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MdL René Patay

Portrait du MdL René Patay, artilleur du 7ème régiment d'artillerie et pilote de l'escadrille SPA 26 du 13 juillet au 17 août 1918 - Photo Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

MdL René Marie Patay - Né le 5 janvier 1898 à Rennes (Ille-et-Vilaine) - Fils de Marie Casimir Auguste René Patay (médecin gynécologue-accoucheur à Rennes) et de Marguerite Bérard (artiste peintre) - Domiciliés au 22, quai Duguay-Trouin à Rennes (Ille-et-Vilaine) - Etudes primaires et secondaires au lycée de Rennes - Profession avant guerre Etudiant es Sciences - Classe 1918 - Recrutement de Rennes sous le matricule n° 1911 - Brancardier à la gare de Rennes, au sein des Hospitaliers Sauveteurs Bretons d'août à octobre 1914 - Engagé volontaire pour la durée de la guerre au titre du 7ème régiment d'artillerie de campagne, à compter du 13 juillet 1915 - Nommé Brigadier, le 19 mai 1916 - Nommé Maréchal des Logis, le 10 mars 1917 - Blessé au combat par éclats de grenade au dos et au bras droit au Mont Cornillet, le 27 mai 1917 - Citation n° 168 à l'ordre du 7ème régiment d'artillerie, le 28 mai 1917 - Soigné à l'ambulance du front de Paramé, le 28 mai 1917 - Evacué sur l'hôpital temporaire 7/8 de Clermont-Ferrand, le 4 juin 1917 - Citation n° 858 à l'ordre du 7ème régiment d'artillerie, en date du 5 juin 1917 - Transféré à l'hôpital auxiliaire Barrault Laurent, le 20 juin 1917 - Transféré à l'hôpital complémentaire n° 96 de St-Malo, le 1er août 1917 - Convalescence du 2 août au 14 septembre 1917 - Citation à l'ordre du 7ème régiment d'artillerie, le 6 juin 1917 - Passé à l'aéronautique militaire comme élève pilote, le 20 décembre 1917 - Brevet de pilote militaire n° 11.878 obtenu à l'école d'aviation militaire d'Istres-Miramas, le 4 mars 1918 - Stage de perfectionnement à l'école d'aviation militaire de Pau - Qualifié Nieuport, le 11 juin 1918 - Qualifié SPAD VII et XIII, le 22 juin 1918 - Stage de tir à l'école de tir aérien de Cazaux, jusqu'au 7 mai 1918 - Pilote de l'escadrille SPA 26 du 13 juillet au 17 août 1918 - Grièvement blessé par balle au cours d'un combat aérien, aux commandes du SPAD VII n° 3257, dans les environs de Roye-Lassigny, le 17 août 1918 - Posé dans les lignes allemandes et fait prisonnier - Son adversaire était probablement l'Uffz Vahldieck du Jasta 50 (sa 1ère victoire) - Donné comme décédé des suites de ses blessures par les Allemands (CICR) alors qu'il a survécu à la Grande Guerre - En captivité du 17 août 1918 au 22 janvier 1919 - Rapatrié en France, via les Pays-Bas, le 23 janvier 1919 - En traitement à l'hôpital militaire de Rennes, à compter du 27 janvier 1919 - Médaille Militaire, Croix de Guerre avec palme de bronze, deux étoiles et citation à l'ordre de l'armée, en date du 10 mai 1919 - Réformé définitivement par la commission de réforme de Rennes pour paralysie incomplète du membre inférieur gauche et paralysie complète des nerfs sciatiques internes et externes gauches, atrophie de 9 cm de la jambe, 5 cm à la cuisse, le 20 août 1919 - Renvoyé dans ses foyers, le 20 août 1919 - Passe son Bac Philo en septembre 1919 lors d'une "session spéciale des démobilisés" et commence un PCN court (pour les combattants démobilisés) à la Faculté des Sciences de Rennes, qui lui permet d'entrer en première année à l'Ecole de médecine de Rennes dès 1920 - Externe des hôpitaux en 1922 et ne pouvant, Grand Invalide de Guerre, assurer les obligations d'un interne, il termine ses études à Paris de 1923 à 1926 en suivant "le Grand cours" de l'Institut Pasteur dirigé par le Docteur Roux, dernier élève du grand Maître - Admis à pension de 1290 fr, à compter du 20 août 1923 - Devenu assistant à l'Institut Pasteur, spécialiste en bactériologie, il complète sa formation par l'anatomie pathologique, la parasitologie, l'hygiène (1925) - Réalise la liaison Paris-Rennes en aviron, soit 728 km en 12 jours en 1925 - Son coéquipier était André Lwoff, futur prix Nobel de Médecine (en 1966) - Marié avec Henriette Nelly Moreau en 1926 - Ils ont eu quatre enfants (Philippe, Claudie, Luc, Max) - Sa thèse de doctorat en médecine "Contribution à l'étude de la toxicité du bacille dysentérique Shiga et de ses applications" reçoit la mention "Très honorable" et lui donne le titre de "Lauréat de la Faculté de Médecine de Paris" en février 1927 - Alors qu'il aurait souhaité poursuivre une carrière à l'Institut Pasteur, le décès de son frère aîné, Camille, en 1922, d'une tuberculose consécutive à ses blessures de guerre (bras gauche arraché par un tir de Minenwerfer à Verdun) le pousse à revenir à Rennes auprès de ses parents, pour y créer le premier laboratoire d'analyse médicale en ville (jusqu'en 1950) - Président départemental de l'Union Nationale des Combattants (UNC) de 1928 à 1944 - Créateur de la première maison de retraite des anciens combattants (Le Plessis-Bardoult à Pléchâtel) - Sa pension d'invalidité est confirmée le 24 mars 1932 - Médaille d'Honneur bronze de l'Education Physique en 1932 - Chevalier de la Légion d'Honneur, en date du 13 décembre 1932 - Assistant de Zoologie (en parallèle au Labo d'analyses médicales) de la faculté des Sciences de Rennes de 1933 à 1945 - Licencié ès sciences à Rennes (zoologie générale, botanique générale, minéralogie) en 1935 - Docteur ès Sciences à Paris avec la thèse "Le développement embryonnaire du Doryphore" en 1939 - En 1939, il est mobilisé dans son poste de Bactériologiste à la Faculté des Sciences - Il anime les secours aux réfugiés, aux victimes des bombardements, aux veuves et orphelins de guerre, aux prisonniers et familles de prisonniers et devient président du Secours National pour l’Ille et Vilaine - Son action humanitaire est reconnue par le préfet qui lui demande d’assurer les fonctions de maire de Rennes du 9 juin au 3 août 1944 - Désigné à titre provisoire "Officier d'Etat Civil Militaire" (1940-1941), il a la très pénible mission d'exhumer et d'identifier les corps des 805 victimes militaires et civiles des bombardements allemands sur la gare de triage de la plaine de Baud (Rennes) du 17 juin 1940 - Est chargé d'effectuer des contrôles sanitaires (bactériologiques) chez les pensionnaires des maisons closes de Rennes - Chargé de la préparation aux concours de recrutement des futurs agrégés de Science naturelle de l'Education nationale (agrégation de Sciences naturelles) de 1944 à 1951 - Chef de Travaux de Zoologie de la faculté des Sciences de Rennes en 1946 - Chef de Travaux provisoire de Physiologie de l'école de Plein Exercice de Médecine et de Pharmacie de Rennes en 1946-1947 - Chargé des fonctions de Chef de Travaux en 1949 - Chargé du Service de la Chaire de Physiologie de 1949 à 1952 - Officier d'académie de l'instruction publique en 1949 - Agrégation de Physiologie en 1952 - Maître de Conférence-Agrégé des Facultés de Médecine (Physiologie) en 1953 - Confirmé lors de la transformation des "Ecoles de plein exercice" en "Ecoles Nationales de Médecine  et de Pharmacie" en 1955 - Nommé Professeur, titulaire de la Chaire de Physiologie de la Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie de Rennes de 1956 à 1970 - Officier de la Légion d'Honneur en 1966 - Professeur plein temps (classe exceptionnelle), Chaire de Physiologie, et Biologiste des Hopitaux au CHU de Rennes, Explorations fonctionnelles en 1967 - Commandeur d'académie de l'instruction publique en 1968 - Retraite avec "Honorariat" voté à l'unanimité du Conseil de Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie de Rennes, le 1er octobre 1969 - Séjours à l'école de Médecine d'Abidjan en janvier 1963, décembre 1963, novembre 1965 - Commandeur de l'Ordre National de Côte d'Ivoire en 1963 - Enseigne la Physiologie à l'école de médecine de Brest en 1967 et 1968 - Enseigne la Physiologie au Centre Régional d'Education Physique et du Sport (CREPS) de 1960 à 1969 - Décédé en son manoir de Bruz (35), le 15 avril 1995 - Ses cendres ont été placées dans la petite chapelle du Plessis-Bardoult - Cet établissement n'étant plus aux normes, il a été décidé de construire une nouvelle résidence" dénommée Père-Brottier - Les cendres de René Patay ont été transférées dans le parc de la nouvelle résidence, le 17 septembre 2011 - Sources : Pam - Fiche matricule département d'Ille-et-Vilaine - JORF - CICR - Bailey/Cony - Archives familiales Max Patay - Dernière mise à jour : 4 juillet 2016. Dernière mise à jour : 3 août 2016.

