Insigne de l'escadrille 531
S'il existe un insigne de cette escadrille, il est inconnu.
Insignes métalliques de l'escadrille 531
et des unités détentrices de ses traditions
Pas d'insigne métallique connu pour cette unité.
Unités détentrices des
traditions de l'escadrille 531
Les traditions de l'escadrille 531 n'ont pas été reprises depuis son passage sous contrôle de l'armée grecque.
Lieux de stationnements
Rattachements
Appellations successives
Périodes des différents stationnements
Types d'avions utilisés
Commandants de l'escadrille
Numéros des avions connus
Morts: en rouge / Blessés et indemnes : en jaune
Décorations
Pas de décoration collective pour l'escadrille 531.
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Historique
Un marchandage :
L’escadrille 531 voit le jour suite à un marchandage entre les gouvernements français et grec. La Grèce n’est entrée officiellement dans le conflit qu’en 1917, au terme d’un imbroglio opposant le Roi et son ancien premier ministre, Elephterios Venizélos. Ce dernier, soutenu par les alliés qui ont contraint le roi à l’abdication, dirige désormais le pays et engage l’armée nationale contre les empires centraux en la purgeant de ses officiers les plus germanophiles. L’équipement moderne fait alors défaut, et tout particulièrement l’aviation : les grecs ne disposent qu’une poignée de vieux Farman vétérans des guerres balkaniques de 1912-1913. Très concerné par l’arme aérienne, Venizélos obtient en 1917 la création d’une escadrille de corps d’armée, la 1ere escadrille hellénique ou escadrille 532 équipée de biplace Dorand AR 1 et quelques chasseurs. Il aimerait en avoir plus mais il se heurte au refus de l’état-major de l’armée française, qui a de gros problèmes de logistique pour ravitailler le front de Salonique à partir des ports italiens et français. Les U-booten allemands et autrichiens mènent la vie dure aux cargos de ravitaillement, et du matériel reste en caisse notamment au port de Brindisi. Venizélos offre alors les services de la marine marchande grecque, en échange d’une escadrille supplémentaire. Le commandant Denain, qui découvre avoir plusieurs chasseurs en réserve dans son parc de Sedès, accepte à condition que ce soit une escadrille de chasse. L’escadrille 531, ou 2ème escadrille hellénique, est alors créée le 22 mars 1918.
Pour autant, la création de l’escadrille 531 correspond bien à un besoin militaire : le secteur de Monastir et les montagnes sont sous la garde respective des escadrilles 506 et 523, et la protection de la ville de Salonique est assurée par la 507. Il n’y a rien sur le secteur du Vardar où stationnent les troupes grecques et la 122ème division d’infanterie française, sinon les chasseurs de la patrouille de protection de l’escadrille 502 quelquefois renforcés par des appareils de Salonique. Le capitaine Pacquin, commandant du secteur aérien du Vardar, insiste pour y affecter les meilleurs pilotes de chasse disséminés dans les autres escadrilles : on lui donne rapidement raison puisqu’on y affecte l’adjudant-chef Dieudonné Costes, considéré comme le meilleur chasseur d’orient avec 4 victoires dont 2 homologuées. A des fins politiques, on y affecte à la tête le seul pilote grec breveté pour la chasse, le Slt Alexandros Zannas, venizéliste convaincu.
Les pilotes s’installent sur le terrain de Gorgop qu’ils partagent avec les escadrilles 502 et 532. Des Nieuport leurs sont livrés et sont décorés de cocardes grecques comme l’attestent plusieurs documents officiels, mais aussi le témoignage d’un des pilotes, le sergent Paul Andrillon, qui écrit à ses parents : "J’ai fait une visite à mon coucou aux couleurs hellènes (bleu ciel et blanc comme le racing club), il est en bon état ; et sera prêt demain matin à voler s’il fait beau, ce qui sera du reste, car je vois le ciel s’éclaircir d’heure en heure."
Succès sur le Vardar :
Gorgop étant à deux pas de la ligne de front, les escarmouches ne vont pas tarder contre les avions d’observation allemands. Le tableau de chasse de l’escadrille sera vite ouvert le matin du 30 avril 1918, par l’adjudant Sauné et le sergent Ripoche, contre un avion de reconnaissance rencontré au dessus de Guevgueli à 3500 m d’altitude. L’Adj Sauné pique le premier et se place dans la queue de l’appareil ennemi, et y reste pendant tout le combat. Il poursuit l’adversaire jusqu’au sud de Pardovica jusqu’à épuisement de ses munitions (350 cartouches tirées), tandis que le sergent Ripoche pique à son tour à trois reprises différentes et attaque de ¾ avant, tirant environ 100 cartouches. Le combat s’arrête à 1900 m d’altitude au sud de Pardovica, où l’ennemi s’écrase. Les deux Nieuport reviennent à la base mais celui de l’Adj Sauné à encaissé 10 balles, avec un câble coupé sur le grand longeron du plan inférieur droit et l’aileron droit traversé par plusieurs balles. Sauné monte alors dans un Sopwith 1A2 de l’escadrille 502 avec un observateur (Cpt Muller) pour aller photographier l’épave de sa victime, sous l’escorte de l’adjudant Costes, du MdL Lashermes et du sergent Andrillon.
