouveau séjour à l'infirmerie :

Le 15, je rentre à l’infirmerie exténué de fatigue, où l’on me fait des piqures. Du 15 au 22, infirmerie de (Monters-à-Ressens). Evacuation avec de la fièvre. Du 22 au 25 mars à l’infirmerie de (Saint-Pierre-Gilles).

Evacuation sur un hôpital de l'arrière :

Du 25 mars au 25 avril, évacuation sur l'hôpital de Villers-Cotteret. Du 25 avril au 25 septembre, convalescence de cinq mois à Dinard, Lanhélin, Le-Neubourg, Paris. Du 25 septembre au 4 décembre, il est présent au dépôt de Falaise.

Passage en service auxiliaire :

Epuisé et souffrant de séquelles de son intoxication aux gaz de combat, il passe du "Service Armé" au "Service auxiliaire" pour sommet droit suspect (poumons), par la commission de réforme de Falaise (Calvados), le 4 octobre 1916. Il devient inapte à l'infanterie. Il passe successivement par l'entrepôt d’effets de Mézidon, puis part en convois pour Le Bourget et Dunkerque. Il passe ensuite par l'entrepôt de munitions de Parcy.

Passage à l'aéronautique militaire :

Il passe dans l'aéronautique militaire comme photographe, le 9 décembre 1916. Il est formé à l'école militaire d'aviation de Dijon-Longvic jusqu'au 5 janvier 1917, puis envoyé en stage de photographe au centre d'aviation de GDE du Plessis-Belleville, jusqu'au 25 janvier 1917.

Mission Berger en Russie :

Le 20 janvier 1917, on demande des volontaires pour la Russie. La perspective du voyage m’attire. Je me fais inscrire auprès de l’adjudant Clerc (chef des photographes stagiaires). Le 23 janvier, on passe la revue du Commandant Berger et du capitaine Noé, chefs de la future mission. Le capitaine Groult nous présente, nous sommes acceptés. A quatre photographes sur un bon nombre qui étaient volontaires. Le 25, on part pour aller au fort de Bron, près de Lyon. Nous passons par Paris où nous restons deux jours. Le 28, arrivée à Lyon. Beaucoup de neige. Le tramway ne marche pas. On fait 8 kilomètres à pied pour aller à Bron où nous sommes casernés dans le fort. Le 30, revue par le Cdt Berger de la mission. Discours du commandant, la Sibérie, châtiments corporels à ceux qui feront la forte tête, puisque la prison n’a aucun effet sur les soldats français.

Une permission avant de partir en Russie :

Le 2 février, nous partons en permission jusqu’au 13 à Paris. Du 14 février au 31 mars, nous sommes enfermés dans le fort de Bron, revue sur revue, ennuyés jusqu’à la gauche, exercices, habillements, montage de sacs de toutes formes possibles, quelle barbe !

Départ pour un grand voyage :

Le 21 mars, nous quittons le fort de Bron puis, en tracteur, nous allons à la gare de Perrache à Lyon pour embarquer. Le 22, arrivée à Paris-Bercy à 7h30 où nous restons en gare jusqu’à 13h30. Puis nous allons à la gare de Lyon par la ceinture où on nous enferme au foyer des soldats. Je réussis malgré l’active surveillance à me faufiler et à prendre un taxi qui me mène chez nous où je ne trouve personne. Grande désillusion. Puis, comme je me décidais à partir, je vois mes parents. Quelle joie. Mais aussi quelle tristesse, c’est le départ, quand les reverrai-je ? Je ne sais pas !!! Ils viennent m’accompagner à la gare du Nord, nous partons à 19h30 et arrivons le 23 mars à Boulogne- sur-Mer à 7h30.

Embarqué à Boulogne-sur-Mer :

On nous conduit au château (moyen-âge) où nous déjeunons et à 15h nous embarquons à bord du vapeur anglais "Ouvrard" qui part à 15h45, escorté de plusieurs torpilleurs. Un bateau anglais saute sur une mine à 8 milles de nous. Nous arrivons à Folkestone à 17h20. Réception à "Rest Camp" où l’on nous sert un bon diner. Ce sont de charmantes miss qui gracieusement nous servent. On joue l’hymne anglais et la Marseillaise. Départ pour la gare à 21h30. Nous sommes étonnés de la façon mathématique de commander des anglais en comparaison du militarisme français. Les rues de Folkestone sont éclairées par des lampes bleues et vertes à cause des Zeppelins. On nous donne des wagons salon d’excursion. Cela surprend nos officiers. Plusieurs leçons leur sont données, mais cela ne leur profitera pas. A 5 h arrêt d'une heure à Crewe. On nous distribue des sandwichs, pâtisseries et thé. Nous avons traversé Londres sans arrêts. Nous arrivons à Liverpool à 6h30.

Embarquement à Liverpool pour la Russie :

Le 24 mars à 9h, déjeuner comme à Crewe. On nous paye un mois d’avance (37,50 francs au lieu de 240 francs qui étaient promis plus une prime de 200 francs). Nous embarquons à 16 heures sur le vapeur russe "Dvoinsk" (Ce bateau appartenait avant à l’Angleterre et faisait l’Amérique, aujourd’hui il fait France-Russie). 160 m de long, 15 m de large, 16 nœuds, 1400 tonnes. Nous sommes placés dans des cabines de seconde à 4 couchettes. A 18h, souper dans la salle à manger des 2ème classe, en 2 services, (potage, bouillie, beurre, confiture), nourriture russe, soupe à l’orge, café au lait, glands de chêne doux et orge. A 20h, on se couche fatigués par le voyage. Je dors bien. On ne sait pas quand on part. Le 25, on s’est éloigné des pontons, mais on est toujours dans le port sur la réserve. A 9h déjeuner, beurre, café au lait.

Le vapeur russe Dvoinsk :

Ce paquebot peut loger 700 personnes. Les cabines sont propres, éclairage électrique, fumoir. Dans la salle à manger, il y a un angle, une icône, petite image encadrée, on brûle devant une veilleuse symbolisant la religion orthodoxe. Il y a un piano. On doit se découvrir devant l’icône, donc à chaque fois que nous entrons dans la salle à manger, nous enlevons nos coiffures. On appelle à table par le son de la cloche. Le 26, nous sommes toujours au port.

Ses impressions sur les Anglais :

J’ai senti en mettant le pied sur le sol britannique cette froideur, ce calme absolu qui est le propre du caractère anglais. Mais en jetant un regard d’ensemble, on sent que cette froideur, ce calme cachent une parfaite organisation, que l’on est loin de trouver en France. Tout ici est mathématique, prévu, se fait en son temps. Tous les moyens modernes sont utilisés pour simplifier le travail et amoindrir la fatigue. Un ordre et une propreté exceptionnels y règnent. Toujours l’Anglais va droit au but. Les constructions, les rues sont sévères, droites. En général, ces gens là n’aiment pas les détours et je comprends que le Français cherche à les imiter. A chaque pas on rencontre des policemen, secs, durs, droits dans leur tenue irréprochable. L’Anglais a plus de liberté que le Français. Il est libre. Sa dignité d’homme est respectée. Ils considèrent les officiers comme des gens qui ont une responsabilité à assumer et qui sont payés pour cela. Ils ne se permettent pas comme chez nous d’humilier l’homme pour en faire un larbin. Un colonel anglais a donné une rude leçon à ce sujet à deux de nos officiers. Deux capitaines étaient installés dans un wagon salon bien à l’aise quand encore des hommes n’étaient pas casés. Ils refusent de descendre sous prétexte qu’ils sont officiers. Un colonel anglais leur ordonne de descendre. Alors ils appellent un de nos camarades, prenez donc ces bagages. Mais là l’officier fait filer notre ami et fait remarqué à nos deux capitaines qu’ils ont assez forts pour porter eux-mêmes leurs bagages. La municipalité de Liverpool avait préparé à l’hôtel de ville un banquet pour nous recevoir avant l’embarquement. Un officier anglais vers 15h ne trouva aucun officier français pour lui transmettre ses ordres à ce sujet car messieurs étaient en ville à se promener.

