MdL Stéphane Vernay
Stéphane Vernay est né à Roanne (Loire), le 12 octobre 1894.

Stéphane Vernay en 1913 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 10ème régiment de Cuirassiers :
Passionné par les chevaux, il s'engage dans la cavalerie, le 4 octobre 1913. Il est affecté au 10ème régiment de Cuirassiers (4ème Escadron, 6ème division, 5ème brigade) en garnison à Lyon. Il est très vite nommé brigadier, puis Maréchal des Logis (sergent). C'est au sein de ce régiment qu'il prendra part au début de la première guerre mondiale.

Stéphane Vernay pose dans sa tenue du 10ème régiment de Cuirassiers pendant sa période de service militaire à partir du 4 octobre 1913 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 4 août 1914, Stéphane écrit à sa fiancée ces quelques mots : "La guerre est déclarée chère petite fiancée, je pars, adieu peut-être pour toujours ici bas. Nous nous retrouverons là-haut. Mon coeur saignant te redit son amour petite Mone Chérie."

Stéphane Vernay à l'extrême gauche en compagnie de ses camarades du 10ème régiment de Cuirassiers photographiés avant guerre - Leurs tenues sont significatives de celles des Cuirassiers d'août 1914 - Il faut ajouter la carabine de Cuirassiers modèle 1890 et le couvre-casque en toile - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Photo d'un cuirassier en tenue de combat typique d'août 1914. Il porte le casque de cavalerie modèle 1871-1874 couvert d'un couvre-casque en toile kaki clair destiné à empêcher les reflets du soleil sur le métal nu - Carte postale d'époque.

Le MdL Stéphane Vernay du 10ème régiment de Cuirassiers pose en compagnie de son cheval en 1914 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Quelques jours plus tard, le 7 août 1914, il écrit une lettre au crayon qu'il envoie du petit village de Buriville (54), à une dizaine de kilomètres de la frontière. Ce village sera presque entièrement détruit quelques jours plus tard. "Petite Mone chérie, que devenez-vous ? Vous avez dû recevoir de moi un petit mot que je vous ai écrit le jour où l’on nous a annoncé la déclaration de guerre et où je croyais que nous attaquions immédiatement l’Allemagne. Je l’avais confié à l’aumônier avec qui je venais de faire le sacrifice de mes amours et de ma vie pour la France.
Mais depuis encore aucune attaque, nous attendons et veillons jour et nuit, seulement quelques escarmouches entre patrouilles françaises et allemandes qui ont fait déjà deux morts à la 6ème division.
Nous sommes à 12 kilomètres de la frontière et attendons toujours, un jour d’un côté, un jour d’un autre côté. Les pays que nous traversons sont dans la misère, tous les hommes sont partis, on n’y trouve plus de pain, et ce que l’on peut acheter coûte très cher. C’est certainement une rude épreuve.
Le service de ravitaillement est très mal fait, partis depuis 2 ou 3 heures du matin nous ne mangeons la soupe souvent qu’à 11 heures du soir et nous ne dormons guère qu’une heure ou deux par nuit, aussi nous ne faisons pas du lard, surtout que chaque jour nous restons facilement 16 à 18 heures avec les cuirasses sur le dos.
Aujourd’hui, un biplan allemand est venu nous espionner, les mitrailleuses ont fait feu sans l’atteindre. Enfin, tous nous avons hâte que quelque chose se décide et que d’un côté ou de l’autre il y ait une attaque décisive. Cette vie d’attente est
quelque chose de terrible. Je devine bien, ma pauvre petite Mone, combien
de larmes ont dû couler depuis que vous avez appris mon départ, sans nouvelle l’un de l’autre. Cependant, maintenant le service des postes est rétabli, nous pourrons donc nous écrire. Je vous tiendrai au courant de ce qui m’arrivera, je vous dirai tout, vous êtes courageuse, n’est ce pas ? Puisque c’est pour la France.
Stéphane
La mort ne me fait pas peur, puisque si je tombe un jour ce sera au Champ d’Honneur, en faisant mon devoir jusqu’au bout. Vous serez encore fière de votre fiancé, ma petite Mone chérie, et dans votre douleur vous vous direz : « il est mort pour la patrie, et après avoir pensé à Dieu. Sa dernière pensée a été pour moi, sa vie, son amour, son tout, il me laisse, malheureuse, mais là-haut nous nous retrouverons, pour un plus grand bonheur » Je suis bien las, je vous quitte Mone aimée, vous priant d’embrasser tous les vôtres pour moi, je vous couvre de baisers. Votre fiancé. Stéphane"