* Citation n° 168 à l'ordre du 7ème régiment d'artillerie, en date du 28 mai 1917 : "Sous-officier plein d'allant et de courage. A demandé à être envoyé comme agent de liaison auprès de l'infanterie avant son tour normal pendant les attaques du 11 mai 1917 et a envoyé au commandement de srenseignements très utiles."

* Citation n° 858 à l'ordre du 7ème régiment d'artillerie, en date du 5 juin 1917 : "Sous-officier de liaison auprès d'un bataillon d'infanterie se trouvant au moment de l'attaque du 21 mai 1917 en observation dans le 1ère ligne, n'a pu résister au plaisir de faire partie de l'attaque. S'est placé courageusement près du chef de section d'assaut et a chargé avec un allant admirable jusqu'à la tranchée ennemie aux abords de laquelle il fut blessé par grenade."

* Médaille Militaire, Croix de Guerre avec palme de bronze et citation n° 17.217 à l'ordre de l'armée du MdL René Marie Patay, au 7ème régiment d'artillerie, pilote à l'escadrille SPA 26, en date du 10 mai 1919 : "Pilote dont les qualités de bravoure et de sang-froid, n'ont d'égale que sa modestie. S'est révélé dans l'aviation pilote de chasse d'un cran magnifique. Le 17 août 1918, se portant à l'attaque d'avions ennemis supérieurs en nombre, qui assaillaient un des nôtres, a réussi à dégager celui-ci, mais très grièvement blessé dans l'affaire, est tombé, son avion désemparé, dans les lignes ennemies. Deux blessures antérieures. Deux citations."

Mémoires d'aviation
par René Patay

...Entre temps, Treluyer me conseille de demander à passer dans l'aviation, qui recrute ses pilotes, tous volontaires, particulièrement dans les milieux sportifs. Ma demande faite, je reprends l'instruction des bleus avec, en plus, des leçons d'éducation physique effectuées torse nu, même si il neige.
Fin décembre, étant un des sous-officiers les plus décorés du dépôt, je suis désigné pour escorter l'étendard du régiment au cours d'une prise d'armes. Las ! Je reçois l'ordre de rejoindre le camp de Longvic, près de Dijon, dans les délais les plus rapides.
C'est à regret que je cède ma place auprès de l'étendard, mais c'est le coeur battant que je prends le train pour Dijon.

Aviateur :

Longvic n'est, pour la plupart des candidats pilotes, qu'un centre de triage. J'y subis une visite médicale assez sommaire et me fait photographier. Il gèle très dur et, chaque matin, nous avons de la peine à décoller nos souliers du plancher de la baraque. Le soir, nous allons à Dijon par une route verglacée en nous tenant par le bras ... si bien que si l'un de nous glisse, c'est toute la rangée qui s'étale.
Grâce à mes titres militaires et mes références sportives, je suis désigné pour l'Ecole d'Istres, section Nieuport, c'est à dire pour l'aviation de Chasse. Avec quelques camarades, nous prenons le train pour Miramas, dernière station avant Marseille. Malheureusement, notre train est bloqué par la neige à Valence. Dans l'impossibilité de rester dans le train non chauffé, nous partons en ville où l'on circule dans des tranchées creusées dans la neige. Guidés par Ranson, nous allons là où nous savons trouver de la chaleur, à savoir les Maisons closes. il y en a toute une rue et nous les faisons toutes, les unes après les autres, nous contentant de boire des bocks et de blaguer les filles. Seul Ranson, retrouvant une "copine", monte dans sa chambre ... ce qui me vaudra mon portrait, comme je l'expliquerai plus loin.
La voie dégagée nous repartons le lendemain matin. Après un bref passage à Istres où volent des Caudrons G 3, nous rejoignons l'Ecole Nieuport à Miramas, sous un violent Mistral.

Portrait par Ranson :

Ranson est mon voisin de lit dans la grande baraque que nous occupons, ce qui explique pourquoi, trois jours après notre arrivée, je l'entend geindre dans la nuit ...sa "copine" de Valence lui ayant passé des gonocoques. Il l'emprunte 20 francs pour acheter du Pageol, remède en vogue à l'époque. Il me promet alors de faire mon portrait car il est dessinateur de modes ... et aussi proxénète. Ce portait que j'ai devant les yeux au Manoir, il ne le fera, sur mon insistance, que la nuit qui précédera mon départ, brevet obtenu, à la lueur d'une lampe faite avec une boîte de conserve, une douille de cartouche et une mèche de drap trempant dans l'essence prise au carburateur d'un "zinc".
Durant notre séjour à Miramas nous formons un groupe d'inséparables avec Ranson, Simien, fils d'un "Soyeux" de Lyon, Duliot, fils de quincailler à Avranches, Labatut, Petitjean et moi. J'étais le plus grand, mais aussi le plus jeune, d'où mon surnom de "gosse".

Ecolage à Miramas :

Le 2 janvier nous commençons nos classes sur "Pingouins". Ce sont de vieux Blériots à moteur Anzani trois cylindres en Y (celui de la traversée de la Manche) dont les ailes ont été rognées. Nous y apprenons à rouler en ligne droite, ce qui n'est pas si facile car, si l'on ne réagit pas immédiatement par un coup de palonnier, le moindre choc sur une roue embarque l'appareil dans une rotation dite "du cheval de bois" qui se termine très vite en pylône, le nez par terre, hélice cassée, queue dressée vers le ciel ! Fort heureusement cela ne m'arrive pas et, après une courte interruption due au Mistral, je passe sur Nieuport 28 (mètres) avec lequel je décolle pour la première fois. J'appréhendais ce moment, me demandant quelle impression je ressentirais. En fait je n'en éprouve aucune ne me rendant compte que je suis en l'air qu'en passant au dessus des cyprès du bout de piste. Du 28 mètres je passe vite au 23 mètres avec d'abord comme moniteur Godefroy, qui après la guerre passera en Nieuport sous l'Arc de Triomphe, puis avec Cellier d'Arnault, retour d'escadrille après une grosse blessure crânienne qui lui fait pardonner ses excentricités. Un jour, me laissant les commandes pour descendre en vol plané, il se dresse pour battre la mesure sur le capot en chantant à pleine voix le grand air de l'Arlésienne, sans doute en l'honneur de sa maîtresse, fille magnifique qui tient, en costume, la bibliothèque de la gare de Miramas.
Une autre fois, voyant le capitaine chef de piste au milieu du terrain il prend les commandes et pique sur lui en criant "Je te tue, salaud", pour remettre la gomme et passer juste au dessus du type affolé. J'admire sa maîtrise le jour où une tige de soupape cassée découpe proprement le capot (moteur Rhône rotatif) qui casse l'hélice. Reprenant les commandes Sellier parvient à poser l'appareil au ras d'un canal d'irrigation !
Nous volons assez peu, attendant notre tour assis par terre au milieu de la piste. Nous faisons de 2 à 5 tours de piste de 10 minutes par jour. Si il y a du Mistral (3 jours de vent suivis de 3 jours de pluie), on nous occupe à nettoyer les zincs ou à des cours théoriques, puis on nous donne congé. Notre joie est alors d'aller à la gare de Miramas à l'arrivée du train de Paris et d'occuper toutes les places de la diligence qui fait le service de Salon. Le cocher démarre au nez des voyageurs furieux. A Salon, nous allons dans un vrai petit théâtre où, du Poulailler, nous avons l'impression de plonger dans un puits. Le dimanche nous allons déjeuner au buffet de la gare de Miramas ou à Saint Chamas, au bord de l'étang de Berre.
Après 99 tours de piste et 9 heures de double commande je suis "lâché". Ce n'est qu'à partir de ce moment où je vole seul que je ressens le plus de plaisir. Etant au "perfectionnement" je peux voler plus longtemps et plus haut, jusqu'aux Alpilles où je retrouve tous les coins cités dans "Les Lettres de mon moulin". Je multiplie les atterrissages, remettant "la sauce" après avoir roulé un peu.