Ce dernier raconte : "Il y a eu du sport aujourd’hui à l’escadrille. 2 camarades en patrouille ce matin de très bonne heure, se sont torchés avec un biplace boche et l’ont forcé à atterrir à une quinzaine de kilomètres chez lui. Je suis parti si tôt la nouvelle connue avec Lashermes et Costes en protection d’un biplace qui allait prendre la photo du Boche. Nous étions justement sur le point cherché lorsque 5 coquins de monoplaces nous sont tombés dessus, à ce moment je survolais en compagnie de Costes notre avion photo à coté duquel se trouvait Lashermes. Entendant crépiter des mitrailleuses, j’ai fait en vitesse un virage à la verticale juste à temps pour voir Costes empoigner le 1er Boche à bout portant et ce dernier tomber en vrille. Comme 4 autres coquins s’amenaient à la file indienne pour tomber sur Costes j’ai marché dessus pleine sauce, 3 ce sont immédiatement débinés, je me suis collé dans la queue de celui qui restait et à quelques mètres une giclée, le type s’est mis en vrille et je l’ai accompagné un instant en le tirant. J’ai du reprendre de suite de la hauteur car les 3 autres coquins grimpaient en spirales sur notre tête, j’ai marché sur eux côte à côte avec Costes et ils ont mis les voiles tant que ça peut. Lashermes a vu un Boche tomber en vrille près de lui et l’a suivi à coups de mitrailleuse jusqu'à 600 mètres du sol, là il a vu le Boche toujours en vrille disparaître derrière une colline. Nous sommes rentrés tranquillement avec l’avion photo quand au passage des lignes on a aperçu 2 monoplaces qui de loin nous suivaient. On a cherré dedans mais on n’a pu les rattraper qu’à une vingtaine de kilomètre chez eux. Costes a réussi à en approcher un de tout près, s’est collé dans la queue mais a eu un enrayage au bout de quelques balles. Je le suivais à 200 mètres, j’ai tiré sur le Boche, qui devant moi piquait à la verticale tellement « tant que ça peut », que je n’ai pu l’approcher efficacement. Et cette fois définitivement maîtres du champ de bataille, nous sommes rentrés en pères peinards. Nous sommes persuadés qu’il y au moins au Boche qui a fait des allumettes, mais jusqu’ici nous n’avons eu aucun tuyau. Il y a juste eu un observatoire qui a vu un Boche en vrille se redresser à 200 mètres du sol et s’enfuir en « rase mottes » et c’est tout. Si comme probable on a embouti un coquin, on le saura tôt où tard par des prisonniers. Voilà une journée bien remplie pas vrai ?"
Cette 2eme victoire, reprise dans le bulletin de l’aviation d’orient où on mentionne l’avion ennemi "disparu", ne semble pas avoir été homologuée car non reprise dans le décompte apparaissant dans les citations de Dieudonné Costes.
Quoi qu’il en soit, le trio Costes-Lashermes-Andrillon va augmenter son palmarès dès le lendemain, comme le raconte ce dernier : "Encore du sport à l’escadrille ! Ce matin j’étais en patrouille avec mes deux camarades et mon moteur tournant de façon peu correcte j’avais presque envie de rentrer au terrain, pour finir j’ai voulu tenir le coup quand même et j’ai eu raison. Un biplace boche profitant du temps nuageux s’amenait en père peinard dans nos lignes prendre des photos, on l’a laissé rentrer chez nous, et débouchant subito d’une mer de nuages on lui a tombé sur le paletot. Costes s’est amené dans la queue, Lashermes à droite, moi à gauche. Costes sans être vu l’a tiré à bout portant sous la queue, tuant en quelques balles le passager dont la tête ballottait le long de la carlingue. Le pilote a fait un brusque virage à gauche, naturellement je suis tombé dessus à la verticale lui passant une bonne giclée de près (à ce moment j’ai eu un enrayage). Le Boche piquant à mort a été à ce moment repris par Lashermes qui lui a passé une nouvelle pression, et finalement le Boche a fait la pirouette à quelques kilomètres chez lui. J’ai perdu de vu le Boche au moment ou il s’est ramassé, aussi j’avais hâte d’atterrir à l’escadrille, mais la foule qui cavalait au devant de nous m’a de suite mis à la page. Voici du reste comment on a su à l’escadrille l’aventure. Un observatoire terrestre signalait : 11 h 30 "un avion ennemi franchit les lignes se dirigeant vers le sud 11 h 35 « l’avion ennemi attaqué par trois monoplaces aux couleurs hellènes vient de s’écraser au nord de M…..