Village de Buriville (54) où a stationné Stéphane Vernay au début août 1914 - Carte postale d'époque.
A la fin août 1914, il envoie une carte postale intitulée : "La guerre en Lorraine en 1914-1915 -Vue du champ de bataille de Rozelieures". Il y écrit : "Rozelieures !! Nous y étions le 25 août 1914, la bataille fut terrible. Mille baisers Stéphane."

Vue des destructions du village de Rozelieures (54) - Carte postale d'époque.
En novembre 1914, le 10ème régiment de cuirassiers est stationné à Verberie à 20 km de Compiègne dans l'Oise. Ce village a été pris dans les combats de la bataille de la Marne, du 1er au 14 septembre 1914. Quand il arrive sur zone, le front s'est déplacé vers le Nord après la victoire de la 6ème armée sur les troupes allemandes commandées par le général von Klück. Après 4 mois de campagne ininterrompue, Stéphane réussit à envoyer une lettre à Simone : " Nous sommes bien loin maintenant de la ligne de feu, Chère petite Mone. Nous n’entendons plus le sifflement des balles, ni l’éclat des obus, et cela paraît tout drôle. Après être resté presque deux mois sans repos, nous sommes contents de jouir d’un peu de tranquillité. Nous cantonnons dans un petit village de l’Oise à une vingtaine de Kilomètres de Compiègne : "Verberie". Ce village a été occupé par les Allemands, pillé et saccagé naturellement.
Peu à peu les habitants sont revenus et le voilà presque dans sa vitalité d’autrefois. Aussi y trouvons-nous suffisamment au point de vue nourriture. Avec l’autre brigadier de mon peloton j’ai déniché un grand lit à 2 places dans une maison abandonnée après le pillage. C’est la première fois depuis le 31 juillet que je couche dans un lit et que j’enlève mes bottes pour dormir. Notre lit métallique a un sommier excellent et deux matelas. Pour nous couvrir nous avons deux couvertures, un couvre pieds et un gros édredon, aussi le bien-être que nous avons éprouvé la nuit dernière là dedans est quelque chose d’indescriptible…"
Plus loin, il fait l'éloge de ses camarades morts au combat : "...mais le devoir est là qui commande et surtout l’amour de notre France dont bientôt nous allons célébrer la victoire… elle sera la gloire de ses enfants qui… aux heures des plus grands dangers crient : "Vive la France", comme un de mes camarades, auprès de qui je me trouvais sur le champ de bataille, venant de recevoir un éclat d’obus à la tête : "Je meurs heureux", et dans un dernier soupir : "C’est pour la France".