Le bateau quitte enfin le port de Liverpool :

Le 27 mars, toujours là au port. Temps superbe, tout est prêt pour le départ. Puis nous accostons à 11h15 le quai. A 15h, rassemblement sur le port pour nous montrer nos chaloupes de sauvetage respectives. J’ai la n °12. Puis on nous distribue une ceinture de sauvetage en liège et un pneumatique. A 17h nous quittons le quai et virons de bord. Le 28 à 11h30, nous quittons le port et prenons le large. Nous voyons la plage de Liverpool qui est très grande. A 12h30 sur ordre de signaux, nous rentrons au port. Ce serait pour déjouer la surveillance des sous-marins boches. Le 29 à 12h45, on lève l’ancre escorté d’un contre-torpilleur. Nous prenons la mer par un temps superbe (mer d’Irlande). A 14h, un grain de mer se produit, nous sommes un peu secoués. On se met à table, tout va bien, je me sens un peu la tête lourde. A 19h30 l’électricité s’éteint, nous marchons feu éteint. Je me couche, la nuit est bonne. Nous suivons les côtes, on double l’Irlande, on passe le canal du Nord qui est très dangereux.

Ils longent les côtes écossaises :

Le 30, beaucoup sont debout pour voir les côtes découpées et couvertes de neige de l’Ecosse. Le paysage est merveilleux. Nous sommes dans le détroit de Mull. La mer est encaissée entre l’Ecosse et les îles. Nous laissons à droite le canal Calédonien. Nous ne sommes plus escortés. Le long des côtes on voit quelques habitations, des montagnes couvertes de neige. A 15h nous atteignons le Sud des Hébrides que nous avons à notre gauche. La mer devient houleuse, à peine si on tient debout. Après le dîner je vais sur l’arrière pont à 21h. Nous sommes en vue d’un patrouilleur qui nous sert de guide dans ces passages très dangereux, toujours feux éteints. Puis un destroyer vient nous faire des signaux lumineux.

Des sous-marins en maraude :

Le 31, nous rentrons dans une baie vers 24h30 pour être à l’abri, car des sous-marins sont signalés. Nous sommes ancrés au nord-ouest extrême de l’Ecosse dans la baie du Cap Wrath. Dès 7h. Je suis sur le pont, il fait froid. Nous sommes entourés de montagnes couvertes de neige presque arides. Il y a un village qui s’appelle "Hoy" face à nous. A 12h30, nous quittons la baie pour prendre le large mais à peine avions-nous franchi la passe qu’un ordre nous est donné de rentrer (par signaux). Et à 14h30, nous sommes à la même place. On dit qu’hier trois bateaux ont été coulés par des sous-marins, et que ce matin les anglais auraient coulé 3 sous-marins. L’entrée de la baie est fermée par des filets à sous-marins attachés à des destroyers. 5 à 6 navires norvégiens sont dans la baie. On les dit suivis par les anglais comme ravitailleurs de sous-marins.

Ils quittent les côtes écossaises :

Le 1er avril à 12h45, nous quittons à nouveau la baie pour prendre la haute mer. A 18h, nous perdons de vue les Hébrides et nous tombons dans l’océan Atlantique. Nous sommes escortés par 2 contre-torpilleurs de haute mer. Les mouettes nous désertent et sont remplacées par des hirondelles de mer. La mer est houleuse. Nous voyons l’oiseau des tempêtes le pétrel  puis aussi des albatros. Je me rends sur le gaillard d’avant, mais les paquets de mer y sont trop fréquents, je vais à l’arrière. Le lendemain, nous continuons la route seuls. A 4h, l’escorte nous a laissé. Mer toujours bouleversée. Beaucoup sont malades et ne peuvent manger. D’ailleurs la nourriture ne nous semble pas bonne, c’est une nourriture bizarre, à la mode russe à bas d’orge et de blé, puis des soupes aux fruits, des harengs crus au vinaigre. A 10h, nous rencontrons un destroyer anglais qui nous demande nos pavillons. Nous sommes à la hauteur des îles Féroé que nous laissons derrière nous. A 16h30 nous continuons toujours la marche plein nord.

Le canon de bord tire :

Le 3 avril, le canonnier du bord essaye sa pièce (un anglais très rigolo) qui fonctionne très mal mais il arrive à 400 m à mettre un obus dans un tonneau. Il a déjà coulé 2 sous-marins dont un français par erreur. Beaucoup sont malades. On doit payer 1 schilling pour avoir une orange. Le 4 à 6h, je suis désigné pour la corvée de cuisine, nous lavons les couloirs puis nous essuyons la vaisselle. Le temps est superbe, clair mais froid. Un soleil pâle éclaire la mer qui est d’un bleu presque noir avec des vagues légères. Nous sommes depuis hier dans l’océan glacial du Nord. La mer y est plus douce que dans l’océan atlantique. Le tangage est presque nul. Le canon est masqué par une bâche tendue à l’arrière. Nous passons dans une zone neutre, nous obliquons légèrement vers l’est. Nous sommes au 73ème de latitude, les nuits sont très claires, il fait jour à 20 heures, le thermomètre accuse 8° au dessous de 0.

Dans le cercle polaire :

Le 5, un brouillard épais, mer un peu agitée, une couche de neige et de glace recouvre le navire et il tombe encore de la neige une bonne partie de la journée. Au fur et à mesure que nous allons vers l’est, nous dépassons les fuseaux horaires et nous sommes obligés d’avancer nos montres (1h environ par jour) déjà 2h. Le 6, nous approchons du but, mais nous sommes dans une zone très dangereuse et nous ne sommes pas escortés. Nous sommes maintenant dans le cercle polaire au nord du cap nord. Pour la 3 e fois nous avançons d’une heure nos montres. Il fait jour du matin 3h à 22h. Nous marchons direction sud-est. Je me promène sur le pont, il gèle ferme. Le ciel est gris et j’aperçois des blocs de glace flottants, ce sont des petits icebergs. A l’horizon passe un navire allant au nord. Temp -38°. Il y a sur le pont des soldats anglais qui viennent avec nous, mais ils sont beaucoup mieux habillés que nous, plus chaudement, bottes fourrées, grande canadienne ; meilleure nourriture, oranges gratuites.

La terre ferme en vue :

Le 7 avril à 4h, je vais sur le pont. Je vois la terre, nous rentrons dans la baie de Kola. Et à 5h, on jette l’ancre. Un grand soulagement se lit sur les visages, on chante et il nous tarde de mettre pied à terre ne serait-ce que pour quitter la cuisine du bord et ses boches, car en partie l’équipage compte des boches qui sont d’ailleurs mal vus du reste de l’équipage. Le temps est gris, il y a de la neige sur les collines environnantes. Quelques navires sont là. Nous attendons que les formalités soient remplies pour débarquer. La douane vient à bord. On donne des lettres à un bateau partant pour l’Angleterre. Le soleil se montre.

Visite des délégués du gouvernement provisoire :

Le 8, temps gris très froid, neige, grêlons. Nous sommes toujours amarrés dans la baie de Romanoff, à 20 km de Kola. Les officiers vont chasser le canard en barque. Le voyage est vraiment intéressant pour eux. On ne s’occupe pas de nous et je crains que cela dure. Le lendemain, beau temps, soleil, mais très froid. L’eau charrie des glaçons en quantité. On voit des phoques. Une corvée va à Romanoff pour nettoyer les wagons qui doivent nous emmener. Les officiers, eux, chassent et ne tuent rien. Ils sont emmenés par huit poilus qui rament. A 14h, après la visite de l’amirauté Russe des délégués du gouvernement provisoire de Russie viennent à bord du "Dvinsk" pour faire prêter serment de fidélité au personnel du navire. La réunion se fait dans la salle à manger que nous évacuons à cet effet. Et, après avoir lu un ordre du jour, le représentant du gouvernement demande et obtient un vote de confiance.

Déchargement des wagons :

Le 10, une corvée va encore à Romanoff charger les vivres. Le soir je pars avec une soixantaine de camarades pour embarquer les colis. Nous déchargeons et rechargeons toute la nuit des colis. Nous dormons un peu dans les wagons. Le matin, on finit le chargement. On ne touche pas à manger.

Départ vers la Laponie :

Le lendemain, les officiers arrivent par le remorqueur qui nous a amenés la veille, puis le reste. Enfin de la mission arrive aussi. Enfin, on nous donne vers 13h à manger du bœuf en conserve. On nous empêche de mettre la veste canadienne. Nos officiers sont couverts chaudement de fourrure ainsi que les anglais et les gens du pays (Lapons). A 15h30, nous montons en wagons à marchandise aménagés avec des planches. A 18h, nous partons à travers la Laponie, à travers la neige. Nous passons à Kola à 18h30, à Hymandra ? à 19h30. Je suis très fatigué.

Visite d'un wagon temple :

Le 12, j’ai bien dormi étant fatigué, ayant passé une nuit à travailler. Le train va lentement. Nous traversons des forêts de sapins sous la neige. La voie est toute nouvelle. Dans la gare d’Alexandrov, je visite un wagon temple, original en son genre, avec son pope, son autel entouré de lumières multicolores. On nous donne du pain noir. A 16h, arrêt de 3h à la station (Iadal). Les russes nous entourent et nous demandent à acheter des montres, couteaux, etc… Je vends une petite jumelle 23 roubles soit 40 francs. Nous passons à kandalaksha.