Nous sommes allés tantôt voir à l’observatoire le résultat de notre boulot, et c’est avec satisfaction qu’on a vu dans une lorgnette le Boche les pattes en l’air, les plans pendant lamentablement. Les types de l’observatoire nous ont dit que le Boche avait fait au sol 3 ou 4 pirouettes avant de s’arrêter, sans doute est-ce un coucou bon pour la réforme ! Cette fois ça fait un Boche officiel. Pour la torchée d’hier, plusieurs observatoires n’ont pu suivre le combat à cause des nuages qui étaient très bas, le seul qui a pu le suivre, a vu un Boche en vrille disparaître derrière une colline, mais ne l’a pas signalé descendu, ignorant s’il n’avait pas redressé au ras du sol. Pourtant nous sommes persuadés tous les trois qu’au moins un Boche a hier ramassé la bûche, il n’y a qu’à espérer qu’un prisonnier vienne mettre la chose au net. Ce soir Mme G…. nous a téléphoné pour nous féliciter, le Commandant lui a écrit tantôt pour lui faire savoir la réussite de nos 2 coup de tabac. J’oubliais ! Ce matin nous avons repassé les lignes en « rase mottes », les fantassins jubilaient, les casques s’agitaient, plus en arrière les artilleurs levaient les bras au ciel, et à l’escadrille le champagne était là : ça gazait ! Ce petit boulot de quelques minutes nous rapportera sans doute une palme à chacun, en tous cas les propositions sont parties ce soir au Q. G"
Quelques jours plus tard, le matin du 4 mai 1918, l’adjudant Basile Sauné remporte un nouveau succès avec le MdL Lambert au cours d’une patrouille sur le secteur Guevgueli-Huma-Parrovo. Alors qu’ils volent à 5 400 m, Sauné aperçoit un biplace ennemi volant 1 000 m plus bas près du lac Doiran. Les deux Nieuport piquent et Sauné écope d’une rafale tirée par le mitrailleur arrière. Il passe sous l’appareil ennemi et remonte brusquement dans sa queue, protégé par l’angle mort, en tirant de sa mitrailleuse avant de dégager. Il répète cette manoeuvre à trois reprises, tandis que Lambert mène des attaques par-dessus. Le biplace allemand tombe en vrille hélice calée, la moitié du plan supérieur déchiré, accompagné par les deux Nieuport qui continuent de le tirer jusqu’à environ 800 m d’altitude où ils constatent que le pilote et le mitrailleur ne donnent plus signe de vie. L’avion ennemi s’écrase entre Spanish-Hill et le Mont Doline à ce qu’en rapportent les troupes au sol. Rentré à Gorgop à 11h45, Sauné repart une heure plus tard aux commandes d’un Sopwith biplace emmenant encore le capitaine Muller, allant prendre des photos de l’avion abattu, ce qui est fait malgré une très forte DCA. La victoire est ainsi confirmée à Basile Sauné et à son équipier Lambert, elle l’est également par les archives allemandes qui reconnaissent la perte d’un appareil du FA 20 avec son équipage, le Feldwebel Fritz Knauer (pilote) et le Leutnant der Reserve Arthur Danneberg (observateur).
Le Skra di Legen et les SPAD VII :
D’autres escarmouches ont lieu durant le mois de mai et l’escadrille reçoit un unique chasseur SPAD que Dieudonné Costes teste au combat le 18 mai 1918, mais les pilotes devront encore patienter plusieurs semaines pour en percevoir. La fin du mois voit l’attaque lancée par les troupes grecques sur le point fortifié du Skra di Legen, qui sera pris après une courte mais violente préparation d’artillerie. Les chasseurs grecs, renforcés de ceux de l’escadrille 507 y effectuent de nombreuses missions d’escorte et d’attaque au sol :
"Hier [30 mai 1918] au cours de l’attaque j’ai vu un spectacle extraordinaire ; chargé avec quelques camarades d’accompagner l’attaque d’infanterie, j’ai dû faire du rase-mottes sur les tranchées ce qui m’a permis de me rincer l’oeil d’un tas choses fameuses que je ne suis pas assez malin pour décrire. Le départ de la vague d’assaut, les derniers occupants de la 1ere ligne boche sortent de la tranchée pour se rendre, d’autres venant de l’arrière par petit paquets pour occuper les entonnoirs d’obus et qu’on a mitraillé à quelques mètres, les obus de forte taille tombant au beau milieu d’un groupe et y faisant un grand trou, plus à l’arrière des rassemblements le long des routes qui nous tiraient à feu de salves et qu’on seringuait copieusement avec nos mitrailleuses ; et pendant tout ce temps les trajectoires d’obus qui soufflaient le zinc. Je suis rentré avec juste une balle dans le coucou, Costes aussi et Lashermes 2, mais un de nos pauvres camarades a eu la malchance de recevoir un obus de plein fouet qui lui a coupé le pied [Sgt Gollion de l’escadrille 507], il a pu faire demi-tour et venir atterrir dans nos premières lignes ou il a répandu son coucou ; on l’a ramassé immédiatement et transporté dans un poste de secours ou on l’a opéré en vitesse. Comme consolation il a la médaille Militaire, ce matin le commandant la lui a portée, je faisais partie de l’expédition."