Le MdL René Patay pose, en compagnie d'autres élèves pilotes, à l'école d'aviation militaire d'Istres - Il y a obtenu le brevet de pilote militaire n° 11.878, le 4 mars 1918 - Quatre aviateurs portent l'insigne d'élève-pilote - René Patay échangera son insigne d'élève-pilote avec celui de pilote breveté, le 6 mars 1918 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Photo René Patay, transmise par Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Les épreuves du brevet militaire :

Le 3 mars je commence les épreuves du brevet : d'abord deux vols à Saint Martin de Crau à 10 kms, puis une spirale que je termine par un virage en épingle à cheveux qui me vaut des félicitations mais que je n'ai fait que parce que sans cela j'aurai fait un atterrissage trop long. Quatre vols à Garons près de Nîmes, me permettent de survoler Arles et d'admirer ses arènes malgré les remous d'air qu'on ressent au dessus du Rhône.
La dernière épreuve consiste à voler une heure à 2000 mètres au dessus du terrain. Comme je m'embête à tourner en rond je continue à monter et atteins sans difficulté l'altitude de 3500 mètres. La descente parait interminable.
Le 6 mars j'échange mon insigne d'élève pilote à une aile pour celui de pilote à deux ailes que j'ai pu conserver. On me remet également mon carnet de vol que j'ai également gardé. J'y trouve une feuille portant comme appréciation : "Pilote régulier, précis, beaucoup d'allant, esprit très militaire".
Est-ce à cela que j'ai du plus tard d'être choisi pour le groupe des Cigognes ?

Licence de vol FAI n° 11.470 du MdL René Patay, émise le 24 septembre 1918 - Photo Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Stage de perfectionnement à Pau :

Après une permission de détente passée à Rennes, je rejoins Pau où je dois faire un stage à l'Ecole de combat de Pont-Long où subsiste encore le pylône permettant aux aéroplanes de l'Ecole Wright de décoller.
Pour aller à Pont-Long, il faut prendre un tortillard qui part d'une gare périphérique. Comme il n'y a qu'un train l'après-midi, je rentre dans un restaurant où de nombreux aviateurs prennent l'apéritif. La salle est décorée d'hélices et de photos de pilotes devenus des As.
A midi, le patron crie "à table" et tout le monde monte à l'entresol où se trouve la salle à manger. Dans un coin, une vieille dame très digne attend depuis midi qu'on veuille bien la servir. Elle s'en plaint au Patron qui, bien haut, dit "Rigadin, sers la vieille, elle rouspète". La pauvre ne s'était pas rendue compte que les civils...et surtout les vieilles dames...n'avaient rien à faire dans cet établissement.
Voler à Pau est un enchantement, d'abord du fait des appareils , 18m², 15m² et même 13m² (Bébé Nieuport, cher à l'As Navarre), dotés de ce moteur rotatif de 80 CV Rhône que nous avions déjà à Miramas. Ils ont ceci de particulier que les 9 cylindres, qui font "volant", sont disposés en étoile, l'hélice étant fixée sur le carter tandis que le villebrequin est fixé à l'appareil. Lorsque 'on coupe le moteur et que l'hélice se met "en croix", il suffit de piquer en remettant le contact pour que le moteur reparte.
A l'atterrissage on peut, en cabrant l'appareil et en donnant de petits coups de contact, poser l'appareil exactement où on veut. J'en fais la preuve le jour où, avant que je décolle, le chef de piste me crie "Atterrissage derrière les Bessoneaux/hangars. En décollant je vois que derrière ces hangars s'étale un beau champs d'ajoncs. Esclave de la consigne, je pose sans la moindre casse mon appareil sur ces plantes piquantes dont j'ai bien du mal à sortir ...et d'où il faudra 12 mécanos pour en retirer le Nieuport !
C'est également merveilleux de voler au petit matin lorsque le soleil levant éclaire la chaîne des Pyrénées.
Le 26 mars je vais à la piste de Haute Ecole où l'on doit m'apprendre à faire des renversements et des vrilles.
Comme dit le capitaine chef de piste, beaucoup de jeunes pilotes "ont le sphincter qui fait ventouse" sur le siège, particulièrement pour la vrille. Il est vrai que nous avons vu la veille un pilote se tuer pour n'avoir pas réussi à en sortir.
Pour se mettre en vrille, il suffit d'arrêter le moteur et de cabrer l'appareil pour le mettre en perte de vitesse, puis de croiser les commandes lorsqu'on retombe sur le nez. L'avion descend alors verticalement en pivotant sur son grand axe. Il est recommandé de ne pas regarder dehors car le paysage semblant tourner à toute vitesse autour de vous peut vous faire perdre tout contrôle. On regarde donc à ses pieds en comptant les tours. Au septième l'on remet toutes les commandes au milieu : l'appareil se met en vol plané et le moteur repart. La consigne est de se mettre en vrille à 1500 m mais beaucoup de jeunes pilotes (dont je suis !) préfèrent ajouter 500 m entre eux et le sol. Lorsque l'on sort de la vrille, on est gonflé à bloc et les renversements se font aisément en prenant de la vitesse en piquant légèrement puis en cabrant à la verticale. Un bon coup de palonnier et de manche à balai retournent alors l'appareil sur une aile et le font repartir dans la direction opposée.

Stage de tir à Cazaux :

De Pau, je suis envoyé à l'Ecole de tir aérien de Cazaux, installée au bord de l'étang de Biscarosse, en pleine forêt landaise. En dehors d'une piste sablonneuse pas très grande il n'y a, en cas de panne, que les pins et le lac !
En dehors des cours théoriques et pratiques sur la mitrailleuse, des tirs à la carabine sur bouées à partir d'un canot automobile rapide nous faisons diverses épreuves en Nieuport 15 m². Dans l'une l'avion porte un fusil de chasse à répétition sur le plan supérieur et, sur ses flancs, deux sacs contenant des ballons semblables à ceux distribués aux enfants dans les magasins. On doit, en l'air, les lâcher et tirer dessus ...mais ils vont en fait se crever sur l'empennage et personne n'a jamais pu les retrouver pour leur envoyer du plomb.
Une autre épreuve consiste à attaquer à la mitrailleuse des ballons captifs qu'on ramène ensuite au sol pour compter les trous. Chacun a droit à 2 ballons mais une de mes balles coupe le câble du premier, qui part à la dérive. Noté uniquement sur le second je bénéficie de l'entrainement sur le premier.
Enfin la dernière épreuve consiste à attaquer une manche de toile remorquée par un Caudron G 4. Certains pilotes se placent derrière la manche de sorte que les balles traceuses viennent encadrer l'avion remorqueur. A Cazaux tout le monde tire dans toutes les directions et c'est miracle qu'il n'y ait pas plus d'accidents. Pendant mon séjour, un stagiaire est tué dans un baraquement alors qu'il suivait un cours.
Quelques Américains sont avec nous mais manifestent une certaine méfiance quant à la solidité de nos avions. Le chef de piste, vieux pilote retour du front, me demande un jour de faire une démonstration de la solidité de nos Nieuports. Je fais alors toute la gamme des acrobaties apprises à Pau, vrille exceptée, au ras de la cime des pins. A l'atterrissage le chef de piste me prédit que je deviendrai un As ...ou que je me ferai descendre très tôt !