Les villages lapons :

Le 13, le 1er avril Russe. Nous ne touchons que du pain noir. Nous pouvons acheter du pain blanc à Botarskaïa. Nous voyons des traineaux trainés par des rênes ou des chevaux. La locomotive de notre train est chauffée au bois. Nous voyons des huttes de Lapons construites en bois et recouvertes de terre et aussi de neige. Mais en général, ce sont de coquettes maisons construites en bois d’un très joli aspect. Ces gens là travaillent bien le bois. Le costume de ces habitants est comique mais sale. On voit beaucoup de prisonniers autrichiens. Il y a de jolies femmes mais dans les jeunes. Les gens sont aimables et paraissent très doux. De 18h à 20h, arrêt à Kuzema, dans cette station, on se ravitaille en pain blanc.

Le train arrive à Arkhangelsk :

Le 14 avril, toujours à travers les forêts. A 6h45, arrêt à Kem. Il neige. Nous sommes à peine à hauteur d’Arkhangelsk. À 10h30, nous passons à (illisible) ville assez importante où il y a des maisons de pierres. Nous avons changé de wagon qui est plus mauvais. Le lendemain, la Pâques russe. A 8h30, nous nous arrêtons à (illisible). Je donne à une russe mon adresse, elle me donne la sienne. Dans chaque gare, on trouve de l'eau chaude. Les habitants nous donnent du pain, du gâteau. Là-bas les jeunes filles sont vêtues à la française. Le 16, nous sommes toujours à travers des forêts. Le temps est superbe, toujours neige et sapins. Nous voyons une jolie église à 12h30. Nous touchons des vivres, il y a moins de neige par ici. Nous approchons de Prétrograd

Arrivés à Pétrograd :

Le 17, à 1h, nous sommes réveillés en sursaut. On est arrivé à Pétrograd. Nous allons dîner au buffet, soupe au chou, viande, pain noir et thé ; eau et riz. On change de train, nous avons des wagons de 3ème classe avec couchettes en bois. Je sors la place de l'église où il y a une station. Sur les maisons, on voit la trace des balles de mitrailleuses tirées il y a quelques jours pendant les bagarres de la révolution. A 8h, on nous enferme dans le hall, on n’en ressort qu'à 13h30. A 14h, une revue du Commandant Berger. Des russes parlent avec nous de la révolution. A Pétrograd, il y a eu 4.000 tués. On ne voit plus un seul agent de l'ancienne police. Le tsar est gardé à vue dans son palais et il est au régime du soldat. A toutes les boutonnières, il y a le ruban rouge, même les jeunes filles portent l'insigne révolutionnaire. On nous offre des cigarettes. Beaucoup parlent français. L’avis des russes et que nous sommes trop tenus gardés comme des prisonniers, on nous prenait pour des bulgares. Des jeunes étudiants et autres volontaires sont chargés de la police. Je m'esquive un instant dans la ville, je la trouve sale, les boutiques répugnantes de crasse. Il y a du mouvement. Ville assez malpropre, les cochers mal habillés, on les prendrait pour des femmes, ils ont une couverture roulée en bourrelet autour de la ceinture. A 20h, nous partons au milieu des hourras.

Escale à Vitebst :

Le 18, beau soleil, plus de neige. Nous sommes moins secoués, wagons plus confortables, je suis au 2ème étage. Le terrain est cultivé, les bois sont plus rares, c'est la plaine. Mais beaucoup de marais. A 14h nous nous arrêtons à Duo où on nous sert un repas, pain noir, soupe de macaroni, bœuf bouilli froid immangeable. On sent que la misère règne en Russie. Nous apprenons qu'un navire, qui nous suivait à 2h derrière, a été coulé à l'entrée du port de Romanoff. A 20h30, nous descendons tous sur le quai et demandons à manger, on proteste en hurlant et on nous donne à manger. Cette manifestation nous a servi. Le 19 avril français ou 6 avril russe, à 8h pain blanc, beurre, thé. Temps humide, étangs, lacs, les habitations sont toujours en bois. A 13h45, nous arrivons à Vitebst, 150.000 habitants, où nous allons manger à la caserne. Nous allons reprendre le train. Un groupe de révolutionnaires nus acclame, un des leurs nous salue au nom de la Russie libre et débarrassée des oppressions. La foule est immense, on chante la Marseillaise, pousse des hurrahs, la musique l’entonne aussi. Les femmes nous épinglent des cocardes révolutionnaires, nous donnent leur adresse et nous envoient des baisers bonne impression de cette charmante foule.

Arrivée à Kiev :

Le 20 avril, nous filons toujours vers le sud, la nuit il pleut. Le lendemain à 0h45, nous descendons à Goth où nous mangeons la soupe aux choux, viande froide, sarrasin thé. A 12h30, le train passe sur un talus inondé par la fonte des neiges, de nombreuses maisons émergent de l'eau qui s'étend sur plusieurs kilomètres de largeur. A 17h, arrivée dans une gare où nous restons jusqu'à 19h. Enfin, nous voici arrivés à Kiev à 18h. Le 21, la journée était assez bonne mais pluvieuse. Le temps s'étant éclairci, j'ai pu avoir dès ce soir un aperçu de la ville. Il y a en face de l'hippodrome ou champ de course le fameux monastère du Labraha. La ville est propre et jolie, aussi grande et plus jolie que Lyon. Nous pensons y rester quelques jours. Nous sommes reçus par un comité révolutionnaire avec leurs drapeaux rouges et par un groupe de l'aviation russe avec toujours des drapeaux russes. Discours du commandant Berger où il nous représente dans une revue, le lendemain. Du 22 avril au 1er mai, visite d'un général russe, nous restons à Kiev. Je fais connaissance de française où je vais dîner le soir. Bien reçu partout.

La Marseillaise, chant révolutionnaire :

Le 1er mai à 7h du matin, le commandant berger nous fait un petit discours sur la Russie car aujourd'hui c'est le jour de la liberté pour la Russie. Il doit y avoir une grande manifestation révolutionnaire. Les russes font relâcher nos prisonniers et menacent de tuer nos officiers. Il nous demande d'aller manifester avec eux. Nous refusons car nous, français, nous nous ne sommes pas venus en Russie pour faire la révolution mais pour continuer la guerre, et il est triste de voir sur ce champ de course tous ses drapeaux rouges avec des inscriptions diverses mais presque toute relative à la paix. Fête-on en France aujourd'hui le 1er mai ? Non sans doute, car il faut que tous travaillent à la cause commune, à la fin de la guerre. Ici, au contraire, c'est la débâcle, tous ces soldats sont exaltés, ils désertent le front pour venir partager les terres et se les approprient. Les marins, eux, ont tués leurs officiers et ingénieurs, et maintenant ils n'osent plus sortir des ports, ne connaissent même plus leurs champs de mines. Ici, il est 10h, il se fait sur 3 tribunes des discours, chaque partie (juifs, soldats etc) parle à la foule et est acclamée par elle. Femmes, hommes, tout le monde crie, hurle, on sent un vent de révolte passer sur ces milliers de têtes. Deux de nos camarades montent haranguer le public, leur parlent de ce qu'est la république en France, on entend partout que la Marseillaise, c'est leur chant révolutionnaire. Le calendrier russe qui était de 13 jours en retard du nôtre est mis à la même date.

Les Français sont fêtés par les révolutionnaires :

Du 1er au 6 mai je me promène chaque jour dans la ville que je trouve très jolie. Le 6, grande manifestation officielle en notre honneur. Dès le matin des milliers de personnes viennent dans le champ de course avec des drapeaux français. Il y en a une cinquantaine. Cela fait bien plaisir de voir ses couleurs flotter au vent russe librement sans qu'il y ai parmi eux l'emblème du sang (en effet plus un drapeau rouge). Des quantités de soldats défilent devant nous au son de Marseillaise, drapeaux français déployés, 10.000 personnes nous acclame et nous crient vive la France. Là, ce sont des régiments qui défilent, là, ce sont des élèves officiers de l'école de guerre de Kiev, là, c’est des collégiens des écoles et gymnastes russes, puis des jeunes filles des écoles, des civils, des tchèques, des boy-scouts, des enfants. L'avenir de la Russie future. Et l'on sent malgré tout que la France ici est aimée. On nous jette des fleurs de tous côtés. On nous épingle des cocardes tricolores, on nous acclame, on porte notre commandant en triomphe, chaque groupe qui défile est venu dire sa sympathie dans des petits speechs bien sentis et doux au cœur français. Loin de la France, on l'aime et je subis la loi commune. Aujourd'hui mes pensées sont toutes pour la France, pour Paris, pour mes parents, que font-ils ? Pensent-ils à moi ? je ne puis en douter. J'ai reçu aujourd'hui une lettre de datée du 14 avril. Ce soir, mes pensées s'envolent comme un baiser d'adieu vers mes biens chers parents. Loin des yeux, près du cœur, est ma devise pour eux.