Le lendemain de la bataille, l’adjudant Sauné remporte sa troisième victoire en compagnie du maréchal des logis Delaye. Patrouillant à l’ouest de Guevgueli, les deux pilotes aperçoivent une formation de 4 appareils ennemis. Ils foncent à la bagarre et un combat aérien s’engage, au cours duquel ils parviennent à isoler un avion allemand qu’ils conduisent jusqu’à 100 mètres du sol, Sauné lui tirant 40 cartouches et Delaye moitié moins. L’allemand disparaît derrière une montagne dans la région de Mojina, à 4 kilomètres à l’ouest de Guevgueli et est considéré comme "probablement abattu" dans un compte-rendu, ce qui n’empêche pas son homologation dans le bulletin de l’armée d’orient.
Les SPAD VII arrivent maintenant en nombre et le 3 juin 1918, Costes, Sauné et le MdL Hébert les utilisent pour mitrailler un hangar à Drachen à Miletkovo, loin dans les lignes ennemies où ils sont fortement pris à partie par la DCA. Le 4 juin 1918 est une journée particulièrement mouvementée. Dès l’aube, Sauné part sur son SPAD escorter une mission de bombardement au cours de laquelle il croise au dessus de la région de Kovanec un groupe de cinq appareils ennemis, dont un chasseur qui l’attaque par-dessous. Sauné engage le combat à plus de 4000 mètres et parvient à encadrer l’ennemi dans son viseur; il lui tire plusieurs rafales à bout portant avant que sa mitrailleuse ne s’enraye. Complètement désemparé, l’allemand se dirige vers le sol, perdant une porte de moteur, suivi par Sauné qui doit l’abandonner à 1000 mètres en raison de problèmes de moteur. L’avion allemand sera considéré comme "très certainement abattu" bien que les archives allemandes nous révèlent qu’aucun pilote n’a été tué ou blessé ce jour. Mais la journée n’est pas terminée : à 11 heures, il repart sur son SPAD avec Costes pour une patrouille sur le front au cours de laquelle ils observent des mouvements de troupes ennemies. La DCA entre en action et les deux chasseurs sont vite entourés de flocons noirs. Un choc secoue le SPAD de Sauné : un obus lui sectionne un longeron et une nervure du plan supérieur gauche ! Ils parviennent à rentrer sans autres dommages qu’une bonne décharge d’adrénaline, et vont poursuivre dans les jours qui suivent leurs vols en patrouille.
Le 8 juin 1918, lors d’une escorte d’un Breguet 14 de l’escadrille 532 en compagnie d’Andrillon et de Lashermes, Costes remporte seul et sur Nieuport une nouvelle victoire : "Protection de retour de reconnaissance d’un Breguet de la 532. Vu trois avions ennemis poursuivant le Breguet. Ai pu en attaquer un par surprise à très courte distance (20 mètres environ), tiré une quinzaine de balles. Cet appareil a piqué, s’est redressé brusquement, a marqué un temps d’arrêt puis est tombé en vrille complètement désemparé à l’Est de Borlova." Il part immédiatement après escorter un avion de reconnaissance qui va photographier sa victime, qui lui est ainsi homologuée comme sa quatrième personnelle.
Costes et Sauné vont atteindre le titre prestigieux d’as en remportant de concert leur 5eme victoire homologuée le 13 juin 1918, lors d’une patrouille effectuée par les deux pilotes entre Kovanec et l’aérodrome d’Hudova. Ils aperçoivent un avion de reconnaissance ennemi qu’ils attaquent sans tarder. Une course poursuite désespérée s’engage, dans laquelle l’allemand tente de gagner sa base : il est abattu avant d’y parvenir, sa chute étant confirmée par les observatoires terrestres. La presse grecque s’emballe et parle des victoires des vaillants pilotes de l’escadrille hellène, en particulier de Basile Sauné qui s’était fait connaître des Athéniens en les régalant d’acrobaties lorsqu’il était affecté à la patrouille de défense d’Athènes fin 1917 (patrouille devenue l’escadrille 534 bis), y gagnant le surnom de "Monsieur Toumbas".