Photo de famille dans le jardin de la Livatte en juillet 1915. De gauche à droite au second rang : Marcel - Daniel - Suzanne - Charles - Stéphane Vernay - Simone Capony - Maurice - Au premier rang : Pierre - Mad - Vonette - Gite - Marc. Stéphane et Maurice ont obtenu un permission de quelques jours - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
De retour dans son régiment, Stéphane adresse à Simone une carte postale, un télégramme ou des lettres qu’il fait acheminer par des camarades partant en permission. Il remercie longuement pour les nombreux colis reçus, partagés avec ses compagnons d’arme. Pendant l’été 1915, son régiment est en cours de redéploiement en Haute-Saône, il est maintenant stationné à Gray où la guerre semble bien loin. Il peut mettre à profit cette accalmie pour passer parfois des journées entières à cheval, mais il a hâte de rejoindre son nouveau régiment, le 1er régiment de Cuirassiers.
Le 1er septembre, il est à Chaumont où semble-t-il, la confusion règne, "à la gare on ne sait où nous diriger, nous attendons demain. Je passe la nuit à l’hôtel de France. Si cette vie continue ce sera presque agréable de faire la campagne."
Le 1er régiment de Cuirassiers :
Le 7 septembre 1915, il rejoint le 4ème escadron du 1er régiment de cuirassiers, sa nouvelle affection. "Je quitte enfin Gray, aujourd’hui à 13h, pour prendre naturellement une direction inconnue, on parle de la Champagne. Dès mon arrivée j’enverrai des détails."
Volontaire pour l'aviation :
Ayant demandé et obtenu son affectation pour l'aviation, Stéphane Vernay quitte le 1er régiment de Cuirassiers pour l'école d'aviation de Dijon, le 20 septembre 1915. C'est dans cette école que sont prodigués les premières notions de mécanique destinées aux futurs élèves pilotes. Après avoir passé les épreuves de sélection, il adresse à Simone un télégramme depuis Dijon : "Je pars ce soir pour Etampes, baisers : Stéphane."
Brevet de pilote militaire à l'école d'Etampes :
Le 19 octobre 1915, il est affecté à l'école d'Etampes. Il y obtient le brevet de pilote militaire n° 2439, le 19 janvier 1916. Le 4 février, il obtient son brevet de pilote aviateur auprès de la Fédération Aéronautique internationale (FAI). (* Voir ce document en bas de page)
A cette occasion il lui est accordé une permission de quatre jours, valable du 14 février au 18 février inclus, pour se rendre à Roanne.

Stéphane Vernay pose à bord d'un MF 11 pendant son brevet de pilote militaire - Il a obtenu le brevet de pilote militaire n° 2439 à l'école d'aviation d'Etampes, le 19 janvier 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
GDE du Plessis-Belleville et d'Ermenonville :
Il est muté au centre GDE du Plessis-Belleville à partir du 25 janvier 1916 - puis à celui d'Ermenonville, à partir du 20 février 1916. Dans les centres GDE (Groupe de Divisions d'Entraînement), les pilotes se perfectionnaient sur les avions modernes qu'ils allaient utiliser dans les escadrilles de première ligne. En effet, en école, les élèves pilotes étaient formés sur des avions non adaptés aux missions de guerre, d'un pilotage relativement simple et toujours démodés. Il était donc nécessaire que les pilotes soient formés, on disait perfectionnés, sur les avions actuels qu'ils allaient utiliser au combat dès qu'ils seraient prêts. Cette étape a été rendue nécessaire après la mort de nombreux pilotes insuffisamment formés et qui étaient tués ou faits prisonniers dans les jours qui suivaient leur arrivée en unité de première ligne.
Stéphane restera à la base d’aviation MF 1 d'Ermenonville (centre GDE) du 20 février à avril 1916. Pendant ces trois mois, il se perfectionnera de manière intensive au pilotage d’avions de type Maurice Farman MF 11 bis et Farman F 40, avant de rejoindre le 28 avril, l'escadrille F 14 stationnée à Corcieux, où il a été affecté.

Le MdL Stéphane Vernay pose devant un MF 11 affecté au GDE d'Ermenonville en mars-avril 1916 - La croix de guerre que porte cet avion sur le nez, identifie un ancien avion de l'escadrille MF 29 du Cne Maurice Happe - Le MdL Stéphane Vernay a été affecté dans ce centre GDE du 20 février au 28 avril 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Gros plan d'un MF 11 affecté au GDE d'Ermenonville en mars-avril 1916 - La croix de guerre que porte cet appareil sur le nez, identifie un ancien avion de l'escadrille MF 29 du Cne Maurice Happe - Le MdL Stéphane Vernay a été affecté au GDE, juste avant de rejoindre l'escadrille MF 14 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Vue des MF 11 et MF 11 bis (130 HP) du GDE d'Ermenonville en mars-avril 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

MdL Stéphane Vernay pose avec sa fiancée Simone Capony en 1915 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Escadrille F 14 :
Stéphane est muté à l'escadrille F 14 à partir du 28 avril 1916. Cette escadrille est mise au service de la 46ème division d'infanterie alpine et rattachée à l'aéronautique de la 7ème armée. Elle est stationnée sur le terrain de Corcieux, dans les Vosges (88) du 1er janvier au 1er juin 1916.
Il envoie ce télégramme à Simone : "Pars demain à Corcieux MF 14 très content. Courage affection à tous : Stéphane."