Leur bateau a été coulé :

Le 7 mai, nous apprenons que le "Dvinsk", ce bateau qui nous a amenés de Liverpool à Romanov, a été coulé par un sous-marin devant Arkangelsk. Seul, paraît-il, de tout l'équipage, le commandant est sauvé. Je vais comme tous les jours prendre ma leçon de russe chez une institutrice française, Jeannette Peccatte, jeune fille charmante qui ne sait quoi faire pour me faire plaisir à titre de compatriote. Je vais manger chez elle tous les jours. Le lendemain, le bruit est officiellement confirmé que le "Dvinsk" est coulé après nous avoir débarqués à 17 milles de Kola. Les sous-marins boches l'attendaient, et nous avec, mais par la bonne idée du commandant du bateau nous avions débarqué à Romanoff. En retournant à son port d'attache où ils devaient nous débarquer, il a coulé. Seul le commandant est sauf. Ce bâtiment aurait sauté aussitôt le torpillage. Cela se comprend car il avait à bord 300 tonnes d'explosifs.

Une pièce de théâtre est jouée en leur honneur :

Le 10, légère manifestation des juifs. Les autos-mitrailleuses voyagent dans la ville, des groupes discutent, çà et là. Le 13, une petite réception nous est faite par les jeunes gens des écoles. Représentations et lunch. Beau temps. Le 15, une pièce de théâtre est jouée en notre honneur. Pour l'apothéose de cette pièce, plusieurs français figurent aux côtés de soldats alliés sur la scène (anglais, belges, roumains, russes, italiens). Je fais cette semaine beaucoup de photos. Le 20, une manifestation révolutionnaire éclate dans les rues de Kiev. Des coups sont échangés. Ce n'est rien. Le 24, Albert Thomas, le ministre des munitions, est venu de France en mission diplomatique en Russie. Après plusieurs conférences dans les villes importantes de la Russie, il vient nous rendre visite et saluer ses compatriotes. Il nous passe en revue, puis nous fait un petit discours. Puis le soir, il va dans la salle des marchands faire une conférence politique très mordante.

Des combats dans Kiev :

Le 29, c'est aujourd'hui que tous les déserteurs russes doivent rentrer dans leur régiment. On a, depuis hier soir, arrêté 12.000 déserteurs dans Kiev et il y en a encore au moins autant. De nombreux officiers russes sont tués. les autos-mitrailleuses parcourent la ville, tirant sur les soldats. Echanges de coups de revolvers de tous côtés. Plusieurs tués dans Krèchiatik derrière la Douma. Des ambulances passent emmenant les blessés. Deux officiers sont tués devant moi, l'un à coups de sabre, et l'autre par un coup de revolver. La milice en armes parcourt la ville. Il est triste de voir ses agitations, ses mouvements révolutionnaires, ici, lorsqu'en France on se tue pour repousser le boche.

Un des pilotes est blessé :

Le 31 mai, quelques camarades partent pour le front. Notre tour ne va pas tarder maintenant. Il fait très très chaud, 28° à l'ombre. On reçoit des nouvelles d’un de nos meilleurs pilotes qui a fait une chute le 25 et qui va légèrement mieux. Il a un œil arraché et la tête en lambeaux. On l'avait tout d'abord cru mort. La chaleur est tellement forte que le bitume est ramolli et par endroits les clous marquent.

Une séparation déchirante :

Le 11 juin, aujourd'hui c'est le dernier jour que nous sommes à Kiev. Nous devons partir ce soir à 10h. Tous ces jours-ci, nous faisont des corvées d'embarquement assez fatigantes. J'ai reçu hier de ma marraine un fort colis de conserves pour mon départ. Aussi c'est avec un bagage de reconnaissance envers cette jeune fille que je pars sur le front. Je veux ne jamais l'oublier car elle fut extrêmement bonne pour moi pendant mon séjour à Kiev, faisant tout en son pouvoir me faire plaisir. Et c'est ce soir avec des larmes que je quitte, avec des baisers bien tristes, ma petite fée française dans cet immense pays. Comptez que je ne serai jamais ingrat et que ma reconnaissance pour vous sera éternelle. En ce soir ou vous échangeâtes avec moi votre bague, cet emblème des fiançailles. Je le garderais jalousement et il sera pour moi le gage d'un amour que je désire durable. Nous embarquons le matériel puis nous quittons le quartier de Pittersk ? Pour aller à Kiev - Marchandise jusqu'à 2h ce matin où nous partons à une bonne vitesse.

Deux avions ont été préparés :

Le 12, nous voyageons lentement. Le passage est très joli, beaucoup de verdure, des fleurs égaient les champs. Dans bien des endroits, les habitants nous prennent pour des autrichiens, malgré nos cocardes. Le lendemain, nous franchissons le soir la frontière autrichienne à Houssiatyn (Гусятин) à 20h45. La frontière n'est qu'une petite rivière bien humble pour déterminer la limite de 2 pays. Le 14, nous arrivons à Bursnef ? à midi puis nous allons à la station suivante où nous débarquons. Deux avions sont déjà prêts, car le parc et l'escadrille d'armée étant arrivés avant nous dans la nuit, ont travaillé pour mettre deux appareils à nous partager. L'aviateur Lachmann (escadrille 581) fait 2 jolis vols devant nous. Nous embarquons le matériel sur des camions, puis nous partons de la gare où reste le parc. Et nous faisons route vers le bois près duquel le champ d'aviation est préparé. A côté de l'escadrille anglaise, les routes sont très mauvaises, les maisons en ruines, ici tout sent la guerre. Nous passons la nuit à la belle étoile dans le bois. Le 15, installation du matériel, montage des tentes. Il fait très chaud.

Début de l'offensive :

Du 16 au 30 juin, nous faisons des quantités de photographies en vue de l'offensive. Ces 4 derniers jours, nous avons passé les nuits complètes. Je suis un peu fatigué. Plusieurs avions de chez nous démolis. Des aviateurs blessés, une saucisse russe démolie, deux avions boches abattus.

Departs des trains :

Le 1er juillet 1917, l'offensive commence d'après les données dans notre secteur, de nos photos. Trois lignes de tranchée sont prises. Le 19, nous apprenons que dans la nuit les autrichiens ont pris des tranchées russes. Le 20, les Autrichiens avancent, les Russes battent en retraite sur plusieurs points. Ordre de se tenir prêts à partir au moindre signal. Le 21 lendemain, ordre de se tenir prêt à toute éventualité. A 20 heures, on nous dit que nous partons à 22 heures. A 20h30, nous recevons l'ordre de partir avec la voiture photo tout de suite. Nous arrivons très tard dans la nuit à Jessierany) où nous couchons dans une caisse d'avion. Le long de la route, nous voyons des quantités de fuyards.

Une longue route sous la poussière :

Le 22 juillet, journée anxieuse où l’on charge le matériel sur les trains. A 6h du matin, départ du train du parc. Nous apprenons que (illisible) est en feu avec plusieurs villages. A 18h, départ précipité en camion auto par la route de (Bucchasse). Grandes difficultés pour passer avec les fuyards. Des files innombrables de petites charrettes à 2 chevaux tiennent la route. Nous voyageons une partie de la nuit. Nous arrêtons vers 1h du matin, dans un champ, où nous manquons de renverser la voiture laboratoire. On répare les pneus, puis nous dormons 2h. A 6h, le 23 juillet nous repartons. Traversons (Chercovv), jolie petite ville, comme (Bucchasse). Puis nous continuons toujours, en route nous écrasons plusieurs poulains. Nous voyons beaucoup de voitures à chevaux se renverser dans les fossés. Ils sont enragés pour passer à toute vitesse où il n’y a pas de place. Il y a de nos voitures qui restent en panne. Nous arrêtons le 23 à midi à un passage à niveau. Nous pouvons enfin nous laver. Nous sommes pleins de poussière, dégoutants, à ne pas prendre avec des pincettes. Nous passons la nuit dans une écurie.