Point final à cette série de succès, le maréchal des logis Lambert remporte sur Nieuport une nouvelle victoire le 15 juin 1918 contre un chasseur ennemi au nord de Gurincet, qui lui est confirmé détruit par un observatoire terrestre.
Stage tragique à Monastir :
A l’autre extrémité du front tenu par les troupes françaises, dans la vallée de Monastir où stationne l’Armée Française d’Orient (AFO), l’escadrille 506 est loin d’obtenir les résultats de l’escadrille 531. Il faut souligner que ses Nieuport au nez peint en rouge ont la charge d’un front beaucoup plus étendu… Le commandant Denain, chef de l’aviation d’orient, décide alors de détacher temporairement à la 506 ses deux nouveau as, Costes et Sauné ainsi que le sergent Hébert, qui a plusieurs victoires à son actif, dans le but de reprendre l’ascendant sur l’ennemi dans ce secteur. Arrivés le 17 juin, ils commencent immédiatement les vols en étant intégrés dans les patrouilles de l’escadrille. Mais le 20 juin 1918 verra le destin frapper les chasseurs français. Ce jour-là, la 506 est très sollicitée puisque trois patrouilles de trois appareils sont envoyées le matin en divers points du front. La première, composée de 3 Nieuport, s’envole dès 6h30 pour Magarevo à l’Ouest de Monastir. La seconde est composée des SPAD de Sauné (n° 5790), Costes et du Slt Cochet-Forthuny de l’escadrille 506. Ils décollent à 7h pour une croisière sur le front, mais, pour une raison inconnue, le SPAD de Costes ne décollera qu’une heure et demie plus tard, vraisemblablement suite à un incident mécanique. C’est donc une patrouille à deux SPAD qui part sur les lignes, survolant la boucle de la rivière Cerna. Au dessus du village de Canista, ils rencontrent une patrouille de chasseurs allemands et un combat s’engage. Seul en rentrera Cochet-Forthuny, son SPAD criblé de balles et moteur fumant, qui se brisera en atterrissant d’urgence à peine passées les lignes françaises. Quelque temps plus tard, un message lesté est largué par l’aviation allemande, indiquant la mort de Basile Sauné tombé au combat à 500 mètres au nord-est du village de Voprecani. Les allemands l’ont enterré avec les honneurs militaires au village voisin de Dunje, un important centre de ravitaillement. Il venait d’être nommé la veille au grade de sous-lieutenant à titre temporaire et a eu la malchance de tomber sur le Feldwebel Gerhard Fieseler, titulaire de 4 victoires mais qui en remportera 19 en Macédoine. Il raconte dans ses mémoires ses souvenirs du combat : en patrouille avec 2 officiers, il aperçoit trois (sic) SPAD approcher de sa patrouille par derrière. Etant en dernière position, il ne peut prévenir ses équipiers et décide de perdre de l’altitude comme s’il allait se poser. Les SPAD l’ignorent et lui passent dessus, il reprend de l’altitude et les attaque par derrière. Un SPAD l’affronte dans ce qui sera le plus long combat de sa guerre, le pilote est un as et utilise l’avantage de son SPAD, une vitesse supérieure en piqué, pour se tirer d’affaire. Mais quand tous les deux se retrouvent au ras du sol l’Albatros de Fieseler prend l’avantage et abat le chasseur français alors qu’il tente de reprendre de l’altitude. Les allemands retrouveront dans la poche du pilote abattu un journal grec plié, avec un article célébrant les cinq victoires de l’adjudant Basile Sauné… La victoire sera attribué au leutnant Rose par les officiers de l’escadrille alors que celui-ci reconnaît qu’il n’a eu que peu de chance de toucher le SPAD – Fieseler en retirera une certaine rancoeur à l’encontre de sa hiérarchie.
Costes le vengera quatre jours plus tard : le 24 juin 1918, volant avec Hébert ainsi que le Sgt Leman et le caporal Aumaître de la 506, attaque un biplace LVG qui leur fait face courageusement mais est forcé de se poser dans ses lignes par le feu des quatre Nieuport français – la victoire sera homologuée.
Une saucisse au Zanzibar :
De retour à Gorgop, Costes et Hébert retrouvent le secteur du Vadar où l’ennemi se fait plus rare pendant les mois d’été et où le capitaine Pacquin a laissé son commandement du secteur aérien au capitaine Perrin de Brichambaut, vétéran de l’aviation d’orient depuis 1916 qui n’hésite pas à faire des vols de guerre avec les pilotes de la 531.