Le lieutenant Honoré Louis Pierre de Baillardel de Lareinty-Tholozan était un ami intime de Stéphane Verney - Né le 6 septembre 1887 à Guermantes (Seine et Marne) - Il devait disparaitre au cours de l'accident de son Nieuport 110 HP sur le terrain de Corcieux, le 5 mai 1916 - Il était alors commandant du détachement de chasse de l'escadrille N 49 et venait d'être nommé capitaine - Observez la mitrailleuse Hotchkiss fixée sur l'aile supérieure et le dérouleur de carte fixé devant la place pilote - Il a été pilote des escadrilles BL 9 - MF 14 - N 49 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 25 avril 1916, accident de MdL Lecomte :
Le 25 avril 1916, le Farman F 37 (XXXVII) n° 1297 piloté par le MdL Lecomte s'écrase au sol - Il sortira de l'hôpital, le 15 juin et sera affecté au GDE le lendemain.

Le Farman F 37 (XXXVII) n° 1297 piloté par le MdL Lecomte de l'escadrille F 14 après un accident d'atterrissage, le 25 avril 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Gros plan des marquages du Farman F 37 (XXXVII) n° 1297 de l'escadrille F 14 - A l'arrière plan, l'église de Corcieux (88) - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Farman F 37 (XXXVII) n° 1297 piloté par le XXX Lecomte de l'escadrille F 14 après un accident d'atterrissage, le 25 avril 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
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MdL Stéphane Vernay
Simone est folle d'inquiétude :
Le 14 mai 1916, Simone fait part à Stéphane, de ses folles inquiétudes, elle est à bout de courage. Elle apprend les dures nouvelles provenant du front. Deux camarades de Stéphane ont été abattus ou décédés lors d’accidents d’avion (MdL Lecomte, le 25 avril et de Cne de Lareinty, le 5 mai). Stéphane, entre deux vols, passe de longues heures dans la chambre que lui loue Mme Xenxet, trouve le courage de remonter le moral à Simone : " J’espère que tu as chassé tes idées noires, et que tout va bien maintenant… Comme tu le dis, Mone Chérie, la vie de l’air a quelque chose d’enivrant, on y trouve des sensations qui n’existent nulle part ailleurs et cet isolement dans l’action, dans le combat, est une école de courage et de maîtrise de soi-même. Ici rien ne se fait par emballement, tout est réfléchi à chaque instant, il faut se posséder et être parfaitement maître de soi. C’est pourquoi l’aviation est une arme comme il ne peut y en avoir d’autre, elle les surpasse toutes en les englobant. Mais après la guerre, je n’aurai pas la nostalgie de l’air…
Je suis heureux de la bonne nouvelle que tu m’apportes… Maurice nommé sergent et décoré. Cette nomination c’est la première chose que j’avais demandé à Boland, après l’accident… Je vais écrire à Maurice, et tache de lui faire comprendre que sa médaille militaire et sa croix de guerre, sont une juste récompense. Quant à son retour dans l’aviation il faut à tout prix l’en dissuader…"

Stéphane Vernay dans sa chambre qu'il loue à Mme Xenxet - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Les 17, 18 et 19 mai 1916, Simone est de plus en plus inquiète, elle ne reçoit plus de lettres de Stéphane, l’attente devient insoutenable. Tous les jours elle lui écrit, tous les jours elle attend une réponse, en vain…
Le 21 mai 1916 : "Mille baisers - Stéphane." griffonnés à la hâte sur une carte postale des Armées de la République.
La dernière carte postale reçue :

Dernière carte postale reçue par Stéphane Vernay - Elle a été expédiée par Pierre Capony, jeune frère (7 ans) de Simone, fiancée de Stéphane, le 5 mai 1916 - Pierre était le père de Bernard, qui a mis à notre disposition les souvenirs de Stéphane Vernay - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 22 mai 1916 : Stéphane reçoit cette carte postée le 16 par Pierre (filleul de Simone), elle est la seule rescapée de toute la correspondance qui lui a été envoyée; il est probable que Nonotte n’aura pas voulu conserver les lettres qu’elle-même lui avait écrites, certainement retrouvées dans sa chambre, et restituées par Mme Xenxet, sa logeuse.
Pierrot a tout juste sept ans, il est, le neuvième et dernier enfant de Charles et Suzanne, son écriture phonétique est spontanée : " Mon cher Stéphane, je té cri sur une carte que Maurice ma donné. Mon cher Stéphane bons baisers, ta vieille branche. Pierrot."