Le MdL René Patay pose aux commandes d'un Nieuport 24 codé "1" pendant son stage à l'école de perfectionnement au tir de Biscarrosse en avril-mai 1918 - Il a été qualifié sur avions Nieuport, le 11 juin 1918 - Le codage en gros chiffres est typique de cette école, annexe de l'école de tir aérien de Cazaux - Photo René Patay, transmise par Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Le MdL René Patay pose devant un Nieuport 23/24 ou 27 de l'école de perfectionnement au tir de Biscarrosse en avril / mai 1918 - Photo René Patay, transmise par Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Pilote du GDE :

Après une nouvelle permission, qui sera dernière, je rejoins le G.D.E. (Groupe des Divisions d'entraînement) qui constitue la réserve dans laquelle puisent les escadrilles. La division Nieuport-Spad est installée dans le village de Verinnes, pas loin de Soissons. Ce mois de mai 1918 est particulièrement chaud. Je vole nu sous ma combinaison de toile. Lorsque nous ne volons pas, nous restons allongés sous les plans d'un avion dont le moteur tournant au ralenti nous ventile agréablement, procédé pratique mais coûteux en carburant.
En venant atterrir un camarade heurte le clocher de l'église et tombe dans le jardin du curé dont nous sautons le mur pour le secourir. Son pare-brise l'a véritablement scalpé et son cuir chevelu retourné ne tient plus qu'à la nuque. Huit jours plus tard notre camarade revient avec une belle rangée de points de suture sur le front.
Fin mai, une grande offensive allemande oblige le GDE à se replier rapidement. Je suis désigné pour ramener un Nieuport aux environs de Chartres, mais au moment où j'allais partir le mécano qui doit lancer l'hélice s'aperçoit que le moteur ne tient que par quelques boulons. On me laisse donc avec le meccano et l'ordre de brûler l'avion si les Boches arrivent. En fait ce sont des escadrilles de chasse qui viennent prendre le terrain et je cohabite avec les pilotes durant quelques jours.
La réparation faite je décolle pour Prunay Le Gilon où s'est installée la division Nieuport du GDE.
Je n'ai de cartes que jusqu'à Paris que je survole à 900 mètres, un peu anxieux des réactions possibles de la DCA du camp retranché car mon Nieuport qui était destiné à la Russie porte les cocardes de notre ex allié.
Grâce à ses monuments fort reconnaissables d'en haut je me repère merveilleusement et si elle avait été avertie j'aurais très bien vu ma grand mère Toureng à son balcon de la rue Georges Sand.
De Paris à Chartres, malgré l'absence de carte, je me guide aisément grâce à la ligne de chemin de fer si souvent empruntée et des points de repère tels que Versailles et Saint Cyr. Je survole un étang qui voisine aujourd'hui avec l'autoroute lorsque j'aperçois la cathédrale de Chartres avec son toit tout vert degrisé. Virant au sud je trouve aisément Prunay le Gilon où je me pose comme un ancien.
Je suis logé dans une grande ferme où je suis d'abord mal accueilli...jusqu'au jour où la fermière pense que je pourrais faire un mari pour sa fille. Malheureusement, à 20 ans, je ne pense pas au conjugo et, tout à l'aviation, même pas à la bagatelle.
Lorsque je passe en gare de Chartres j'ai toujours une pensée pour un camarade qui est mort à l'hôpital visible derrière la cathédrale, victime d'un accident qui s'est produit sous mes yeux : j'arrive au terrain, bordé d'un champs de blé dont les épis sont lourds à cette époque. Voulant atterrir au as du terrain, ce vieux pilote retour de l'armée d'orient, frôle les épis et je vois son appareil capoter en l'air tandis que son pilote, qui a négligé d'attacher sa ceinture, est brutalement projeté sur le sol. Si il avait été attaché il en aurait été quitte pour se casser le nez sur son pare brise car l'appareil est presque intact.

Carte d'identité de pilote d'avion n° 9066 du MdL René Marie Patay, affecté au GDE (groupe des divisions d'entrainement) - Il est titulaire du brevet de pilote militaire n° 11.878 obtenu à l'école d'aviation militaire d'Istres, le 4 mars 1918 - Photo Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Division SPAD du GDE :

Le 22 juin je passe à la division SPAD installée à Sours. Le SPAD qui équipe maintenant toutes les escadrilles de chasse est nettement moins agréable à piloter que le Nieuport. Il plane comme "un fer à repasser" mais il est doté d'un moteur Hispano Suiza qui est une merveille.
En bordure de terrain existe un vieux moulin à vent en bois monté sur un pivot, qui fonctionne encore. J'invente aussitôt un jeu qui consiste à franchir le plan de rotation de ses ailes. Nous le faisons d'abord d'un bond, tant cette grande aile qui descend sur nous est impressionnante, mais nous nous rendons vite compte que nous avons largement le temps de passer.
Un jour un commandant offre une autre distraction : faire la manoeuvre contre l'incendie avec le matériel du patelin. J'ai la haute mission de tenir la lance...d'où il ne sort pas une goutte d'eau tant les tuyaux sont crevés.
A quelques jours de là je récolte 4 jours d'arrêt pour avoir manqué un cours sur le moteur, cours que je suis toujours assidûment. Ces arrêts consistant à rester dans sa chambre en dehors des heures de vol et des repas, je juge inutile de dire qu'il doit y avoir erreur. C'est donc dans ma piaule que l'on vient m'avertir que je suis désigné pour partir au prestigieux groupe des Cigognes.
Le magasin me fournit un grand sac de marin dans lequel j'entasse une combinaison fourrée, un casque de cuir que je ne porterai jamais car j'ai acheté un bon serre tête de cuir fourré et des lunettes Merowitch, du linge etc. Je suis habillé de neuf avec un pantalon de fantassin, des bandes molletières et une veste de poilu dotée de magnifiques "sardines" dorées. Je me promets de passer à Paris et d'arriver en escadrille dans cet accoutrement, quitte à remettre ma tenue de fantaisie avec mon pantalon noir d'artilleur à bandes rouges et une belle vareuse bleu horizon à vastes poches avec mon insigne de breveté pilote et ma croix de guerre, plus baudrier de cuir fauve. Cette veste est celle que je portais lorsque j'ai été blessé en combat aérien, et j'ai conservé la vareuse trouée des balles de mitrailleuse de Josef Veltjens (sa 31ème victoire !) et arrosée de mon sang.

Pilote de l'escadrille SPA 26 :