Le sergent Paul Andrillon, lors d’une patrouille, va trouver une cible digne d’intérêt comme il le raconte à ses parents le 3 septembre 1918 : "Comme on nous signalait hier tantôt une nouvelle "Saucisse" pas loin des lignes, je suis allé voir ça en coucou. J’ai fait la blague de tirer mes premières cartouches de trop loin car aussitôt on l’a ramenée vers le sol. En quelques secondes je l’ai rattrapée, et je voyais avec satisfaction mes balles en passer tout près quand mon moteur s’est mis à bafouiller. Ma foi je n’ai pas eu le culot de descendre bas dans ces conditions : demi- tour par principe, pendant que la saucisse se hâtait vers le sol. Et voilà comment on loupe une belle occasion de réussir quelque chose. A l’escadrille hier soir après dîner – pendant que je bouquinais dans ma chambre un livre très humoristique, des coups de feu tout à coups cinglèrent la nuit. Immédiatement dehors avec mes camarades nous vîmes défiler les grecs de l’escadrille armés les uns de Lebel, les autres de vieux tromblons, même de sabres, et toute cette foule se précipitait dans la brousse en lançant des cris de mort. Ayant réussi à happer l’un d’eux qui causait à peu près français, nous avons appris que des prisonniers bulgares échappés de leur camp venaient de traverser l’escadrille. Fort tard dans la soirée coups de feu et vociférations retentirent ; pour finir un vaillant hellène vînt nous trouver à domicile pour annoncer que par là-bas dans un ravin il avait étendu en 3 coups de cross un bulgare. Je me suis couché là-dessus songeant au cafard qu’avait dû avoir le pauvre Bulgare de se faire démolir au moment où il se croyait libre. Conclusion – le vaillant hellène parti avec 2 copains chercher le cadavre, n’a rien trouvé ; ça n’a pas eu l’air de l’étonner, ni ses copains non plus du reste. Par exemple ce qu’on a bien trouvé ce matin c’est le cadavre d’un cheval de l’escadrille étendu raide à 300 mètres du camp, le dit cheval copieusement arrosé de balles. Ne croyez pas que j’ai copié sur Port Tarascon, il y a tout de même un petit air de famille qui fait rigoler."
Si l’aventure des prisonniers bulgares fait un peu d’animation, la saucisse (ballon captif d’observation) suscite tout l’intérêt de Costes et de ses camarades d’escadrille qui font le projet de l’attaquer. Nous apprenons la suite des évènements dans sa lettre du 9 septembre 1918 : "Décidés avec Costes et Lashermes à avoir le ballon que j’ai loupé précédemment, on a remis ça hier, on a tiré au zanzibar [jeu de dé, NdA] l’ordre d’attaque qui a donné Andrillon, Costes, Lashermes. Donc hier soir ce ballon étant en l’air on a pris le départ malgré l’opinion du capitaine Perrin de Brichambaut (vous devez connaître ce nom, c’est un ex-as du front français sur biplace) et du lieutenant Zannas ; tout deux sont partis en zinc voir les résultats de l’expédition. Départ groupé jusqu’aux lignes, et de là sans prendre de hauteur à la file indienne pleine sauce sur la saucisse. Rencontré l’objet d’art à 700 mètres du sol, et comme on ignorait si elle ou non était occupée (parfois l’observateur est remplacé par un explosif) les trois SPAD ont fait le tour de la nacelle à distance respectueuse. Ne pouvant voir si elle était habitée, mais comme elle descendait j’ai essayé une petite attaque, oh pas de bien près qui n’a rien donné. Mes deux camarades ont fait comme moi, toujours la crainte de voir le truc sauter. Mais lorsque le ballon a été ramené dans le fond de son ravin, là plus de danger d’explosion, on a été le seringuer copieusement ; des collines environnantes mitrailleuses et canons revolver pétaradaient, ça a gêné notre tir, on a sûrement placé des balles dans le ballon mais pas assez pour y mettre le feu, Maurice a eu une balle dans son zinc, Costes au moment de tirer de près le ballon a vu 2 ou 3 obus lumineux lui passer tout près, ça lui a fait tout louper, et pour mon compte, étant près du sol, j’ai vu tout à coup la température de ma flotte ( les moteurs fixes ont le refroidissement à eau) marquer 130°, impossible de réduire car j’avais une colline à sauter, ça fait que j’ai rejoint nos lignes cahin-caha sentant mon moteur faiblir ; et c’est la foutue impression de se dire qu’on va être obligé de se présenter aux Boches ; mince alors, tout mais pas ça ! D’autant plus que le soir il y avait grand dîner chez Mme G…. avec Zannas, Costes, Maurice. Retour sans encombre au terrain ou le Cne Perrin et Zannas ont trouvé qu’on avait été un peu fort de pousser tant l’attaque, et par là-dessus en route pour Gumendjé ou on a fait un repas succulent. Si nous ne partons pas trop tôt à notre déplacement, on aura la peau de la saucisse, vous verrez ça ; mais pas dans les mêmes conditions car elle est si défendue au sol que c’est un peu risqué. Ce matin j’ai déjeuné chez le capitaine Perrin, encore un fort bon gueuleton. »
La saucisse survit bien l’attaque mais le capitaine Perrin de Brichambaut apprendra par la suite, de la bouche d’un officier bulgare rencontré après l’armistice, qu’elle dût être réparée et qu’on déplora plusieurs blessés parmi les servants au sol.