MdL Stéphane Vernay, pilote de l'escadrille F 14 photographié pendant son séjour à Corcieux (88). Le MdL Vernay a été stationné sur ce terrain du 1er janvier au 25 mai 1916, date de sa mort - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 22 mai 1916, : enfin une carte un peu plus longue, vient rassurer Simone. Ce sera la dernière : " Depuis quelques jours, Mone Chérie, les Boches ne nous laissent pas un instant de répit, nous sommes au champ d’aviation à 2h du matin et nous y passons presque toute la journée. Hier soir et ce matin je suis allé chez eux, faire des reconnaissances très intéressantes, mais il ne faut plus parler de grand calme de l’air, les obus se chargent de le troubler. Je suis las ce soir, aussi le Capitaine m’a mis de repos demain. J’en profiterai pour dormir très tard, et le soir je t’écrirai longuement, pour répondre à tes bonnes lettres des 17, 18 et 19 dont je te remercie. A part un peu de lassitude, petite Mone, je vais très bien. Nous avons un temps splendide et qui favorise beaucoup nos sorties. A demain Mone aimée, aux tiens toute mon affection. Je t’envoie de biens tendres baisers. Ton pilote qui t’aime. Stéphane."
Le 25 mai 1916, accident mortel à Corcieux :
Le 25 mai 1916, à 5h00 du matin, au retour d'une mission, le F 40 du MdL Stéphane Vernay, qui est accompagné par le Lieutenant observateur Olivier, est déporté par une rafale de vent au niveau du "Grand Remblais". Il fait une embardée et une des ailes se brise. L'avion, complétement déséquilibré, se retourne sur le dos et éjecte le lieutenant Olivier de la carlingue. Malheureusement pour les deux aviateurs, le biplan croisait à une altitude de 500 mètres. N'étant pas équipé d'un parachute, comme d'ailleurs tous les équipages de l'époque, il est tué des conséquences de sa chute au sol. Le F40, une aile brisée, décroche et s'écrase finalement au fond du petit ravin de Taintrux, près de Corcieux. Stéphane Vernay est tué dans la chute de son avion.

Les débris du Farman F 40 de l'équipage Vernay / Olivier au fond du petit ravin où il est écrasé, le 25 mai 1916 - Le corps sans vie du MdL Stéphane Vernay sera retrouvé parmi les restes informes de son avion - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Une autre vue des débris du Farman F 40 de l'équipage Vernay / Olivier au fond du petit ravin où il est écrasé, le 25 mai 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Le moteur du Farman F 40 de l'équipage Vernay / Olivier retrouvé au fond du petit ravin où il est écrasé, le 25 mai 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
Le 28 mai, obséques des deux aviateurs à Corcieux :
Le dimanche 28 mai, la population de Corcieux et des troupes d'Aviation font, aux deux aviateurs, des funérailles imposantes. Des centaines de personnes se massent autour de l’église et dans les rues de la petite cité. L'’église est trop petite pour contenir tant de monde.
Simone, ses parents et ceux de Stéphane, assistent aux obsèques. Les deux aviateurs sont inhumés dans le petit cimetière de Corcieux. A titre posthume, ils seront cités à l’ordre de la nation, le 5 juin 1916, et recevront chacun, la médaille militaire et la croix de guerre avec palmes.

Levée des corps des deux aviateurs tués au Grand Remblais, près de Corcieux (88), le 25 mai 1916 - Au premier plan, la maison occupée par Stéphane Vernay - au fond la maison du Ltt Olivier - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.