Je rejoins le groupe de combat n° 12 le 22 juillet 1918 et suis affecté à l'escadrille SPA 26. Le capitaine de Sevin, homme particulièrement fin et distingué, fidèle à son uniforme de chasseur à pied, me reçoit très amicalement. Il en sera de même de tous les officiers et sous-officiers. Seule le différence de solde oblige à faire deux popotes.
Le GC 12, ou Groupe des Cigognes (chacune de ses escadrilles a pour insigne une cigogne, différente à chaque fois) a largement contribué à arrêter la dernière offensive allemande par d'incessants mitraillages de troupes, et qui vient de participer à la contre offensive du général Gouraud, prélude à la victoire finale, doit quitter Trecon, au sud d'Epernay, pour un autre seceur où le GCG prépare une nouvelle offensive.
Le 25 juillet nous partons pour Hetomesnil, entre Amiens et Beauvais. Une fois encore je n'ai pas de cartes et reçois la consigne de suivre un vieux pilote, l'adjudant Naudin...qui me déclare avoir l'intention de faire un crochet par Le Bourget. Je relève hâtivement les points de repères principaux et, survolant la forêt de Compiègne, j'arrive sans encombre à ce qui va être notre base de combat.
Nos appareils sont sous de vastes Bessonneau (hangars de toile). On m'affecte un Spad 180 CV avec une mitrailleuse sur le capot. J'ai un mécanicien et un aide mécanicien très sympathiques. les vieux pilotes ont des Spad 200 CV bi-mitrailleuses et les As, comme Fonck, ont un avion muni d'une mitrailleuse et d'un canon de 37 mm dont la bouche sort par le moyeu de l'hélice.
Grâce à cet armement Fonck, le 14 août, fait selon la tradition 3 tours de terrain en faisant ronronner son moteur avant d'atterrir. Il vient en moins de 10 secondes de descendre son 58 ème Boche de quelques balles, son 59ème d'un coup de 37 et son 60 ème de quelques balles.
L'As Fonck, capitaine à la SPA103, est un tireur remarquable. A 10 mètres je suis incapable d'atteindre une pièce de monnaie posée sur le sol. Avec la même carabine 6 mm Fonck touche la pièce en l'air !
Lorsque le mauvais temps nous empêche de voler nous prenons la voiture légère ou une camionnette pour aller déjeuner à Grandvillier ou prendre l'apéritif à Beauvais.
Le 1er août le capitaine de Sévin m'emmène faire un vol sur les lignes et le 4 je fais ma première véritable patrouille dans le secteur de Moreuil, point de départ de la nouvelle offensive, sans rencontrer un seul avion allemand.
Le 9 août l'infanterie française reprend les ruines de Mondidier que les Allemands évacuent par petits groupes à travers la plaine. Imitant l'adjudant Naudin je pique au sol pour les mitrailler. Ma mitrailleuse s'enrayant je veux cependant leur faire peur et passe en rase motte sur une section de mitrailleurs.
Les 10, 12, 13, 14, 15 et 16 août nous patrouillons environ 2 heures chaque fois, ente 1500 et 3000 mètres sans voir d'adversaires, au dessus du secteur de Roye Lassigny atteint par nos troupes.

Blessé en combat aérien et fait prisonnier :

Le 17 août nous repartons dans le même secteur sous la direction du lieutenant Puget mais, ayant, sans doute, des ennuis de moteur il nous fait signe qu'il est obligé de rentrer. Comme j'étais immédiatement à sa gauche les camarades semblent vouloir me suivre mais, m'estimant trop jeune à l'escadrille, je vire pour me placer derrière. Le temps est uniformément gris et le plafond est à 1200 mètres. La patrouille entre dans les nuages lorsque, avec Lambotte, nous voyons 7 Fokkers arriver sur nous. Nous piquons au sol et les Fritzs rentrent dans leurs lignes. Nous nous apprêtons à revenir au terrain lorsque je vois deux avions de reconnaissance allemands qui pénètrent dans nos lignes. Mon camarade m'a t'il compris lorsque je lui fais signe que j'attaquais ? En tout cas je suis resté seul. Je pique sur le premier avion ; le mitrailleur tire sur moi tandis que je m'efforce de me placer sous la queue de l'appareil. A peine ai-je le temps de lui envoyer une rafale qu'il rentre précipitamment dans ses lignes. Je passe alors au deuxième qui me mitraille tant qu'il peut mais rentre également chez lui. Je songe à rentrer, ne devant plus avoir beaucoup d'essence. J'aperçois alors, loin dans les lignes allemandes, un Spad (sans doute de reconnaissance photo lointaine) qui s'efforce de regagner nos lignes tout en faisant des acrobaties pour éviter les attaques de deux Fokker D VII qui s'acharnent sur lui.
Je fonce à son secours et attaque le Fokker VII le plus proche, sous l'angle 3/4 avant trop difficile pour un jeune pilote mauvais tireur. Je vire exactement au dessus de mon adversaire lorsque je le vois cabrer son appareil à la verticale. A peine ai-je le temps d'apercevoir son visage caché sous de grosses lunettes que je ressens un choc à la fesse gauche tandis que je suis entouré de balles traceuses. Une brutale extension involontaire de la jambe gauche me fait faire je ne sais quelle acrobatie et je me retrouve, moteur arrêté, en vol plané dirigé vers les lignes françaises. Mon adversaire est derrière moi, tirant de temps en temps de petites rafales, sans doute pour m'obliger à atterrir dans les lignes allemandes (j'ai su plus tard qu'il s'agissait d'un AS allemand, qui aurait pu facilement m'achever durant cette descente). Devant moi se présente tout un réseau de tranchées entre lesquelles je parviens à poser mon appareil qui va, tout doucement, capoter dans un trou d'obus. Je donne un coup de poing sur la boucle de ma ceinture et glisse aussitôt à terre. Je me rends alors compte que ma jambe gauche n'obéit plus . Je rampe pour sortir de sous mon appareil et vois des casques boches dans les tranchées. Je m'allonge alors sur le dos, débouclant mon ceinturon pour montrer que je suis sans arme. Deux brancardiers Feldgrau viennent avec un brancard. Comme je souffre horriblement du pied gauche, je fais signe qu'on me déchausse. Comme mes chaussures et leggins sont neufs l'allemand me fait comprendre qu'il aimerait avoir la paire, ce que je lui accorde volontiers, certain de ne pouvoir marcher d'ici longtemps.
Au poste de secours du bataillon on me fait un pansement sommaire et on me prend mon portefeuille dans lequel est mon livret militaire.
Peu après je suis conduit à un autre poste de secours creusé au bord d'une route. Des blessés allemands s'y trouvent déjà, dont un sous officier parlant français qui me dit que la guerre va finir bientôt. Je le crois d'autant mieux que les Alliés remportent succès sur succès et que j'ai participé à la dernière offensive
A la tombée de la nuit une voiture d'ambulance à deux chevaux vient nous prendre pour nous conduire à une ambulance chirurgicale installée dans une localité dont je n'ai jamais su le nom. Il s'agit certainement d'un carrefour important car les obus français éclatent constamment à proximité, les éclats venant frapper les murs de la salle où j'ai été déposé après un nouveau pansement.

Evacué sur Ham :

Le lendemain je suis évacué sur Ham. Je souffre beaucoup et bien qu'ayant perdu peu de sang je réclame "à boire, à boire par pitié". Un infirmier m'apporte une eau trouble qui est sûrement à l'origine d'une dysenterie bacillaire dont je serai atteint 8 jours plus tard.
De Ham je suis évacué sur Saint Quentin où je suis véhiculé sur un brancard roulant caractéristique de la disette de l'Allemagne en caoutchouc car chaque pneus est remplacé par une double jante séparées par de petits ressorts.
Je suis hospitalisé dans une usine transformée en hôpital. J'y ai la chance d'avoir comme voisin de lit un jeune Chasseur à pied de mon âge blessé à la poitrine. Il s'appelle Georges Gabiot et est de la Haute Saône. Sympatisant immédiatement nous avons toujours demandé et obtenu de ne pas être séparés il n'y aura qu'à l'armistice que Gabiot, pouvant marcher, me quittera pour rentrer en France pour Noël. Je ne le reverrai que lorsque il acceptera de faire un long voyage pour venir à Rennes me marier, car il est devenu curé, décédé ensuite comme curé Doyen de Gray.
Je souffre toujours énormément, particulièrement lorsque un camion passe dans la rue ou que quelqu'un approche de mon lit. J'éprouve en outre des sensations bizarres comme celle de sentir mon gros orteil devenir gros comme un ballon de football !!!
Je tiens cependant à ce que Allemands ne m'entendent pas crier et je fredonne la Marseillaise lorsque l'on change mon pansement. Ce dernier ne tient d'ailleurs que peu de temps car les Allemands n'ont plus que des compresses et des bandes en papier qui ne résistent pas longtemps à la forte suppuration qui sourd de l'orifice d'entrée de la balle.
Le lendemain de mon arrivée à Saint Quentin un interprète vient m'interroger. Je lui dit que j'appartiens au 7ème d'artillerie et me plains d'avoir été dévalisé au poste de secours. L'interprète une fois parti je retrouve mon argent en vrac dans une poche de la veste que j'ai conservé.