Visite d'un avion géant à 4 moteurs :

Le 24, nous graissons la voiture et partons à 3h. Nous traversons (Huissiature), ville frontière, dont un seul quartier est démoli. Nous voyons des avions géants à 4 moteurs dont l’un peut tenir 16 personnes. On peut être debout dans la carlingue qui est fermée et vitrée. On se balade jusqu’au milieu de la queue et il y a une plateforme terrasse sur le plafond de la carlingue. Nous apprenons par les reconnaissances de nos avions que (Cherincovv) le pays où nous étions est pris et Monasteriska aussi. J’avais été plusieurs fois à ce pays à cheval, à motocyclette et auto, pour me faire arranger les dents. Nous arrêtons au bord d’un lac dans un petit village, mais n’ayant pas de de champ d’atterrissage, nous repartons au bout de 4 heures quelques kilomètres près d’une ville juive, Carmanistsa.

Visite d'une synagogue :

Le 25 juillet, nous passons ici la journée. Ce soir, comme hier soir, nous sommes descendus à la ville, que nous croyons plus jolie, en voyant les femmes bien habillées. Ce qui changeait avec les baréchmia pieds nus que nous voyons depuis plus d’un mois. Des maisons sordides, affreuses, que je renonce à décrire. Mais les femmes très propres et coquettes. Le 26, comme la veille, je descends à la ville. Je visite une synagogue. Le 27, le matin, nous partons à plusieurs rejoindre le train à Kroskornoff. Apprenons que (Tarno) est pris. Arrivons après une pause de deux heures à la gare où nous trouvons des belges, des anglais, et des roumains. Nous nous lavons, mangeons et faisons des corvées. Le soir, on se promène dans la ville gardée par des soldats du bataillon de la mort. Plusieurs coups de feu sont tirés. Ce sont en général des juifs qui habitent le pays. Seule la rue principale, où il y a le parc et le théâtre juif, est bien. Les cafés sont en grand nombre. Je vais me coucher dans le train.

Le train manque d'être incendié :

Le 28, nos camarades nous racontent que le train a bien manqué d’être fait prisonnier, d’ailleurs on était prêt à le brûler, comme on a brûlé 2 avions, 3 tentes, et bien autre chose. Les russes ne voulaient pas donner de locomotives. Nous restons en gare à travailler à du chargement d’avion sur les plateformes. Puis le soir je vais à Proskourof. Le 29 juillet, nous partons un peu plus loin sur une voie de garage.

Direction Jmerynka :

Le 30 juillet : vers le soir nous quittons la gare nous dirigeant vers Jmerynka. Le lendemain, nous arrivons vers 4h à Jmerynka. Puis à 5h, par erreur, on nous attache au train d’Odessa qui nous emmène malgré nos récriminations à 60 verses d’où nous devrions rester. A force de téléphoner, notre officier qui était resté avec beaucoup d’autres à la gare, arrive à nous faire décrocher. Puis à 9h on nous ramène à Jmerynka , où nous arrivons à 5h du matin. Le surlendemain, nous restons en dehors de la gare sur une voie de garage. Du 2 au 14 aout, nous restons en gare de Jmerynka , corvées, vie monotone.

Installation à Kamianets-Podilskyï :

Le 14 aout, nous quittons Jmerynka. Le parc va s’installer à Kamianets-Podilskyï. Le lendemain, nous sommes en gare, débarquons le matériel. Du 16 et 17, nous sommes toujours en gare. On ne s’occupe pas de nous. Nous sommes sans nourriture.

Rejoint les escadrilles :

Le 18, nous partons en camion auto jusqu’aux escadrilles. Nous traversons Kamianets-Podilskyï ville très pittoresque, assez grande, très jolie. Nous allons à deux kilomètres en cantonnement. La consigne est sévère, défense d’aller en ville. Nous faisons de la photographie aérienne. J’ai une gentille chambre, très propre, dans une maison abandonnée, reçois des lettres de France, suis très content. Cela fait bien plaisir de recevoir des parents que l’on aime des nouvelles, quoique bien vieilles.

L'alccol éthylique est détourné par les Russes :

Du 18 au 31 aout, au même endroit, je descends quelquefois en ville pour compléter le repas qui, à la section, est insuffisant et souvent immangeable. On apprend qu’un wagon chargé de colis de France, et dans lequel j’avais un colis, est perdu. Il a sans doute été escamoté comme un wagon contenant des fûts d’alcool éthylique pour l’insensibilité des plaies, et adressé de France à la mission sanitaire française à Kiev. Dans le parcours de ce wagon les russes ont senti l’alcool et ont bifurqué le wagon à Moscou. Et le soir on vendait de cet alcool dans les bars de la ville, ce qui eut pour résultat la mort par congestion de 327 personnes. Les journaux ont relaté ce fait sous le titre "Catastrophe de Moscou".

Riga tombe et Pétrograd est menacée :

Du 1er au 10 septembre. Riga est pris, Petrograd menacée, la banque d’état fuit à plusieurs milliers de verstes. Le général Commandant le 12ème corps est fait prisonnier par ordre de Kérensky (notre chef d’armée). Le général Kornilov voulant passer au gouvernement comme dictateur rencontre une forte résistance en Kérensky qui le fait arrêter avec son chef d’état-major et d’autres généraux. Les cosaques et ses armées marchent sur Petrograd pour renverser le gouvernement, mais en sont arrêtés à 36 verstes par les ponts et les voies de chemin de fer coupées. Plus de communication entre le front et Petrograd. Les habitants fuient la capitale. La Baltique est en grande partie occupée par les navires ennemis, la flotte russe ne compte plus. L’heure devient de plus en plus grave pour la Russie. Les troupes menacent de rentrer chez eux au 1er octobre en désertant le front. A Kiev, des plusieurs milliers de femmes assiègent la Douma, réclamant du pain et de l’argent. La famine va bientôt sévir sur la Russie. Tout est très cher, le rouble diminue de plus en plus, on se procure difficilement la nourriture journalière.

Menace sur la ville de Kamianets-Podilskyi :

Le 12 à Kamianets-Podilskyi, je descends assez souvent dans la ville qui est très pittoresque, elle est traversée par la rivière Smotrytch, un affluent du Dniestr, qui fait dans la ville un immense S. Trois parcs où l’on joue de la musique très souvent à 15 verstes des premières lignes. Le soir, les rues sont pleines de monde, en moyenne partie des juifs, car les russes ainsi que la colonie française sont partis à la dernière retraite. Dans cet endroit, on risque à la première avance d’être encerclés et rien à faire pour fuir. On est pris de tous côtés, et il n’y a qu’une route qui peut être barrée par l’ennemi. Ce soir le canon tonne très fort. Les troupes russes quittent le front devant Riga sur l’ordre de Kornilov pour aller renverser le gouvernement de Petrograd.

Débandade des troupes russes :

Du 12 au 30 septembre, des avions ennemis viennent lancer des bombes au-dessus de la ville. Le 30, on apprend que les boches attaquent, ce qui au premier abord semble drôle vu les fortifications qu’ils ont construit. Nous nous préparons en cas d’alerte, mais rien, cependant nous craignons, car nous avons vu les Russes reculer au nombre de 600.000 contre 2 divisions boches, 2 autrichiennes et 2 turques, soit 6 divisions. On nous avait promis des provisions. Avant de nous les donner, on nous les supprime. J’ai installé l’électricité dans ma chambre à 200 m du moteur. C’est la guerre. Presque tous les jours nous avons grande réunion dans ma chambre où nous discutons amicalement un tas de questions sociales.

Le Ltt Lahmann abat un avion :

1er au 7 octobre, nous apprenons que Georges Guynemer est tué après avoir abattu 70 avions. Un lieutenant de chez nous en abat un. Nous changeons de général. Quelques pilotes français vont jeter des invitations aux Alsaciens pour se rendre. Les Russes interprètent dans un mauvais sens ces prospectus et font du chambard. Nous avons été cambriolé, ou plutôt failli être cambriolé cette nuit, 8 octobre, par deux russes. Nous entendons du bruit, nous ne dormions pas, je me précipite avec un camarade révolver au poing et briquet de l’autre. Mon briquet au tournant d’une porte me fut soufflé et le type s’enfuit en vitesse. Ces gens là, on la manie de voler dans le sang. Le lieutenant Lachmann abat encore un avion boche ce qui fait depuis notre arrivée au front russe 4 avions et 1 saucisse abattus par nos pilotes.

Le démembrement de la mission Berger :

Du 9 au 26, nous sommes toujours au même endroit, presque pas de travail. Les boches bombardent une batterie près de nous avec du très gros calibre. Le général Tabouis est là, il enquête. Le 27, le Cdt Berger réunit les caporaux leur disant que malgré toutes les charges qui pèsent sur lui, il reste à la tête de la mission, mais que tous les capitaines rentrent en France, et beaucoup d’officiers. Il annonce le démembrement de la mission.