Le matin 10 septembre 1918, le trio Costes – Lashermes – Andrillon mène une patrouille au-dessus du secteur du Vardar. Bien que ni le journal de marche ni le carnet de vol ne le mentionne le mentionne, les trois SPAD tombent sur une patrouille de cinq chasseurs ennemis contre lesquels ils engagent le combat, Costes en descendant un par surprise. Un furieux combat tournoyant s’organise et, tandis que Lashermes se débat avec deux adversaires, le sergent Andrillon est descendu et doit se poser entre les lignes. Costes met en fuite son vainqueur et voit Andrillon courir vers les tranchées... bulgares ! Il fait alors un passage en rase-mottes pour désigner les lignes françaises d’un bras tendu à son équipier qui les regagne indemne. Il remontera en fin d’après-midi dans un Nieuport accompagner les SPAD de Costes et de Perrin de Brichambaut qui partent détruire l’appareil resté entre les lignes en le criblant de balles incendiaires. Le bulletin de l’armée d’Orient mentionne deux chasseurs hors de combat désemparés par Costes, Andrillon, et… Perrin de Brichambaut, qui n’était pourtant pas au combat. La citation de Costes ne fera état que d’une victoire.
L’offensive finale :
C’est alors qu’est lancée le 14 septembre 1918 l’offensive généralisée du front d’Orient qui mettra la Bulgarie hors de la guerre. Un audacieux coup de main est donné sur les montagnes au centre du front, par les troupes françaises et serbes qui bénéficient d’une intense préparation d’artillerie dont de grosses pièces ont laborieusement été montées à bout de bras sur les montagnes. Costes et quelques-uns de ses camarades quittent Gorgop pour gagner Vertekop où se trouve l’escadrille de chasse 523, d’où ils effectuent des missions de couverture aérienne et de mitraillage au sol des positions bulgares. Une brèche est rapidement crée, s’y engouffre alors la division de cavalerie du général Jouinot-Gambetta dont les troupes galopent sur les arrières de l’ennemi jusqu’à Prilep, coupant en deux les troupes Bulgares en pleine déroute. Le capitaine Perrin de Brichambaut se distingue dans des missions d’attaque au sol. Ainsi, le 18 septembre 1918 :
"Mon SPAD n’ayant pu être prêt à l’heure dite, je suis en retard, et je file, sans prendre de hauteur pour arriver plus vite, entre les montagnes, dans les vallées que je connais bien. Je rase la dernière colline et j’arrive en plein sur l’attaque qui vient d’être déclanchée. Nos tirs sont allongés, l’artillerie ennemie répond sérieusement mais n’a pas encore osé raccourcir et l’infanterie a passé la zone dangereuse. Volant à 100 mètres, je suis sérieusement secoué par les éclatements au sol et la toile des ailes est arrachée en quelques endroits (je retrouverai même au retour un caillou dans mon plan arrière fixe). Je passe au-dessus des troupes et commence à mitrailler loin en avant, sans rien voir d’ailleurs de l’ennemi : pour le "moral" ! Je passe la première vague et vais me rendre compte un peu plus loin. Des fuyards ça et là : des groupes en retraite précipités dans des petits chemins ; plus loin une centaine d’hommes contre des rochers de montagne, attendant vraisemblablement chacun son tour pour "s’infiltrer dans une gorge étroite". Je retiens cette cible, qui me fusille après mon virage et me manque. Rien de sensationnel ailleurs ; je retourne. L’infanterie a continué sa marche en avant ; je vire derrière elle et la survole de 30 mètres en la dépassant ce qui me permet de mitrailler efficacement, à 300 mètres au-delà, une quinzaine de fantassins ennemis en fuite précipitée. Je suis en nage dans mon SPAD, secoué par les remous et grillé par mon moteur dont le radiateur se maintient à plus de 90°.