Transféré sur Avesnes :

Quelques jours plus tard on me transporte à Avesnes dans une caserne transformée en hôpital. Je suis presque aussitôt pris d'une diarrhée glaireuse et sanglante qui me fait passer au service des dysentériques. Ils sont nombreux et pour la plupart très mal en point. Il y a 2 à 3 décès par jour. Ma situation n'est pas très drôle avec une blessure extrêmement douloureuse à la fesse...et l'obligation d'aller cinquante ou soixante fois sur un seau pour n'évacuer, avec de vives douleurs, que des glaires et du sang. On me fait des piqures et on me donne des comprimés de laudanum. Je ne puis rien manger et maigris rapidement mais le traitement et le parfait état physique dans lequel j'étais lorsque j'ai été descendu font que deux semaines plus tard je puis regagner ma place près de Gabiot.
On sent les Allemands au bout du rouleau. Le blocus les prive de beaucoup de choses et particulièrement de nourriture. De nos fenêtres nous pouvons voir des fantassins venus dans la cour de nôtre hôpital chercher des restes dans l'eau de vaisselle !
Dieu sait cependant que nous n'avons qu'un peu de choux raves et de rares pommes de terre.
Au début d'octobre les infirmiers allemands viennent, un matin, en criant "Armistice !" et veulent fraterniser avec nous...mais, dans la nuit, la gare d'Avesnes subit un sévère bombardement. Le lendemain nous accueillons nos infirmiers en disant "Armistice boum-boum !".

En Allemagne :

Vers le 20 octobre on nous embarque dans des wagons à bestiaux et nous gagnons lentement l'Allemagne par Liège, Aix la Chapelle et Cologne où nous restons sur nos brancards sur un quai de la gare de 5h à midi, au milieu des voyageurs.
Un infirmier se disant Alsacien me conseille de cacher mon insigne de pilote toujours épinglé à ma veste car Cologne a été fortement bombardé la veille. Je n'en fais rien et ma jeunesse ainsi que mon extrême maigreur (comparable à celle des rescapés de Dachau) me valent au contraire 2 cadeaux alors très précieux : une femme me donne une pomme et une autre deux morceaux de sucre !
A midi on nous ré-embarque dans des wagons qui viennent de transporter du charbon, couchage que je supporte que difficilement !
Ce train nous emmène lentement au lazaret d'un immense camp de prisonniers situés en pleine lande près de Dulmen en Westphalie. C'est de ce camp que je peux pour la première fois écrire à ma famille en donnant mon adresse et en faisant une pressante demande de denrées alimentaires.
Dès notre arrivée nous avons été déshabillés, tondus partout et passés à la douche brulante tandis que nos vêtements sont stérilisés (mon insigne en restera bruni). C'est une sage précaution car une épidémie de typhus sévit chez les prisonniers et, à Avesnes, les poux passaient d'un lit à l'autre pr colonne par quatre !!
Je suis, toujours avec Gabiot, installé dans une grande baraque contenant environ 200 blessés français, anglais, belges, italiens, américains et russes. L'égoïsme des anglais qui monopolisent le poêle pour préparer leur bacon provoque une coalition des autres blessés qui foncent ensemble et délogent les Britanniques. Commençant seulement à me trainer de lit en lit avec l'aide d'une béquille je ne participe pas à ces pugilats me contentant, la victoire obtenue, de faire à mon tour fondre un morceau de lard sur une tranche de pain KK ou de faire des frites avec les pommes de terre que Gabiot va voler dans les silos des Fritzs. L'argent retrouvé dans ma poche , transformée en Mark, me permet en effet d'acheter aux Anglais des boites de conserve (lard, saindoux) car ils reçoivent de leur gouvernement un ravitaillement considérable. Ils le bradent pour acheter du tabac et du papier susceptible de faire des cigarettes. Le papier hygiénique fait prime mais il en est qui fument du papier d'emballage.
Personnellement je ne reçois et ne recevrai jamais rien de tout ce que la famille m'expédie mais la Croix Rouge suisse envoie au camp des haricots et du riz dont, vu mon état, je touche double ration. C'est grâce à cette organisation que je peux récupérer un peu de forces et reprendre du poids.
Le trou d'entrée de la balle, fistulisé, rend toujours un pus abondant qui répand une odeur infecte. Mes 2 voisins de lit, Gabiot et un vieux territorial pris à Maubeuge en août 1914 et blessé à la jambe dans la ferme où il travaillait, s'empressent dès le matin de s'écarter tandis que je serre étroitement mon drap sous les bras dans l'espoir assez vain d'empêcher cette odeur de remonter à mes narines. Je ne souffre plus autant sauf dans les crises de névrite que je connaitrai durant toute ma vie.
Seul aviateur de la baraque je suis la bête curieuse, le "Her Flieger". Un médecin général de la Garde prussienne, en tournée d'inspection, s'arrête au pied de mon lit et me demande en excellent français ce que j'ai. Je lui réponds que j'ai reçu une balle explosive dans le bassin. Se redressant, il me dit "Monsieur, nous n'employons pas ces engins !", ce à quoi je rétorque que j'en avais aussi dans ma bande de mitrailleuse, ces balles étant plus destinées à l'appareil qu'au pilote ; il aurait seulement fallu qu'elles soient intelligentes !
Une autre fois c'est notre médecin habituel qui, revenant de permission, s'arrête et me dit étonné : "Vous n'êtes pas mort ? !".
L'hiver est venu et le camp est couvert de neige mais nous sommes bien chauffés, la région étant minière.

L'armistice :

Le 12 novembre dans l'après midi le médecin chef du Lazaret vient nous annoncer l'Armistice et la victoire des Alliés. Je le vois encore nous disant "Vous êtes bien heureux, vous avez gagné la guerre ; nous nous devons payer !" en faisant le geste d'allonger la monnaie. Nous sommes tous très excités mais le lazaret et le camp voisin semblent cependant s'endormir. Tout à coup et cela restera une des plus belles émotions de ma vie, une Marseillaise s'élève, s'amplifie et c'est peut être vingt ou trente mille prisonniers alliés qui, en coeur, chantent notre hymne national ...et aucun d'autre !
Hélas ce fut bientôt le désenchantement, au moins pour les grands blessés comme moi. Le médecin et les infirmiers français nous abandonnent pour aller rejoindre les troupes alliées sur le Rhin. La croix Rouge Suisse n'envoie plus de ravitaillement, les lettres et les colis familiaux n'arrivent plus. Sans soins, presque sans nourriture, nous attendons vainement que les troupes alliées, qui sont dit-on à une cinquantaine de Kms, viennent nous chercher. Les enquêteurs allemands se succèdent "pouvez-vous marcher ?", "pouvez-vous vous asseyer ?" et les mieux portants, dont Gabiot, partent avant Noël. Pour ceux qui restent cette fête est marquée par une distribution de gâteaux secs à l'effigie du maréchal Hindenburg.

Evacuation via les Pays-Bas :

Enfin, le 31 décembre, un train sanitaire hollandais vient nous chercher ! Je suis magnifiquement installé dans un vrai lit, le long de la vitre de sorte que je peux voir défiler le paysage et admirer les petites villes hollandaises. Nous traversons Rotterdam où nous sommes débarqués et conduits à un immeuble loué part l'ambulance française envoyée nous recevoir. Naturellement nous sommes au bord d'un canal au bord duquel je vais me promener avec mes béquilles dans les jours qui suivent. La Hollande ayant, comme l'Allemagne, subi le blocus, notre alimentation consiste un jour en un hareng, le lendemain en une tranche de fromage.
Le médecin chef de note ambulance a l'air beaucoup plus occupé de la jolie femme du consul de France (qui lui a une tête de cocu) que de ses malades et blessés. Je dois donc, en qualité de fils et petit fils de (et futur !) médecin, aller de salle en salle et de lit en lit faire des piqures et surtout poser des ventouses car nous sommes en plaine épidémie de grippe. Beaucoup attendent anxieusement le bateau qui doit venir nous chercher, dans l'espoir de revoir leur famille avant de mourir. D'autres par contre n'ayant jamais vu a mer s'inquiètent de ce mode de rapatriement.