Le cortège funéraire, parti de l'église, passe dans le rue Henry et se dirige vers le cimetière du village de Corcieux - Au premier plan, le cercueil de Stéphane Vernay, suivi de celui du Lieutenant Olivier - Les deux hommes ont été tués dans l'accident de leur F40 dans les environs de Corcieux (88), le 25 mai 1916 - Ils passent devant la bijouterie "Brabant" - Le village a été en grande partie détruit, le 15 novembre 1944 - J'adresse tous mes remerciements à M. Bernard Capony pour l'envoi de la photo et à M. Jean-Louis Brabant pour l'identification de la bijouterie de son grand-père.
Une lettre envoyée par Mlle Emilie Martin, voisine de la logeuse de Stéphane, Mme Xenxet, nous informe sur sa vie quotidienne : "Chère Mademoiselle, je viens répondre à votre honorable lettre. Le prêtre, qui a prononcé l’allocution à la messe d’enterrement des deux aviateurs Mr Vernay et Mr Olivier, était l’aumônier qui avait le grade de capitaine du 137ème régiment d’infanterie, ils ont été seulement 12 jours en repos à Corcieux, ils sont partis le 5 juin, je ne sais où Mademoiselle Simone, j’ai reçu votre lettre le 7, alors ce prêtre n’était plus à Corcieux. Je suis allée au presbytère, Mr le curé m’a dit : qu’il avait été payé de la messe d’enterrement par un militaire, quant à l’aumônier, il ne savait pas s’il avait reçu de l’argent ; j’ai été aussi remercier la dame qui vous avait remis des cheveux de Mr Vernay.
Mademoiselle Simone, comme vous me dites que je vous parle de Mr votre cher fiancé, voici comment j’ai connu Monsieur Vernay, le lendemain de son arrivée à Corcieux, il est venu frapper à ma porte, en me demandant où était la propriétaire. Mme Xenxet était occupée dans les champs, c’était pour lui préparer un petit déjeuner vers 9 heures du matin, alors je lui ai fait son déjeuner et tous les matins pendant un mois, dans la modeste cuisine que vous avez vue Mademoiselle, après il allait dans sa chambre, sans sortir de la maison. Mr Vernay allait rarement au café, il aimait plutôt la vie de famille, toutes les après-midi, il venait chez moi, je suis une vieille fille de 52 ans, il fumait une cigarette, c’était le moment où il était le plus gai, quand il voyait passer une demoiselle, il me disait : Melle Simone est à peu près de cette taille; combien de fois, Mademoiselle, il prononçait votre nom par jour, il ne vivait que pour vous.
Vers 2 heures, il partait dans sa chambre faire ses correspondances, il les portait au bureau, en allant au champ d’aviation ; à 8H1/2, tous les soirs, il était chez moi, avec Mme Xenxet, et son fils André, âgé de 10 ans, excepté le jour de son voyage d’Epinal à Rambervillers, il était content, il avait vu son cheval, voilà, Mademoiselle, comment Mr Vernay employait ses journées et a
passé le dernier mois de sa vie; Mme Xenxet et moi avons été très affligées de sa mort.
Mademoiselle Simone, je vous souhaite du courage et de la résignation à la volonté de Dieu. E. Martin. Veuillez Melle présenter mes respects à Mr et Mme Capony."
Son avis de décès :