Me voilà de nouveau sur mon bel objectif, à peine diminué d’importance, et sur lequel je fonce "toutes balles dehors" jusqu’à une cinquantaine de mètres ; mais le rocher à pic m’oblige à un demi renversement rapide pour ne pas m’y écraser. Je reviens à trois reprises dans les mêmes conditions, n’ayant encore reçu qu’une balle dans mon appareil et je vois à chaque fois les hommes de ce troupeau apeuré, ayant abandonné leurs armes, lever les bras et faire "Kamerad"à l’avion qui les attaque ! Malheureusement je ne puis aller faire de prisonniers, mais pas mal du paquet ne sont plus debout. Nos fantassins me font un accueil magnifique pendant que je les survole à nouveau très bas : mains et mouchoirs agités, fusils brandis en signe d’allégresse."
Le Tsar de Bulgarie demande alors l’armistice tandis que les troupes allemandes et autrichiennes se replient vers le Danube. Durant ces derniers jours, les pilotes de la 531 réalisent leur ultimes missions de guerre sur le secteur du Vardar en compagnie d’appareils de l’escadrille 507, la dernière d’entre elle, une mission d’attaque au sol, se terminant le 25 septembre 1918. Le capitaine Perrin écrit : "Quelques crépitements à peine distincts, puis clac… ! Une balle dans mon aile gauche ; c’est un peu fort ; mon SPAD file presque à 200 à l’heure et je … clac… ! Une deuxième balle dans le même plan… et je vole aux environs de 100 mètres d’altitude. Cela doit terriblement « défiler » et il faut faire une correction soignée pour me toucher. Le boche a bien tiré ! Un coup de stabilisateur pour monter en virant et voir « d’où vient le vent », 200 mètres, 300 mètres ; une 3eme balle dans le fuselage ; le choc léger m’avertit qu’un longeron doit être touché. Je suis à 500 et m’écarte du point dangereux où je n’ai rien pu discerner encore dans les amas de rochers et de buissons.
Je continue à m’éloigner et croise à 1000 mètres de hauteur, à 4 ou 5 kilomètres de là, dans un coin plus calme (ce qui est ma tactique préférée), tout en fouillant continuellement à coup de jumelle l’endroit suspect. Comme presque toujours l’ennemi tranquillisé se rassure, quitte son abri, se groupe à nouveau pour reprendre sa marche de retraite : deux compagnies au moins, quelques mulets chargés, quatre voitures attelées, pas de croix rouge. J’attends que tout ce monde soit bien engagé sur une piste nue et commence l’attaque ; je pique en tirant continuellement avec ma mitrailleuse pour ne redresser qu’au ras du sol. Les balles traçantes me permettent de diriger comme un jet le tir de mon arme. Je vire et reviens en volant à 10 mètres environ ; mitraillant sans arrêt. Hommes et chevaux affolés s’enfuient et tombent, touchés ou non, c’est une panique insensée. Je recommence jusqu’à ce que les cibles soient devenues insuffisantes, par leur dispersion. Qu’y a-t-il à faire contre un avion arrivant au sol à une vitesse formidable et couvert du feu de ses mitrailleuses ?
Moteur en plein et je remonte vers 1200 mètres en volant vers le Nord-Est. Ma jumelle me fait découvrir une magnifique colonne d’artillerie en retraite, en bon ordre et au grand trot. Même manoeuvre : je pique en mitraillant et reviens au ras du sol, obligé à chaque fois de « sauter », d’un coup de manche à balai, par-dessus les attelages pour ne pas les toucher de mes roues. Les balles lumineuses traversent les chevaux comme une flamme et continuent encore à éclaire après ; les hommes terrifiés se dressent sur leur sièges, s’écrasent sur le sol ou s’enfuient ; les animaux brisent leurs traits, d’autres galopent à travers champs entraînant, à trois, le canon et un cheval tué ; quelque chose brûle dans un caisson immobile, dont les deux chevaux de tête sont étendus sur le sol ! Voilà du bon travail, et, pour les artilleurs, un retour au bivouac plutôt agité. Mes dernières balles sur un cavalier et quelques traînards… Je rentre alors, le coeur rempli de joie et d’espérance, ayant pu voir l’ennemi en déroute ! "
Le 28 septembre, ses chasseurs se posent sur le terrain d’Hudova abandonné par les allemands. Deux jours plus tard, l’armistice est signé avec Sofia, mettant fin aux combats. Les pilotes français étant démobilisés, l’escadrille 531 passera sous le contrôle du gouvernement grec mais sera rapidement dissoute en 1919, ses chasseurs répartis entre les diverses escadrilles grecques de corps d’armée.
En six mois de combat, l’escadrille franco-grecque aura obtenu 9 victoires et demi (une en collaboration avec l’escadrille 506) et deux non homologuées, contre un seul tué au combat, le Slt Basile Sauné.
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