Embarquement à bord du "La Fayette" :

Le 16 janvier nous apprenons que le paquebot "La Fayette", transformé en navire hôpital, est entré dans le port. Le 20, allongé sur un brancard, j'embarque par une large ouverture latérale dans un grand péristyle. Par un escalier monumental on me conduit dans ce qui était la salle à manger de première classe; vaste salle entièrement vitrée, sur l'avant du pont supérieur.
Le 21 le paquebot quitte le quai et s'engage dans un large chenal avant d'atteindre la mer du Nord et s'incorporer dans un convoi escorté par un contre-torpilleur. Beaucoup de mines flottantes dérivent et constituent un danger certain. Dès que l'un des commandants en voit une il alerte le contre-torpilleur qui accourt à toute vapeur pour la détruire au canon ou à la mitrailleuse. Nous roulons fortement mais les blessés allongés ne s'en rendent pas compte et s'étonnent de voir les bateaux voisins monter et descendre à travers les larges vitrages de notre salle.
Je suis conduit à l'infirmerie où le chirurgien veut m'enlever la balle dont les médecins allemands n'ont enlevé qu'une fraction en cuivre. Enfonçant une longue pince par ma plaie fistulisée il accroche quelque chose et, d'accord avec moi qui ne suis pas anesthésié, il tire tant qu'il peut sans résultat. En voyant plus tard mes radios je pense qu'il n'avait accroché qu'un bout d'ischion adhérant au bassin !
Pour éviter les mines le "La Fayette" va le soir jeter l'ancre dans l'embouchure de la Tamise et n'en repart que le 22 en longeant la côte anglaise avant de traverser pour atteindre la rade de Cherbourg et venir à quai que le 23 dans la matinée.

Débarquement à Cherbourg :

Je suis déjà debout avec mes béquilles, contre la rambarde, lorsque j'ai la surprise de voir un cousin d'Henri Bitouzé, monté à bord pour me voir et envoyer de mes nouvelles à Rennes.
Grâce à lui j'apprends avec joie que tout le monde va bien.
Avant qu'on nous fasse débarquer le sous-préfet de Cherbourg nous fait du bord du quai un discours dont nous n'entendons rien et qui est accueilli par des huées, car comme je l'ai dit, nous estimons qu'on aurait pu nous rapatrier plus vite !
Une voiture d'ambulance m'emmène à l'hôpital maritime. Je suis installé dans une immense salle où ne tarde pas à envoyer au bain un premier maître infirmier qui sans doute n'a jamais quitté Cherbourg de la la guerre : il veut m'empêcher de m'allonger tout habillé sur mon lit !
Le soir je reçois la visite des deux demoiselles Bitouzé, soeur de l'oncle. Elles m'apportent un excellent vin de dessert que je savoure à petites gorgées.
Enfin le 24 janvier mon père et ma mère arrivent pour me voir et m'emmener car Papa a obtenu sans peine mon transfert à l'hôpital militaire de Rennes dont il est médecin chef.

L'annonce de sa mort :

J'apprends alors toutes les émotions par lesquelles ils sont passés....
C'est par une lettre du capitaine Sevin du 18 août, arrivée le 22, que mon père a appris que je n'étais pas rentré. Il donnait d'ailleurs des détails inexacts, les camarades de patrouille ayant prétendu m'avoir suivi et fait signe de rentrer, ajoutant que personne, en l'air et au sol, n'avait vu de combat aérien ! Il semble en tous cas que le seul à être resté avec moi sous les nuages ait préféré se taire.
Le 30 août un cocher de fiacre apporta à la maison ma valise avec un inventaire très complet et la montre en or avec chaîne et médaille que je confiais toujours à mon mécano avant de voler. C'est un mécanicien de l'escadrille partant en permission pour Brest qui avait été chargé de faire parvenir le tout à ma famille. Il avait juste eu le temps de sortir de la gare pour confier ma succession à un cocher de fiacre qui connaissait bien mon père pour l'avoir souvent conduit voir ses malades.
Une lettre de Rey mon premier mécano, datée du 1er septembre et arrivée le 7 confirmait l'hypothèse d'une panne d'essence dans les lignes allemandes, un camarade de patrouille ayant du se poser sur un autre terrain pour refaire le plein avant de rejoindre Hetomesnil.
Grâce à madame des Essarts, parente des tantes Morel de Fos, j'avais l'adresse d'un de ses oncles dirigeant une institution à Territet en Suisse. La sachant par coeur j'avais pu lui envoyer un "Kriegsgefangenenensendung" disant "Cher monsieur,je suis blessé et prisonnier, veuillez s'il vous plait en informer les miens. Votre reconnaissant ...".
Dès réception de cette carte qui mit un mois à lui parvenir l'abbé des Essarts envoyait à mon père la dépêche suivante : "René prisonnier, légèrement blessé, lettre suit". La dite lettre parvint à Rennes le 23 septembre, transcrivant ma carte qu'il gardait pour la Croix Rouge. Cette transcription portait un "peu blessé" au lieu de "blessé légèrement" de son télégramme. Qu'avais-je mis ? Je ne m'en souviens pas mais ni lui ni moi ne pouvions penser à la différence que pouvait y voir ma mère !
Les choses allaient d'ailleurs se dramatiser : une dépêche du Service des prisonniers de guerre de la Croix Rouge suisse, parvenue le 9 octobre, disait : "Maréchal des Logis Patay décèdé le 17 septembre 1918. Sépulture sera indiquée ultérieurement". Une lettre du 2 octobre du même organisme indiquait "selon renseignement de Berlin du 17-9.
Si ma carte à l'abbé des Essarts prouvait que je n'avais pas été tué en combat, l'était à craindre que je fusse mort des suites de ma blessure. En réalité j'aurais pu...j'aurais du mourir de dysenterie.
Les lettres de condoléance affluèrent à la maison mais ma mère voulait garder espoir, espoir accru par deux cartes de moi du 31 août et du 15 septembre, arrivées le 25 octobre, suivies de 2 autres datées du 5 et 10 septembre. Malheureusement elles étaient toutes les 4 antérieures à cette date du 17 septembre indiquée comme étant celle de ma mort.
Lorsque une nouvelle lettre du Service des prisonniers, datée du 29 octobre, annonce "Le Maréchal des Logis Patay René Marie, né à Rennes le 5 janvier 1898, est tombé en combat aérien le 17 août 1918" ma famille sait que c'est inexact. Mon père attribua cette "erreur" à une manoeuvre destinée à saper le moral des Français. Les précisions sur mes prénoms et ma date de naissance montrent que l'annonce de ma mort fut due au fait que mon livret militaire prélevé au poste de secours a suivi la filière habituellement empruntée par les papiers prélevés sur les morts.
La première carte écrite par moi à ma famille arrive le 10 novembre. J'y annonce que j'ai été blessé et contraint d'atterrir en territoire ennemi. J'ajoute "blessé à la fesse gauche, douloureux mais pas dangereux je crois".
Le 23 novembre les Services centraux de l'Aéronautique priaient le Maire de Rennes d'avertir ma famille avec ménagements que j'avais été tué en combat aérien le 17 août 1918.
Les cartes se succédèrent et le 1er octobre je pouvais écrire une longue lettre donnant des détails sur ma blessure et les traitements que l'on me faisait (extraction culot balle). Le 27 octobre je pouvais donner enfin mon adresse au camp de Dulmen et réclamer un colis. L'énumération de ce que je désirais fait sourire actuellement. Je disais que j'allais mieux et que nous étions mieux nourris grâce à la Croix Rouge Suisse. Malheureusement toutes ces cartes ne parvinrent qu'en décembre ou janvier à une époque où il était inutile d'envoyer quoi que ce soit car depuis l'armistice, les services ne fonctionnaient plus.
J'ai dit plus haut combien nous avions été abandonnés après l'Armistice. Le 18 décembre j'envoie à mon père un S.O.S. "Mon cher Papa, nous ici 200 blessés et malades alliés très mal soignés et très mal nourris par les Boches. certains n'ont qu'un espoir : revoir les leurs avant de mourir. Pourrais-tu t'en occuper ?".
Au reçu de cette carte mon pauvre papa intervient alors auprès de la Croix Rouge Suisse, du Roi des Belges et de l'Etat-Major du maréchal Foch mais cela est devenu inutile car comme la Croix Rouge Suisse l'annonça dans un télégramme, j'avais quitté Dulmen pour la Hollande.
Ce furent des cartes postales de Rotterdam que ma famille reçut avant la dépêche de Maurice Bitouzé annonçant mon débarquement à Cherbourg.
Finie cette longue parenthèse je reprends le cours de mon existence.
Le 26 janvier, marchant avec des béquilles, je prends le train pour Rennes avec mes parents, un parcours long et compliqué avec un changement/déjeuner à Lison puis une soirée d'hôtel/dîner à Folligny, dont l'on repart à 4h du matin. Je souhaitais vivement pouvoir passer quelques jours à la maison mais le Médecin chef de l'hôpital (mon père !) n'entend pas de cette oreille et à 10h une voiture d'ambulance me conduit directement de la gare à l'hôpital où mon père m'installe dans une petite chambre au-dessus de son bureau.