Premiers retours en FRance :

Le 30 octobre, quelques camarades, rentrant en France, partent aujourd’hui. Ils sont une cinquantaine. Ce sont les malades, les indésirables, et les inutiles. C’est le premier pas vers la dislocation de la mission Berger. Quelques-uns vont passer de l’escadrille de corps d’armée, à l’escadrille d’armée, les autres vont aller en Crimée, soit à Simferopol ou à Eupatoria, dans des écoles d’aviation. Je serais heureux de pouvoir passer l’hiver sur les bords de la mer noire. Là, le climat est beaucoup plus doux. Le 8 novembre, les nouvelles de Petrograd sont mauvaises. Notre Capitaine y part. La révolution recommence de plus belle. On ne sait pas grand-chose.

Répartition des personnels :

Le 11 novembre, les boches ont attaqué et pris un village devant nous, les russes lâchent le terrain facilement. Nous faisons depuis 2 jours les préparatifs de départ. Deux photographes vont avec l’armée et partent demain matin. Moi, je vais avec deux autres photographes en Crimée. Nous partons dans quelques jours. Trois avions Sopwith sont vendus aux russes. Si le temps le permet, quatre pilotes prendront demain matin l’air pour la Crimée en 2 étapes de 400 kilomètres. Le temps qui était pluvieux depuis 6 jours s’est remis au beau hier après-midi. J’ai reçu hier des lettres de France.

Mitraillage du terrain par un avion ennemi :

Le 18, nous allons sur l’ancien terrain de l’armée pour démonter un hangar Bessonneau. Un avion boche descend à 20 m sur le terrain du corps d’armée et mitraille les Bessonneau. Il fait deux fois ce manège là. Il devait savoir que l’escadrille de chasse était partie pour se risquer ainsi. Il a envoyé trois balles dans l’hélice d’un Sopwith. Nous sommes toujours là attendant le départ.

Offensive ennemie sur Kamianets :

Le 20, les boches attaquent. Ils veulent prendre Kamianets pour l’hiver. Nous attendons toujours. Le 25, je monte coucher à l’escadrille. Je suis malade. Deux jours plus tard, je pars à la gare, garder le train pendant le chargement. Le 28, je vais à l’hôpital. Le 30, hôpital. En visite. Je souffre de mon côté, car j’ai pris froid en montant la garde et en allant à la forêt.

Départ pour Proscouroff :

Le 1er décembre, des avions boches viennent sur la gare. Le 2, nous attendons toujours en gare le départ pour Simferopol. Nous attendons des ordres de départ. Le 3, enfin nous quittons Kamianets à 4h du matin. Le médecin souhaite me faire rentrer à l’hôpital, mais je crois qu’il n’y a rien de fait. Le lendemain, on me dit que je suis évacué sur Kiev, on me paye, je touche quelques effets chauds. Arrivé à Proscouroff , un lieutenant ayant perdu son chat à la gare de Kamianets prend une camionnette et part par la route rechercher son chat. Nous allons l’attendre ici, il fera 200 verstes aller retour pour un chat. Voilà comment on dépense de l’essence. Le 6, nous quittons Proscouroff. Le 7  décembre, arrivons à Jmerynka. Je suis évacué d’ici avec énormément de peine. J’arrive à prendre le train. Je me trouve mal étant trop malade pour porter mes bagages.

Arrivée à Kiev :

Arrivée à Kiev le 8 au matin. Je vais revoir ma petite Janette. Le 10 décembre, je rentre à l’hôpital. Le 11, je reçois une lettre et un colis de Janette. Le 25 décembre, Noël nous rappelle de doux souvenirs. Nous réveillonnons ensemble, Alice, Janette, Lulu, Dubrouillet et moi. Cette soirée restera gravée longtemps dans mon souvenir. Le 26, un peu fatigué, je me sens heureux de vivre dans cette atmosphère d’affection, et d’intimes joies amoureuses près d’un cœur, qui, d’amour, ne bat que pour moi.

L'année 1918 :

Le 1er janvier 1918, nous passons la nuit à faire un bon petit repas, mangeons des gâteaux et boire du vin Porto. Soirée très agréable. Le 6 janvier, le Noël russe. Aujourd’hui c’est notre véritable réveillon car Janette sera libre quelques jours. Nous allons en auto chercher une dinde dans un restaurant, près de la Douma. Passons une partie de la nuit à réveillonner gaiement. Le 12 janvier, c’est le 1er janvier russe. Nous re-fêtons encore une fois le 1er janvier, avec Lulu cette fois. Soirée aussi agréable que les autres mais plus gaie.

La révolution :

Le 29 janvier, la Révolution. Les bolchéviques attaquent l’arsenal dans la soirée. On se bat dans les rues de Kiev. Suis dans la chambre de Janette. Je suis très inquiet. Enfin elle rentre en Isvotchik . Elle le paye 20 roubles pour faire 350 m dans une zone dangereuse. Il y a le feu à Pechersk. Le 30, la ville est en état de siège. Des mitrailleuses et canons auto tirent de tous côtés et c’est impossible de sortir. Restons dans la chambre de Janette toute la journée. Je couche dans la chambre à côté. Lucien aussi. Le 31, les bolchéviques ont toujours l’arsenal. La lutte devient plus ardente, le canon ne cesse de sonner. Le Cdt Jourdan est tué d’une balle. On ne peut sortir. Nous allons avec Lucien au dépôt, près de l’arsenal, prenant avec beaucoup de difficultés un isvotchik pour ramener les affaires de Lucien. Nous mangeons chez la propriétaire.

Le 1er février, les Ukrainiens ont repris les postes télégraphiques. C’est un peu plus calme, mais le bataille n’en continue pas moins en ville. Pas d’eau, pas de lumière. Combien de temps cela va-t-il durer ? Impossible de sortir. Mangeons du pain d’avoine et de farine de poix. Le 2, la guerre civile continue à peu près dans chaque quartier. Le canon tire sans discontinuer. Il y a des quantités de victimes. Avec Lucien, nous allons à Liyski pour chercher de l’essence et des provisions. Des gens dont leurs domiciles sont en ruine viennent se réfugier dans notre maison où il n’y a que quelques obus de tombés. On tire dans un étage avec une mitrailleuse brisant tout, parce que l’on a mis un ruban au balcon du 3ème étage. Une jeune fille couche dans la chambre à Janette, et 5 personnes dans ma chambre. Mangeons du cachat et de la soupe au poisson.

Un train fou s'écrase en gare de Kiev :

Le 3 février, toujours pas d’eau, même vie de prison. Un train, venant sur Kiev, était en panne à 60 verstes. Un tovarich conducteur d’auto bolchévique se dit qu’il devait savoir conduire une locomotive et le voilà la lançant à toute vitesse, brûle toutes les stations. Impossible d’arrêter. Il arrive en gare de Kiev comme une trombe. Il tamponne un autre train, s’engouffre dans la gare pénétrant dans le bureau du chef de gare et s’abat après avoir tout démoli. Ce train était bondé de monde. Une grande quantité de victimes ! C’est la liberté !!! Nous sortons, mais bientôt obligés de rentrer malgré nous. Un autre chauffeur mécano d’avion se dit aussi qu’il doit savoir conduire un avion. Il invite un ami et les voilà partis dans un avion. Ils quittent le sol en faisant mille embardées, essayant d’atterrir sans couper l’allumage, rebondissant en l’air, fait un tour en chavirant de tous côtés et enfin revient à terre en pleine vitesse et capotant. L’un d’eux grièvement blessé et l’autre s’enfuit à toutes jambes comme un fou.

Les Ukrainiens reprennent l'arsenal :

Le nuit du 3, cette nuit les Ukrainiens ont repris l’arsenal, les bolchéviques repassent le Dniepre. Je vais au dépôt avec Lucien, le combat continue sur la gare, le canon tonne. Des chevaux sont tués dans les rues, les chiens les mangent. Spectacle horrible. Les maisons en ruines, les fils téléphoniques jonchant le sol, des cadavres gisant un peu partout. Certains, les cervelles sur le trottoir parmi la neige. Des trous d’obus partout. Les rues sont dans un état lamentable, un vrai champ de bataille. Plus une vitre intacte, tout brisé, arbres, poteaux. Près du dépôt, de nombreux cadavres.