Avis de décès du MdL Stéphane Vernay, pilote de l'escadrille F 14 et tué dans un accident aérien aux commandes de son F 40, le 25 mai 1916 - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
La retranscription intégrale du texte de son avis de décès. Souvenez-vous dans vos prières
de
Stéphane Vernay
Engagé volontaire au 10ème Cuirassiers.
Maréchal des Logis aviateur.
Décoré de la Croix de Guerre avec palme.
Tombé pour la France à Corcieux (Vosges),
le 25 mai 1916
à l'âge de 21 ans.
Pilote d'un avion, chargé d'une mission de surveillance, a pris son vol malgré des remous extrêmement violents qui rendaient l'exécution de la reconnaissance des plus périlleuses. N'est rentré qu'une fois sa mission complétement terminée. A fait au retour une chute mortelle, victime de sa volonté d'accomplir coûte que coûte la mission qui lui était confiée.
(sa citation à l'ordre de l'armée)
La mort ne me fait pas peur, puisque si je tombe un jour, ce sera au Champ d’Honneur, en faisant mon devoir jusqu’au bout. Vous aurez du courage puisque c'est pour la France! ... Dieu m'accueillera et nous réunira là-hut pour un bonheur plus grand. (Alsace, août 1914)
Si les corps sont affaiblis par quatre-vingts jours de campagne, c'est toujours la même ardeur, la même confiance qu'on garde au coeur : on ne sent pas la fatigue quand on travaille pour la France. (Ypres, Octobre 1914)
Je viens d'entendre la première fois la messe en territoire alsacien. C'était poignant cette messe dite sur un autel improvisé, au pied de la croix, dans une salle d'école ! Car eux n'ont pas fait comme chez nous, ils l'ont gardé la croix, les Alsaciens, elle n'a jamais quitté l'école... Tout de même ! nous tous par qui l'Alsace est redevenue française, qui nous battons pour voir la France plus belle, nous aurons bien le droit de remettre le Christ aux places d'honneur où il était autrefois. (Balschviller, mars 1915)
Extraits des lettres de ses officiers et de ses hommes
Il ne nous avait pas fallu longtemps pour apprécier ses belles qualités de coeur, d'énergie et de caractère. C'est lui qui me devance dans le chemin du devoir et de la gloire, je ne puis désirer qu'une chose ne pas faillir à l'exemple qu'il me trace. Nous comprenons trop votre chagrin; tous ceux qui ont connu le maréchal des Logis Vernay le regrettent tant; il était si brave et si bon.
Il était jeune, il était aimé, il a quitté la vie sans faiblesse; frappé par la main de Dieu, il n'a connu ni la plainte, ni le murmure. Vierge sainte, ayez pitié de ceux qui s'aimaient et qui ont été séparés, réunissez-les dans la joie... Ayez pitié de ceux qui pleurent qui pleurent, donnez à tous l'espérance et la paix.
Sursum Corda.
PRO PATRIA
Notre espérance est pleine d'immortalité.
L'hommage funèbre des deux aviateurs :
Paroles prononcées par le Cne André Brault, chef de l'escadrille F 14.
Le 28 Mai 1916 sur les tombes du Lieutenant Olivier et du Maréchal des Logis Vernay.
Lieutenant Olivier et Maréchal des Logis Vernay, j’ai une fois de plus la douleur de m’approcher de ce caveau où se trouvent déjà trois de nos braves qui sont tombés pour la patrie. Ils ont tous fait noblement leur devoir et nous sommes très fiers de les avoir comptés parmi nous. Vous êtes dignes tous deux de dormir en paix à leurs côtés.
Vous veniez l’un et l’autre de rejoindre l’escadrille ; vous n’avez pas eu le temps de faire comme aviateurs toutes les prouesses que vous rêviez, mais vous vous y prépariez de si grand coeur, que je pouvais fonder sur vous tous les espoirs.
Parents, fiancée et amis qui êtes venus ici rendre à nos chers frères d’armes un dernier hommage, séchez vos larmes. Ces braves ne veulent pas que vous les pleuriez, ils ont péri dans la lutte, ils sont morts sans regret pour notre cher Pays.
Nos camarades des autres armes tombent vaillamment sous la mitraille, nous, nous avons un ennemi de plus, traître et terrible, la tempête. C’est elle qui nous les a enlevés.
Mes chers amis, à ces noms tant aimés de nous tous : Chardin, Richard, Serrier, Barberet, de Saint Didier, de Lareinty, s’ajouteront désormais les deux vôtres, et nous garderons pieusement votre souvenir.
Au nom de l’Escadrille 14, au nom de tous vos camarades du Centre de Corcieux, Olivier et Vernay, au revoir.
Le 24 juin 1916, Mlle Emilie Martin, adresse à Nonotte une carte postale de l’église de Corcieux : "Chère Mademoiselle, le 12 juin, j’ai reçu une caisse de fleurs venant de Roanne, j’ai supposé qu’elle venait de votre famille, j’en ai fait une belle gerbe que nous avons portée au cimetière, tous les 3, Mme Xenxet, André la portait et moi j’avais un vase rempli d’eau que j’ai changée tous les jours, elles se sont conservées longtemps belles.
Madame Xenxet, se joint à moi pour offrir à toute la famille nos profonds respects. E . Martin. Mr. Vernay est remplacé chez Mme Xenxet par un autre pilote qui est fiancé aussi."
Sa fiancée, Simone Capony :
Simone Capony est née à Charlieu (Loire), le 14 mars 1894. Elle était l'ainée de neuf frères et soeurs. Son père, Charles Capony, chirurgien facial et oto-rhino laryngologiste d'abord à Charlieu, puis à Roanne, a créé la clinique "La Livatte", qui, regroupée avec deux autres, existe toujours, sous le nom de clinique du Renaison. Elle fut la première clinique chirurgicale dotée de la première installation radiologique que Roanne ait connue.