Des soins douloureux :

Pauvre papa qui écrit à ma mère le 28 que je vais âtre radiographié et que si une opération n'est pas nécessaire je serai examiné par les neurologues ... qui ne trouveront qu'une paralysie du sciatique poplité externe ! En bon médecin de réserve mon père espère que je pourrai plus tard être médecin de réserve comme lui. En fait je suis déjà réserviste depuis le 15 juillet 1918, ayant à cette date accompli mes 3 ans de service !
Malheureusement la radio, faite au Lycée par le Professeur Casex montre que la balle est venue exploser sur la tubérosité de l'ischion, répandant dans toute la région et toute la cavité péritonéale une foule de débris d'os, de vêtements et de projectile qui seront encore visibles sur une radio de 1942. Il faut donc m'opérer mais on attend pour cela l'arrivée du Docteur Marquis, Professeur puis Directeur à l'Ecole de Médecine de Rennes, qui s'est fait une grosse réputation comme médecin chef d'une "auto-chir" .
Dans une première intervention il débride largement la fistule créée par l'entrée de la balle, pour pouvoir irriguer la zone infectée. Craignant des complications du côté de mon bassin il me condamne à rester allongé sur le ventre...sur des planches !
L'infection ne cédant pas Marquis me réopère, faisant une large plaie en arrière de la tête du fémur et une autre, plus petite, sur le bord interne du fessier. Chaque jour il faut introduire 12 drains allant d'une plaie à l'autre, permettant toutes les 2 heures d'injecter du liquide Dakin, désinfectant à base d'eau de Javel. La pose de ces drains est chaque jour un véritable supplice car un infirmier doit maintenir la grande plaie ouverte à l'aide d'un gros écarteur. Moi qui chez les Fritzs serait les dents ou fredonnai lors des interventions douloureuses je ne puis me retenir de crier, au point de regretter de ne pas avoir été tué.
Cette technique très douloureuse donne d'excellents résultats. Peu à peu le nombre de drains diminue et la plaie se ferme, au point que je n'ai jamais plus eu d'ennuis liés à la persistance de nombreux corps étrangers dans cette région.

La famille Patay en 1919 - De gauche à droite : MdL René Patay, pilote de l'escadrille SPA 26, blessé en combat aérien d'une balle explosive qui lui a coupé le nerf scatique - Le père, médecin colonel de réserve, est parti au front dès août 1914, comme médecin-chef de l'Ambulance 10 du 10ème Corps puis comme Médecin-chef de la place de St-Malo - La mère Marguerite, infirmière volontaire à l'hopital militaire de Rennes pendant toutre la guerre - Son frère Camille, administrateur colonial au Maroc de 1919 à 1922, amputé du bras gauche par un tir de Minenwerfer allemand à Verdun et décédé des suites d'une tuberculose pulmonaire secondaire à sa grave blessure de guerre en 1922 - Photo René Patay, transmise par Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Médaille Militaire et Croix de Guerre :

Quelques jours après mon entrée à l'hôpital militaire j'envoie au capitaine de Sévin un rapport détaillé sur ce qui s'est passé le 17 août 1918. Mon chef d'escadrille qui, lors de ma disparition, m'avait fait obtenir une citation "passe partout" me propose alors pour la Médaille Militaire avec la citation suivante dont je lui suis très reconnaissant : "Patay (René, Marie) maréchal des logis de réserve au 7ème régiment d'artillerie, pilote à l'escadrille Spad 26, Pilote dont les qualités de bravoure et de sang-froid n'ont d'égal que sa modestie. S'est révélé dans l'aviation pilote de chasse d'un cran magnifique. Le 17 août 1918, se portant à l'attaque d'avions ennemis supérieurs en nombre qui assaillaient un des nôtres, a réussi à dégager celui-ci mais, très grièvement blessé dans l'affaire, est tombé, son avion désemparé, dans les lignes ennemies. Deux blessures, deux citations".
La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de guerre avec palme. Q.G. 10 mai 1919.
Le premier juillet 1919 j'obtiens une convalescence de 45 jours que je vais passer au Manoir avec toutefois deux regrets ; d'abord de ne pas être à Paris pour le défilé de la Victoire parceque je reçois la Médaille Militaire à la revue de Rennes sur le champs de Mars ; ensuite de ne pouvoir aller à Saint Aignan, devenu grand camp américain.
Après cette détente salutaire je rentre au quartier du Colombier où je remonte à cheval.
Le 20 août la Commission de réforme me rend à la vie civile avec une pension. Entre temps un bon camarade du Lycée, Etienne Macé, était venu me voir à l'hosto et m'avait annoncé qu'il y aurait des sessions spéciales de baccalauréat pour les démobilisés, le programme étant réduit avec options au choix du candidat. En outre les épreuves deva ient être purement orales; Après une préparation assez sérieuse dans mon lit d'hosto je vais en juillet passer le bac philo à la Faculté des Lettres.
Au cours de ma convalescence, loin de rester sur une chaise longue comme Marquis me l'a recommandé, je refais de l'aviron, je nage, je remonte à bicyclette et je chasse avec mon père. Bref, hormis la course à pied et le football je refais tous les sports familiers y compris deux vols en avion "cage à poule" Farman, à Toussus le Noble.

Uniforme du 7ème régiment d'artillerie du MdL René Patay, pilote de l'escadrille SPA 26 du 13 juillet au 17 août 1918 - Ses décorations dans l'ordre : Officier de la Légion d'Honneur (1966) - Médaille Militaire (1919) - Croix de Guerre avec palme et 2 étoiles (1916 à 1919) - Croix du Combattant - Remarquez les deux insignes en vigueur au sein de la SPA 26 : la cigogne et la barrette de rappel "SPA 26", généralement portée sur la patte d'épaule ou sur la fourragère - Photo Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

Le Docteur René Patay, en compagnie du Général Weygand, au cours de l'inauguration de la première maison de retraite des anciens combattants au Plessis-bardoult en 1937 - Photo René Patay, transmise par Max Patay, son fils, que je remercie pour son aide.

 

Remerciements à :

- M. Max Patay, pour la transmission des archives de René Patay, son père.

Bibliographie :

- Les escadrilles de l'aéronautique militaire française - Symbolique et histoire - 1912-1920 - Ouvrage collectif publié par le SHAA de Vincennes en 2003.
- The French Air Service War Chronology 1914-1918 par Frank W.Bailey et Christophe Cony publié par les éditions Grub Street en 2001.
- Le Journal Officiel de la République Française mis en ligne sur le site "Gallica" de la Grande Bibliothèque de France.
- Carnets de Comptabilité en Campagne des escadrilles mis en ligne par le Site "Mémoire des Hommes."
- Les "As" français de la Grande Guerre en deux tomes par Daniel Porret publié par le SHAA en 1983.
- Les Armées françaises dans la Grande Guerre publié à partir de 1922 par le Ministère de la Guerre.
- Base de données "Personnels de l'aéronautique militaire" du site "Mémoire des Hommes".
- Base de données "Mort pour la France" du site "Mémoire des Hommes".

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Roger Pennes Grands combattants

 

 

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