Reprise de la ville par les Rouges :

Le 4, le canon tonne toujours et de grosses pièces envoient des obus sur la ville. Les bolchéviques sont aux environs et contre-attaquent ferme. Plus les heures passent et plus le bombardement devient intense avec les grosses pièces. Le 5, les bolchéviques reprennent la gare et l’arsenal. De plus en plus fort. C’est une boucherie et un carnage féroce. Le 6, les bolchéviques prennent la ville. La canarde continue de plus en plus intense. La bataille fait rage toute la nuit. Le canon tonne sans arrêt. Le 7, l’après-midi, cela se calme un peu. Nous sortons. Nombreux incendies dans la ville. Pas d’eau, des quantités de cadavres. Les officiers sont en partie fusillés. Tous ceux qui sont pris avec la carte rouge ukrainienne sont fusillés sans autre forme de procès. Le 8, nous sommes en plein camp bolchévique. A 10h, ils perquisitionnent. Je cache mon revolver. Nous sortons, mais nous rentrons précipitamment. Avons fait des provisions malgré la grande difficulté à s’en procurer et à quel prix !!! Le 9, la vie reprend son cours à peu près normal. Le calme est presque rétabli sauf au parc Mariinsky où m’on fusille des quantités d’officiers.

Entrevue avec le col Moutavieff, chef des bolchéviques :

Le 10 février, entrevue du général Tabouis et du colonel Mouravieff, chef des troupes bolchéviques. Notre situation à nous français est incertaine. On s’attend à partir. Les bolchéviques répondent vouloir continuer la guerre contre les boches et surtout contre le capitalisme. Nous avons peut-être plus intérêt d’être avec eux plutôt qu’avec les Ukrainiens qui seraient sur le point de signer la paix. Le 15, les perquisitions continuent, on fusille toujours les officiers. D’après un télégramme, la paix serait signée entre la Russie et l’Autriche. On compte 7.000 victimes de cette révolution à Kiev, enterrées au parc Mariinsky.

Préparation du départ des Français :

Le 17 février, en raison des évènements très tendus entre France et Bolchéviques, on prépare le départ immédiat des missions françaises. On me rend mon autorisation de mariage signée du général Tabouis. Le 20, les Autrichiens avancent librement vers Kiev. Ils sont à Proscouroff. Il est temps de filer. Il tombe de la neige. Je fais des démarches auprès du consul pour faire partir Janette et Alice. Le 21, je vais au dépôt, la neige tombe. Des traineaux déménagent le dépôt, vivres et effets. Le 22, départ à midi. Je suis à peu près certain que Janette partira. Les sanitaires et l’aviation forment un seul train. Je suis très triste.

Les Français quittent Kiev :

Le 23 février, nous quittons Kiev à midi. Il neige. Nous allons lentement, nous arrêtons souvent pour laisser passer des camions de bolchéviques fuyant l’Ukraine. On doit graisser le patte et le gosier du mécanicien pour partir à Moscou. Vaste plaine, régions boisées. Le 26, assez belle journée. Soleil éclatant sur la neige. A 16h, on aperçoit au loin Moscou. A 16h, en gare de Briansky. Le 27, il neige, nous sommes garés. De tristes bruits nous arrivent de Kiev. Je crains que Janette n’ai pu partir. Hier, des Français sont arrivés. Je suis de planton en ville chez le régulateur d’artillerie lourde. Je visite un peu la ville, surtout en tramways qui sont en grand nombre et vont vite. Le sol est très glissant. En rentrant de mon service, on m’annonce que Janette est arrivée. Je ne sais où les trouver, je rage et me fais du mauvais sang. Le train change de gare. Nous arrivons à 1h1/2 du matin en gare de Yaroslavsky-Vokzal. Là Lucien me renseigne. Elles sont venues en wagons à bestiaux avec des tovaritchs. Voyage très pénible pour des femmes.

Réorganisation des trains :

Le 28, toujours garés. Vais en ville retrouver Janette. Le train se réforme comprenant toute l’aviation, et un 2ème train avec les sanitaires. On ne connait pas la direction que nous prendrons. Le 3 mars, les préparatifs continuent. On va chercher un pain de campagne. Installé dans le train, je visite le Kremlin. Janette vient avec moi à la gare. Je la quitte dans les larmes. Le train part à 11h30, mais il s’arrête à 3 verstes de la gare. Le 4, les ordres sont de passer par Kola. Les Bolchéviques, qui sont avec nous, ne veulent pas nous laisser aller par le nord, prétendant nous diriger sur Vladivostok. J’ai la permission de descendre en ville. Je ne trouve pas Janette chez elle. Quelle désillusion ! Enfin elle rentre. Je retourne avec elle à la gare. Elle reste avec moi jusqu’à 6h. Il fait froid. Je la quitte bien tristement. Enfin, j’ai pu passer 5 jours avec elle. Nous venons de nous coucher. Nous sommes réveillés. Il y a le feu dans un wagon de première. Les secours s’organisent, les locomotives apportent l’eau. Nous sauvons ce que l’on peut. Pas de blessés. Janette me parlait l’après-midi d’un incendie probable. Nous partons à minuit ½. Marchons assez bien.

Lecture d'une lettre du Commissaire de la République Française en Ukraine :

On nous lit une lettre de Tabouis, qui suit : "Au moment où nous allons quitter la Russie pour rentrer en France, j’estime de mon devoir de m’adresser à tous et de leur signaler un seul danger pour notre patrie : le pessimisme et le colportage de fausses nouvelles. Il ne faut jamais déguiser la vérité, mais encore faut il distinguer la vérité de l’erreur. Je connais la Russie depuis longtemps. De plus, voilà 15 mois que j’y suis au contact de toutes les classes sociales. J’ai vécu au front la vie des tranchées avec les soldats. J’ai vécu dans les villages la vie des paysans. J’ai vécu dans les villes la vie des classes riches. Enfin, comme Commissaire de la république Française en Ukraine, j’ai pénétré dans les milieux socialistes. J’ai vécu des relations avec les Bolchéviques. Je peux donc m’estimer bon juge sur la question russe. Que ceux qui n’ont vu qu’une partie de cette société russe si diverse se méfient de leur jugement. Un soldat russe n’est pas un paysan, un bourgeois n’est pas un noble, un juif n’est pas un chrétien, un orthodoxe n’est pas un catholique, un monarchiste n’est pas un socialiste. Cela dit, voici ce que je pense.

La Russie traverse une des crises les plus violentes qu’un peuple puisse traverser. La société, dont la forme était l’Empire et la centralisation, est tombée dans l’anarchie au sens le plus exact du mot. Personne ne dirige ni ne commande. Il n’y a donc plus de société, il y a des hommes juxtaposés. La Russie est un rêveur qui n’a aucun sens des réalités. Il ne hait pas le désordre. Nous avons vu des jouisseurs sans patriotisme privés de ce qu’on appelle l’honneur national. Nous avons vu insulter des morts. Nous avons vu des masses, des hordes sauvages. Nous avons vus des soldats fuir en tuant leurs officiers. Tout ce qu’on peut imaginer d’horreur, nous l’avons vu. Mais cela n’est pas la Russie. C’est le déchainement d’une foule inculte à la suite de quelques meneurs idéologues et démagogues qui ont rompu les digues que la civilisation est parvenu à grand peine à imposer à la sauvagerie humaine. Lisez le livre de Gustave Lebon "La révolution française et la psychologie des révolutions".

La Russie est un immense pays d’une richesse incomparable. Son peuple est bon et serviable. Il est paresseux mais on peut facilement le contraindre au travail. Il est inculte mais curieux de savoir. Le patriotisme s’est écroulé tout d’un coup semble-t-il comme tout ce qui faisait l’immense échafaudage au sommet duquel rayonnait le tsar. Mais en son cœur la Russie aime son pays, aime ses traditions, aime ses icônes, et ses isbas, ses églises et ses souvenirs historiques.

Ces gens qui fuient, je les ai vu se battre comme aucun de nous. Ces anti-tsaristes, ces anti religieux, je les ai entendu chanter mais pas seulement des lèvres. Je les ai vu se signer avec une dévotion réelle. Je sais qu’il y a des foules de russes qui souffrent de la pire des souffrances, la honte, qui aime leur patrie, qui la veulent grande, qui ont de l'énergie, qui sont prêts au suprême sacrifice. Une vague de folie, de veulerie a déferlé balayant tout. Mais il y a des hommes, il y a des femmes qui ont surnagé, il y en a qui ne veulent pas périr, qui ne veulent pas que la Russie meurt, qui ne veulent pas d’une Russie déshonorée. Et je pourrais vous citer des noms par centaines des gens de cette sorte qui sont venus me supplier de ne pas les tenir pour des traites à l’honneur. Je pourrais vous faire lire une lettre d’une femme, la plus splendide que l’on puisse lire.