Simone Capony, la fiancée de Stéphane Vernay - Elle deviendra bien longtemps après, la doyenne des Français à 113 ans (en 2006 et 2007) - Photo M. Bernard Capony que je remercie pour son aide.
A compter du décès de Stéphane Vernay, Simone décide de s’impliquer davantage dans la clinique de la Livatte, mise gracieusement, par son père, dès le début du conflit, à la disposition des autorités civiles et militaires. Ainsi, sans chercher le repos, à peine âgée de 22 ans, elle va seconder son père et soulager de son mieux les mutilés et autres "Gueules cassées" qui affluent tous les jours à la clinique depuis la ligne de front.
Pendant les deux ans que dure encore la guerre, elle les aide à se nourrir, leur réapprend, autant que possible à retrouver une vie normale; elle assiste son père dans des opérations d’urgence : "J’ai vu, dira-t-elle, des choses extrêmement difficiles. Il fallait avoir le cœur bien accroché compte tenu des méthodes chirurgicales de l’époque."
De son côté, son père Charles réalise des prouesses de chirurgie esthétique, à la grande stupéfaction des majors parisiens, dira plus tard Simone. Il recevra de véritables louanges de la part de ses confrères, notamment après une opération de reconstruction faciale particulièrement délicate et brillamment réussie sur un dénommé Bernabeu, blessé au combat. Unanimes, ses pairs parisiens se sont exclamés : "Incroyable, il existe des médecins de cette classe en province !…"
En plus des blessés, Simone se bat quotidiennement pour aider leurs proches à survivre et soutenir tous ceux qui les entourent : " … J’écrivais aux soldats restés sur le front, je rédigeais les lettres de ceux qui ne savaient pas écrire. Je les faisais parler de leur pays, j’allais visiter les familles des blessés et de ceux qui avaient donné leur vie en combattant."
En 1923, pour des raisons de santé, le Docteur Charles Capony, vend sa clinique de la Livatte et s’installe au Cannet-Rocheville près de Cannes où il ouvre un autre cabinet. Simone Capony le suivra et le secondera dans sa tache. Après son décès en 1930, elle trouvera un emploi à la mairie de Cannes, où elle exerça jusqu’à sa retraite les fonctions de bibliothécaire municipale.
Elle connut une vie particulièrement riche, amie de nombreux peintres et écrivains de renoms, elle fut également le "nègre attitré" de beaucoup de personnalités politiques, notamment le père de François Léotard, et Bernard Cornut-Gentil, plusieurs fois ministre, et maire de Cannes. Elle fut Doyenne des Français en 2006 et 2007.
Mme Audrey Pinson, journaliste, dans une édition de l’hebdomadaire "Le POINT" du 9 novembre 2006 dira d’elle : "Simone Capony a fait partie de ces innombrables femmes « oubliées des tranchées », infirmières ou marraines de guerre, qui, étonnamment, en raison de leur engagement patriotique, n’ont jamais été célébrées ni récompensées dans notre pays. Et pourtant, par leur action, on peut dire qu’elles ont contribué à entretenir le moral des troupes, et en quelque sorte les conduire à la victoire."
Ce chapitre est extrait du livre de Bernard Capony "Les fiancés de la Grande Guerre ".
Sa fabuleuse histoire et celle de son fiancé Stéphane Vernay, sont racontées dans un livre de 230 pages écrit et auto-édité par son neveu Bernard Capony. Livre en cours de réédition, que l’on peut se procurer directement auprès de l’auteur 153, rue Kerbruzunec 29250 Santec, au prix de 20,00 € + 4 € de port.
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