Avant de rentrer en France, crachez votre dégout, vomissez tout ce qui vous pèse à vous comme à moi, mais au pays cachez ce dégout et ne vous faites pas colporteur de nouvelles lamentables. Croyez à ma confiance, croyez que la force du bien l’emporte sur le mal. N’abaissez pas le moral des français en dépeignant celui des russes. Ne maudissez pas cette terre que nous quittons. Le geste serait laid, il ne serait pas digne d’un français. Moscou, le 3 mars 1918, le Général Tabouis.

Arrivée à Petrozavodsk :

Le 7 mars, nous passons à Vologda où nous devions arrêter. On ne voit toujours que des plaines de neige et de bois. Le 9, arrivons à Petrozavodsk où le général Niessel nous passe en revue et nous dit que 180 divisions allemandes sont massées sur le front français et qu’il nous envoie par le 1er bateau pour pouvoir aller faire du bon travail en France. Le soir, le général vient nous dire au revoir dans les wagons. Il me produit l’effet d’un chef très énergique. Nous côtoyons le lac Onega qui est très long. On nous rame de Winchester et de mitrailleuses, car nous allons traverser une zone très dangereuse. Nous craignons d’être attaqués par des bandits menés par les boches. Le 10, on a partagé le train en deux et nous attendons dans les gares l’autre train pour manger. Dans cette attente, beaucoup de camarades font du commerce avec les russes. Le 12 au soir, arrivons à Kandalakcha où nous passons la nuit. Là nous retrouvons des artilleurs, un train de civils français, puis un d’italiens, et des russes revenant de France. Ils sont là depuis plusieurs jours à cause d’un déraillement sur la voie à 30 verstes d’ici. Il fait très froid. Le 13, on nous rassemble pour lire le rapport. Je suis de garde. Nous traversons une rivière. Nous voyons de jolis paysages de neige, d’arbres et de montagnes lointaines, traineaux tirés par des rennes. Le soir nous stoppons brusquement. C’est un traineau que la locomotive a écrasé. Le cheval à l’approche du train s’étant emballé, mais vite rattrapé par la loco, il est passé sous les roues.

Arrivée à Mourmansk :

Le 15 mars, arrivée à Mourmansk et la Baie de Kola. Il fait froid. Neige. Le 19 au soir, arrivée de Janette et d’Alice. Embarquement, le 20 mars. Je redescends à terre les 21 et 22. On quitte le port le 22 mars sur "l’Hunstend" à 4 h ½.

Leur navire quitte la Russie :

Le 22 mars 1918, quittons le port. Nous sommes tous joyeux de quitter le sol russe. Cependant je le quitte, moi, sans grande joie. Nous sommes 3.000 personnes à bord, et s’il y a un torpillage à craindre, nous avons tous des chances de ne pas être sauvés. Nous sommes à fond de cale dans des hamacs, 2ème cale. Il y a à bord des tchèques, des polonais et des anglais. Nous ne quittons la baie qu’à 5h1/2. On nous joue la Marseillaise sur le bateau anglais en passant. Le 25, nous sommes toujours en pleine mer. Avons fait exercice d’embarquement. Nous prenons les vigies. Beaucoup de malades. Le 26, deux contre-torpilleurs de haute mer viennent à notre rencontre. Nous croisons un paquebot. Nous apprenons un communiqué affreux. Le 27, on nous lit le communiqué suivant : 70 divisions allemandes ont attaqué en France le front anglais et avancé de 30 kms. Paris bombardé par avions. 800.000 hommes qui attaquent. Notre permission est bien compromise.

Arrivée à Newcastle :

Le 28 mars, arrivée le soir à Newcastle. Suis très étonné de voir autour du fort qui commande le port de la verdure. Des gens nous acclament. Le 29, départ de Newcastle. J’ai un peu visité la ville. Partons à 7h du soir. Le 30, arrivons au Havre sur le "Cesaera". Défilons en ville. Je visite la ville et couche dans une bonne chambre après un bon diner. Le 1er avril, on quitte le Havre 9h du soir. Le 3, arrivée le matin 10h à Bordeaux. Du 3 au 9 avril : je visite la ville. On nous déshabille. Le 10, arrive à Paris Orsay. Reçois un télégramme de Janette arrivée au Havre. Le 11, fais achats. Il tombe des obus sur Paris. Le 13, les Gothas viennent le soir.

Affecté au CIAO de Sommesous :

Affecté, comme photographe, au centre d'instruction pour les élèves observateurs en avion de Sommesous (Marne), le 7 avril 1918. Il est affecté au 2ème groupe d'aviation, le 14 mai 1918. Il rentré à Lyon-Bron, après une période de convalescence, le 25 septembre 1918. Il est maintenu "Service auxiliaire" pour inaptitude définitive par la commission de réforme, le 28 octobre 1918. Il est envoyé au 1er groupe d'aviation de Dijon-Longvic, le 30 octobre 1918. Il est maintenu "Service auxiliaire", déclaré inapte définitif à servir aux armées pour rudesse respiratoire très marquée des sommets sans bruit adventice (poumons) et état général médiocre par la commission de réforme de Chartres, le 4 novembre 1918. Il est démobilisé, le 18 avril 1919.

Démobilisation :

Il s'installe au 35, rue Ville Pépin à St-Sevran (Ille-et-Vilaine), à compter du 19 avril 1919. Il est maintenu "Service Auxiliaire" avec pension temporaire de 20 % pour sclérose du sommet droit, sans signe de légion en évolution, par la commission de réforme de Rennes (Ille-et-Vilaine), le 2 juillet 1920.

Affecté au 34ème régiment d'aviation du Bourget-Dugny :

Il est affecté, dans la réserve, au 34ème régiment d'aviation, le 1er août 1920. Il s'installe au 7, rue d'Alembert à Montreuil-sous-Bois, à partir du 22 février 1923. Il passe, dans la réserve, à la 2ème section d'ouvriers d'aviation. Il déménage et s'installe villa Duthy à Paris 14ème, à compter du 19 janvier 1926. Il est affecté, dans la réserve, au 1er groupe d'ouvriers d'aéronautique. Il est domicilié à l'hôtel de l'Océan à Pornichet (Loire-Atlantique), à compter du 5 mai 1938. Il est affecté, dans la réserve, au bataillon de l'air n° 119, le 30 mars 1940. Il exerce la profession d'industriel et demeure au 2, avenue du Général Maistre à Paris 14ème.

Son décès à Paris :

Louis Julien Marie Dauphin est décédé au 7bis, villa Eugène Manuel à Paris 16ème, le 19 août 1967. Sa veuve, Jeanne Germaine Juliette, née Peccatte, est décédée au 96, rue Didot à Paris 14ème, le 29 octobre 1973. Elle demeurait au 2, avenue du Général Maistre à Paris 14ème.

Sources :

Registre d'état-civil (acte n° 701) de la ville de Chichy (Hauts-de-Seine) - Pam (2 fiches) - Fiche matricule du 2ème bureau de la Seine conservée aux archives départementales de Paris - Carnet de notes de Louis Dauphin - Registre des décès (acte n° 1049) de la mairie du 16ème arrondissement de Paris - Registre des décès (acte n° 3993) de la mairie du 14ème arrondissement de Paris - Dernière mise à jour : 1er octobre 2024.

Dernière mise à jour :

Le 4 novembre 2024.

 

Remerciements à :

- Mme Marie-Emmanuel Armengaud pour la communication des archives de Louis Dauphin, son grand-oncle.

Bibliographie :

- "Les escadrilles de l'aéronautique militaire française - Symbolique et histoire - 1912-1920"
- Ouvrage collectif publié par le SHAA de Vincennes en 2003.
- "The French Air Service War Chronology 1914-1918" par Frank W.Bailey et Christophe Cony publié par les éditions Grub Street en 2001.
- Le Journal Officiel de la République Française (JORF) mis en ligne sur le site "Gallica" de la Grande Bibliothèque de France.
- Carnets de Comptabilité en Campagne des escadrilles mis en ligne par le Site "Mémoire des Hommes."
- "Les "As" français de la Grande Guerre" en deux tomes par Daniel Porret publié par le SHAA en 1983.
- "Les Armées françaises dans la Grande Guerre" publié à partir de 1922 par le Ministère de la Guerre.
- Carnets de campagne écrits par Louis Dauphin - Carnet n° 1 pour la France, Carnet n° 2 pour la Russie.
- Site Internet "Mémoires des Hommes" du Ministère de la Défense - Voir le lien
- Site Internet " Pages 14-18 " de Joël Huret.

Si vous avez des documents écrits ou photographiques pouvant compléter les données de cette page, veuillez contacter l'auteur du site

Louis Dauphin Jerome Medeville

 

 

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